Je suis très heureux d’être ce soir au CSIS et, quand je jette un regard autour de la pièce, de voir tant de vieux amis, en particulier David Abshire. Et cela me donne la chance de remercier une fois de plus le CSIS du travail qu’il accomplit depuis des années en étudiant des problèmes qui intéressent les Américains, qui intéressent les gens du monde entier en fait, des efforts assidus des nombreuses personnes qui ont travaillé ici, au cours des années, produisant des études qui ont aidé à façonner l’époque à laquelle nous vivons. C’est donc pour moi un grand plaisir de me trouver de nouveau au CSIS.
C’est la raison pour laquelle le CSIS est l’endroit tout indiqué pour discuter de la question du jour, pour parler du danger grave et croissant posé par Saddam Hussein et par sa recherche incessante d’armes de destruction massive.
Permettez-moi de vous poser la question directement et clairement, aussi succinctement que possible. Cette question est tout simplement la suivante : Saddam Hussein a-t-il pris la décision stratégique, politique, de se conformer aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, a-t-il pris la décision stratégique et politique de se débarrasser de ses armes de destruction massive ? Bref, c’est toute la question.
La question n’est pas de savoir combien de temps on devrait encore accorder pour les inspections, combien d’inspecteurs supplémentaires devraient être envoyés en Irak. La question est simplement la suivante : Saddam Hussein a-t-il pris la décision stratégique, la décision politique d’abandonner ces terribles armes de destruction massive et de cesser de faire ce qu’il fait depuis tant d’années ?
Telle est la question. Il n’y en a pas d’autre. Tout le reste est secondaire ou tertiaire. C’est une question qui se pose depuis douze ans. C’est celle qui a été posée à Saddam Hussein en 1991, après la guerre du Golfe. Et pendant des années, résolution après résolution, la même question lui a été posée, la même mise en demeure, les mêmes instructions lui ont été données par la communauté internationale, par le Conseil de sécurité : désarmez, renoncez à ces armes de destruction massive, cessez de menacer votre population, laissez vos voisins vivre en paix, affranchis de la peur causée par ce genre d’armes. Et pendant douze années, Saddam Hussein a inlassablement donné la même réponse négative.
Le 12 septembre de l’an dernier, le président Bush a de nouveau soumis la question aux Nations unies. Et ce jour-là, devant l’Assemblée générale, il a mis la communauté internationale au défi d’agir, d’agir de façon définitive pour conjurer cette menace à la paix et à la sécurité internationales, une menace posée depuis tant d’années par Saddam Hussein et son régime. Nous nous sommes ensuite livrés à des débats animés, durant les sept semaines qui ont suivi le discours du président, pour parvenir à une résolution qui exposerait clairement le problème une fois pour toutes.
Il est intéressant de noter que, dès que ce débat a été entamé et que Saddam s’est rendu compte que quelque chose pourrait en résulter, il a commencé à réagir. Dans les quelques jours qui ont suivi le discours du président, il a annoncé : « Eh bien, je vais permettre aux inspecteurs d’entrer en Irak », et cela après avoir leur dit pendant des années « non, vous ne pouvez pas revenir », après les avoir fait partir en 1998. Le faisait-il parce qu’il avait soudainement pris la décision stratégique d’obtempérer ou de désarmer ? Non. Il le faisait parce qu’il commençait à sentir les pressions qui s’exerçaient sur lui. Et une fois de plus, il a repris le jeu qu’il avait joué les onze dernières années afin de détourner l’attention, de distraire, de semer la confusion, de nous amener à nous écarter de notre voie, de notre but.
Le débat a néanmoins progressé, même s’il se trouvait des gens pour dire : « Que diable, pourquoi avons-nous besoin d’une nouvelle résolution ? Nous avons déjà toutes ces résolutions et il va de nouveau admettre les inspecteurs. » Nous sommes néanmoins allés de l’avant. Nous n’avons pas tenu compte de ces remarques. Nous n’avons pas tenu compte des lettres qu’il échangeait avec les Nations unies et les inspecteurs tandis qu’il essayait de voir s’il pouvait bloquer une nouvelle résolution. Et ses efforts ont échoué. En novembre dernier, après sept semaines des négociations les plus intenses, de la diplomatie la plus intense qu’on puisse imaginer, le Conseil de sécurité s’est prononcé à l’unanimité - 15 à zéro. Certains pensaient qu’on ne pourrait y parvenir mais par 15 voix à zéro, c’est-à-dire à l’unanimité, le Conseil de sécurité a approuvé la résolution 1441.
Voyons clairement ce qu’est la résolution 1441. Il ne s’agit pas d’un fatras de mots dépourvus de sens. Chacun de ces mots a été débattu. Ce n’est pas des inspecteurs, ce n’est pas d’un régime d’inspection qu’il s’agit. Il s’agit avant tout de Saddam Hussein dans la première partie de cette résolution qui le trouve de nouveau coupable, qui le déclare coupable de posséder depuis onze ans et de mettre au point, avec l’intention de les utiliser un jour, des armes de destruction massive.
Cette résolution déclarait en premier lieu que Saddam Hussein continuait a être en violation patente des nombreuses résolutions antérieures, un total de seize résolutions, qui exigeaient son désarmement. Elle consistait à donner à Saddam Hussein une dernière chance de faire amende honorable et de désarmer. Tel était l’objectif précis de la résolution : une dernière chance. Vous étiez en violation patente, vous étiez coupable et vous l’êtes toujours. Nous vous donnons une dernière chance de faire ce choix stratégique, de prendre la décision politique de renoncer à ces terribles armes qui menacent l’humanité, d’y renoncer, de respecter la résolution. Une fois de plus, nous vous disons : joignez-vous à vos voisins pour tenter de bâtir un meilleur voisinage ; respectez la résolution, c’est une dernière chance que nous vous donnons.
Mais les auteurs de cette résolution et tous les ministres et ambassadeurs qui avaient participé à sa rédaction savaient à qui nous avions affaire. Nous avions vu ce qui s’était passé les onze années précédentes. C’est pourquoi nous avons insisté pour que la résolution contienne d’autres éléments. L’un de ces éléments devait être un régime d’inspections qui serait strict, exigeant, qui permettrait aux inspecteurs de se rendre partout, à tout moment, en tout lieu. Elle déclarait aussi que Saddam Hussein devait leur fournir tout ce dont ils avaient besoin pour s’acquitter de leur tâche, qu’il devait coopérer, fournir des personnes qu’ils pourraient interroger, toutes les autres choses dont vous avez entendu parler. C’était une partie essentielle de la résolution.
Enfin, pour qu’il ne plane aucun doute sur ce qui se passerait en cas de non-respect, l’élément final de cette résolution était un clair avertissement des graves conséquences auxquelles il aurait à faire face s’il laissait passer cette dernière chance, s’il commettait de nouvelles violations patentes de ses obligations.
Rien de ce que nous avons constaté depuis l’adoption de la résolution 1441 n’indique que Saddam Hussein a pris la décision stratégique et politique de désarmer. Rien n’indique non plus que le régime irakien a décidé de coopérer activement, inconditionnellement et sans délai avec les inspecteurs ; de coopérer pour leur montrer tout ce qu’il possède, et non pas de coopérer dans le but de leur en montrer le moins possible. Processus et performance sont deux choses différentes.
Accorder des concessions n’équivaut pas à respecter ses obligations. Détruire une poignée de missiles sous la contrainte, uniquement après subi tant de pressions que vous ne pouvez pas l’éviter et voir ce qui va se passer si vous ne commencez pas à tromper une fois de plus la communauté internationale, n’est pas le genre de respect que prévoyait la résolution 1441 des Nations unies.
Les gestes trop insignifiants, trop tardifs de l’Irak ne visent pas simplement à tromper et à retarder les mesures de la communauté internationale ; l’un de ses principaux objectifs est de diviser la communauté internationale, de la faire éclater en factions opposées. Ces efforts doivent échouer. Ils doivent échouer parce qu’aucun de nous ne veut vivre dans un monde où les faits sont mis en échec par les duperies, où les paroles du Conseil de sécurité ne veulent rien dire, où Saddam Hussein et les gens de même acabit s’enhardissent à acquérir et à utiliser des armes de destruction massive.
La réaction de Saddam Hussein à la résolution 1441 est conforme à ses réponses à toutes les résolutions antérieures. Il a réagi à chacune d’elles par un défi et des tromperies, et cela chaque année depuis 1991, chaque jour depuis l’adoption de la résolution 1441. Saddam Hussein a de ce fait enferré de plus en plus l’Irak dans une violation patente de ses obligations internationales.
C’est précisément en raison de sa longue histoire de défi et de tromperie que, lorsque les membres du Conseil de sécurité ont voté en faveur de la résolution 1441, nous nous attendions à ce que la même chose se reproduise. Et nous avons inclus dans la résolution certains contrôles initiaux pour voir si nous nous trompions. Peut-être avait-il changé. Peut-être les choses seraient-elles différentes cette fois.
L’un de ces contrôles initiaux a eu lieu 30 jours après l’adoption de la résolution. Nous attendions de Saddam Hussein ce que nous aurions dû obtenir de lui en 1991 mais qui ne s’était pas produit. C’était une déclaration à jour, exacte et complète sur ses programmes interdits. Le régime irakien devait donner aux inspecteurs un accès immédiat, sans entrave et sans restriction à tous les sites qu’ils désireraient inspecter et à toutes les personnes qu’ils désireraient interroger pour pouvoir vérifier si l’Irak désarmait. Durant ces trente premiers jours, on a attendu cette déclaration, on a attendu de voir si ce genre d’accès était accordé.
La résolution 1441 précisait très clairement que de fausses informations ou des omissions ainsi que l’absence de coopération avec les inspecteurs tandis qu’ils entamaient leur travail - ces deux éléments combinés - constitueraient une nouvelle violation patente des obligations de l’Irak, une nouvelle constatation de sa culpabilité, de son non-respect. Personne n’a sérieusement affirmé que Saddam Hussein avait fourni une déclaration exacte et complète le 8 décembre, quand il avait respecté le délai de 30 jours qui lui avait été fixé. Personne ne s’est présenté pour le défendre.
Tant de mes collègues au Conseil de sécurité ne veulent malheureusement pas s’en souvenir. » Oh, cela se passait en décembre. Nous n’avons pas à nous en préoccuper. N’en discutons pas à notre prochaine réunion. Passons l’éponge là-dessus. Voyons ce que nous pouvons obtenir de lui aujourd’hui, une chose qui pourrait nous rassurer un peu. » Mais cela ne va rien donner. Nous ne pouvons pas fermer les yeux.
Les choses qui ne figurent pas dans la déclaration sont précisément celles que nous devons connaître. Au lieu de cela, nous avons eu un amalgame de mensonges et de duperies, de fausses déclarations. Le 19 décembre, le chef des inspecteurs de l’ONU, Hans Blix, et le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique, M. ElBaradei, ont l’un et l’autre indiqué au Conseil de sécurité que la déclaration irakienne ne contenait pas grand-chose de neuf, et nous n’aurions pas dû en être surpris. En réalité, le document de 12.000 pages qu’ils ont tenté de faire passer pour la vérité n’était rien d’autre qu’une resucée de documents anciens et discrédités - de nouveaux mensonges superposés aux anciens. Ils répétaient le plus gros mensonge de tous, à savoir que l’Irak n’a pas d’armes de destruction massive, préparant ainsi le terrain à une nouvelle tromperie des inspecteurs tandis que ceux-ci faisaient leur travail.
Vous savez, il suffit d’examiner quelques exemples pour être éclairé : Prenez l’agent neurotoxique VX. Il s’agit de l’arme chimique la plus mortelle qui soit, une arme horrible à envisager. En tant que soldat, j’ai eu à l’envisager à la fois comme chef des opérations sur le champ de bataille et comme chef de l’État-major interarmées. C’est une arme que je n’aurais jamais voulu utiliser dans une bataille. Jamais je n’aurais voulu la voir utilisée dans une opération terroriste, jamais je n’aurais voulu la voir utilisée contre un être humain quelconque. Quelques gouttes de VX suffisent à vous tuer.
En l991, l’Irak avait été tenu de déclarer et de détruire tout son stock de matériel de ce genre et notamment de VX. Et qu’a-t-il fait en 1991 ? Il a nié en posséder et s’en est tenu à ce démenti pendant quatre longues années, jusqu’à 1995. Les inspecteurs sillonnent le pays, les inspecteurs cherchent. Ils font ce que sont censés faire des inspecteurs : vérifier la véracité de ce qu’on leur a dit. Et on leur a dit qu’il n’y avait pas de VX.
Puis, en 1995 environ, le gendre de Saddam Hussein, qui savait beaucoup de choses, a fait défection et a parlé ; il a indiqué que le régime irakien avait du VX, et, à cause de ce qu’il a dit à la communauté internationale, de ce qu’il a dit aux inspecteurs, le régime irakien a été obligé d’admettre ; a été obligé d’admettre qu’il avait produit de grandes quantités de cet épouvantable poison.
Sans cette indication du gendre - qui a payé de sa vie ces aveux lorsqu’il a commis l’erreur de rentrer dans son pays, au cas où vous auriez encore des doutes quant à la véritable nature de ce régime - sans l’indication qu’il a fournie, qui sait où Saddam Hussein en serait aujourd’hui en ce qui concerne le VX. Le fait est que nous ne savons pas où il en est aujourd’hui dans ce domaine, car la dernière déclaration en date est toujours incomplète.
Même aujourd’hui, huit ans après cette découverte, il continue de tromper son monde. Il prétend encore que l’Irak n’a jamais arsenalisé ses stocks de VX. Il veut nous faire croire que, oh, bien sûr, il a eu du VX, mais qu’il n’a pas les moyens de l’utiliser.
Les inspecteurs ne sont pas dupes. M. Blix a déclaré le 27 janvier au Conseil de sécurité qu’il y avait lieu de penser que, en ce qui concerne l’arsenalisation du VX, les Irakiens avaient réalisé plus de progrès qu’ils ne l’admettaient.
Il y a seulement quelques jours, les Irakiens ont tout à coup annoncé qu’ils allaient fournir un rapport sur leur VX ; un nouveau rapport allait être publié dans une semaine environ, ont-ils dit. Je ne m’attends à aucune surprise. Cela fait des années que nous attendons ces rapports et qu’ils n’arrivent pas. Pourquoi arrivent-ils maintenant ? Ils [les Irakiens] essaient d’échapper aux projecteurs qui sont braqués sur eux. Ils essaient de se tirer d’affaire. Ils essaient une fois de plus de nous convaincre de les laisser tranquilles. Combien de vies risqueriez-vous, combien de vies innocentes risqueriez-vous en vous fondant sur la véracité d’un tel rapport émanant de Saddam Hussein ? Il n’a toujours pas pris la décision stratégique d’obtempérer et de désarmer.
La saga des programmes de missiles prohibés de l’Irak est un autre exemple du tissu de mensonges qu’il échafaude. Les missiles en eux-mêmes ne sont pas des armes de destruction massive, mais ils peuvent porter des charges qui le sont. Peu après la fin de la guerre du Golfe, afin de contenir Saddam Hussein et dans le cadre d’une première série de résolutions, les missiles d’une portée de plus de 150 kilomètres ont été interdits, ont été interdits en Irak par la résolution 687 du Conseil de sécurité. Il n’est pas censé avoir des missiles qui peuvent parcourir plus de 150 kilomètres, mais il en a.
Dans sa longue déclaration du 8 décembre, l’Irak a purement et simplement affirmé ne pas avoir de tels missiles. « Nous n’en avons aucun. » Mais les données provenant des essais en vol de deux missiles, le Al-Samoud 2 et le Al-Fatah, ont indiqué qu’ils parcouraient plus de 150 km. Ils essayaient manifestement d’augmenter la portée de ces missiles afin qu’ils dépassent de beaucoup la limite imposée. Et pourquoi vouloir le faire ? Pour un plus grand champ d’action. Voilà la raison.
L’Irak s’est donc empressé de changer de tactique et de dire : « Eh bien, vous savez, ce n’est pas du tout ça. Nous allons vous expliquer. Nous allons vous montrer pourquoi vous n’avez pas obtenu les bonnes données. » Et ils ont essayé d’induire en erreur les inspecteurs. Mais les inspecteurs ont insisté, M. Blix a insisté pour que ces missiles soient détruits.
Vous devriez voir la première lettre que les Irakiens ont envoyée en réponse à la lettre que M. Blix leur avait fait parvenir. Il s’agissait de nouveau d’une attaque, où ils disaient : « Eh bien, vous savez, vous ne devriez pas faire cela, cela n’est pas juste, nous sommes innocents ». La négation de la réalité, une fois de plus. En essayant, une fois de plus, de tromper. En n’acceptant, une fois de plus, la destruction [de missiles] que parce qu’ils essaient de maintenir nos divisions, de maintenir notre confusion et de retarder ce qui risque fort de les attendre.
En ce qui concerne les missiles, personne ne devrait crier victoire trop tôt ou déclarer qu’il y a eu obtempération. D’après des données récentes du renseignement, nous savons que le régime irakien compte ne déclarer et ne détruire qu’une partie de son arsenal de missiles Al-Samoud prohibés et qu’il a en fait ordonné de poursuivre la production des missiles dont vous assistez actuellement à la destruction. L’Irak a dévoilé, au grand jour et au vu et au su de tous, ses dispositifs de production de tels missiles. Mais nous disposons de renseignements qui indiquent qu’en même temps, il a également commencé à dissimuler les dispositifs qui peuvent lui permettre de convertir d’autres types de moteurs en vue d’équiper des Al-Samoud 2.
Une fois de plus, il joue un double jeu ; au moment même où il ordonne la destruction de certains missiles, il poursuit les activités qui permettront d’en produire d’autres.
Nous ne voyons aucun véritable progrès sur le fond de la question. L’Irak est loin de désarmer. Mais qu’en est-il des procédures ? On parle souvent de procédures. Ne devrions-nous pas être satisfaits de la coopération avec les inspecteurs que nous avons observée ? Malheureusement, la performance de Bagdad à cet égard ne nous paraît guère meilleure. Depuis mon intervention au Conseil de sécurité le 5 février, nous avons obtenu d’autres renseignements provenant de multiples sources, indiquant que l’Irak poursuit ses efforts visant à tromper les inspecteurs. Une grande partie de ces renseignements, venant de sources confidentielles - je ne peux révéler la plupart de ces sources avec plus de précision que je ne le fais aujourd’hui - mais elles sont fiables et indiquent que le régime irakien continue de déplacer aux quatre coins du pays des matériaux d’armes de destruction massive afin d’éviter toute détection. Pourquoi s’en étonner ? Cela a été sa façon d’agir ; c’est ce qu’il fait depuis 12 ans.
Par exemple, nous savons que, fin janvier, les services de renseignement irakiens ont transporté des agents chimiques et biologiques dans des régions éloignées de Bagdad et situées près des frontières avec la Syrie et la Turquie, afin de les mettre à l’abri - et ils les ont mis à l’abri - du regard inquisiteur des inspecteurs.
Début février, craignant que la COCOVINU ne dispose de renseignements précis sur les lieux de stockage, les Irakiens déplaçaient des matériaux prohibés toutes les 12 à 24 heures.
Et, à la mi-février, préoccupés par les capacités de surveillance des survols de U-2, qu’ils allaient finalement autoriser, l’Irak a transféré des matériaux prohibés dans de vieux véhicules et les a postés dans des quartiers défavorisés et populaires en dehors de la capitale.
Si les Irakiens coopéraient véritablement, s’ils voulaient vraiment obtempérer, si c’était vraiment le désarmement qui les intéressait, ils montreraient tous ces matériaux au grand jour, au lieu de les éparpiller pour les protéger.
Nous savons tous que les hauts responsables gouvernementaux irakiens continuent d’admettre en privé ce qu’ils continuent de nier en public : que l’Irak possède bel et bien des armes de destruction massive.
Fin janvier, un haut responsable a affirmé que Bagdad ne pouvait pas répondre honnêtement aux questions de la COCOVINU sans exposer l’Irak à de graves problèmes. Un autre responsable a dit qu’autoriser la COCOVINU à interroger des chercheurs irakiens à l’étranger s’avérerait désastreux. Pourquoi ? Parce que sans intimidations, sans menaces de mort, ils pourraient bien dire la vérité. Nous savons également que Saddam Hussein a émis à l’intention de dirigeants stratégiques de nouvelles consignes stipulant que toutes les mesures possibles doivent être prises afin d’éviter la découverte des armes irakiennes de destruction massive.
Si l’Irak tenait vraiment à désarmer, il encouragerait, il ordonnerait, il dirait à tous ses chercheurs : « Manifestez-vous, ceux d’entre vous qui savent ce que nous avons fait ces dix dernières années. Parlez, afin que ces informations puissent être connues, afin que nous puissions convaincre la communauté internationale du bien-fondé de nos affirmations. »
Ce n’est pas le cas. À la place de cela, les responsables irakiens de la sécurité se sont résolument employés à prévenir ou à contrôler les entretiens entre les chercheurs irakiens et les inspecteurs, et nous ne devrions pas nous laisser berner parce que quelques chercheurs - je dis bien quelques chercheurs - ont pu être interrogés sans surveillant.
Le mois dernier, un haut responsable gouvernemental irakien a ordonné à un chercheur irakien de ne pas coopérer avec les inspecteurs de l’ONU. Il a menacé le chercheur de grands malheurs s’il ne lui obéissait pas. Les responsables irakiens de la sécurité ont ordonné aux chercheurs invités à répondre aux questions des inspecteurs de porter des micros enregistreurs cachés. Les hôtels où ont eu lieu les entretiens ont été truffés de micros.
La résolution 1441 avait pour objectif de mettre fin à ce genre de pratiques. Elle visait à mettre fin à 12 ans de tromperie et de manipulation. Elle visait à lui donner une dernière chance d’obtempérer. Et c’est pourquoi le Conseil de sécurité a exigé une obtempération intégrale et immédiate, et non des gestes épisodiques de coopération, et non davantage de documents trompeurs, davantage de demi-mesures et de demi-vérités.
Les inspecteurs sont des experts très dévoués. Je connais maintenant très très bien MM. Blix et ElBaradei et j’ai rencontré certains des membres de leurs équipes. Ce sont des gens épatants. Nous devrions être heureux qu’il y ait des fonctionnaires internationaux comme eux qui soient prêts à entreprendre ce type de mission dans des circonstances difficiles. Et cette volonté est à mon avis tout à leur honneur. Rien de ce que j’ai mentionné n’est le moins du monde de leur faute. Ils ne ménagent pas leur peine, mais, malheureusement, ces inspections ne donnent pas de résultat. Pourquoi ? Parce qu’elles n’ont jamais été censées avoir lieu dans de telles circonstances adverses. Elles étaient censées aider les Irakiens à obtempérer. [Les inspecteurs] n’étaient pas censés être des détectives qui furetaient de droite à gauche en l’absence de toute véritable coopération irakienne. Les inspections ne peuvent aboutir tant que le régime irakien restera fermement déterminé à garder ses armes de destruction massive au lieu de se débarrasser de ces horribles choses.
Ces dernières semaines, nous avons assisté à des révélations d’armes faites au compte-gouttes - une ogive par-ci, un missile par-là - donnant l’apparence d’un désarmement, manifestant un semblant de coopération. Et ces derniers jours, ils ont promis davantage de documents, davantage de rapports, mais ces piètres gestes et ces promesses de documents ne réduisent pas véritablement les moyens dont dispose Saddam. Ces gestes ne témoignent d’aucun changement d’attitude de sa part et n’éliminent pas la menace qui pèse sur la paix et la sécurité internationales, et ce n’est pas parce que Saddam redoute l’envoi en Irak de hordes supplémentaires d’inspecteurs, armés de plans de travail et de données de référence, qu’ils ont eu lieu.
Ils s’expliquent uniquement - ces efforts de pure forme de leur part - ils s’expliquent uniquement par le fait que Saddam est confronté à la perspective de plus en plus proche d’une défaite par des forces militaires beaucoup plus puissantes. C’est la menace du recours à la force - et personne ne peut le nier - c’est la menace du recours à la force qui l’oblige à obtempérer, et non la menace des inspections ou la menace de simples résolutions. Puisqu’il n’est pas disposé à faire ce qu’il doit faire, c’est seulement la menace du recours à la force qui l’amène à faire le peu qu’il fait.
Si, à cette heure tardive, Saddam était véritablement décidé à dire toute la vérité et à respecter la résolution 1441, le nombre actuel d’inspecteurs suffirait à vérifier le désarmement de l’Irak, et cela ne prendrait pas énormément de temps. Les inspecteurs l’ont dit. La durée de ces vérifications est fonction du degré de coopération et de la volonté de respecter les résolutions, et non du nombre d’inspecteurs. Ce qu’il faut maintenant, c’est cette décision stratégique et politique, qui a été absente au cours des 12 dernières années.
Les inspections ne consisteront guère qu’à pourchasser des ombres, tant que l’Irak n’aura pas levé le voile de dénégation et de manipulation qui empêche les inspecteurs de voir la véritable ampleur de ce en face de quoi ils se trouvent. C’est à l’Irak de prouver au Conseil de sécurité et au reste du monde qu’il a désarmé.
Nous savons à quoi ressemble le vrai désarmement. Nous l’avons vu en Afrique du Sud. Nous l’avons vu en Ukraine. Les dirigeants de ces deux pays ont solennellement pris l’engagement politique de désarmer, et ils ont coopéré avec la communauté internationale. Et même dans ces circonstances, cela a duré très longtemps, mais au moins, on savait qu’ils coopéraient pour désarmer. Ces deux pays ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour garantir une coopération intégrale avec les inspecteurs, et un processus de désarmement rapide, rigoureux et transparent a été mis en place.
Comment cela se traduirait-il en Irak ? Eh bien, au lieu de laisser les inspecteurs procéder à tâtons, l’Irak mettrait tous ses documents et tous ses scientifiques à leur disposition pour que les questions encore sans réponse se trouvent réglées. Je dirais même plus, l’Irak accablerait les inspecteurs d’informations. Les laboratoires mobiles seraient garés devant l’entrée de la Cocovinu. Tous les missiles de type Al-Samoud seraient détruits séance tenante. Les Irakiens ne tergiverseraient pas. Ils dévoileraient l’infrastructure associée à ces missiles ainsi que l’équipement qu’ils ont dissimulé pour en produire davantage, et ce afin que tout soit détruit.
Je reviens donc à la question fondamentale : Saddam Hussein fait-il ce qu’on attend de lui ? Autrement dit, est-ce que l’Irak se conforme à la résolution 1441 ? La seule réponse raisonnable, c’est non.
En novembre dernier, dans le cadre de l’adoption de la résolution 1441, la communauté internationale a déclaré que Saddam Hussein constituait une menace. Les quatre derniers mois n’ont apporté aucun changement : il continue d’être une menace. On lui a donné une dernière chance d’éviter la guerre. Mais il fait le pari que son mépris de la volonté de la communauté internationale l’emportera sur la détermination collective du Conseil de sécurité d’imposer sa volonté. Saddam Hussein fait le pari que certains membres du Conseil refuseront de sanctionner le recours à la force, et ce malgré l’abondance des preuves de son refus constant de désarmer. Si elles persistent, les divisions qui existent parmi nous - car il en existe - ne pourront que conforter Saddam Hussein dans son opinion. Mais je puis vous assurer qu’il se trompe.
À ceux qui disent que l’usage de la force doit toujours être une solution de dernier recours, je réponds que je comprends leur réticence. Je comprends l’hésitation que l’on ressent à entraîner la perte de vies humaines. J’ai vu les horreurs de la guerre. J’ai été témoin de scènes de mort. Je suis d’accord avec ceux qui disent que seules les causes les plus nobles peuvent justifier le sacrifice de vies humaines ; nous devons mettre tout en œuvre pour éviter la guerre. C’est ce que nous avons fait, et personne n’en est plus convaincu que le président Bush. C’est pour cette raison qu’il est allé à l’ONU. C’est pour cette raison qu’il a persuadé les quinze membres du Conseil de sécurité de donner une ultime chance à Saddam Hussein.
Accepter la perspective d’une guerre est toujours chose difficile pour les citoyens, et il doit en être ainsi. Mais il ne faut pas s’y méprendre : Saddam Hussein sait lui aussi ce qu’est la guerre. Il a livré la guerre et utilisé des armes de destruction massive contre ses voisins et contre des milliers de ses citoyens. Et dans le monde de l’après 11 septembre, la seule façon de garantir qu’il ne fera pas une nouvelle fois usage de ces armes horribles et qu’il n’en fournira pas aux terroristes avec lesquels il fait cause commune, au risque qu’elles soient utilisées pratiquement n’importe où dans le monde, c’est de les lui supprimer.
Imaginez ce qui pourrait arriver si Saddam Hussein, tyran sans scrupules et sans pitié, concluait que les gouvernements du monde refuseront de sanctionner les interventions militaires, indépendamment des circonstances, même à titre de mesure de dernier recours - ce qui est le sentiment d’au moins un membre du Conseil de sécurité. Dans cette situation, il ne respectera jamais ses obligations. Il lui suffit de prendre son mal en patience. Et c’est envoyer un effrayant message, dont l’écho retentira partout haut et fort, à tous ceux qui complotent le mal, à tous ceux qui cherchent à acquérir des armes de destruction massive.
Le moment est venu où la communauté internationale doit confronter la réalité du refus de désarmer dans lequel s’obstine l’Irak. C’est précisément ce que dit la résolution présentée la semaine dernière au Conseil de sécurité par le Royaume-Uni, l’Espagne et les États-Unis. Je cite : « L’Irak n’a pas saisi la dernière possibilité qui lui était offerte par la résolution 1441. » C’est un fait énoncé simplement. L’Irak a refusé de désarmer et de coopérer.
Les mauvais calculs de Saddam Hussein ne servent les intérêts de personne ; que celui-ci se méprenne sur notre intention ou sur notre volonté d’agir ne sert l’intérêt ni des États-Unis ni du monde ni de l’Irak. En adoptant cette nouvelle résolution, le Conseil de sécurité lèverait tout doute : il ne sera satisfait qu’au prix de l’élimination complète des armes de destruction massive de l’Irak et de l’entière coopération de ce pays avec les inspecteurs chargés de la vérification.
Si Saddam Hussein ne nous laisse d’autre choix que de le désarmer par la force, les États-Unis et leurs partenaires de la coalition feront tout leur possible pour que l’action militaire soit rapide et pour réduire autant que possible les pertes en vies humaines et les destructions. Nous ferons tout notre possible, si les circonstances nous poussent à cette extrémité, pour répondre aux besoins humanitaires du peuple irakien. Et, la guerre terminée, nous assumerions la responsabilité de la stabilisation du pays. Nous serions responsables de l’établissement et du maintien de l’ordre ainsi que de la destruction des armes de destruction massive de l’Irak, une fois pour toutes. De même, le démantèlement des réseaux de terroristes ayant des noyaux en Irak revêtirait un caractère prioritaire.
Et sans tarder après la satisfaction de ces besoins immédiats et l’établissement de la sécurité interne, nous nous empresserions de confier aux civils la supervision des étapes suivantes de la transformation de l’Irak, œuvrant de concert avec les nombreux partenaires de notre coalition et avec tous les éléments de la communauté internationale qui seraient disposés à jouer un rôle dans ce domaine.
Par la suite, il sera possible de mettre en place des institutions irakiennes légitimes et représentatives de tous les Irakiens, de l’ensemble de la population, et d’installer des institutions et une forme de gouvernement capables de garantir que le pays ne se réarmera pas et que le pétrole, qui fait la fortune de l’Irak, bénéficiera au peuple irakien. Les États-Unis se sont distingués au cours des cinquante ou soixante dernières années par l’aide qu’ils ont apportée aux pays auxquels ou dans lesquels ils se sont trouvés contraints de faire la guerre, aide qui a donné à ceux-ci les moyens d’envisager un avenir meilleur.
Certes, la tâche sera considérable, la période de réconciliation et de reconstruction longue et difficile, mais nous sommes à la hauteur des enjeux.
La pierre de touche de notre engagement collectif vis-à-vis de l’Irak sera l’effort que nous consentirons en vue d’aider le peuple irakien à construire un Irak unifié qui ne mettra pas en péril la paix internationale et qui sera accueilli dans le giron des nations, au lieu d’être un paria international. Voilà trente ans que Saddam Hussein se nourrit du sang, de la sueur et des larmes de ses citoyens qu’il assassine, qu’il torture et qu’il viole pour conserver le pouvoir. Il a dilapidé l’immense richesse tirée du pétrole irakien, qu’il a affectée à la construction de palais somptueux, à la police secrète et aux programmes d’armements. Les États-Unis et la communauté internationale veulent aider le peuple irakien à se libérer du joug de la peur et du dénuement.
Nous, membres de la communauté mondiale, désirons aider les Irakiens à engager leur pays dans la voie de la démocratie et de la prospérité. Nous voulons épauler le peuple irakien dans la tâche de l’établissement d’un gouvernement acquis aux principes de la justice, à la primauté du droit et au respect des droits de tous ses citoyens. Bref, nous souhaitons voir un Irak dont le peuple peut envisager l’avenir avec confiance et non être traité en paria sur la scène internationale. Nous ne nous contentons pas de penser à l’avenir immédiat. Nous savons qu’une tâche imposante nous attend, nous et nos partenaires de la coalition, une de ces tâches qui exigent des jours et des jours d’efforts, avant que le peuple irakien ne soit prêt à gouverner lui-même son pays.
Par-delà la libération du peuple irakien, nous sommes déterminés à mettre tout en œuvre pour renouveler l’espoir dans d’autres parties de la région et rechercher la paix entre Israéliens et Palestiniens. Récemment, le président Bush a réitéré son attachement personnel à la vision d’une région dans laquelle deux États, Israël et la Palestine, vivront côte à côte dans la paix, la sécurité et la dignité, et à l’application du plan de campagne élaboré par le Quatuor en vue de faire de cette vision une réalité. Nous sommes prêts à frayer la voie afin de faire naître ces jours meilleurs. Pour atteindre cet objectif, tous ceux dans la région qui aspirent à la paix - les Palestiniens, les Israéliens et leurs voisins arabes - devront tenir des engagements courageux et consentir à des compromis difficiles. Mais les choix malaisés qui s’imposent valent d’être faits. Certes, l’instauration de la paix confère des obligations à tout un chacun, mais les bienfaits qui en découleront seront partagés par des millions de personnes jusque dans les générations à venir.
Si la communauté internationale veut voir se matérialiser les perspectives d’espoir en Irak dans les jours, les mois et les années à venir, nous devons mesurer pleinement l’intransigeance de Saddam Hussein.
Nous devons voir les choses en face ici et maintenant. Force nous est de reconnaître que l’Irak de Saddam Hussein représente l’exemple par excellence du danger grave et croissant que pose un État hors-la-loi capable de fournir à des terroristes les moyens de semer la mort à une échelle massive.
En novembre dernier, le Conseil de sécurité dans sa totalité a déclaré que ses armes de destruction massive mettait en péril la paix et la sécurité internationales. Et si cette menace planait déjà en novembre dernier au moment de l’adoption de la résolution 1441, elle existe encore aujourd’hui. Et si la communauté internationale était résolue à ce moment-là, elle doit l’être encore maintenant. Dans la résolution 1441, le président Bush et les États-Unis ne sont pas les seuls à dire que Saddam Hussein constitue un danger pour le monde : la France, le Royaume-Uni, la Russie, la Chine, la Syrie et tous les autres membres du Conseil de sécurité en conviennent officiellement. Nous avons passé sept semaines à rédiger le texte de cette résolution, dont chaque mot a été soigneusement pesé. Tous les membres du Conseil savaient, au moment de l’adoption de la résolution 1441, que l’heure pourrait sonner où nous devrions assumer la responsabilité de recourir à la force si Saddam Hussein s’abstenait de prendre la décision stratégique de désarmer et d’honorer ses obligations. Ces quatre derniers mois, il les a passés à tenter de se dérober aux conséquences de son insoumission et de se soustraire au moment de vérité.
Le moment est maintenant venu où le Conseil doit une fois encore se serrer les coudes et faire clairement comprendre à Saddam Hussein que pas un pays n’est dupe de ses tactiques transparentes. Le moment est maintenant venu où le Conseil doit affirmer sa conclusion unanime que Saddam Hussein demeure en violation matérielle de ses obligations. Le moment est maintenant venu de dire à Saddam Hussein une fois pour toutes que ses machinations n’ont pas arrêté les aiguilles de l’horloge, qu’elles continuent de tourner et que les conséquences de son refus obstiné de désarmer seront assurément très réelles.
L’objectif des États-Unis reste celui du Conseil de sécurité : le désarmement de l’Irak. Et une dernière chance de le réaliser par des moyens pacifiques reste offerte à Saddam Hussein, même à cette heure tardive. Ce dont nous pouvons être sûrs, c’est que Saddam Hussein sera désarmé. La seule question qui se pose, c’est de savoir comment. La question demeure entière : Saddam Hussein a-t-il fait ce choix stratégique ? La réponse est non. Nous allons voir dans les prochains jours s’il comprend ou non la situation dans laquelle il se trouve et s’il fait ce choix. C’est l’argument que nous allons présenter au Conseil de sécurité.
Je vous remercie. J’ai quelques minutes pour répondre à des questions, si vous en avez, avant de partir à une autre réunion.
Question - (...) Pourquoi ne voulez-vous pas respecter la volonté du Conseil de sécurité (suite non enregistrée) (...) ?
M. Powell - Nous respectons actuellement la volonté du Conseil de sécurité. La question de savoir ce qu’il va faire lors de la réunion de la semaine dernière donne lieu à bien des conjectures. Je pense qu’il est plus que probable qu’il agira à propos du projet de résolution si cela lui paraît approprié après avoir entendu les rapports de MM. Blix et El-Baradei.
Par ailleurs, nous avons aussi indiqué clairement que nous estimons que la menace est si forte que, si le Conseil de sécurité n’est pas en mesure d’agir, nous devons, malgré tous les efforts que nous avons faits pour collaborer avec lui et dans l’intérêt de notre propre sécurité ainsi que de la sécurité de la région et du reste du monde, nous réserver la possibilité d’agir avec une coalition des pays disposés à le faire. Nous sommes convaincus que la situation est vraiment claire et qu’elle est vraiment dangereuse.
Question - Vous avez indiqué au début que la résolution 1441, qui a été adoptée par 15 voix contre 0, montrait une perspective commune sur ce que l’on devait faire pour désarmer l’Irak. Et pourtant notre pays semble maintenant avoir une perception tout à fait différente de l’imminence de la menace que les autres membres du Conseil de sécurité qui ont voté la résolution. Comment expliquez-vous cette différence ?
M. Powell - Il y a toujours eu une différence de perception. Certains de mes collègues au sein du Conseil de sécurité n’ont jamais vu la situation tout à fait aussi fortement que nous, et cela a été le cas pendant les sept semaines de débat et avant le débat. Il y a même certains membres du Conseil de sécurité qui réclament bruyamment maintenant de nouveaux délais ou autre chose, qui étaient désireux de faire lever les sanctions il y a des années alors qu’il était clair que quelque chose continuait de se passer en Irak.
La seule chose sur laquelle nous sommes tous d’accord, c’est qu’il ne fait aucun doute que l’Irak dispose d’armes de destruction massive, qu’il a les moyens d’en produire, car sinon je ne vois pas comment la résolution aurait été adoptée par 15 voix contre 0. Le débat porte réellement sur la question de savoir dans quelle mesure nous devrions nous en inquiéter. Ce que nous avons dit dans la résolution 1441, c’est que l’Irak continue d’être en violation substantielle de ses obligations. Il n’a pas rendu compte de la plupart de ces matières horribles dont il dispose. Il n’a pas laissé les inspecteurs vérifier les déclarations qu’il a faites, et c’est là une menace qui pèse sur la sécurité de la région.
Nous sommes convaincus que ce qui met en évidence la menace, du moins à nos yeux, c’est la connexion qui existe maintenant dans le monde de l’après 11 septembre. Ce n’était déjà pas bien que Saddam Hussein dispose de ces armes de destruction massive, mais si d’aventure il s’en servait comme une source d’armes de destruction massive, soit accidentellement soit de façon délibérée en les remettant à des terroristes, nous reviendrons tous sur ce moment précis et nous trouverions terrible que - si une attaque horrible avait eu lieu et que nous avions découvert une de ces armes - quand nous avions l’occasion et l’obligation de faire quelque chose à ce sujet, nous ne l’avions pas fait.
Il est certain qu’il existe une différence de perspective entre certains membres du Conseil de sécurité quant à la gravité de cette menace. Un grand nombre de mes collègues qui sont d’accord sur cette question, notamment trois d’entre eux que j’ai vus à la télévision il y a quelques heures, estiment que le problème existe, que la menace existe, mais que la solution consiste à laisser les inspecteurs poursuivre leur tâche. Ce que je n’ai pas entendu lors de la conférence de presse qu’ils ont donnée aujourd’hui, c’est combien de temps il fallait donner à un nombre d’inspecteurs accru de combien pour faire ce que les inspecteurs qui sont actuellement en Irak ne sont pas en mesure de faire. Ils ont très peu parlé aujourd’hui ou auparavant au sujet du fait fondamental que l’on se trouve en face de quelqu’un qui ne respecte pas ses obligations. Il n’a pas fait ce choix stratégique, et je ne pense pas qu’aucun d’eux pourrait prétendre qu’il l’a fait.
Une dernière question avant que je parte. Zbig ?
M. Brzezinski - Vous venez de déclarer que vous n’avez pas entendu vos collègues dire quelque chose de très concret sur ce qu’il convient de faire. Supposons qu’ils soient d’accord avec vous et avec d’autres pour fixer une série de critères très précis et des délais également très précis, presque sous la forme d’un ultimatum portant sur des questions précises, telles que le VX, le bacille du charbon ou les laboratoires biologiques, avec l’idée que s’il n’y avait pas d’action concrète sur ces questions précises, comme cela été le cas à un certain point avec les missiles, il y aurait alors une intervention commune aux fins de désarmement de l’Irak.
M. Powell - Je ne suis pas sûr que même certains d’entre eux trouveraient cela en Irak si nous établissions une telle série de critères maintenant. En outre, si dans un, deux ou trois mois nous trouvions que l’Irak avait rempli certains de ces critères et pas d’autres, nous serions de nouveau dans la même situation à mon avis. Donnons-leur un peu plus de temps. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une question de critères supplémentaires.
Tous ces critères existent depuis des années. Certains des critères dont on parle et certains des éléments dont je suis sûr nous allons entendre parler à la fin de la semaine ne sont pas des éléments nouveaux. Ils ont toujours été là. Ils constituent la base de résolutions antérieures. Ils ont toujours été là, et on n’a pas besoin de nouveaux critères spécifiques pour juger Saddam Hussein. Je pense que l’on a déjà beaucoup d’éléments pour juger sa conduite, notamment l’insuffisance de sa déclaration, le fait qu’il ne répond pas aux questions fondamentales qu’on lui a posées à de multiples reprises relativement au VX, à la toxine botulique. Il n’a pas besoin que l’on établisse de nouveau ces critères. Il sait ce qu’ils sont et il ne s’est pas montré disposé à répondre aux questions que l’on lui pose depuis de nombreuses années. C’est là la raison pour laquelle nous sommes peu disposés à voir encore une autre résolution qui donne une liste de critères en tant que nouveau moyen d’évaluation. Nous lui (Saddam Hussein) avons donné suffisamment de moyens d’évaluation. Je pense que nous pouvons juger assez bien dès maintenant qu’il ne respecte pas ses obligations, qu’il n’a pas pris cette décision et qu’il ne coopère pas de la manière qui permettrait de vérifier qu’il a pris cette décision.
Version française établie par le département d’État états-unien.
Transcription originale en anglais, sur le site du département d’État.
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