Les descendants d’esclaves africains et tous ceux qui se disent sensibles à la mémoire de l’esclavage feraient bien de se préoccuper sérieusement de la montée de l’histoire révisionniste, dont Olivier Pétré-Grenouilleau, récompensé le 11 juin 2005 par le prix du livre d’Histoire du Sénat, est le plus beau fleuron français.
A-t-on bien lu le livre [1] de cet universitaire de second choix qui, à point nommé, sort de sa basse Bretagne pour falsifier les chiffres, relativiser la traite atlantique et oser comparer l’esclavage en Orient du VIIe siècle au crime raciste organisé des Lumières ? Rien de bien nouveau dans cette apologie caractérisée de la traite négrière. Elle ne fait qu’illustrer l’argument de Voltaire pour justifier l’esclavage des Africains : « Un peuple qui se donne des maîtres était né pour en avoir ».
Aveuglé par son racisme, monsieur Pétré-Grenouilleau, qui n’est ni orientaliste ni africaniste, s’appuie essentiellement sur quelques archives privées des familles négrières qu’il défend et sur des travaux anglo-saxons, notamment ceux de Patrick Manning qui, du reste, les a reniés depuis.
Tous le monde sait que l’esclavage en Afrique ne saurait être mis en parallèle avec la traite transatlantique. Tout le monde convient que la traite orientale qui a duré treize siècles n’a jamais été numériquement supérieure ni même comparable à la traite transatlantique qui, elle, s’est concentrée sur deux cents ans d’horreur absolue et d’extermination. Les conditions de l’esclavage oriental n’ont jamais été semblables aux plantations des Amériques. Il n’y a jamais eu d’esclavage sans révolte et les esclaves africains n’auraient pas enduré pendant mille ans en Orient ce qu’ils n’ont pas souffert plus de cent cinquante en Haïti. La meilleure preuve : lorsque l’esclavage devient insupportable, dans le sud de la Mésopotamie au IXe siècle, éclate l’une des plus grandes révoltes d’esclaves noirs de l’histoire, celle des Zendj. Du reste, pas de racisme en Orient puisque l’Orient est nègre.
C’est pourtant le contraire qu’affirme Pétré-Grenouilleau, sans être jamais contredit. Et ce qui est nouveau, c’est que le voilà couvert d’éloges. Il est même des béni-oui-oui mélanodermes pour l’approuver. Il est vrai qu’il y eut toujours quelques vendus parmi les Africains et les Antillais, de même qu’il y eut, certes, des complices pour capturer ou fouetter leurs congénères.
Aujourd’hui, donc, monsieur Pétré-Grenouilleau ment, bidonne, falsifie et insulte les Africains et les Antillais sous un tonnerre d’applaudissements hexagonaux. Personne n’a lu son livre, mais tout le monde le cite comme une référence. Il est invité partout à parler de l’esclavage. Jusqu’où cela ira-t-il ?
A-t-on bien lu l’interview qu’il publie impunément dans le Journal du Dimanche du 12 juin 2005 ?
Sans aucune gêne, l’historien révisionniste déclare tout de go que « descendant d’esclaves est une expression à manier avec prudence ». Il va jusqu’à ironiser en laissant entendre que les descendants d’esclaves antillais ne sont peut-être que des descendants de négriers africains. Bien entendu, il remet en cause la loi Taubira qui selon lui prose « problème » en ce qu’elle suppose « une comparaison avec la Shoah » et il déclare tout net que « les traites négrières ne sont pas des génocides ».
Ne nous laissons pas impressionner par le chorus médiatique qui accompagne le livre de monsieur Pétré-Grenouilleau. Certes, la chose est bien enveloppée sous son étiquette NRF, mais souvenons nous, pour paraphraser Chamfort, qu’il y a des crimes bien habillés comme il y a des criminels très bien vêtus. Et ne soyons pas naïfs : l’harmonie apparente de ces louanges doit être mise au crédit du travail laborieux et chèrement rémunéré de certains laboratoires spécialisés en communication d’influence qui se sont beaucoup démenés, depuis Durban, pour recruter des mercenaires.
Alors, dans l’urgence, simplifions : le livre de monsieur Pétré-Grenouilleau relève purement et simplement des tribunaux sous le chef de racisme et d’apologie de crime contre l’humanité.
[1] Les Traites négrières, essai d’histoire globale par Olivier Pétré-Grenouilleau, NRF-Gallimard, 2005.
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