La tendance générale
Le Hamas a-t-il perdu sa boussole ?
Par Ghaleb Kandil
Il y a quelques mois, lorsque j’avais écris un article publié sur le site de neworientnews et repris par le quotidien libanais Ad Diyar, demandant au Hamas de lever toute ambiguïté et de prendre une position claire sur la crise syrienne, j’avais essuyé un flot de critiques. Des dirigeants du Hamas avaient qualifié d’« injustes » les reproches que je leur adressais. Le penseur et ami Mounir Chafic avait répliqué à ceux qui invitaient le Hamas à prendre une position claire, en rappelant l’équation selon laquelle la Résistance palestinienne ne devait pas se mêler des affaires intérieures des pays arabes. Il avait inscrit dans ce contexte le silence du Hamas.
Toutefois, les déclarations de MM. Ismail Hanniya et Moussa Abou Marzouk nous obligent à revenir sur ce débat, maintes fois reporté, sur la situation en Syrie.
Premièrement, M. Abou Marzouk affirme que la direction du Hamas a quitté Damas en signe de protestation contre la « solution sécuritaire » adoptée par le régime syrien. Pour sa malchance, ses propos ont coïncidé avec le referendum sur la nouvelle Constitution syrienne qui a montré, comme on le savait depuis des mois, qu’une majorité de Syriens appuie le projet de réformes lancé par le président Bachar al-Assad, et que le commandement syrien est déterminé à mener à terme ces réformes et à introduire en Syrie le pluralisme et le multipartisme.
Ces faits montrent que la symphonie de la « solution sécuritaire », inventée dans les coulisses des services de renseignements étrangers, et que beaucoup de personnes, de mauvaises foi ou bien intentionnées, ressassent sans relâche, a pour objectif de masquer le processus de réforme politique entrepris en Syrie.
Le timing n’a donc pas servi M. Abou Marzouk, après que soient apparues les mines assombries de la coalition colonialiste et de ses alliés régionaux qui dirigent la guerre de la destruction de la Syrie, menée par des bandes des Frères musulmans et du courant takfiriste et des figures connues pour leurs collaboration avec l’Occident et Israël, et tellement nombreuses dans le Conseil d’Istanbul.
Dans ce cadre, nous préférons ne pas nous étendre sur les informations qui circulent sur l’implication de certains membres du Hamas dans des trafics d’armes au profit des gangs armés en Syrie et dans le refuge réservé à certains terroristes. Le commandement syrien a traité ces cas avec sagesse, en maintenant les ponts avec la direction du Hamas.
Deuxièmement, nous ne savons pas comment MM. Haniyya, Abou Marzouk et Khaled Mechaal qualifient l’attitude du Hamas avec les groupes affiliés à Al-Qaïda à Gaza. Ne s’agissait-il pas d’une « solution sécuritaire » ? Nous savons que ces groupes ont été anéantis, alors que leur mosquée a été démolie. Ne s’agit-il pas d’une « solution sécuritaire » ? Pourtant, ces bandes takfiristes prétendent agir sous la bannière de la lutte contre Israël, tandis que les takfiristes en Syrie, appuyés par le gouvernement de l’illusion ottomane et par les Frères musulmans, se vantent de demander de l’aide à Israël.
Troisièmement, lorsque Mohammad Dahlan a organisé sa tentative de coup d’État à Gaza, en partenariat avec les services de renseignements américains et égyptiens et le Mossad israélien, avec un financement des pays du Golfe –qui prétendent aujourd’hui soutenir les révolutions arabes-, le Hamas n’a pas trouvé d’autre voie que la « solution sécuritaire » pour éradiquer les instruments de l’Autorité palestinienne de Gaza. À cette époque, nous avions appuyé le choix du Hamas et avions trouvé des excuses aux erreurs commises dans le cadre de la résistance au coup d’état organisé par Dahlan sous la supervision du général américain Keith Dayton.
Nous attendons aujourd’hui de M. Mounir Chafic qu’il rappelle aux chefs du Hamas le principe de non-ingérence après qu’ils eurent décidé de se mêler des affaires syriennes.
Maintenant que le Hamas a décidé de s’impliquer dans le complot colonialiste exécuté contre la Syrie, nous condamnons les propos de Haniyya et Abou Marzouk et invitons tous les résistants du mouvement à prendre une position claire vis-à-vis des prises de positions de leurs dirigeants. Nous restons confiants que l’option de la résistance va finir par l’emporter, et emporter avec elle tous ceux qui l’ont abandonné.
Les leaders du Hamas, qui quittent Damas pour le Caire, semblent obnubilés par les nouveaux dirigeants de l’Égypte. Peuvent-ils nous expliquer leur soutien à un pouvoir qui a hérité du régime Moubarak et qui a clairement annoncé qu’il respecterait les engagements internationaux de l’Égypte, y compris Camp David ?
La tendance en Syrie
La prise de Bab Amr sonne le glas de l’insurrection armée
La prise de Bab Amr par l’armée syrienne a asséné un coup sévère aux insurgés et a bouleversé leurs plans qui consistaient à créer un « Benghazi syrien », relié géographiquement au Liban, et constituant une tête de pont à une intervention étrangère lorsque les conditions seront réunies.
Après la chute de Bab Amr, les troupes syriennes ont lancé une offensive contre la localité de Kousair, à l’ouest de Homs, située à 12 kilomètres de la frontière avec le Liban. C’est à travers ce gros bourg de 40 000 habitants que transitent armes, argent et combattants étrangers introduits en Syrie à partir du Liban. Selon des sources concordantes, quelque 3000 miliciens sont concentrés à Kousair. L’armée syrienne a lancé son attaque dimanche 4 mars par plusieurs axes, de manière à couper les lignes de ravitaillement des rebelles. Effrayés et démoralisés, des dizaines d’entre eux ont commencé à fuir vers le Liban, où les attendait l’Armée libanaise. Les civils qui fuyaient les combats ont été autorisés à pénétrer en territoire libanais, les miliciens, eux, ont été pourchassés. A l’heure d’écrire ces lignes, une cinquantaine d’hommes armés avaient été arrêtés par l’armée libanaise et un camion rempli d’armes saisi près de la localité de Kaa, au Nord de Baalbeck.
Dans le même temps, l’armée syrienne a lancé une offensive contre Rastan, où des bandes armées terrorisent la population depuis début février, prétendant avoir « libéré la ville ».
La bataille de Bab Amr marque le tournant dans la confrontation armée. Les troupes syriennes ont pris ce quartier de 50 000 habitants après seulement deux jours d’offensive terrestre, précédée de trois semaines de surveillance et d’opérations spéciales dans le but de faire le moins de victimes civiles, conformément aux ordres donnés par le président Bachar al-Assad. L’une des opérations spéciales a permis de glisser du somnifère dans des sandwichs acheminés aux insurgés, ce qui a permis d’en capturer plusieurs dizaines sans combat. Interrogés, ces derniers ont livré de précieuses informations qui ont permis à l’armée d’entrer à Bab comme un couteau dans le beurre. Les troupes régulières ont démantelé une salle de commandement et de contrôle équipée de matériels sophistiqués reliés à des satellites, de fabrication américaine et britannique. Quelques 800 miliciens auraient été capturés lors de l’attaque et du ratissage qui a suivi, dont près de 120 ressortissants de diverses nationalités arabes, notamment des Libanais, des Saoudiens, des Libyens et des Jordaniens. Certaines informations font état de l’arrestation de combattants ou d’« instructeurs » munis de passeports européens (allemands, français, britanniques et danois).
Des groupes d’insurgés ont fuit vers les quartiers de Khalidiyé et Hamidiya, mais ils ne constituent plus un réel danger. La traque durera quelques jours et se terminera par leur destruction totale. Les troupes régulières ont découvert dans différents quartiers de Homs quelque 120 cadavres de personnes enlevées par les miliciens ces trois derniers mois et exécutées sommairement. Parmi eux beaucoup de chrétiens, d’alaouites mais aussi des sunnites membres du Baas ou tout simplement partisans de Bachar al-Assad.
L’Armée syrienne libre (ALS) a indirectement reconnu la défaite en parlant de « retraits tactiques » pour « sauver les civils » ou pour fuir « la machine de répression du régime ». Ces deux faux arguments ne suffisent pas pour cacher la faiblesse de cette pseudo-armée qui se promettait de transformer Bab Amr en « Stalingrad ». Ils semblent que les dirigeants de cette milice aient lu l’histoire à l’envers.
Déclarations et prises de positions
– Sayyed Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah
« Il faut chercher les doigts d’Israël derrière tout ce qui se passe, notamment derrière les tentatives de semer le chaos dans la région. Israël ne veut pas d’un Irak fort, ce serait la raison des attaques actuelles, même si les exécutants sont parfois des extrémistes, car, selon les données des services irakiens, ces mouvements sont infiltrés par les services américains et israéliens. C’est dans cette optique qu’il faut placer les dernières menaces d’effacer le Liban de la carte du monde attribuées à Banyamin Netanyahu. Toutefois, de telles menaces n’effraient nullement la Résistance qui a affronté Israël même lorsque celui-ci était considéré comme très puissant. La région traverse actuellement une période très sensible. Après la décennie 2000-2010, au cours de laquelle il s’agissait de liquider la cause palestinienne et de créer un Nouveau Moyen-Orient, c’est désormais la période où il s’agit de partager la région et de l’entraîner dans des conflits interminables. C’est pourquoi il faut tout faire pour encercler, étouffer et empêcher l’extension vers d’autres scènes de la discorde. Au Liban, cela signifie que tout le monde peut exprimer son opinion, sur la crise syrienne et sur tous les points qu’il souhaite évoquer, mais en évitant de faire de l’incitation confessionnelle et autres. Regardez un peu : pendant que certains discutent des armes du Hezbollah, les Israéliens construisent des installations et veulent les protéger des armes du Hezbollah. Ils pillent systématiquement les ressources qui appartiennent aux Palestiniens. Les États-Unis et leurs alliés veulent plonger la Syrie dans le chaos, en poussant vers une lutte entre les Syriens ou entre les Arabes, sans vouloir envoyer un seul soldat américain ou de l’Otan en Syrie, mais en interdisant toute solution politique. Il faut donc écouter, comme ils disent, le peuple en Syrie, mais pourquoi pas à Bahreïn ou en Arabie saoudite, où il est interdit de s’exprimer, notamment à Katif et Awamiya, la région la plus riche en ressources du royaume, mais la plus pauvre économiquement. Les Américains et les Israéliens ne parviendront pas à leurs fins, car il existe une prise de conscience dans le monde arabo-islamique de la réalité de leurs projets et les Américains ne parviendront pas à redorer leur image dans le monde arabo-musulman, tant qu’ils continueront à ne tenir compte que d’Israël. »
– Michel Aoun, leader maronite libanais, allié du Hezbollah
« Ce qui se passe en Syrie est lié à un processus de paix israélienne dans la région avec des conditions israéliennes et non pas la paix israélo-arabe. La paix israélienne requiert l’effritement des forces voisines ainsi que la propagation de la pensée religieuse de manière à diviser les musulmans entre eux, et les chrétiens également. De la sorte, Israël aura isolé les communautés les unes des autres à l’intérieur d’États religieux qui deviendraient des États chauvins qui ressemblent à l’État sioniste. Je crois que les réformes en Syrie seront concrétisées par le biais de l’adoption d’une nouvelle Constitution moderne, que les Syriens ont rédigée avec l’aide de constitutionnalistes occidentaux. Le texte comprend plusieurs aspects qui sont en commun avec la Constitution française. Le nouveau texte fondamental est respectueux des droits de l’homme et du pluralisme politique, ainsi que de la liberté d’opinion. J’espère que les libertés qui ont été accordées ne mèneront pas au chaos. On sait que dès que l’on lève subitement la pression exercée sur un peuple, cela risque de créer le chaos. La coalition internationale à laquelle fait face la Syrie n’est pas négligeable. Même durant la Seconde Guerre mondiale nous n’avons pas vu une telle coalition. La politique des deux poids deux mesures pratiquée par l’Occident est inconcevable. L’Occident brandit les slogans de la liberté, de la démocratie et des droits de l’homme. Lequel parmi ces États occidentaux reconnaît les droit des Palestiniens qui ont été déplacés hors de leur pays. Ces nations qui semblent préoccupées par les droits de l’homme en Syrie ont pratiqué des politiques qui ont fait perdre au peuple palestinien ses droits en causant son malheur. Par conséquent, j’ai des doutes sur leurs intentions tout comme je doute fort qu’ils cherchent l’intérêt du peuple syrien. La situation en Syrie aura inéluctablement des répercussions sur le Liban, Mais ce que je crains le plus, c’est l’arrivée des salafistes au pouvoir à Damas, d’autant que leur propension est universelle et non locale. Ils ne croient pas aux frontières des nations, mais à celle de la oumma, et, pour certains, c’est le monde entier qu’ils voudront convertir. Le nombre de Syriens qui sont conscients du danger est bien plus élevé que ceux qui veulent se battre. Je crois que les combats que nous voyons actuellement constituent la dernière phase de la confrontation. Je ne dirai pas qu’il y aura par la suite une stabilité à cent pour cent, mais il n’y aura plus de grands affrontements. On pourra voir de petites cellules ici et là que les forces de l’ordre affronteront au cas par cas. Cependant, après la dernière bataille à Homs et à Edleb, la situation changera et on passera à une opération de nettoyage. »
– Walid Joumblatt, leader druze libanais anti-syrien
« Les Occidentaux ont trouvé dans le veto russe et chinois leur meilleur alibi ; ils ne veulent rien faire pour sauver le peuple syrien. Ils sont incapables d’imposer un cessez-le-feu à Homs. Il faut armer l’Armée syrienne libre et essayer d’unifier l’opposition au régime, ne pas trouver des excuses en disant qu’elle est divisée. On sait faire la différence entre la véritable résistance et les cinquièmes colonnes. La révolte ne s’effondrera pas, mais si Homs tombe, cela facilitera la mainmise du régime sur le couloir stratégique qui mène au port de Tartous. Cela renforcera l’alliance tripartite russo-irano-syrienne. Les druzes sont des citoyens syriens. Ou bien ils sont avec le pouvoir de Bachar el-Assad, ou bien ils sont contre. Les druzes ont un glorieux passé de lutte contre le mandat français. Il est temps de lutter contre la tyrannie du régime syrien qui tue ses citoyens partout. »
– Marwan Farès, député de Baalbeck (membre du Parti syrien national social)
« Les forces de sécurité syriennes ont arrêté à Homs un certain nombre d’officiers français qui étaient aux côtés des bandes armées. La politique française vise à faire chuter le président Bachar el-Assad car la Syrie est la seule citadelle qui reste face au colonialisme et au mouvement sioniste. De nombreux responsables français sont liés au mouvement sioniste qui veut faire tomber le régime en Syrie. »
Revue de presse
– As Safir (Quotidien libanais proche de la majorité-02 mars 2012)
Elie Ferzli
Des sources proches du Hezbollah assurent que la Résistance considère les menaces israéliennes de frapper l’Iran comme de la propagande médiatique, car Israël ne s’aventurera jamais dans une guerre d’envergure sans le soutien militaire des États-Unis.
Par conséquent, les mêmes sources ajoutent que ces manœuvres israéliennes pourraient consister en une tentative qui vise à jeter l’étincelle afin d’entraîner les États-Unis dans une guerre régionale décisive, avant qu’il ne soit trop tard, étant donné que le rôle américain s’est considérablement affaibli dans la région. Les mêmes sources poursuivent qu’il n’y aura pas de guerre avec l’Iran, vu la nouvelle position des États-Unis sur le dossier du nucléaire iranien, selon laquelle l’Iran ne possède pas d’armes nucléaires et n’a pas pris la décision d’en produire. Ceci dit, dans l’éventualité d’une telle guerre, les combattants du Hezbollah sauront bien ce qu’est leur devoir.
– As Safir (1er mars 2012)
Sateh Noureddine
Il est difficile de comprendre ou de concevoir les récentes déclarations des responsables, des chercheurs et des journalistes américains au sujet de la Syrie, sauf s’y nous y voyons la mauvaise foi des États-Unis vis-à-vis du régime et de l’opposition en Syrie. En effet, dès l’éclatement de la révolution syrienne, les Américains ont adopté une position plus réservée que celle qu’ils avaient affichée lors des autres révolutions arabes. Durant la conférence des Amis de la Syrie à Tunis, Washington avait tout l’air de refréner l’excès de zèle des Arabes et des Européens. Des auteurs américains ont mis cette attitude sur le compte du manque de compétence et d’expérience de la Secrétaire d’État américaine Hillary Clinton, alors que d’autres ont soulevé la question d’une collusion américano-russe, portant sur un arrangement déterminé en Syrie, qui attendrait toutefois la fin des élections en Russie !
Les prises de positions américaines sont déconcertantes, mais, cela ne saurait s’expliquer uniquement par le fait que les États-Unis sont une grande puissance en déclin. Il y a anguille sous roche. Il y a un danger qui reste à déterminer.
– As Safir (1er mars 2012)
Deux semaines avant la tenue de la deuxième conférence des « amis de la Syrie », la Turquie mise sur le changement de l’humeur de la Russie vers l’adoption d’une position moins ferme dans le soutien du régime syrien, au lendemain des élections présidentielles. Selon certaines sources en Turquie, seul un tel changement permettrait de faire passer une résolution contre le régime syrien au Conseil de sécurité, d’autant plus que les dissensions sévissent dans les rangs de l’opposition syrienne et que Bachar al-Assad tient d’une poignée de fer les rouages de l’État et de l’armée.
Les mêmes sources ajoutent que des négociations sont en cours entre les États-Unis et la Russie, laquelle aurait exprimé son souhait de vouloir préserver l’influence russe en Syrie. Toujours selon les mêmes sources, en l’absence d’une initiative arabe, des concertations tripartites loin des feux de la rampe entre la Turquie, la Russie et l’Iran ont eu lieu, durant lesquelles le chef de la diplomatie turque aurait tenu au courant les Russes et les Iraniens des contacts entrepris par la Turquie pour parvenir à une approche coopérative. Concernant l’opposition syrienne, les sources insistent que la Turquie ne soutient pas l’armement de l’opposition syrienne, et qu’elle refuse que ses territoires soient utilisés comme base par cette opposition. Elles ont de même écarté l’éventualité de l’imposition d’une zone d’exclusion aérienne.
Les mêmes sources ont exprimé la satisfaction de la Turquie quant à la politique de dissociation adoptée par le Liban, affirmant ne pas avoir encouragé Joumblatt durant sa dernière visite en Turquie, à hausser le ton contre le régime syrien.
– As Safir (29 février 2012)
Pour la première fois le Centre Khiam pour la réhabilitation des victimes de torture, qui ayant obtenu le statut d’observateurs des Nations unies présentera, à la 16ème session du Conseil des Droits de l’Homme de l’Onu à Genève, un document officiel pour réclamer la libération de Georges Ibrahim Abdallah, détenu par les autorités française depuis 24 octobre 1984 pour détention de vrais-faux papiers. Le directeur du centre a prévu que la séance du CDH soit fiévreuse, vu les violations des droits de l’homme en Syrie.
– As Safir (29 février)
Denise Atallah Haddad
Les Églises orthodoxe, catholique et maronite ont toutes les mêmes craintes quant à l’avenir des chrétiens au Moyen-Orient et soulèvent les mêmes interrogations : comment peut-on garantir que le printemps arabe ne se transforme pas en un automne chrétien ? Qui est-ce qui garantit la présence des chrétiens dans la foulée des changements vécus par la région ? Qui est-ce qui protègera les chrétiens de la marée fondamentaliste déferlante ? Comment pourrons-nous préserver de solides relations avec l’Occident, tout en l’appelant à comprendre les spécificités des communautés chrétiennes dans la région ? Selon des responsables religieux, les propos du chef de la diplomatie française se basent sur la vision de la France quant au soutien des droits des peuples à la liberté, l’égalité et la démocratie sans se rendre compte de la réalité sur le terrain où les choses sont plus compliquées. La position que les Églises veulent adopter consiste à soutenir le dialogue. L’église est avec l’ordre, non pas avec le régime, l’Église est avec la loi, la justice et un État fort. « Théoriquement, poursuivent les mêmes sources, tous les mouvements populaires contre l’injustice se basent sur les valeurs chrétiennes, humanitaires et morales, mais sur le terrain, on voit des enfants, des femmes et des personnes âgées tués, des villes entières détruites, et un taux de chômage de plus en plus élevé, une réalité, face à laquelle, nous ne savons pas ce que nous cache l’avenir ». Les mêmes sources se demandent : « Dans une telle situation, comment pouvons-nous alors compter sur une promesse française ou occidentale, selon laquelle la France ne nous abandonnera pas ? »
Un responsable ecclésial libanais s’était interrogé dans ce cadre : « Qu’est-ce que la France a-t-elle fait pour les chrétiens d’Orient ? ». Des députés français ont posé la même question au Quai d’Orsay et ont obtenu la même réponse de Juppé, à savoir que « la France fait tout son possible pour obtenir des garanties qui protègeraient les chrétiens lors du changement des régimes en place dans la région, en particulier en Syrie ». Juppé leur aurait également rappelé que l’État de droit, la citoyenneté et la loi sont susceptible de protéger les chrétiens d’Orient. Le même responsable s’est alors demandé : « Comment traduire ses garanties ou assurances en actes ? Comment parvenir à l’établissement d’un tel État ? Qu’est-ce que la France a-t-elle fait pour traduire en actes ces slogans ambitieux ? Serait-il suffisant que Juppé appelle le Conseil national syrien (CNS), lui demandant de prendre en considération la situation des chrétiens ? ».
Le responsable religieux conclut que les sentiments de peur et d’incertitude éprouvés par les communautés chrétiennes ne seront pas dissipés par les propos rassurants de la France ou de l’Occident.
– As Safir (29 février)
Rima Farah
Le ministre des Affaires étrangères de la tendre mère des chrétiens, Alain Juppé, a rassuré les chrétiens d’Orient en déclarant : « Je veux dire aux chrétiens d’Orient que la France ne les abandonnera pas. Notre confiance dans les révolutions de 2011 s’accompagne d’une vigilance absolue du respect des droits de l’homme, en particulier de ceux des minorités ».
En effet, ils sont rassurés, surtout que Juppé a mentionné « avoir insisté sur cette question » auprès du Conseil national syrien (CNS), pour les chrétiens en Syrie, et qu’il mise sur le Parlement (des salafistes et des Frères musulmans), en ce qui concerne les coptes en Égypte. Juppé n’a pas oublié de recommander aux chrétiens du Proche-Orient de ne pas se prêter aux manœuvres d’instrumentalisation mises en œuvre par des régimes autoritaires coupés de leur peuple, même s’il a oublié que l’armée française, avec ses missiles, chars et avions, a été incapable d’empêcher l’émigration des chrétiens d’Irak
Juppé est peut-être rassuré parce qu’il réalise que les mouvements de contestation soutenus par lui-même et ses alliés chrétiens occidentaux ont eu des conséquences plus lentes et moins graves sur les chrétiens que l’action militaire entreprise par son pays et ses alliés sur le terrain qui est en ébullition en raison des mouvements qui visent à faire face aux « régimes autoritaires coupés de leur propre peuple ».
Les propos de Juppé sont agréés par quelques chrétiens, il n’en reste pas moins qu’ils provoquent d’autres chrétiens d’Orient, lesquels estiment qu’il est de leur devoir de répondre à sa bienveillance, d’autant plus que lui et son pays représente une grande valeur, et lui dire : s’il s’arrête de s’ingérer dans les affaires des chrétiens en dehors de ses frontières géographique, politique et littéraire, surtout en Orient et s’il cesse ses bavardages quotidiens, les chrétiens pourrons s’intégrer dans leur région. Les chrétiens d’Orient n’ont pas besoin d’assurances de personnes, tels Alain Juppé et ses pairs du Continent européen, où selon les statistiques, le nombre d’églises diminue de jour en jour en raison de l’absence de la foi chrétienne. Monsieur Juppé, les chrétiens d’Orient répètent qu’il vous serait plus utile de prêter attention aux statistiques susmentionnées, plutôt que de vous préoccuper des chrétiens d’Orient.
– An Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars)
Rosanna Bou Mounsef (02 mars 2012)
Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a adopté une résolution contre la Syrie, rejetée par la Russie la Chine et Cuba, ce qui pousse des sources politiques à s’interroger sur les raisons de l’optimisme de l’Occident quant à un possible changement de cap de la Russie sur la crise syrienne après les élections présidentielles en Russie. D’autant plus que la question syrienne n’est pas au centre de l’intérêt de l’électorat russe. Ces mêmes sources pensent que l’Occident devrait plutôt miser sur le changement que la Russie espère voir en Syrie. En effet, durant la période écoulée entre l’échec de l’adoption de la résolution du Conseil de sécurité contre la Syrie et l’échéance électorale en Russie, le régime syrien a enregistré des avancées sur les volets militaire et politique : il a tranché la bataille à Homs, après avoir accéléré le rythme des opérations militaires, et il a organisé un référendum, dont les résultats ont été largement en faveur du président Bachar al-Assad. Ces deux facteurs permettront à Moscou de hausser le plafond de ses conditions durant les négociations internationales sur le sort du président syrien. La Russie est convaincue que le régime syrien prendra davantage de mesures politiques pour rester au pouvoir et qu’un nouveau gouvernement, comprenant des représentants de l’opposition, sera mis en place et fonctionnera sous la houlette du régime actuel, tant que l’Occident s’est montré incapable d’y trouver une alternative.
– An Nahar (1er mars 2012)
Il y a une contradiction claire entre l’hésitation américaine et l’enthousiasme européen dans le dossier syrien. Cette contradiction affaiblit l’impact et l’utilité des pressions exercées sur le régime du président Bachar al-Assad. Cette hésitation s’illustre, notamment dans les dernières déclarations de la Secrétaire d’État américaine Hillary Clinton, qui s’est élevée contre l’armement de l’opposition syrienne et a reconnu la « force de l’armée syrienne ». Une hésitation qui pousse de nombreux observateurs à reprocher à Washington sa patience vis-à-vis du régime syrien, contrairement à ce que fut la réaction américaine face aux autres révolutions arabes.
L’Occident ne s’exprime pas d’une seule voix vis-à-vis de la crise en Syrie. Ainsi, l’enthousiasme affiché par la France tranche avec la réticence américaine. Preuve en est la proposition française de créer des couloirs humanitaires sécurisés, et l’idée d’une comparution du président Bachar al-Assad devant la Cour pénale internationale.
Les États-Unis adoptent-ils dans le dossier syrien la même approche qu’en Libye : garder un profil bas tout en cédant le devant de la scène aux Européens, notamment à la France ?
– An Nahar (28 février 2012)
Khalil Fleihane
Depuis de nombreuses années, l’Iran se montre disposé à fournir à l’Armée libanaise des armes de fabrication iranienne, mais la réponse officielle libanaise demeure délibérément évasive. La visite du ministre de la Défense Fayez Ghosn en Iran s’inscrirait dans ce contexte, et il faut reconnaitre que l’armée a besoin de ces armes. Mais il est à craindre que le Liban ne tergiverse, une fois de plus, pour éviter de se prononcer au sujet de l’offre iranienne. Cette réticence serait due à l’opposition des États-Unis, de la France et d’autres pays européens. Des sources ministérielles libanaises confirment qu’il est difficile d’avancer sur ce dossier dans les circonstances actuelles, au plus fort de la tension entre l’Occident et l’Iran. Selon elles, ce sont donc les pressions américaines et françaises qui ont jusqu’à présent poussé les responsables libanais à ne pas accepter les propositions iraniennes en matière d’armement.
– Al Moustaqbal (Quotidien appartenant à la famille Hariri)
Souraya Chahine (02 mars 2012)
Contrairement à ce que certains affirment, la position de la Russie sur la crise syrienne ne changera pas après l’élection présidentielle, assurent des sources russes.
L’approche russe à l’égard de la crise en Syrie se base sur deux points : le cessez-le- feu et le dialogue politique. La chute du régime de Bachar al-Assad constituerait un développement d’une grande gravité pour Moscou, car encouragerait une offensive internationale contre les intérêts russes partout dans le monde, en particulier dans le Caucase et au Kazakhstan, voire en Russie même.
– Al Moustaqbal (1er mars 2012)
Rouba Kabbara
Le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, estime que l’hésitation des États-Unis, de l’Occident et de la Turquie quant aux mesures à prendre pour soutenir les révolutionnaires syriens sont dues à un désaccord sur l’alternative qui accèderait au pouvoir dans la période post-Assad. Mais il pense que la chute du régime de Bachar al-Assad est inévitable. Samir Geagea ajoute que les amis de la Syrie n’ont pas besoin d’un deal russo-américain pour prendre des mesures pratiques pour le soutien des révolutionnaires. Cependant, des analystes contredisent cette lecture des choses. Sur la position russe, le ténor du 14-Mars dit qu’elle émane de plusieurs considérations : éviter le scénario libyen, les élections présidentielles en Russie, peur de la contagion des mouvements populaires, empêcher l’intervention du Conseil de sécurité.
En réponse à la question sur l’éventuelle partition de la Syrie, Geagea commente que l’insinuation de l’établissement d’un État alaouite est une blague visant à intimider les gens, sachant que les alaouites sont éparpillés partout dans le pays et ne disposent pas des composantes d’un État. En ce qui concerne les craintes des chrétiens en Syrie quant à la chute du régime, Geagea affirme que les propos du président syrien sur sa protection des chrétiens est un grand mensonge. Il a affirmé ne pas craindre l’arrivée des Frères musulmans au pouvoir, car la situation ne peut pas être pire qu’elle ne l’est actuellement.
Geagea a en outre affirmé ne pas avoir peur des répercussions des évènements en Syrie sur le Liban, d’autant plus que toute tentative du Hezbollah soutenir le régime syrien ne sera pas dans son intérêt.
– L’Orient-Le Jour (Quotidien francophone proche du 14-Mars)
Philippe Abi Akl (02 mars 2012)
L’initiative de l’imam d’une mosquée de Saïda, cheikh Ahmad Assir, d’appeler à une manifestation dimanche dans le centre-ville de Beyrouth en signe de soutien à la révolution syrienne et l’écho favorable que paraît avoir suscité cet appel dans les milieux sunnites ont mis la République en émoi.
Des sources sunnites modérées sidoniennes soulignent que cheikh Assir incarne un mouvement extrémiste sunnite qui s’est développé dernièrement auprès des couches populaires du fait de l’inaction des forces modérées représentées par le courant du Futur tout autant que par les centristes regroupés autour du Premier ministre Nagib Mikati et du ministre des Finances Mohammad Safadi.
Imam d’une mosquée située dans la banlieue de Saïda, cheikh Assir a su exploiter la déconfiture de la rue sunnite et les événements de Syrie pour lancer un mouvement fondamentaliste extrémiste sous le slogan du soutien au peuple syrien. Mais il incarne aussi les frustrations que ressent cette rue sunnite à l’égard du Hezbollah.
Des forces actives sur la scène sidonienne ont bien tenté de circonscrire le mouvement lancé par le dignitaire, mais leurs tentatives ont échoué jusqu’ici. Sa démarche a suscité un tel enthousiasme chez de nombreuses populations sunnites à travers le pays qu’il incarne à présent un phénomène.
Tout dernièrement, cheikh Assir s’était rendu à Moukhtara, chez le chef du PSP, Walid Joumblatt, à la suite des positions en flèche prises par celui-ci au sujet de la crise syrienne. Selon des sources proches de Moukhtara, M. Joumblatt a conseillé, lui aussi, au cheikh de Saïda de s’abstenir de toute action susceptible de transposer sur la scène libanaise les répercussions des développements en Syrie, en insistant sur la nécessité de protéger la stabilité du Liban et d’y consolider la paix civile. Il a émis le souhait de voir l’action du cheikh ne pas transgresser les limites de l’union nationale et de la coexistence.
Mais il est clair que le dignitaire n’a pas tenu compte des conseils du chef druze et a lancé son initiative en direction du centre-ville de Beyrouth, faisant assumer aux autorités la responsabilité d’assurer l’ordre lors de la manifestation et d’empêcher tout débordement.
Du côté des forces de l’ordre, on insiste sur le fait que le droit à la liberté d’expression est sacré, mais on met en garde contre toute tentative de déstabilisation d’où qu’elle vienne, comme l’avait souligné le commandant en chef de l’armée, le général Jean Kahwagi.
Dans les milieux du 8-Mars, on ne cache pas l’irritation que cause le mouvement enclenché par cheikh Assir et on estime nécessaire de le stopper ou, du moins, de le maîtriser, avant qu’il n’ait un effet boule de neige sur une scène libanaise déjà suffisamment tendue.
À cela, des sources de l’opposition répliquent que c’est l’absence de solution en Syrie et la poursuite des tueries qui encouragent l’émergence et le développement au Liban de mouvements tels que celui de cheikh Assir. Ces sources craignent, en effet, que si la crise syrienne perdure, le climat d’extrémisme et de fondamentalisme ne prenne encore plus d’ampleur dans les milieux sunnites du Liban.
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