Message de Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies, lu par la vice-secrétaire générale, Louise Fréchette, devant la réunion annuelle du Conseil économique et social, des institutions de Bretton Woods et de l’Organisation mondiale du commerce.
C’est avec grand plaisir que je vous souhaite à tous la bienvenue à l’Organisation des Nations Unies
Au cours des dernières années, le débat annuel entre le Conseil économique et social et les institutions de Bretton Woods a favorisé une large convergence de vues, tant sur les problèmes auxquels nous sommes confrontés que sur les solutions que nous devons mettre en place. Il a également permis de mieux apprécier enfin nos points forts et compétences mutuels. Cette prise de conscience d’une cause commune augure bien des tâches qui nous attendent.
Tirant parti des résultats de nos délibérations antérieures et de nos efforts communs, nous prenons aujourd’hui une nouvelle direction. Il y a un peu plus d’un an, à la Conférence internationale sur le financement du développement, les dirigeants mondiaux vous ont confié une tâche précise, à savoir faire le point de la mise en oeuvre du Consensus de Monterrey.
Le thème de votre débat est « la cohérence des politiques ». Il s’agit d’examiner comment les gouvernements, les institutions et les participants non gouvernementaux peuvent au mieux intégrer les différents aspects de la politique économique en un cadre d’action clairement défini, à même d’accélérer le développement, et travailler ensemble - et non pas les uns contres les autres - à la mise en oeuvre des engagements pris à Monterrey. Pour ne citer qu’un exemple des obstacles que nous devons surmonter : il est absurde qu’un gouvernement aide les producteurs laitiers dans un pays en développement si, en même temps, il exporte du lait en poudre subventionné dans ce même pays.
Vous aborderez, j’en suis sûr, de nombreux sujets au cours de votre débat - environnement interne et international propices, politique commerciale et en matière d’investissement, allégement de la dette et aide publique au développement, gouvernance économique intérieure et mondiale. Un tel programme de travail semblera peut-être un peu trop aride ou abstrait, sauf pour les économistes, mais, en fait, toutes ces questions ont un impact direct sur le bien-être de l’humanité.
Les objectifs fixés en matière budgétaire empêcheront-ils les pays ravagés par le VIH/sida de consacrer plus de ressources au traitement des personnes infectées ?
Atteindrons-nous les objectifs du Millénaire en matière de développement - réduire le nombre de personnes qui souffrent contre la faim, enrayer la propagation des épidémies, dispenser un enseignement primaire universel, etc.- si les engagements financiers de Monterrey ne sont pas honorés ?
Les négociations de Doha offriront-elles véritablement de nouvelles perspectives commerciales aux pays pauvres ou bien les engagements pris en vue de l’ouverture des marchés mondiaux continueront-ils d’être sapés par les subventions, les tarifs douaniers et autres obstacles ?
Les demandes en vue d’une gouvernance renforcée sur le plan interne seront-elles assorties de réformes au niveau mondial, offrant aux populations des pays en développement un rôle accru dans la prise de décisions qui influent sur leur vie ?
Les donateurs minimisent-ils la gravité du problème de la dette en surévaluant les cours probables des produits de base ? Encourageons-nous les courants de capitaux privés sans prendre de mesures pour les rendre plus stables ? Harmoniserons-nous enfin les procédures d’aide au développement ? Continuerons-nous de traiter les flux de main-d’œuvre différemment des flux de capitaux, encourageant ces derniers mais limitant les premiers ?
Ce ne sont que quelques exemples des questions de cohérence auxquelles est confrontée la communauté internationale. Comme vous le constaterez, elles découlent du Consensus de Monterrey. Mais notre réunion ne doit pas se limiter à de nouvelles manifestations de désespoir ou à une analyse de la situation ; nous connaissons les problèmes. Nous devons aujourd’hui nous efforcer de déterminer la meilleure manière d’y remédier. Pour vous aider dans cette tâche, le Secrétariat, en coopération avec les personnels des principaux partenaires institutionnels, a établi une note à l’intention des participants, afin de stimuler et de centrer votre débat.
Mes observations d’aujourd’hui seraient incomplètes sans une référence aux circonstances internationales difficiles dans lesquelles nous nous réunissons. L’impact économique du conflit en Iraq, en particulier sur les pays en développement, suscite de graves préoccupations. L’économie mondiale se relève avec peine du ralentissement de 2001, recul le plus important enregistré en une décennie. Le chômage a considérablement augmenté dans le monde entier. Les ménages et les entrepreneurs sont presque partout préoccupés par leur avenir et hésitent à prendre des décisions à long terme. Nous devons tous faire notre part pour rétablir la confiance à l’échelle mondiale.
Un des premiers défis à relever est de faire aboutir le nouveau cycle de négociations commerciales lancé à Doha. Pourtant, nous risquons de ne pas réussir. Dans les deux secteurs où des progrès sont essentiels pour donner aux pauvres l’espoir d’un avenir meilleur - la santé publique et l’agriculture - les Gouvernements n’ont pas tenu les promesses faites à Doha. Le secteur agricole est particulièrement crucial, non seulement pour le succès des négociations de Doha, mais aussi parce qu’il met à l’épreuve la cohérence des politiques de développement des pays développés. Depuis de nombreuses années maintenant, les pays en développement sont encouragés à éliminer les aides publiques, comme mesure nécessaire à la mise en ordre de leurs finances, laquelle contribuerait à créer les conditions indispensables à la croissance. Pourtant, les pays développés maintiennent leurs propres subventions et les barrières douanières qu’ils érigent contre les exportations des pays en développement. Ce faisant, ils réduisent et même annulent les bienfaits d’autres formes de coopération avec ces mêmes pays. J’exhorte les pays développés à réduire très fortement et sans délai les subventions agricoles. Une telle mesure serait bénéfique à l’économie mondiale. Elle supprimerait les distorsions internes et internationales des échanges et contribuerait à dynamiser les négociations de Doha qui en ont grand besoin, indiquant aux pays en développement qu’ils peuvent encore espérer la série de négociations sur le développement qui leur a été promise.
Cela me ramène à la nature de notre réunion. À Monterrey, les chefs d’État et de gouvernement et les hauts fonctionnaires ont promis de tenir leurs engagements et de recourir à l’ONU pour la poursuite de leur dialogue. En fait, le Consensus de Monterrey a mis en lumière une lacune majeure dans la gouvernance mondiale : il n’existe pas en effet de mécanisme permettant aux principales institutions multilatérales spécialisées dans les questions monétaires, financières, commerciales et de développement de se réunir afin d’examiner les moyens de travailler ensemble et de renforcer mutuellement leur action. L’ONU est le cadre naturel pour ce débat et cette réunion tente précisément d’offrir une telle occasion.
J’attends donc ce dialogue avec beaucoup d’intérêt. En même temps, n’oublions pas que l’intention du Consensus de Monterrey était de renforcer l’efficacité de cette réunion. C’est pourquoi notre note vous demande de réfléchir aux moyens d’améliorer la réunion et son processus préparatoire pour l’année prochaine.
Je suis personnellement résolu, et avec moi tout le Secrétariat, à vous aider à mettre en place un processus multilatéral efficace - ouvert, inclusif et efficace - qui aidera la communauté mondiale à atteindre ses objectifs de développement.
Source : Salle de presse des Nations Unies
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