Rapport du Secrétaire général sur la menace que représente l’État islamique d’Iraq et du Levant (Daech) pour la paix et la sécurité internationales et sur l’action menée par l’Organisation des Nations Unies pour aider les États Membres à contrer cette menace
I. Introduction
1. Le présent rapport est soumis en application du paragraphe 97 de la résolution 2253 (2015) du Conseil de sécurité, dans laquelle le Conseil demande l’établissement d’un rapport stratégique initial qui montre et traduise la gravité de la menace que représentent l’État islamique d’Iraq et du Levant pour la paix et la sécurité (EIIL, connu également sous le nom de Daech) et les individus, groupes et entités qui lui sont associés, y compris les combattants terroristes étrangers, qui fournit des informations sur leurs sources de financement, notamment celles provenant du commerce illicite de pétrole, d’antiquités et d’autres ressources naturelles, et sur la planification et la facilitation de leurs attaques, et qui expose l’action menée par l’Organisation des Nations Unies pour aider les États Membres à lutter contre cette menace .
2. La résolution 2253 (2015) du Conseil de sécurité a été adoptée le 17 décembre 2015 lors d’une séance du Conseil qui réunissait notamment des ministres des finances du monde entier. En adoptant cette résolution, le Conseil s’est déclaré résolu à s’attaquer à la menace que font peser ces groupes et individus sur la paix et la sécurité internationales et a déclaré qu’il fallait couper l’accès aux fonds, notamment empêcher le commerce illicite de pétrole, d’antiquités et d’autres ressources naturelles ainsi que la planification et la facilitation d’attaques. Dans cette même résolution, le Conseil a décidé que ces groupes et individus seraient soumis aux mesures imposées par sa résolution 2161 (2014) ; que l’ancien Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267 (1999) et 1989 (2011) concernant Al-Qaida et les personnes et entités qui lui sont associées serait dorénavant dénommé Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267 (1999), 1989 (2011) et 2253 (2015) concernant l’État islamique d’Iraq et du Levant (Daech), Al-Qaida et les personnes, groupes, entreprises et entités qui leur sont associés (voir S/2016/2/Rev.1) ; et que la liste des Sanctions contre Al-Qaida serait connue sous le nom de Liste des sanctions contre l’État islamique d’Iraq et du Levant (Daech) et Liste des Sanctions contre Al-Qaida.
3. Le rapport contient également des recommandations sur le renforcement des capacités des États Membres en vue d’atténuer la menace, ainsi que sur les moyens dont dispose l’ONU pour appuyer ces efforts. Comme demandé par le Conseil, le rapport a été établi avec le concours de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, en étroite collaboration avec l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des Sanctions créée par la résolution 1526 (2004) du Conseil de sécurité concernant Al-Qaida, les Taliban et les personnes et entités qui leur sont associées du Comité du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267 (1999), 1989 (2011) et 2253 (2015), l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme de l’Organisation des Nations Unies et d’autres acteurs concernés du système des Nations Unies et des organisations internationales. Certains États Membres ont également fourni des informations.
II. Gravité de la menace que représentent l’EIIL et les groupes et entités qui lui sont associés
A. La menace
4. L’émergence de l’EIIL a été facilitée par les conflits prolongés en Iraq et en République arabe syrienne et par l’instabilité politique et la dégradation des conditions de sécurité qui en ont résulté, ainsi que par l’affaiblissement des institutions de l’État et l’incapacité des deux États à exercer un contrôle effectif sur leurs territoires et frontières. En moins de deux ans, l’EIIL a conquis de vastes portions de territoire en Syrie et en Iraq, qu’il administre au moyen d’une structure génératrice de revenus sophistiquée et quasi bureaucratique, suffisamment souple et diversifiée pour compenser la diminution des recettes provenant d’une seule source. L’EIIL tire également parti de ses liens avec les réseaux de criminalité transnationale organisée. Il utilise ses finances pour appuyer les campagnes militaires en cours, administrer ses territoires et financer l’expansion du conflit au-delà de l’Iraq et de la République arabe syrienne et il a mis au point une stratégie de communication très efficace et très élaborée pour faire en sorte que sa vision déformée du monde trouve un écho auprès d’un nombre croissant d’individus marginalisés, qui ne croient plus aux valeurs fondamentales d’une société dans laquelle ils ne se reconnaissent plus.
5. En dépit des efforts faits par la communauté internationale pour lutter contre l’EIIL à l’aide de mesures militaires, financières et de contrôle aux frontières (qui ont récemment permis de lui infliger des pertes importantes), l’EIIL continue de maintenir sa présence en Syrie et en Iraq. Il élargit également le champ de ses opérations à d’autres régions. Les attentats terroristes perpétrés dans les derniers mois de 2015 montrent qu’il est capable d’attaquer des cibles civiles à l’extérieur des territoires placés sous son contrôle. L’étendue de son champ d’action a été illustrée par les attentats-suicides à la bombe qui ont eu lieu à Beyrouth le 12 novembre 2015 ; la série d’attentats coordonnés qui ont frappé Paris le 13 novembre 2015 ; et les attentats de Jakarta commis le 14 janvier 2016 par un groupe affilié à l’EEIL, de manière très similaires à ceux perpétrés à Paris.
6. L’expansion récente de la sphère d’influence de l’EIIL dans l’ouest et le nord de l’Afrique, au Moyen-Orient et en Asie du Sud et du Sud-Est montre la rapidité et l’ampleur avec laquelle la menace s’est aggravée en à peine 18 mois. La complexité des attaques récentes et leur niveau de planification, de coordination et de sophistication suscitent des inquiétudes quant à son évolution. En outre, d’autres groupes terroristes, y compris la Choura de la jeunesse islamique et le groupe État islamique d’Iraq et du levant en Libye (Darna), les Moudjahidin de Kairouan et les Soldats du califat en Tunisie, le Mouvement islamique d’Ouzbékistan, Tehreek-i-Khilafat au Pakistan et Ansar el-Khilafah aux Philippines, sont suffisamment attirés par son idéologie pour prêter allégeance à son soi-disant califat et à son calife autoproclamé. L’EIIL a également profité de l’arrivée d’un flux continu de combattants étrangers, qui continuent de quitter leur communauté pour reconstituer ses rangs. Le retour de ces combattants des champs de bataille de Syrie, d’Iraq et d’autres zones de conflit est un autre grand sujet de préoccupation, car ces derniers peuvent étendre la présence de l’EIIL à leur pays d’origine et utiliser leur savoir-faire et leur expérience du combat pour recruter de nouveaux sympathisants, mettre en place des réseaux terroristes et commettre des actes de terrorisme.
1. État islamique d’Iraq et du Levant hors d’Iraq et de Syrie
7. La menace croissante que représente l’EIIL pour la paix et la sécurité internationales est incarnée par sa stratégie d’expansion au niveau mondial, qui pourrait être la conséquence de ses récentes pertes de territoire en Iraq et en Syrie, du fait de l’opération militaire internationale. Au 15 décembre 2015, 34 groupes dans le monde avaient apparemment prêté allégeance à l’EIIL. En outre, compte tenu de ses revendications territoriales sur un plus grand nombre de « provinces », il est probable que le nombre des groupes qui lui sont affiliés augmente en 2016. C’est un sujet de préoccupation majeure, étant donné que ces groupes semblent s’inspirer des tactiques de l’EIIL et mener des attaques en son nom.
8. En 2016 et au-delà, les États Membres devraient s’attendre à une nouvelle augmentation du nombre de combattants étrangers qui se rendent dans d’autres États sur ordre de l’EIIL. De nombreux groupes et individus ont prêté allégeance à Abou Bakr el-Baghdadi et à son « califat » autoproclamé depuis 2014, mais seuls ses affiliés en Libye et en Afghanistan contrôlent actuellement un territoire ayant une importance. L’EIIL en Libye est celui qui a reçu le plus d’attention, y compris un appui et des conseils de la part de l’organisation mère . En Afghanistan et au Pakistan, l’EIIL continue de mettre en place un réseau de contacts et de sympathisants qui mènent des attaques en son nom. Le 13 janvier 2016, l’EIIL de la Province du Khorasan, qui opère au Pakistan et en Afghanistan, a publié un communiqué revendiquant une attaque contre le consulat du Pakistan à Jalalabad, en Afghanistan.
2. Violations graves des droits de l’homme
9. L’État islamique d’Iraq et du Levant continue de commettre des violations abominables des droits de l’homme contre les populations qui sont sous son contrôle . Les exécutions, la torture, les amputations, les coups de fouet, les attaques ethniques et confessionnelles et la flagellation dans les lieux publics contre les « infidèles » sont autant de témoignages du niveau de cruauté auquel il est prêt à s’adonner pour parvenir à ses fins. L’EIIL cible systématiquement les communautés et les membres des communautés qui refusent d’adhérer à son idéologie extrémiste, y compris les chrétiens, les yézidis, les chiites et les sunnites. Depuis l’apparition de l’EIIL, l’asservissement sexuel des femmes et des filles a été utilisé comme un instrument de terreur pour humilier et assujettir des communautés tout entières. La violence sexuelle, utilisée ou commanditée comme méthode ou tactique de guerre ou dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre des populations civiles peut considérablement exacerber et prolonger les conflits armés et compromettre le rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. Dans ce contexte, la violence sexuelle et sexiste utilisée comme une tactique de terrorisme par l’EIIL est devenue un élément de sa stratégie pour contrôler des territoires, déshumaniser les victimes et recruter de nouveaux partisans. De l’avis de ma Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, les groupes comme l’EIIL, considèrent les corps des femmes comme des instruments pour concevoir une nouvelle génération qu’ils peuvent façonner à leur image, selon leur idéologie radicale, et par conséquent le contrôle de leur sexualité et de la reproduction fait partie intégrante des aspirations de l’EIIL et de ses affiliés d’édifier une nation. Le lien qui existe entre la violence sexuelle et l’extrémisme violent est de plus en plus évident, et la lutte contre les groupes extrémistes est une composante essentielle du combat contre la violence sexuelle liée aux conflits . Dans sa résolution 2242 (2015), le Conseil de sécurité souligne la nécessité croissante de veiller à ce que la protection et l’autonomisation des femmes occupent une place centrale dans les stratégies de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent.
10. Des milliers d’enfants sont également devenus victimes, auteurs ou témoins des atrocités commises par l’EIIL. Le groupe endoctrine systématiquement des enfants, dès l’âge de cinq ans, qu’il piège en ligne afin d’en faire de futurs militants. La Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI) et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme continuent de recevoir des informations indiquant que l’EIIL recrute par la force des enfants pour les utiliser lors d’opérations militaires . Plusieurs vidéos diffusées sur les médias sociaux montrent prétendument le recrutement et la formation des enfants dans les camps de l’EIIL en Iraq et en République arabe syrienne. Le recrutement et les mauvais traitements systématiques infligés aux enfants par l’EIIL ainsi que les camps d’entraînement pour les jeunes, dont la création a été signalée dans plusieurs régions, sont de graves sujets de préoccupation.
3. Crise humanitaire
11. La communauté internationale est confrontée à une crise humanitaire d’une ampleur sans précédent. Le conflit syrien, qui est la plus importante et la plus complexe des crises humanitaires actuelles, a pris une dimension internationale. Dans la seule République arabe syrienne, près de 12 millions de personnes (dont plus de quatre millions ont cherché refuge dans les pays voisins) ont été forcées de fuir leur foyer, et plus de 13,5 millions ont besoin d’une aide humanitaire . L’émergence de l’EIIL, en Syrie et en Iraq a aggravé la crise humanitaire. Sans solution politique en vue, et avec la poursuite de l’affrontement militaire, le nombre de personnes touchées par le conflit interne dans les deux pays va probablement s’accroître sensiblement en 2016. La présence massive de populations déplacées met également à rude épreuve les ressources des États voisins des zones de conflit.
4. Destructions et pillages de sites culturels et d’antiquités
12. La destruction et le pillage systématique et à grande échelle de sites culturels fait également partie intégrante de la stratégie de l’EIIL et met en lumière les liens étroits entre les dimensions culturelle, humanitaire et sécuritaire des conflits et du terrorisme. Ce fait a été reconnu dans de nombreuses déclarations de l’Organisation des Nations Unies, y compris la résolution 69/281 de l’Assemblée générale, intitulée « Sauvegarde du patrimoine culturel de l’Iraq », et plus particulièrement la résolution 2199 (2015) du Conseil de sécurité, dans laquelle celui-ci interdit le commerce des antiquités enlevées illégalement d’Iraq depuis le 6 août 1990 et de celles enlevées de Syrie depuis le 15 mars 2011 et note que le trafic illicite des antiquités est une source potentielle de financement des organisations terroristes.
5. Conclusion
13. L’EIIL pose une menace sans précédent pour la paix et la sécurité internationales. Il est capable de s’adapter rapidement à l’évolution de l’environnement et de persuader les groupes terroristes qui partagent ses vues dans différentes régions du monde de faciliter et de commettre des actes de terrorisme ou à les y inciter.
14. Compte tenu de la gravité de la menace, la communauté internationale doit également pouvoir adapter ses réponses, en veillant à ce qu’elles soient compatibles avec l’état de droit et les normes internationales des droits de l’homme et du droit humanitaire. Les États Membres devraient adopter des approches globales tenant compte des initiatives de lutte contre le terrorisme à des fins sécuritaires, ainsi que des mesures de prévention des facteurs de l’extrémisme violent qui conduit au terrorisme.
B. Sources de financement de l’EIIL
15. La mobilisation rapide et efficace par l’EIIL d’énormes ressources financières pour le recrutement et l’expansion territoriale témoigne de la gravité de la menace que font peser sur la paix et la sécurité internationales des organisations terroristes qui utilisent des méthodes similaires à celles employées par des groupes criminels transnationaux organisés et qui adaptent en permanence leur stratégie de financement à l’évolution de la situation.
16. L’EIIL est l’organisation terroriste la plus riche au monde. Ses sources de financement ont été décrites en détail dans un certain nombre de rapports, notamment ceux de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, de l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions et du Groupe d’Action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI). Ses fonds proviennent pour l’essentiel de l’exploitation des ressources naturelles et économiques des territoires qu’il occupe, (y compris les champs pétroliers, les raffineries et les terres agricoles), ainsi que des attaques de banques, des extorsions de fonds, des confiscations de biens, des dons des combattants étrangers et du pillage des antiquités.
17. De nombreux rapports, notamment de la MANUI, estiment que les recettes tirées du pétrole et de ses produits dérivés par l’EIIL ont atteint entre 400 et 500 millions de dollars en 2015. Celui-ci utilise les fonds provenant des ventes de pétrole pour acheter des fournitures, notamment des armes, du matériel militaire et des munitions. Du fait des frappes aériennes internationales sur les raffineries de pétrole et les citernes, du blocage des itinéraires de contrebande ainsi que de la vente et de l’achat de pétrole, les recettes pétrolières de l’EIIL, tant dans leur totalité qu’en pourcentage de l’ensemble de ses bénéfices, diminueront progressivement en 2016. D’autres ressources, y compris des sites de production de gaz et de phosphates, ont également essuyé des frappes aériennes. En outre, la poursuite de l’exploitation des ressources existantes nécessiterait un savoir-faire et des investissements lourds probablement difficiles à acquérir dans l’immédiat. Toutefois, le degré de diversification de l’EIIL est tel qu’il peut rapidement compenser la baisse de ses revenus par d’autres sources. Les données et images fournies par les États Membres sur les itinéraires du trafic illicite de pétrole et de produits pétroliers par l’EIIL ne peuvent pas être vérifiées de manière indépendante par l’Organisation des Nations Unies. En outre, les différences dans les documents fournis montrent la difficulté d’établir avec précision les routes et les réseaux de distribution étant donné la diversité et la souplesse des moyens employés par l’EIIL, et soulignent l’importance pour les États Membres de travailler en étroite coordination et coopération, comme en témoigne l’adoption de la résolution 2253 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies.
18. Au cours de l’année écoulée, la « taxation » et la confiscation semblent être devenues une importante source de revenus. L’EIIL a mis au point un système sophistiqué pour la confiscation des biens, y compris de l’argent des banques (selon la MANUI, 1 milliard de dollars d’argent liquide a été prélevé dans 90 succursales situées dans les provinces iraquiennes sous son contrôle (675 millions de dollars rien que pour Mossoul). Il confisque également les maisons de notables et autres personnes qui quittent le territoire et les vend sur les marchés locaux, en offrant des remises à ses membres. L’EIIL taxe aussi l’activité économique en extorquant les huit millions de personnes vivant dans les territoires sous son contrôle. Il essaye de légitimer ce système en affirmant qu’il s’agit d’un impôt religieux ou « zakat ». Son montant s’élève à au moins 2,5 % des bénéfices réalisés par les commerces et entreprises sur les biens et les produits agricoles tels que le blé, l’orge, le coton et l’élevage ; sur les services des entrepreneurs et commerçants dans les provinces de l’ouest et du nord de l’Iraq, ainsi que sur les camions qui entrent dans les territoires placés sous son contrôle. Selon la Mission, cet impôt génère environ 900 millions de dollars par an. Dans certains cas, l’EIIL extorque jusqu’à 10 %, au motif que le pays est en guerre.
19. Le Gouvernement iraquien a récemment décidé d’interrompre le versement des salaires aux travailleurs dans le territoire contrôlé par l’EIIL, afin de limiter les possibilités de prélever un tel « impôt ». Cela étant, il semble que les envois de fonds effectués par des proches à l’étranger sont transférés avec des moyens locaux de type « hawala » et qui sont très difficiles à contrôler. À plus long terme, en revanche, ce système de taxation deviendra de plus en plus difficile à maintenir. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’Agriculture (FAO), c’est le cas en particulier dans le secteur agricole, où le rendement des cultures de blé et d’orge est en baisse dans le territoire contrôlé par l’EIIL en raison de la mauvaise qualité des semences.
20. Au même titre que les groupes criminels organisés transnationaux, l’EIIL s’appuie sur les techniques de blanchiment d’argent et de contrebande et les réseaux de trafic illicite pour contourner l’embargo international. Il vend des produits pétroliers et agricoles à des prix réduits en utilisant d’anciens itinéraires de contrebande à destination et en provenance d’Iraq et de Syrie. Une fois dans le pays de destination, il devient très difficile de déterminer l’origine des marchandises, en particulier des produits pétroliers. Des convois transportent des aliments de base et des matières premières pour la population et des marchandises illicites sont cachées à l’intérieur lorsqu’ils quittent le territoire contrôlé par l’EIIL. Il impose des « taxes » et des redevances sur tous ceux qui vivent sur le territoire placé sous son contrôle.
21. De nombreux sites archéologiques iraquiens et syriens sont placés sous le contrôle étroit de l’EIIL, qui taxe les pillards, sur la base d’une évaluation préalable de la valeur de la pièce, et octroie également des licences pour les excavations. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), l’École américaine pour les études orientales estime qu’environ 25 % des sites archéologiques en Syrie (y compris plus de 21 % dans les territoires contrôlés par l’EIIL) ont été pillés. La Syrie a saisi plus de 6 000 objets ou en a obtenu la restitution (dont 1 000 du Liban), au cours des quatre dernières années. L’UNESCO note que, compte tenu de l’ampleur du pillage et de sa valeur économique importante, il est probable que nombre de pièces sont entreposées par des réseaux criminels. Il est probable que dès que l’attention baissera, les réseaux criminels commenceront à introduire de nouvelles pièces sur le marché. Selon les premières informations reçues de ses États membres par l’UNESCO, un grand nombre de petits objets, tels que des pièces de monnaie et des statuettes, sont introduits en contrebande et vendus sur Internet. Il est donc essentiel que la police, les douanes et les responsables du marché de l’art, prennent les mesures les plus fermes possibles pour lutter contre le trafic illicite de ces produits. L’UNESCO note également qu’il est important de déterminer où et avec qui ces objets sont entreposés et d’identifier les itinéraires de contrebande.
22. En plus des sources de revenu déjà indiquées, l’EIIL continue de bénéficier de dons extérieurs et de paiements de rançons par des familles d’otages, en particulier de la communauté yézidi. La Mission estime que ces paiements ont atteint un montant compris entre 35 et 45 millions de dollars en 2014. Il y a lieu de penser que 850 000 dollars ont été versés en janvier 2015 pour la libération de 200 iraquiens yézidis. L’EIIL a eu recours à la violence sexuelle pour mobiliser des ressources et financer ses opérations, y compris au rançonnement et à la vente de femmes et de filles par le biais de la traite des êtres humains et des marchés aux esclaves. Il reçoit également des contributions volontaires versées par ceux qui cherchent à libérer des combattants étrangers des zones de conflit. De l’avis de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme et de l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions, les recettes provenant des combattants étrangers représentent une nouvelle source importante de financement. Les virements électroniques, les retraits de cartes de crédit par des combattants étrangers connus et les transferts d’argent montrent qu’il existe des mouvements constants de fonds en provenance et à destination des territoires sous contrôle de l’EIIL. Il faut poursuivre les recherches afin de mieux comprendre les réseaux financiers qui opèrent dans des villes frontières, y compris le rôle des intermédiaires.
23. Compte tenu des fortes pressions exercées par la communauté internationale, il est probable que l’EIIL s’efforcera de trouver de nouvelles sources de financement. Il est nécessaire de mieux comprendre les mécanismes financiers utilisés par les groupes associés et ceux qui ont prêté allégeance à l’EIIL.
24. Le Groupe d’action financière note que l’EIIL et ses associés continuent de recourir largement à Internet et aux médias sociaux afin de recueillir des fonds. L’usage abusif de ces technologies de façon coordonnée peut générer des fonds importants, qui sont difficiles à déceler sans l’appui des fournisseurs de services d’hébergement de sites Internet. Il s’agit là d’un domaine particulièrement préoccupant, car il pourrait permettre aux combattants étrangers de retour d’Iraq ou de Syrie de recueillir les fonds nécessaires au recrutement et à la planification d’attentats terroristes dans le monde.
C. Combattants terroristes étrangers rejoignant l’EIIL et les groupes et entités qui y sont associés
1. Recrutement
25. Selon l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions et d’autres sources, l’intensité de l’attrait que l’EIIL exerce sur les recrues potentielles est devenue sans précédent. On estime à environ 30 000 le nombre de combattants terroristes étrangers, originaires de plus d’une centaine d’États Membres qui sont activement engagés auprès d’Al-Qaida et de l’EIIL et de groupes qui leur sont associés . Le phénomène des combattants terroristes étrangers exige à l’évidence non seulement des solutions à l’échelle nationale, mais encore une action urgente au niveau local. Compte tenu de la situation actuelle sur le terrain, il est difficile de dire si la récente augmentation spectaculaire du nombre de combattants terroristes étrangers s’inscrira dans le long terme. Il est difficile aussi de déterminer si les destinations finales de la plupart de ces combattants resteront l’Iraq et la République arabe syrienne du fait que l’EIIL encourage les combattants en puissance à se rendre dans des États extérieurs au Moyen-Orient.
26. Dans les pays développés comme dans les pays en développement, un nombre considérable de jeunes gens envisagent sérieusement de se rendre dans des régions où leur sécurité personnelle serait gravement menacée. Le départ de tant de jeunes gens vers des zones de conflit a un effet profondément déstabilisateur sur leurs communautés et, surtout, leurs familles. Pour rallier des individus à sa cause, l’EIIL exploite les griefs socioéconomiques et les sentiments d’aliénation, de marginalisation, de discrimination ou de victimisation, avivés, entre autres, par l’absence de bonne gouvernance, les inégalités, l’injustice et le manque de perspectives d’avenir, qu’ils soient perçus ou réels. L’EIIL prétend donner aux recrues potentielles la possibilité d’acquérir un « statut social » et une parenté, un sentiment d’identité et d’appartenance, un sens de l’accomplissement du devoir religieux et une raison d’être. Son idéologie est fondée sur une interprétation pervertie de l’Islam qui exploite aussi des griefs historiques (en offrant une possibilité non seulement de se rebeller contre la corruption de l’ordre politique actuel mais encore de supprimer la frontière « artificielle » entre l’Iraq et la République arabe syrienne).
27. Identifier les combattants terroristes étrangers en puissance et les empêcher de voyager est une tâche dont la complexité est exacerbée par l’absence d’un « profil type » clair caractérisant les individus qui sont plus susceptibles que d’autres de participer à des activités terroristes. Il est ressorti d’études préliminaires que les combattants terroristes étrangers sont motivés par un certain nombre de facteurs sociaux, économiques et géopolitiques, conjugués à des situations personnelles qui prévalent à un moment donné et rendent ces individus vulnérables au risque de recrutement ou d’association à l’extrémisme violent et au terrorisme. Tel semble être le cas des recrues qui se trouvent aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des territoires où l’EIIL et les groupes affiliés sont largement présents. L’expérience qu’a chaque combattant terroriste étranger de l’activité terroriste est une combinaison unique de facteurs dont l’importance varie selon le contexte local.
28. Selon mon Représentant spécial chargé de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, dans son discours de recrutement, l’EIIL fait à des hommes jeunes, célibataires et économiquement marginalisés en quête d’un statut, d’un pouvoir et de relations sexuelles qu’ils ne peuvent pas avoir dans une société conservatrice la promesse d’un accès aux femmes. L’EIIL dispose aussi d’une équipe nombreuse de « cyberprédateurs » dont la tâche consiste à repérer les individus qui expriment un intérêt pour le groupe sur les forums en ligne. La séduction de sympathisants qui pourraient avoir une activité terroriste sur place ou se rendre sur le territoire contrôlé par l’EIIL fait fond sur les informations concernant le statut social et la situation personnelle de l’intéressé.
29. Le recrutement à des fins terroristes n’est pas l’apanage des agents de l’EIIL. Souvent, un élément intime et personnel entre en jeu. Les études consacrées aux combattants terroristes étrangers européens8 montrent que la pression ou le soutien des pairs joue un rôle actif durant les moments ultimes de la radicalisation, et que l’influence des proches, spécialement des mères, pourrait être particulièrement utile pour ce qui est de résister à cette pression.
2. Utilisation d’Internet et des médias sociaux comme outil de promotion et de recrutement
30. La menace que constitue l’EIIL est amplifiée par la sophistication technologique croissante des moyens utilisés par le groupe. L’EIIL a de plus en plus recours à Internet et aux médias sociaux pour diffuser ses messages auprès de recrues potentielles. Il s’avère que le groupe a pu, grâce aux technologies de l’information et des communications en général, et aux outils proposés par les médias sociaux en particulier, à mettre en place un système efficace et peu coûteux pour diffuser sa propagande, identifier des recrues potentielles et consacrer des ressources humaines à la tâche consistant à persuader les personnes visées de rejoindre ses rangs. Ces efforts ont contribué à l’augmentation du nombre de combattants terroristes étrangers se rendant en République arabe syrienne et en Iraq. Il ressort des informations émanant des procureurs et des responsables de l’application des lois de nombreux États touchés par le phénomène que les combattants terroristes étrangers, les combattants terroristes étrangers en puissance et les terroristes agissant seuls ou en petits groupes, mais sans liens formels avec l’EIIL, utilisent la propagande en ligne de ce dernier et communiquent en ligne avec ses membres et sympathisants . Suite à la fermeture de milliers de comptes par Twitter, l’EIIL s’est tourné vers d’autres outils proposés par les médias sociaux, tel que Telegram . Lorsque Telegram commencera à son tour à fermer les comptes liés à l’EIIL, il est vraisemblable que le groupe et ceux qui le soutiennent se tourneront vers d’autres plateformes.
31. L’EIIL a également fait la preuve de sa capacité d’adapter à son audience son discours en ligne. Au cours de deux années écoulées, le groupe a diffusé des vidéos mettant en scène des actes de guerre (30 %), des entretiens avec des moujahidin (25 %), des images faisant apparaître l’EIIL comme un « État » opérationnel et utopique (18 %) et des exécutions (15 %) . Les thèmes purement religieux sont moins courants. Le montage vidéo est souvent bien fait et s’inspire des films d’action et des jeux vidéo. Cette approche est destinée à attirer non seulement les jeunes gens en quête d’action, mais aussi des professionnels tels que des médecins, des ingénieurs, des spécialistes en technologies de l’information et des communications ainsi que des femmes et des filles. Les campagnes de valorisation de son image et de propagande que mène l’EIIL s’accompagnent de campagnes individualisées de radicalisation et de recrutement conduites par des prédateurs bien entraînés qui utilisent des applications de discussion en ligne, des outils de vidéoconférence et d’autres moyens informatiques.
32. Il est démontré que les technologies de l’information et des communications jouent un rôle crucial dans la préparation des déplacements des combattants terroristes étrangers qui rejoignent l’EIIL et les groupes affiliés, dans l’entraînement et l’échange de « pratiques efficaces » et dans la planification des attentats. Sur ses forums en ligne, l’EIIL discute des meilleures manières d’éviter de se faire repérer au passage des frontières en empruntant des itinéraires qui n’éveilleront pas les soupçons et en traversant des États qui appliquent à leurs frontières des mesures de contrôle considérées comme laissant à désirer. De nombreuses informations confirment aussi l’utilisation des technologies de l’information et des communications pour montrer comment fabriquer des engins explosifs improvisés. Le problème a été soulevé dans les résolutions 2161 (2014) et 2178 (2014) du Conseil de sécurité, ces technologies pouvant être exploitées par l’EIIL et les groupes affiliés. Les procureurs et les responsables de l’application des lois ont fait part de l’inquiétude que leur inspire l’utilisation des techniques de cryptage par les terroristes de l’EIIL. Les forums liés à l’EIIL sur le « Web profond » tiennent leurs membres régulièrement informés des outils de cryptage les plus efficaces et recommandent l’adoption de nouveaux produits lorsque des moyens informatiques sont considérés comme compromis.
33. La complexité du réseau informatique mondial constitue une gageure supplémentaire du fait que se posent plusieurs questions d’ordre juridictionnel en termes d’applicabilité des lois nationales et s’agissant du pouvoir qu’ont les États de les imposer. Les sociétés privées doivent trouver des moyens de composer avec des lois nationales contradictoires dans la conduite de leurs activités internationales. Ainsi, Facebook a adopté des directives relatives à la coopération avec les services de répression du monde entier, à la préservation des données et aux demandes urgentes. De nombreuses sociétés privées imposent déjà leurs propres conditions d’utilisation et peuvent soit retirer des contenus liés à l’EIIL soit clore les comptes des utilisateurs qui ne respectent pas ces conditions. Ces mesures sont prises par les sociétés dans le contexte d’activités terroristes comme le recrutement ou l’incitation au terrorisme en relation avec l’EIIL. La plupart des grandes sociétés limitent activement et volontairement le contenu des téléchargements effectués par leurs utilisateurs ou suppriment ces contenus s’ils sont contraires aux règles et aux conditions d’utilisation .
34. La vente en ligne d’antiquités en provenance d’Iraq et de République arabe syrienne se poursuit en dépit de l’interdiction mondiale d’en faire le commerce imposée par la résolution 2199 (2015). Ceux qui vendent illégalement ces antiquités, et peuvent avoir des liens directs ou indirects avec l’EIIL, utilisent les réseaux sociaux afin de trouver des acheteurs pour les objets acquis et exportés illicitement. L’UNESCO s’emploie à sensibiliser le public à ce phénomène depuis 10 ans . Les acteurs du secteur des technologies de l’information et des communications du monde entier devraient prendre les contre-mesures nécessaires, conformément aux bonnes pratiques établies .
D. Déplacements des combattants terroristes étrangers
35. Des combattants terroristes étrangers originaires de nombreux États continuent d’arriver en Iraq et en République arabe syrienne via les pays voisins. Dans certains cas, leurs déplacements sont facilités par les similarités linguistiques et l’absence d’obligation de visa. L’EIIL a fait la preuve de son efficacité pour ce qui est d’identifier les contre-mesures mises en place par les États Membres et de s’y soustraire. Le groupe a également montré qu’il sait très bien signaler toute vulnérabilité aux combattants terroristes étrangers potentiels, grâce à Internet et aux médias sociaux. À supposer qu’un État décèle un point faible qui facilite les mouvements transfrontières des combattants terroristes étrangers, l’EIIL peut facilement en tirer parti dans un État voisin. La communauté internationale doit donc concevoir un moyen plus efficace de déterminer de quelles failles profite l’EILL et échanger ces informations avec d’autres États qui sont touchés par de telles mesures de manière à ce que l’action collective puisse être rapidement mise en œuvre.
36. L’EIIL a récemment publié sur Internet des directives destinées à aider les combattants terroristes étrangers à se rendre en Iraq et en République arabe syrienne. Il ressort clairement de ces directives que l’EIIL connaît les techniques communément utilisées par les États Membres pour identifier les combattants terroristes étrangers ainsi que les lacunes systémiques des mesures en place pour surveiller la manière dont sont organisés leurs déplacements. Il est évident également que l’EIIL sait très bien qu’il est difficile d’identifier des combattants terroristes étrangers avant leur départ. De nombreux combattants potentiels ne sont pas des personnes auxquelles s’intéressent les agents des services de répression de leurs États d’origine ou de résidence et ne font donc pas l’objet d’une surveillance. Les directives publiées par l’EIIL contiennent aussi des informations détaillées sur les itinéraires les plus faciles à emprunter, sur ceux qu’il convient d’éviter en raison des contrôles accrus et sur les modes de transport à privilégier pour se rendre dans les territoires qu’il contrôle. Les États Membres ont indiqué à l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions que les combattants terroristes étrangers se rendent dans les zones de conflit en Iraq et en République arabe syrienne par voie aérienne, maritime et terrestre en passant par les États d’Europe et les États voisins .
37. L’EIIL porte un intérêt croissant aux attentats perpétrés à l’extérieur du territoire qu’il contrôle, et a fait la preuve de sa capacité également grandissante en la matière. Ces attentats sont exécutés non seulement par des terroristes de l’intérieur mais encore par des individus qui ont reçu un entraînement à l’étranger, notamment dans des territoires contrôlés par l’EIIL. Cela montre que les États Membres doivent de toute urgence s’assurer que les combattants terroristes étrangers ne se rendent pas de leur pays d’origine dans un territoire contrôlé par l’EIIL, et endiguer le flot de combattants se rendant de territoires contrôlés par l’EIIL vers des États tiers où ils peuvent faciliter la commission d’attentats terroristes. La possibilité que des combattants terroristes étrangers profitent de l’afflux massif de demandeurs d’asile en Europe pour faire passer des agents en Europe a fait naître des inquiétudes.
38. En ce qui concerne les réfugiés entrant dans des États tiers grâce aux programmes de réinstallation mis en place par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), il est très peu vraisemblable que l’EIIL essaiera de profiter de ces programmes pour faire passer des terroristes à l’étranger. Compte tenu des nombreuses mesures de filtrage et de vérification des antécédents adoptées par les États qui accueillent des réfugiés aux fins de leur réinstallation, et compte tenu aussi de la longue période d’attente associée à ces vérifications, la réinstallation ne semblerait pas une solution attrayante.
E. Planification et facilitation d’attentats par l’EIIL
39. La diffusion de propagande au moyen des technologies de l’information et des communications s’inscrit dans la stratégie militaire qu’a choisie l’EIIL pour déstabiliser les États autres que l’Iraq et la République arabe syrienne afin de provoquer une confrontation entre « croyants » et « mécréants ». Depuis que le groupe s’est emparé d’un territoire en 2014, il a changé sa tactique, notamment au cours de la deuxième moitié de 2015, où il a commencé à étendre la portée géographique de ses attentats. Il en est résulté une série d’attentats perpétrés par des sympathisants de l’EIIL agissant seuls ou en petits groupes (notamment les attentats qui ont visé un musée de Bruxelles, un café de Sydney (Australie), un musée et une station balnéaire en Tunisie, un train à destination de Paris et les bureaux du Ministère de la santé publique du comté de San Bernadino). La principale caractéristique de ces attentats était leur faible niveau de complexité.
40. Les attentats récents, dont ceux de Paris et de Djakarta, témoignent d’une évolution marquée vers des opérations à grande échelle perpétrées hors du Moyen-Orient. Il est très probable qu’il continuera de se produire des attentats commis par des terroristes isolés. Les attentats de Paris en novembre 2015, en particulier, avaient toutes les caractéristiques d’un attentat classique perpétré par Al-Qaida : des préparatifs de longue haleine, des cibles multiples, plusieurs vagues d’attentats prévues et la participation d’une structure constituée de plusieurs cellules orchestrée sur le terrain par un chef opérationnel et dirigée par des organisateurs en République arabe syrienne et des facilitateurs qui se trouvaient ailleurs qu’en France. La combinaison de petites cellules locales et de terroristes de l’intérieur qui effectuent des allers-retours depuis l’Iraq et la République arabe syrienne représente un défi nouveau et complexe. Les preuves rassemblées depuis janvier 2015 montrent qu’il existe de véritables liens opérationnels entre l’EIIL et ses militants à l’étranger. Les attentats évoqués plus haut mettent également en évidence l’existence de capacités particulières pour ce qui est d’identifier des cibles d’envergure (restaurants, stades, infrastructures touristiques et salles de concert notamment) ; de recommander des itinéraires détournés ; d’organiser un soutien logistique ; de dispenser une formation à l’utilisation de moyens de communications ainsi que d’armes et de munitions ; de gérer à distance une liste d’assaillants potentiels ; et de faire appel à un réseau mondial de sympathisants pour faciliter de telles opérations.
41. La capacité de l’EIIL et des groupes affiliés, de ses membres autoproclamés et de ses adhérents de communiquer à l’échelle internationale grâce à des technologies sophistiquées, notamment des téléphones mobiles et des outils cryptés, pour transférer des fonds, fournir un soutien logistique (par exemple, en louant des appartements et des voitures, en achetant des armes et en fabriquant des gilets d’explosifs), et leur capacité d’emprunter des itinéraires détournés pour préparer des attentats montrent leur aptitude à organiser des opérations à l’extérieur des territoires qu’ils contrôlent.
42. Le fait que l’EIIL ait maintenant recours à des kamikazes en dehors des régions qu’il contrôle directement intensifie considérablement la gravité de la menace que le groupe représente pour la paix et la sécurité internationales. Même si les attentats n’impliquent pas l’utilisation d’armes sophistiquées (ils sont essentiellement perpétrés avec des fusils automatiques et des gilets d’explosifs), leur efficacité se traduit par le nombre bien réel de morts et le sentiment d’instabilité et d’insécurité ainsi instillé parmi les populations civiles. Il y a lieu de penser que l’EIIL pourrait chercher à mettre en place une capacité à long terme afin d’utiliser davantage d’armes sophistiquées, y compris des armes chimiques et des armes biologiques, pour perpétrer ce type d’attentats.
43. La capacité grandissante des groupes terroristes de recruter des assaillants à partir d’une liste de combattants terroristes étrangers sélectionnés et entraînés spécifiquement pour mener de tels attentats est une autre source d’inquiétude. Ces individus peuvent se connaître depuis plusieurs années, avoir été détenus dans les mêmes prisons, s’être rendus ensemble en République arabe syrienne, parler la même langue ou être originaires du même pays ou de la même communauté, ce qui est un gage de cohésion et accroît leurs chances de mener à bien leur dessein.
44. La nature complexe de nombreux attentats menés récemment donne à penser que les militants de l’EIIL s’adaptent aux mesures de répression et de sécurité prises à leur encontre. Dans ce contexte, les autorités judiciaires et les organes de répression et de sécurité sont souvent défavorisés dans les affaires impliquant des terroristes qui agissent seuls ou esquivent mieux la détection. Cela vaut tout particulièrement dans le cas des organismes de répression et de sécurité qui se fient à des sources humaines de renseignement. L’expérience donne à penser que, en général, si certaines personnes connaissent les griefs d’un délinquant, son idéologie extrémiste, ses vues ou son intention de se livrer à la violence juste avant la plupart des actes terroristes commis en solitaire, elles ne le signalent pas aux autorités compétentes. Par conséquent, les chances d’identifier l’auteur d’un attentat ou d’obtenir des informations avant la commission d’un attentat sont réduites.
F. Combattants terroristes étrangers de retour dans leur pays
45. La menace que représentent les combattants terroristes étrangers de l’EIIL qui reviennent des champs de bataille iraquiens et syriens et d’autres zones de conflit est une autre cause majeure de préoccupation pour de nombreux États d’origine. En général, les combattants terroristes étrangers qui rentrent dans leur pays ont pour mission d’étendre la présence de l’EIIL dans d’autres États et de mettre en place des réseaux pour perpétrer de nouveaux attentats, les planifier et les faciliter . Il est actuellement difficile de dire combien de combattants terroristes étrangers au service de l’EIIL rentreront sans doute dans leur État d’origine (plutôt que de rester dans des zones de conflit ou de se rendre dans des États tiers) et dans quelle mesure ils se livreront au terrorisme à leur retour. Toutefois, leurs illusions se dissipant, il est fort probable que beaucoup retourneront dans leur État d’origine. L’expérience donne cependant à penser que même si très peu de combattants terroristes étrangers de l’EIIL semblent s’engager dans des menées terroristes après leur retour, il est plus vraisemblable que les attentats qui sont le fait de combattants terroristes étrangers entraînés seront menés à bien et meurtriers . Il convient par ailleurs de noter que les combattants terroristes étrangers qui rentrent dans leur pays sont une précieuse source potentielle d’information et qu’ils peuvent utiliser leur expérience pour persuader d’autres individus de ne pas s’engager dans le terrorisme, y compris au moyen de véritables campagnes de contre-rhétorique.
III. Étendue des efforts déployés par l’ONU pour aider les États Membres à lutter contre la menace de l’EIIL
46. La responsabilité de déjouer la menace de l’EIIL incombe au premier chef aux États Membres. L’ONU et les autres organisations internationales, qui ont néanmoins un rôle essentiel à jouer pour soutenir l’action de ces pays, ont déjà pris un certain nombre de mesures telles que l’évaluation de la menace et la capacité des États de s’y opposer ; la formulation de recommandations afin de remédier aux insuffisances recensées ; et l’élaboration et l’application de programmes de renforcement des capacités. Mais au vu de la menace grandissante que constitue l’EIIL, l’ONU et les autres organisations internationales doivent adopter une démarche plus globale, mieux concertée et mieux coordonnée.
47. L’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions a établi une série de rapports pour évaluer la menace que représentent d’une part les combattants terroristes étrangers, d’autre part l’EIIL et le Front El-Nosra, y compris pour la région du Moyen-Orient ; et enfin la menace que constituent l’EIIL et d’autres groupes terroristes en Libye et en Afghanistan. Elle a formulé un certain nombre de recommandations en vue d’atténuer cette menace .
48. Le Comité contre le terrorisme a évalué la capacité des États Membres d’endiguer le flux de combattants terroristes étrangers, notamment dans les pays les plus touchés, et leur a recommandé des moyens de combler les lacunes recensées dans ses évaluations . Le Comité contre le terrorisme a tenu récemment une réunion publique d’information à New York sur le rôle des femmes dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent, une réunion spéciale à Madrid sur la manière d’endiguer le flot de combattants terroristes étrangers et une réunion spéciale à New York sur la manière d’empêcher les terroristes de se servir d’Internet et des médias sociaux pour recruter des terroristes et inciter à la commission d’actes de terrorisme, tout en respectant les droits de l’homme et les libertés fondamentales. Cette dernière a débouché sur un ensemble de principes directeurs pour détecter les combattants terroristes étrangers, empêcher la facilitation et l’incitation à la commission d’actes de terrorisme et intervenir pour y faire échec ; réprimer les mouvements des terroristes ; ériger en infractions pénales les actes qu’ils commettent et engager des poursuites contre eux ; établir une coopération à l’échelon international ; et réhabiliter et réintégrer les combattants terroristes étrangers retournant dans leur pays .
49. À la suite de la mise en place par l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme d’un Groupe de travail spécial interinstitutions sur les combattants terroristes étrangers, un plan de renforcement des capacités de l’ONU pour endiguer le flux de combattants terroristes étrangers a été élaboré en étroite consultation avec la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme et l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions, comme l’avait demandé le Conseil de sécurité dans la déclaration de son président en date du 29 mai 2015 (S/PRST/2015/11).
50. Des recommandations ont été formulées dans ce plan s’agissant des mesures à prendre en priorité pour répondre aux besoins d’assistance en matière de renforcement des capacités des États les plus touchés, selon les évaluations faites par la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme. Elles comprennent, par ordre de priorité, la liste des programmes de renforcement des capacités et d’assistance technique présentés par les entités de l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme, qu’il conviendra d’appliquer lors des 24 prochains mois. Il s’agit de la première tentative d’élaborer une démarche plus concertée et plus cohérente dans le domaine du renforcement des capacités.
A. Lutter contre le financement de l’EIIL
51. Le Programme mondial contre le blanchiment d’argent de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime a regroupé de bonnes pratiques visant à désorganiser les réseaux de financement des groupes terroristes et des organisations criminelles ; un manuel (« Financial Disruption Workbook ») sur les méthodes de déstabilisation des réseaux de financement, rédigé et utilisé au cours d’opérations de ce type en Afghanistan, a aidé à réduire d’un tiers le budget annuel des Taliban dans le sud du pays. L’ONUDC prévoit également de lancer une initiative sur le renforcement de la capacité opérationnelle des pays de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord en matière de lutte contre le financement du terrorisme, s’agissant des combattants terroristes étrangers.
52. Le Service de la criminalité organisée et du trafic illicite de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime a lancé récemment un nouveau Programme mondial sur la mise en place de réseaux efficaces de lutte contre la criminalité transnationale organisée, qui vise à renforcer les échanges interrégionaux de renseignements criminels et à resserrer la coopération internationale en matière de criminalité transnationale organisée et de terrorisme, grâce à l’initiative « mise en réseau de réseaux », qui a facilité les contacts entre les entités et centres régionaux et internationaux de la répression en vue de promouvoir les échanges de renseignements criminels et les opérations multilatérales ciblant la criminalité organisée. Le deuxième domaine d’intervention est la mise en place d’un réseau d’institutions de formation à la répression en vue de promouvoir la professionnalisation dans ce secteur. Le troisième domaine sera le renforcement des capacités s’agissant des enquêtes financières.
53. Pour réprimer le pillage et le commerce illicite des biens culturels durant les conflits, l’UNESCO resserrera davantage sa coopération avec l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL), l’Organisation mondiale des douanes, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, l’Institut international pour l’unification du droit privé, les services nationaux spécialisés de police et des douanes, le Conseil international des musées et d’autres partenaires clefs tels que les musées et les acteurs du marché de l’art, en vue du traçage, de l’authentification, de la saisie, de la conservation et de la restitution d’objets volés et illégalement exportés.
54. Avec le soutien de l’Union européenne et en collaboration avec le Marché commun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe, INTERPOL a lancé un programme de renforcement des capacités afin d’empêcher les criminels et les terroristes de mettre à profit les institutions financières. Il aidera à resserrer la coopération entre les cellules de renseignement financier et les agents des services de répression et de justice pénale qui pourront engager des poursuites contre ceux qui se livrent à des activités de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme au moyen du système bancaire officiel ou des transferts de type hawala.
B. Réponses apportées par la justice pénale à la menace terroriste
55. Plusieurs entités des Nations Unies soutiennent activement les États Membres dans l’action qu’ils mènent sur le plan de la justice pénale pour répondre efficacement à la menace que représente l’EIIL. Le Groupe de travail des ripostes juridiques et pénales au terrorisme de l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme, qui vient d’être créé, met en relation les organes des Nations Unies traitant de la question. Les entités des Nations Unies déploient des efforts considérables pour recenser de bonnes pratiques et aider les États Membres à ériger en infractions les actes de terrorisme commis par des combattants terroristes étrangers, à enquêter sur eux, à les poursuivre et à les juger. Elles soutiennent également l’action menée par les États pour élaborer des stratégies de poursuite, de réhabilitation et de réintégration des personnes regagnant leur pays. La Direction exécutive du Comité contre le terrorisme aide ce dernier à surveiller l’application par les États des dispositions des résolutions du Conseil de sécurité en matière pénale et à faciliter les activités connexes d’assistance technique, en coopération avec les partenaires internationaux et régionaux de l’ONU. Le Service de la prévention du terrorisme a lancé par exemple une initiative quinquennale sur les interventions en matière pénale face aux combattants terroristes étrangers pour les pays de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord et des Balkans, en coopération avec la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée et l’Institut international pour la justice et l’état de droit.
C. Empêcher et entraver les déplacements des combattants terroristes étrangers
56. Agissant en étroite coopération avec la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme et plusieurs autres partenaires, dont l’Association du transport aérien international (IATA), l’Organisation de l’aviation civile internationale (OAIC), INTERPOL et l’Organisation internationale pour les migrations, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime et l’Organisation mondiale des douanes, le Centre des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme a élaboré un projet pour réunir des informations et mieux faire connaître les problèmes rencontrés par la plupart des États touchés qui veulent mettre en place des systèmes de renseignements préalables concernant les voyageurs. Il effectuera la première étude approfondie sur la question au premier trimestre de 2016. L’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime étend son projet de communication aéroportuaire à la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, en vue de renforcer les moyens de détection et de répression dans les aéroports internationaux et de détecter et d’empêcher ainsi le passage de voyageurs suspects, y compris les combattants terroristes étrangers.
57. INTERPOL continue de développer sa base de données mondiale sur les combattants terroristes étrangers et d’aider les États Membres à intensifier et accélérer les échanges de renseignements. Il continuera d’exploiter les données sur ces combattants et d’établir, sur demande, des rapports analytiques pour repérer les nouveaux circuits qu’ils empruntent, la façon dont ils organisent leurs déplacements ou les manœuvres dilatoires auxquelles ils recourent pour se rendre dans des zones de conflit ou en revenir. INTERPOL continuera de travailler avec ses États membres pour actualiser et renforcer ses bases de données et étendra son système de notices spéciales et de bases de données (y compris celle sur les combattants terroristes étrangers) aux agents de première ligne en matière d’immigration et de contrôle des frontières. INTERPOL aide également ses membres à élaborer un système « à plusieurs degrés » de dépistage des combattants terroristes étrangers qui réussissent à échapper aux contrôles frontaliers.
D. Réprimer le recrutement et empêcher et combattre l’extrémisme violent
58. Le 15 janvier 2016, j’ai présenté à l’Assemblée générale un plan d’action pour la prévention de l’extrémisme violent . Il comprend une démarche réaliste et globale pour lutter contre les facteurs déterminants de l’extrémisme violent ainsi que 70 recommandations en vue d’une action concertée sur les plans international, régional et national, en fonction de cinq priorités clefs : a) la prévention ; b) une direction morale et des institutions efficaces ; c) la promotion des droits de l’homme ; d) une approche globale ; e) et l’engagement de l’Organisation des Nations Unies. L’Assemblée débattra de ce plan dans les mois à venir et une conférence internationale, qui sera coorganisée par la Suisse et l’ONU, se déroulera en avril 2016. Le cinquième examen par l’Assemblée de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies, qui aura lieu en juin 2016, donnera aux États Membres et au système des Nations Unies une nouvelle occasion d’examiner les recommandations figurant dans le plan d’action.
59. Le Comité contre le terrorisme et sa Direction exécutive continuent de faciliter la tenue d’ateliers régionaux et nationaux sur l’élaboration de démarches globales en vue de lutter contre l’incitation à la commission d’actes de terrorisme et d’extrémisme violent, en application des résolutions 1624 (2005) et 2178 (2014) du Conseil de sécurité, y compris au Kenya et en Tunisie, en 2015. Ces ateliers ont servi à élaborer la conception de partenariats stratégiques dans ce domaine entre bon nombre de ministères et d’acteurs non gouvernementaux, tout particulièrement des notables et des chefs religieux, des organisations de la société civile et des groupes de femmes et de jeunes.
60. Le Centre des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme a conçu un projet afin d’aider à comprendre les motivations des combattants terroristes étrangers qui se rendent en République arabe syrienne, les facteurs qui les poussent à rallier des groupes extrémistes en Iraq et en République arabe syrienne, qui influencent leurs raisonnements ou les incitent à regagner leur pays d’origine. Le projet, qui sera achevé en 2016, vise à aider les États à élaborer des politiques pour dissuader les combattants terroristes étrangers potentiels de se déplacer d’un pays à l’autre, fournir du matériel en vue de communications stratégiques et contribuer à l’élaboration de programmes de réhabilitation et de réintégration efficaces.
61. L’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes), agissant en étroite consultation avec la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, met au point un programme de recherche international sur les facteurs déterminant le recrutement, notamment de femmes, au sein de l’EIIL et d’autres groupes terroristes. Il vise à renforcer les capacités de groupes de femmes de la société civile d’empêcher la violence extrémiste et à garantir l’accès des femmes et des filles dans les zones en proie à la violence à des stratégies globales et intégrées. Dans le cadre de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel, ONU-Femmes soutiendra, en partenariat avec les organismes compétents des Nations Unies, nombre d’initiatives pour autonomiser les femmes rurales sur les plans politique et économique.
62. L’Institut interrégional de recherche des Nations Unies sur la criminalité et la justice est en train de regrouper une série d’enseignements tirés et de pratiques prometteuses et de mener des exercices de simulation pour encourager les États Membres à élaborer des plans d’action en vue de lutter contre l’extrémisme violent et de régler les problèmes suscités par le retour des combattants terroristes étrangers dans leur pays. Ces activités seront menées au niveau régional pour encourager l’échange de données d’expérience et de connaissances. L’Institut élabore également un programme destiné aux combattants terroristes étrangers qui sont détenus ou incarcérés à leur retour.
E. Déstabiliser la planification et la facilitation des attaques par l’EIIL
63. INTERPOL a élaboré un projet sous le nom de code « Watchmaker » en vue d’analyser et de diffuser des informations, y compris biométriques, sur les engins explosifs improvisés dans le monde. Il continuera de collaborer avec l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions et d’autres partenaires des Nations Unies afin de recenser les réseaux chargés de la fabrication de ces engins, en vue de renforcer les capacités des États Membres de prévenir les attaques perpétrées à l’aide de ces engins et d’enquêter sur leurs auteurs. Les Notices spéciales conjointes INTERPOL-Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies continueront d’être un important moyen de lutter contre le terrorisme dans le monde et INTERPOL poursuivra sa collaboration avec l’Équipe pour les renforcer, notamment en recourant à la biométrie.
IV. Stratégies à mettre en œuvre
64. Le règlement des conflits en cours, y compris le conflit syrien, rendrait beaucoup plus difficile le recrutement de combattants terroristes étrangers par l’EIIL. Il faut donc que les États Membres et l’Organisation des Nations Unies s’attaquent de manière stratégique et cohérente aux problèmes politiques et socioéconomiques qui sous-tendent le conflit syrien et favorisent par là même le recrutement des combattants terroristes étrangers, en veillant à ce que justice soit faite et que les coupables de violations des droits de l’homme aient à répondre de leurs actes. C’est une action sur de multiples fronts qui s’impose pour atteindre les objectifs arrêtés à court, moyen et long terme.
65. Face à la grave menace que pose l’EIIL, et notamment à l’afflux de combattants terroristes étrangers en Iraq et en République arabe syrienne et au vaste dispositif de financement dont s’est doté l’EIIL, il est crucial de trouver une solution politique au conflit syrien, ce qui passera obligatoirement par un engagement durable et déterminé de la part de la communauté internationale et par la bonne application de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité, qui prévoit l’ouverture de négociations intrasyriennes officielles sur un processus de transition politique, conformément au Communiqué de Genève de 2012, et le décret, en parallèle, d’un cessez-le-feu s’étendant à tout le territoire syrien. Il importe aussi que tous les États appliquent immédiatement les résolutions 2178 (2104), 2199 (2015) et 2253 (2015) du Conseil de sécurité. Il ne faut pas non plus ignorer les revendications de certains pans de la population locale, qui sont exploitées par l’EIIL pour rallier des soutiens.
66. Le recours à une approche stratégique axée sur l’état de droit pour réduire le nombre de combattants terroristes étrangers tout en continuant d’assécher les financements de l’EIIL permettrait d’accomplir des progrès dans l’application des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, notamment celles qui ont pour but de favoriser la réalisation d’une paix durable en incluant aux processus politiques internationaux les acteurs locaux (par exemple les femmes et les jeunes) qui ont une connaissance intime de la dynamique du conflit.
V. Recommandations
67. On trouvera ci-après une série de recommandations à l’intention des États Membres et des organismes des Nations Unies.
A. Renforcer les moyens des États Membres
1. Lutter contre le financement du terrorisme
68. Les États Membres sont invités à prendre les mesures suivantes pour lutter contre le financement du terrorisme :
a) La rapidité et la facilité avec laquelle l’EIIL parvient à mobiliser d’importantes ressources financières montrent bien qu’il est urgent de renforcer les mesures prises pour prévenir et empêcher le financement du terrorisme dans toutes les régions du monde. Pour appliquer des politiques de lutte contre le financement du terrorisme qui soient efficaces, il nous faut suivre de près l’évolution du dispositif de financement de l’EIIL. J’appelle donc les États Membres à prendre des mesures pour surveiller et contrer cette menace et à échanger systématiquement des informations avec les organismes d’évaluation compétents, dont la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions, le Groupe d’action financière et ses homologues régionaux, pour qu’ils puissent mesurer la gravité de la menace et proposer des initiatives efficaces aux échelles mondiale et régionale ;
b) J’appelle également les États Membres à respecter intégralement, et de toute urgence, le régime de sanctions introduit par le Conseil de sécurité dans ses résolutions 1267 (1999), 1989 (2011) et 2253 (2015). Conformément à cette dernière résolution, les États Membres devraient continuer de proposer l’inscription sur la Liste relative aux sanctions contre l’EIIL (Daech) et Al-Qaida des personnes, groupes, entreprises et entités qui concourent, par tous moyens, à financer ou soutenir des actes ou activités de l’EIIL, d’Al-Qaida et de personnes, groupes, entreprises et entités qui leur sont associés. En application de la résolution 1373 (2001), les États doivent aussi geler sans attendre les avoirs des terroristes afin d’empêcher les activités terroristes au lieu de chercher à se conformer aux dispositions de leur droit pénal interne ;
c) Si le terrorisme et la criminalité transnationale organisée sont des phénomènes distincts, les États Membres sont invités à ne pas utiliser que les instruments internationaux contre le terrorisme pour lutter contre son financement. Ils ont la possibilité d’invoquer d’autres instruments internationaux pertinents, comme la Convention de 2001 contre la criminalité transnationale organisée et ses protocoles, la Convention des Nations Unies de 2004 contre la corruption, ainsi que les conventions pertinentes sur les stupéfiants. Tous ces outils peuvent être mis à profit pour faciliter une coopération fructueuse sur les plans international et régional ;
d) J’engage les États Membres à prendre immédiatement des mesures pour améliorer leurs relations avec le secteur privé en vue d’empêcher le financement du terrorisme par l’EIIL, et notamment avec les établissements financiers (banques, bureaux de change de tous types et autres entreprises et professions du secteur financier), le secteur des antiquaires et les fournisseurs d’accès à Internet. Les États Membres doivent conclure des partenariats avec les institutions internationales compétentes et avec le secteur privé pour garantir la cohérence et l’efficacité des initiatives de lutte contre le terrorisme visant à empêcher l’EIIL et les groupes affiliés d’avoir accès au système financier international ;
e) Les échanges de renseignements d’ordre financier et leur exploitation en temps utile sont d’une importance cruciale, non seulement dans le cadre des enquêtes sur les attaques terroristes, notamment ceux commis par l’EIIL, mais aussi pour empêcher la planification et l’exécution de nouveaux attentats. Les États Membres doivent considérer l’échange de renseignements financiers comme une priorité (à l’échelle nationale, régionale et internationale) et adopter une approche globale pour permettre l’échange de renseignements financiers par toutes les institutions concernées. La collecte et l’exploitation des renseignements d’ordre financier doivent, comme pour toutes les formes de renseignement, être soigneusement encadrées par la loi pour ne pas empiéter sur l’exercice des droits de l’homme, en particulier le droit à la vie privée ;
f) Enfin, les États Membres doivent s’assurer qu’ils ont bien les moyens voulus pour lutter contre le financement du terrorisme au regard de la gravité de la menace, afin de bloquer les flux financiers illicites à destination de l’EIIL.
2. Lutter contre la radicalisation et l’extrémisme violent en empêchant les recrutements au moyen d’Internet et l’exploitation d’Internet
69. Les États Membres sont invités à prendre des mesures pour lutter contre la radicalisation et l’extrémisme violent en empêchant les recrutements au moyen d’Internet et l’exploitation d’Internet :
a) Mon plan d’action pour la prévention de l’extrémisme violent comprend des recommandations d’action à l’échelle mondiale, régionale et nationale pour s’attaquer aux moteurs de l’extrémisme violent. L’application du plan contribuera à la pleine mise en œuvre du pilier I de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies, sur les facteurs de propagation du terrorisme, et permettra donc d’empêcher l’EIIL d’attirer de nouvelles recrues. J’invite les gouvernements à formuler des plans d’action nationaux pour empêcher l’extrémisme violent et j’encourage particulièrement le lancement d’initiatives de terrain dans ce cadre, y compris pour promouvoir l’inclusion des femmes et des jeunes ;
b) Il est crucial de miser davantage sur la prévention et l’adoption d’une approche dynamique par l’éducation. Le secteur de l’enseignement peut jouer un rôle essentiel en limitant l’attrait de l’EIIL grâce à l’offre de programmes d’éducation et de formation pertinents, en intégrant la question de la prévention de l’extrémisme violent au sein des ministères de l’éducation et en développant des directives et des méthodologies à l’intention des enseignants et des autres éducateurs pour identifier l’extrémisme violent et lutter contre l’essor de ce phénomène dans un cadre formel et non formel ;
c) J’engage également les États Membres à adopter des programmes efficaces pour détourner les jeunes de l’EIIL et les groupes affiliés et éviter qu’ils ne soient recrutés et exploités par eux. Les États Membres qui connaissent d’importants afflux de migrants venus des zones de conflit doivent mener des activités d’insertion à l’intention des enfants et des jeunes ;
d) J’engage les États Membres à adopter des stratégies efficaces pour lutter contre les méthodes de radicalisation en ligne de l’EIIL. Pour ce faire, les Gouvernements ne devront pas se contenter d’adopter des mesures législatives et des mesures répressives ; il leur faudra aussi engager un dialogue avec les communautés et le secteur. Pour que de telles campagnes soient efficaces, le secteur privé doit y participer activement ;
e) J’engage les États Membres à revoir leurs cadres juridiques internes pour être à même de traduire en justice ceux qui se seraient rendus coupable d’utiliser l’informatique de manière criminelle en appui à l’EIIL, dans le respect du droit international des droits de l’homme.
3. Prévenir et empêcher les voyages de combattants terroristes étrangers
70. Les États Membres sont invités à prendre les mesures suivantes pour prévenir et empêcher les voyages de combattants terroristes étrangers :
a) Il est crucial que les États Membres érigent en infraction les voyages des combattants terroristes étrangers conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et qu’ils prennent des mesures pour renforcer leurs dispositifs de gestion des frontières et remédier aux points faibles dont profite l’EIIL pour faciliter les déplacements des combattants terroristes étrangers à destination des territoires sous son contrôle ou depuis ces territoires. Les cas récents dans lesquels des terroristes extrêmement dangereux ont réussi à voyager sans être repérés montrent bien qu’il est urgent d’agir ;
b) J’engage les États Membres à faire en sorte que les fonctionnaires des services d’immigration puissent consulter toutes les bases de données pertinentes d’INTERPOL grâce à son système mondial de communication policière I-24/7, notamment les Notices spéciales, les données nominatives, la base de données sur les documents de voyage perdus ou volés et la base de données sur les combattants terroristes étrangers ;
c) J’engage les États Membres à examiner systématiquement les itinéraires empruntés par les combattants terroristes étrangers et à partager leurs conclusions pour permettre l’adoption de mesures spécifiques afin d’empêcher que des combattants terroristes étrangers ne rejoignent l’EIIL par ces chemins. J’engage les États Membres à désigner ou identifier clairement des points de contact au sein des services de maintien de l’ordre, de renseignement, de sécurité et d’immigration compétents, et leurs homologues dans les compagnies aériennes, pour faciliter des échanges rapides de données sur les passagers 24 heures sur 24, sept jours sur sept, afin d’empêcher les combattants terroristes étrangers de voyager.
4. Empêcher la planification et la facilitation d’attaques terroristes pour le compte de l’EIIL
71. Les États Membres sont invités à prendre les mesures suivantes pour empêcher que des terroristes isolés ou des cellules de terroristes ne parviennent à planifier et faciliter des attaques terroristes pour le compte de l’EIIL :
a) J’appelle également les États Membres à avoir recours à tous les outils conformes aux droits de l’homme dont ils disposent, allant des mesures d’intervention dites « douces » à des décisions au pénal, pour déjouer les attaques de terroristes isolés ou de cellules de terroristes pour le compte de l’EIIL. Les États Membres doivent améliorer la coopération et l’échange d’information entre les organismes de renseignement et de sécurité et les tribunaux et adopter une approche dynamique dans le cadre des enquêtes sur les infractions commises par les combattants terroristes étrangers pour les identifier et empêcher les attentats ;
b) Il est compliqué d’obtenir des preuves contre les combattants terroristes étrangers et cela requiert d’agir sur des fronts multiples. Les États Membres doivent réviser leur législation nationale pour veiller à ce que les éléments qui ont été collectés grâce à des techniques d’enquête spéciales ou qui ont été communiqués par les États de destination, et les données informatiques, notamment celles provenant des réseaux sociaux, obtenues grâce aux dispositifs de surveillance électronique, puissent être reçus comme preuves dans les affaires concernant des combattant terroristes étrangers agissant pour le compte de l’EIIL, dans le respect du droit international des droits de l’homme ;
c) J’engage les États Membres à prendre des mesures pour assurer une coordination inter organisations efficace, notamment en mettant place des équipes spéciales pluriorganisations et en déployant des agents de liaison, pour permettre une action collective contre l’EIIL. Les États Membres doivent également envisager d’adopter des lois et mécanismes appropriés qui permettent la coopération internationale la plus vaste possible – enquêtes menées conjointement de façon efficace, nomination d’agents de liaison, coopération entre polices nationales, instauration de réseaux de coopération fonctionnant 24 heures sur 24, sept jours sur sept, transfert des poursuites pénales et de la responsabilité de l’application des peines.
5. Traitement réservé aux combattants terroristes étrangers rentrant dans leur pays d’origine
72. Les États Membres sont invités à prendre les mesures suivantes concernant le traitement réservé aux combattants terroristes étrangers rentrant dans leur pays d’origine :
a) Il peut s’avérer contreproductif d’appliquer des politiques rigides en matière de poursuites contre les combattants terroristes étrangers dans le cadre de la mise en œuvre de stratégies globales contre les activités des combattants terroristes étrangers et contre l’extrémisme violent qui risque de déboucher sur du terrorisme. Les États Membres doivent également examiner d’autres mesures que les privations de liberté, ainsi que la possibilité de réintégrer et de réhabiliter les prisonniers et détenus appartenant à l’EIIL et ceux qui en sont revenus ;
b) J’engage les États Membres à veiller à ce que leurs autorités compétentes décident au cas par cas du sort qu’il convient de réserver à ceux qui sont revenus de l’EIIL, après avoir évalué les risques, examiné les preuves existantes et pris en compte d’autres facteurs connexes, et à formuler et mettre en œuvre des stratégies adaptées pour les différentes catégories d’individus qui sont sortis des rangs de l’EIIL, en particulier les mineurs, les femmes, les parents et d’autres personnes potentiellement vulnérables, les fournisseurs de services médicaux ou d’une aide humanitaire, et ceux qui ont perdu leurs illusions à l’égard de l’EIIL, en sont revenus et ont perpétré des infractions moins graves ;
c) Ceux qui sont sortis des rangs de l’EIIL peuvent jouer un rôle particulièrement efficace dans le cadre des campagnes de démystification, puisqu’ils ont l’avantage de la crédibilité compte tenu de leur expérience personnelle dans les zones de conflit. Les États Membres doivent envisager d’impliquer pleinement certains de ces individus dans les programmes de prévention.
6. Protection du patrimoine culturel
73. Les États Membres sont invités à prendre les mesures suivantes pour protéger le patrimoine culturel :
a) J’engage les États Membres à aider les États touchés à empêcher les atteintes faites à leur patrimoine et diversité culturels dans le cadre du conflit qui sévit en Iraq et en République arabe syrienne et à les minimiser le plus possible en mobilisant des moyens institutionnels et professionnels pour renforcer les dispositifs de protection. J’engage les États Membres à informer l’UNESCO et INTERPOL de toutes les saisies d’antiquités pour permettre leur renvoi dans les pays d’origine dans des conditions de sécurité, conformément à la résolution 2199 (2015) du Conseil de sécurité ;
b) J’engage les États Membres à renforcer les contrôles aux douanes et à réglementer le marché de l’art en améliorant l’application des principes de due diligence et en conduisant des enquêtes criminelles plus poussées pour déterminer d’éventuels liens entre les antiquités iraquiennes ou syriennes saisies sur leurs territoires et l’EIIL.
B. Améliorer la réponse des Nations Unies
1. Lutter contre le financement du terrorisme
74. Comme je l’ai noté dans mon rapport daté du 21 mai 2015 sur la menace que constitue le terrorisme associé à la criminalité transnationale organisée (S/2015/366), il reste des progrès à faire pour que les Nations Unies répondent mieux à la menace que représente le financement du terrorisme associé à la criminalité transnationale organisée dans le cadre de la lutte contre l’EIIL et les groupes affiliés. L’Organisation doit adopter une approche plus systématique, globale et pluridimensionnelle, en particulier sur le terrain, où les opérations de maintien de la paix et missions politiques spéciales des Nations Unies sont déjà confrontées à ces difficultés :
a) En plus des activités déjà menées par des organes comme la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, INTERPOL, le Centre des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme, l’UNESCO et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, il faut que soient effectuées davantage de recherches et d’études sur les liens entre les activités terroristes de l’EIIL et la criminalité transnationale organisée, et en particulier sur la façon dont les activités terroristes de l’EIIL peuvent être financées grâce à la criminalité transnationale organisée. Les entités compétentes des Nations Unies qui disposent d’une présence sur le terrain dans les principales zones d’opération de l’EIIL doivent mieux comprendre les nouvelles menaces qui existent sur le plan de la sécurité et leur mode de financement, et elles doivent faire régulièrement rapport aux entités des Nations Unies en charge de la lutte contre le terrorisme ;
b) Je compte prendre des mesures pour m’assurer que cette question transversale d’importance soit bien une priorité pour l’Organisation et aider les États Membres qui le souhaitent, en leur offrant une assistance technique pour qu’ils aient davantage de moyens de lutter contre le financement du terrorisme. J’envisagerai plusieurs options et notamment l’adoption d’une approche de la lutte contre la criminalité transnationale organisée et le financement du terrorisme à l’échelle du système des Nations Unies, pour veiller à ce que la lutte contre le financement du terrorisme demeure bien une priorité stratégique ; la mise en place d’un dispositif de surveillance stratégique, au sein de l’Organisation des Nations Unies, des liens existants entre la criminalité transnationale organisée et le terrorisme, pour garantir l’adoption d’une démarche coordonnée et globale de la part de tous les organismes compétents ; et l’adoption de mesures pour s’assurer que les États Membres ont bien les moyens de s’attaquer à la criminalité financière, et notamment au financement du terrorisme.
2. Lutter contre la radicalisation et l’extrémisme violent en empêchant les recrutements au moyen d’Internet et l’exploitation d’Internet
75. L’adoption de l’approche « Unité d’action des Nations Unies », mobilisant tous les organismes, fonds et programmes des Nations Unies, à la fois au Siège et sur le terrain, permettra à l’Organisation des Nations Unies d’aider comme il se doit les États Membres à appliquer le Plan d’action pour la prévention de l’extrémisme violent :
a) Je compte constituer un groupe d’action de haut niveau pour la prévention de l’extrémisme violent, qui sera placé directement sous mon autorité ;
b) Les organismes des Nations Unies doivent mobiliser de nombreux acteurs, et notamment les femmes et les jeunes, pour formuler des stratégies de lutte contre le recrutement et la radicalisation débouchant sur le terrorisme. Les entités compétentes des Nations Unies, notamment ONU-Femmes, et mon envoyé spécial pour les jeunes réfugiés sont prêts à concrétiser la vision définie par le Conseil de sécurité dans ses résolutions 2242 (2015) et 2250 (2015) sur le rôle des femmes et des jeunes en faveur de la paix et de la sécurité internationales ;
c) Plus précisément, il est essentiel que les bureaux compétents disposent de l’expertise requise et des structures/mécanismes nécessaires pour s’attaquer aux problèmes du recrutement, de la radicalisation et du financement des activités et des opérations des groupes terroristes, et principalement de l’EIIL, sous l’angle de la problématique hommes-femmes. ONU-Femmes et ma représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit sont là pour aider les efforts déployés en ce sens. J’invite les services compétents de l’Organisation des Nations Unies à aider les États Membres à mettre au point de nouveaux outils informatiques pour faciliter la coopération entre les enquêteurs et les procureurs en charge des dossiers relatifs au terrorisme ;
d) Les entités des Nations Unies, et notamment l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime et le Centre des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme doivent aider les organismes chargés de l’application des lois à mettre à profit les technologies de l’information pour lutter contre l’EIIL. J’invite toutes les entités des Nations Unies à donner à la société civile les moyens de démonter la propagande véhiculée par l’EIIL sur Internet et les réseaux sociaux.
3. Prévenir et empêcher les déplacements des combattants terroristes étrangers
76. L’Organisation des Nations Unies prendra les mesures suivantes pour prévenir et empêcher les déplacements de combattants terroristes étrangers :
a) J’invite la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme et le HCR à engager les gardes frontière, les services de renseignement et les autorités d’immigration et d’asile des États concernés et des États situés à proximité des itinéraires empruntés par les terroristes, ainsi que les organisations internationales et régionales compétentes, à coopérer pour faciliter l’identification rapide des suspects terroristes ;
b) J’engage la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme et le Centre des Nations Unies pour la lutte contre le terrorisme, en collaboration avec l’IATA, l’OACI, INTERPOL et l’Organisation mondiale des douanes, à mener une série d’activités en 2016 et 2017 pour inciter les États Membres à exiger des compagnies aériennes qui opèrent sur leurs territoires qu’elles communiquent à l’avance des informations sur leurs passagers aux autorités nationales compétentes pour qu’elles puissent repérer s’il y a parmi eux des combattants terroristes étrangers qui quittent leur territoire, ou tentent d’entrer sur leur territoire ou d’y transiter ;
c) J’invite la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme, en coopération avec les États Membres concernés, à repérer les problèmes systémiques et les moyens qui font défaut à certains pays pour empêcher les voyages de combattants terroristes étrangers qui cherchent à rejoindre les rangs de l’EIIL. Les besoins les plus prioritaires identifiés à cette occasion devraient être communiqués d’urgence à l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme, au Forum mondial de lutte contre le terrorisme, aux États donateurs et aux autres entités chargées d’apporter une assistance technique aux États.
4. Protection du patrimoine culturel
77. J’engage le Conseil de sécurité à prévoir des mesures de protection du patrimoine culturel des États touchés dans le dispositif d’action humanitaire de l’Organisation des Nations Unies, dans les stratégies adoptées en matière de sécurité, notamment en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, et dans les processus de consolidation de la paix.
Ref Onu : S/2016/92
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