1. Le présent rapport se propose de faire le point sur les programmes de défense antimissile en Europe et aux Etats-Unis, ainsi que d’étudier les possibilités de coopération transatlantique en matière de défense antimissile. Il fait suite aux nombreux rapports et études réalisés par notre commission depuis 1992, et témoigne de notre volonté permanente de rester informés de ces questions aux implications très importantes pour la sécurité internationale.

2. Depuis environ un an, le programme américain de NMD (National Missile Defense) a fait l’objet de très nombreuses discussions, aussi bien aux Etats-Unis qu’à l’échelle internationale. En effet, le 2 octobre 1999, les Américains réussissaient l’interception par collision directe (hit-to-kill collision) d’un missile balistique Minuteman par un Exo-atmospheric Kill Vehicle (engin destructeur exo-atmosphérique) lancé depuis l’atoll de Kwajalein en Micronésie, dans l’océan Pacifique.

3. Cet essai a largement contribué à la médiatisation du programme américain de National Missile Defense, visant à protéger les Etats-Unis d’une attaque balistique limitée. Il a de ce fait relancé le débat international sur la nécessité, les modalités et les conséquences de la défense antimissile, fût-elle nationale ou de théâtre. Malgré l’échec des deux essais suivants, en janvier et juillet de cette année, l’intensité du débat n’a depuis lors guère faibli.

4. Cependant, si les essais en ont été la manifestation la plus évidente, la relance du programme de défense antimissile du territoire américain trouve son origine en 1998. Cette année-là en effet, plusieurs événements, parmi lesquels la publication d’un rapport alarmant par la Commission Rumsfeld sur la menace que constituent les missiles et le tir d’un engin nord-coréen dérivé du missile Taepo-dong au dessus du Japon (nous y reviendrons plus en détail dans un chapitre de notre rapport), ont modifié la politique de défense des Etats-Unis, marquée, depuis l’arrivée de M. Clinton à la Maison Blanche en 1992, par une mise en sommeil de ce programme (4).

5. Mais, malgré la vigueur du débat international sur le programme américain de NMD, les pays européens n’ont toujours pas, jusqu’à présent, engagé les discussions nécessaires à l’adoption d’une position commune sur le programme américain, pas plus qu’ils n’ont essayé de définir une politique commune sur l’implication de l’Europe en matière de défense antimissile. Le refus des pays européens de débattre de cette question s’est très clairement manifesté dans la réponse du Conseil à la Résolution n° 103 de l’Assemblée, imposant une fin de non-recevoir à la demande faite par l’Assemblée de présenter une position commune définie par l’ensemble des pays appartenant à l’UEO et à l’UE.

6. Malgré la décision prise par le Président Clinton, le 1er septembre 2000, de ne pas se prononcer en faveur du déploiement de la NMD, laissant ainsi à son successeur le soin de décider si oui ou non une défense antimissile sera déployée sur le territoire américain, il semble évident que le débat reprendra dès le début de l’année prochaine, lorsqu’un nouveau Président aura été élu. Aussi, même s’il est difficile de définir une position européenne sur ces questions dès aujourd’hui, il semble en revanche déterminant de profiter de la campagne électorale américaine, qui marque une pause dans les discussions internationales, pour lancer un grand débat européen, avant de rechercher un accord avec les Etats-Unis.

7. Ce débat devrait porter sur l’attitude européenne face au programme américain NMD, mais aussi sur le rôle de l’Europe dans l’élaboration d’une défense antimissile, seule ou en coopération avec les Etats-Unis, notamment en vue de défendre des troupes engagées sur des théâtres extérieurs, ainsi que sur le rôle que la Russie pourrait jouer en matière de défense antimissile.

8. En outre, avant de prendre une quelconque décision concernant la défense antimissile, ce débat serait l’occasion d’évaluer les risques pour la sécurité européenne qui peuvent résulter de la prolifération croissante des technologies balistiques dans certains pays. En effet, comme nous le soulignions dans les Documents 1435 et 1588 de l’Assemblée, tous deux consacrés à "La coopération transatlantique dans le domaine de la défense antimissile européenne", il faut dans un premier temps procéder à une évaluation et à une description du risque.

9. Dans les chapitres suivants, le rapport se propose d’étudier les instruments internationaux de contrôle de la prolifération des technologies relatives aux missiles et leur efficacité, puis d’analyser la NMD, ainsi que l’ensemble de la politique actuellement menée aux Etats-Unis en matière de défense antimissile. Enfin, le rapport entend décrire le rôle de l’Europe dans ce domaine, en s’intéressant aux initiatives européennes et à la coopération transatlantique en matière de défense antimissile. Ce faisant, votre rapporteur essaiera également de s’interroger sur le rôle que la Russie pourrait jouer dans le cadre, notamment, d’une coopération internationale.


(4) En revanche, les programmes de défense antimissile de théâtre ont fait l’objet d’un financement normal, voire en légère hausse par rapport aux prévisions, pendant cette période.


Source : Assemblée parlementaire de l’Union de l’Europe Occidentale (UEO) http://www.assemblee-ueo.org/