L’Ukraine est un pays, un État, mais pas une Nation. Ses dirigeants actuels se comportent comme les précédents : ils sont aujourd’hui pro-US, mais pourraient changer de bord s’ils y trouvaient un intérêt personnel. Ils reçoivent quantités d’armes de l’Otan pour écraser les Novorussiens, mais préfèrent les vendre au plus offrant —y compris aux Novorussiens ou aux Syriens— plutôt que d’attaquer Donestk. Pourtant, en pleine trêve, l’Otan continue à alimenter ce puits sans fond.
Au départ, il semblait surprenant qu’au premier jour des négociations marathon [1] qui se sont tenues à Minsk une proposition de loi offrant de « fournir des armes létales au gouvernement d’Ukraine afin qu’il se défende contre les rebelles séparatistes appuyés par la Russie dans l’Est de l’Ukraine » ait été déposée devant le congrès états-unien [2]. Toutefois, il devint vite clair que son sponsor, le sénateur James Inhofe, ne se fait tout simplement aucune illusion [3] au sujet de l’aptitude ou du pouvoir de ses partenaires ukrainiens à remplir leurs obligations. Il comprend que Kiev violera inévitablement le cessez-le-feu et que Washington devra aussitôt expliquer pourquoi les milices dans la région dévastée de ce que l’on nomme le « chaudron de Debaltsevo » [4] sont en possession d’un nombre aussi important d’armes capturées provenant des pays de l’Otan.
Et il ne peut y avoir le moindre doute que cela arrivera. La milice continue de fournir des preuves documentées de l’usage par Kiev d’armement standard de l’Otan, comme l’obusier automoteur Paladin M109, les systèmes d’armes anti-char portables Javelin, et des armes légères (fusils d’assaut M16 et autres) .
Vidéo prise à Gorlovka, le 1er février 2015. Selon Life News, la cathédrale chrétienne du centre ville a été bombardée par des canons Paladin de 155 mm, des obusiers de fabrication états-unienne.
Vidéo tournée à l’aéroport de Donetsk, le 18 janvier 2015. On y voit des piles d’armes légères de l’Otan laissées par les soldats ukrainiens.
Reportage de la télévision ukrainienne (septembre 2014) sur l’assistance militaire occidentale en Ukraine. Des armes antichars Javelin et d’autres systèmes y sont présentés.
L’âge et la condition de ces armes suggèrent que l’Occident vend tout simplement à l’armée ukrainienne de l’équipement qui était déjà destiné à la casse. Par exemple, la Grande-Bretagne a tout d’abord produit ses blindés de transport de troupes, Saxon, en 1983, et ils furent retirés du services en 2008. Maintenant, ils sont expédiés [5] à travers le port d’Odessa à la compagnie Ukroboronprom, qui les adaptera aux besoins de l’armée ukrainienne. Le gouvernement ukrainien dépense à peu près 51 000 dollars pour chaque Saxon AT-105. Il importe de noter que, compte tenu de la situation de crise générale qui règne là-bas, les Ukrainiens ont repoussé l’idée de produire leur propre véhicule blindé Dozor-B.
Selon les statistiques officielles, l’armée allemande possédait 570 obusiers automoteurs M109. Mais il n’en reste plus un seul. Où croyez-vous qu’ils sont passés ? La réponse est simple ; en décembre 2014, les responsables ukrainiens fermèrent inopinément les aéroports de Dnepropetrovsk, Zaporozhye et Kharkov en raison d’une soi-disant menace provenant de troupes russes aéroportées (!), tandis que plusieurs avions de transport C-130 Hercule et C-17B Globemaster de l’Otan s’y sont posés. Des témoins à Zaporozhye et Dnepropetrovsk virent quatre obusiers automoteur Paladin (et leurs boîtes de munitions) être déchargés. Des témoins à Kharkov affirment que deux LAROM MLRS roumains et un Teruel-3 espagnol y ont été acheminés.
Des convois militaires, qui ont régulièrement franchi la frontière polono-ukrainienne depuis l’été 2014, parviennent au 169ème centre d’entrainement des troupes terrestres ukrainiennes dans la région de Chernihiv, où des instructeurs des pays de l’Otan organisent des exercices avec des soldats servant au sein des forces de sécurité ukrainiennes, de façon à les entrainer au maniement d’armes de l’Otan.
L’incompétence de l’armée ukrainienne, aussi bien que la question de son approvisionnement, constituent un problème très sérieux. Les systèmes d’armes de l’Otan sont difficiles à manipuler et requièrent de grosses quantités de munitions appropriées qui ne sont pas produites en Ukraine. Mais les canaux de livraison de ces munitions en Ukraine ont déjà été établis. Par exemple, début février le navire cargo Yasar Abi [6] a navigué de Burgas (Bulgarie) jusqu’au port d’Oktyabrsk (région de Mykolai en Ukraine) transportant un chargement de 680 tonnes de munitions ex-soviétiques et de l’Otan.
Bref, la proposition de loi du sénateur Inhofe ne porte pas sur la fourniture d’assistance militaire au gouvernement fantoche de Kiev, mais est plutôt une manière de légitimer les fournitures qui ont déjà été livrées. Comme d’habitude, seules les armes les plus anciennes et les plus vétustes finissent dans la région où l’opération anti-terroriste est en cours —ce qui signifie que les responsables ukrainiens réexportent tout ce qui vaut la peine d’être revendu à des pays tiers [7], y compris la Syrie—. Personne ne peut garantir que les armes qui seront fournies légalement à l’Ukraine ne seront pas un jour utilisées contre les intérêts états-uniens dans les points chauds du globe. Toutefois, il semblerait que cette menace n’effleure pas l’esprit des sénateurs US.
[1] “Marathon talks produce Ukraine peace deal ; cease-fire Sunday”, Yuras Karmanau & Jim Heitz, AFP, February 12, 2015.
[2] “A bill to provide lethal weapons to the Government of Ukraine in order to defend itself against Russian-backed rebel separatists in eastern Ukraine”, James Inhofe, Congress.gov, 11 February, 2015.
[3] “Here’s The Ukrainian Delegation That Gave Misleading Photos To Senator’s Office”, Rosie Gray, BuzzFeed News, February 13, 2015.
[4] “What’s Cooking in the Debaltsevo Cauldron ?”, Riley Waggaman, Russia Insider, February 17, 2015.
[5] “Britain’s Ugliest Cold War Vehicle Is Back … In Ukraine”, Thomas Newdick, Medium.com, February 17, 2015.
[6] “Yasar Abi IMO 8922395”, Vessel Finder.
[7] “Where will the US arms for Ukraine actually end up ?”, Andrey Polevoy, Oriental Review, February 11, 2015.
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