La séance est ouverte à 14 h 40.
Le Président, M. Churkin (parle en russe) : Conformément à l’article 37 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite les représentants de l’Allemagne, de l’Andorre, de l’Arabie saoudite, de l’Australie, de l’Autriche, de la Belgique, de la Bulgarie, du Canada, du Costa Rica, de la Croatie, de Chypre, du Danemark, des Émirats arabes unis, de l’Estonie, de la Finlande, de la Géorgie, de la Hongrie, de l’Irlande, de l’Islande, de l’Italie, de la Lettonie, de la Lituanie, du Luxembourg, de Malte, du Mexique, de Monaco, de la Norvège, des Pays-Bas, de la Pologne, du Qatar, de la République arabe syrienne, de la République tchèque, de la Roumanie, de Saint-Marin, de la Slovaquie, de la Slovénie, de la Suède et de la Turquie, à participer à la présente séance.
Le Conseil de sécurité va maintenant aborder l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.
Les membres du Conseil sont saisis des documents S/2016/846 et S/2016/847, qui contiennent respectivement les textes de deux projets de résolution.
Je donne maintenant la parole aux membres du Conseil qui souhaitent faire une déclaration avant le vote.
M. Ayrault (France) : Face à l’horreur insoutenable du martyre d’Alep, le Conseil de sécurité est à nouveau placé devant la responsabilité que lui a confiée la communauté internationale : garantir la paix ; assurer la sécurité internationale ; protéger les populations civiles.Nous avons entendu hier l’Envoyé spécial des Nations Unies, Staffan de Mistura. Sa description sonne comme un cri d’alarme : si cela continue, nous aurons assisté, d’ici la fin de l’année, à la destruction d’Alep. Le message que Staffan de Mistura adresse au Conseil de sécurité est un message sans ambiguïté. Si nous n’agissons pas, cette ville ne sera bientôt plus qu’un champ de ruines et restera dans l’histoire comme une ville et ses habitants abandonnés à leurs bourreaux.
Il y a 15 jours déjà, devant ce Conseil, je demandais au nom de la France un cessez-le-feu immédiat (voir S/PV.7774). Depuis, après un accord mort-né, le régime syrien a confirmé avec une brutalité inouïe son objectif. Cet objectif n’a rien à voir avec la lutte contre le terrorisme. Cet objectif, c’est la capitulation d’Alep. Daraya, Hama, Alep — chaque fois, la tactique du régime syrien est la même : des bombardements indiscriminés, une destruction méthodique des infrastructures civiles, pour infliger le maximum de souffrance aux populations — dernièrement, l’approvisionnement en eau potable à Alep —, le ciblage systématique des hôpitaux et des personnels de santé. Chaque fois, les soutiens de Damas apportent un appui décisif à cette stratégie qui ne vise qu’un seul but : obtenir la reddition des combattants et l’exode des civils, dans des opérations qui engagent un cycle potentiellement dévastateur d’épuration ethnique.Comment, collectivement, pouvons-nous le tolérer ?
Le Secrétaire général a parlé de crimes de guerre. Nous avons tous en mémoire Guernica, Srebrenica, Grozny. Ce qui se déroule sous nos yeux à Alep est la sinistre répétition de ces tragédies. Si elle ne se ressaisit pas, la communauté internationale en partagera la responsabilité.
Le régime et ses soutiens prétendent agir au nom de la lutte contre le terrorisme. C’est une imposture que je dénonce avec la plus grande force. Bashar Al‑Assad ne combat pas le terrorisme, il l’alimente. Depuis le début de ce conflit, il cible d’abord l’opposition modérée, parce qu’elle incarne le seul espoir de retrouver un jour une Syrie unie et pacifiée. Il organise un tête-à-tête morbide entre lui, d’un côté, et Daech et Al‑Qaida, de l’autre, ses alliés objectifs qu’il épargne délibérément.
La France a payé le prix du terrorisme. Elle ne peut accepter que ce combat essentiel, qui doit tous nous rassembler, soit ainsi dévoyé – dévoyé par des actions punitives qui ne font que renforcer, au bout du compte, ceux qu’elles prétendent éliminer. Car détruire des hôpitaux, affamer des civils, massacrer des femmes et des enfants, conduire le siège des villes, comme au Moyen Âge, ne font que précipiter la radicalisation et nourrir lе terrorisme. Il faut donc mettre un coup d’arrêt à ce cycle infernal. Il y a urgence. Aujourd’hui, face à l’horreur, le Conseil de sécurité doit prendre une décision simple et évidente : exiger une action immédiate pour sauver Alep ; exiger la fin de tous les bombardements par le régime et ses alliés ; exiger que l’aide humanitaire arrive, sans entrave et sans condition, à une population qui en a désespérément besoin. C’est ce qu’appelle la situation à Alep.
Et c’est ce que la France, avec la majorité des membres de ce Conseil, n’a cessé de promouvoir. Il y a une semaine, nous avons présenté, avec l’Espagne, un projet de résolution – un projet simple qui répond à cette urgence. Que dit ce texte ? Il réaffirme l’évidence : le caractère inacceptable de la répression aveugle que conduit le régime syrien contre son propre peuple. Il rappelle l’ensemble des décisions prises par le Conseil depuis le début de cette crise. Il énumère les conditions d’une paix juste et durable, cette solution politique dont nous avons de longue date défini les contours. Il exprime enfin une volonté d’unité autour de cet objectif qui nous rassemble : la lutte contre le terrorisme.
Ce projet pose aussi des exigences claires et précises : l’arrêt immédiat des bombardements et des vols militaires sur Alep ; l’accès de l’aide humanitaire ; le respect de la trêve, garanti par un mécanisme de vérification efficace, dont les modalités sont ouvertes ; l’arrêt de toute forme de soutien ou de collaboration avec les groupes terroristes désignés par le Conseil de sécurité ; et la reprise du processus politique.
Certains voudraient poser des préalables à l’arrêt des bombardements, notamment la localisation précise des groupes terroristes et leur séparation. C’est une supercherie car c’est irréalisable tant que se poursuivent les bombardements. C’est une évidence. Par ailleurs, écraser une ville sous les bombes, massacrer les populations civiles, c’est faire le lit du terrorisme et non pas le combattre. Je le répète : la véritable urgence, c’est donc l’arrêt des bombardements, le seul préalable qui vaille car il conditionne tout le reste.
Ce projet de résolution, nous l’avons patiemment négocié, de bonne foi, avec la volonté de réunir la communauté internationale autour d’un objectif simple. Les préoccupations légitimes des uns et des autres ont été prises en compte. Et c’est avec le cœur ouvert et la main tendue que je me suis personnellement efforcé de créer, ces derniers jours, ces dernières heures, les conditions du consensus, en toute sincérité et sans arrière-pensée, animé de l’unique volonté de favoriser le retour de la paix en Syrie, de faire cesser le martyre d’un peuple, de promouvoir une solution au drame que vivent des millions de réfugiés et déplacés. J’ai le sentiment que la grande majorité des membres du Conseil comprend et approuve cette démarche.
L’adoption de cette résolution peut redonner à la population d’Alep, au peuple syrien, à nous tous, une lueur d’espoir. L’espoir de sortir de la spirale de la violence, l’espoir d’une nouvelle dynamique politique reposant sur la reprise sans tarder des négociations en vue d’une transition, dont le Conseil de sécurité a défini les contours, à l’unanimité, il y a un peu moins d’un an.
Si au contraire notre projet, malgré un large soutien, est refusé, que nous restera-t-il ? Il y aura plus de morts, plus de réfugiés, plus de déplacés. Mais il ne faudra pas renoncer – ni, renoncer, ni se résigner. Il reviendra à chacun d’en tirer les conséquences et de prendre des décisions graves, mais nécessaires. Pour que les auteurs des crimes de guerre ne restent pas impunis. Pour que les responsables de l’usage d’armes chimiques soient identifiés et sanctionnés. Pour que ceux qui se rendent complices d’un régime à bout de force en assument les conséquences. Pour que tous ceux qui refusent de se résigner se rassemblent et agissent.
En 2011, un peuple se soulevait pacifiquement contre l’oppression. Depuis cinq ans, en dépit d’une répression sauvage, ce peuple n’abandonne pas. Ce peuple, recru d’épreuves et de souffrances, ne le laissons pas avoir pour seule alternative inhumaine un bourreau ou le terrorisme abject de Daech ou du Front el-Nosra. J’appelle chaque membre de ce Conseil à assumer ses responsabilités : sauver la population d’Alep, se rassembler pour la paix, adresser au régime syrien lе message qu’il aurait dû entendre depuis si longtemps.
Ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est d’abord le sort d’Alep et de sa population. Mais c’est plus encore l’espoir de mettre enfin un terme à un conflit dont nous payons tous les conséquences catastrophiques. Face à un enjeu d’une telle gravité, faire obstacle à l’adoption de cette résolution, ce serait laisser à Bashar Al‑Assad la possibilité de tuer encore davantage. Ce serait surtout un cadeau insensé aux terroristes. Mon vœu le plus cher est que ce Conseil ne fasse pas ce cadeau.
M. Oyarzun Marchesi (Espagne) (parle en espagnol) : L’Espagne a pris avec la France l’initiative de ce projet de résolution (S/2016/846) sur Alep, pour essayer de réagir face à une situation désespérée. Pendant plus de cinq ans d’un conflit qui a déchiré la Syrie, nous avons été les témoins d’attaques aveugles contre des civils. Nous avons vu les deux parties détruire des hôpitaux, des écoles et même des convois humanitaires. Nous avons assisté, consternés, à l’utilisation d’armes chimiques par l’armée syrienne et cependant nous sommes réunis aujourd’hui parce que le pire épisode de la guerre en Syrie ne s’est peut-être pas encore produit. L’offensive du régime du Président Al‑Assad contre la partie est d’Alep est une tragédie à laquelle la communauté internationale ne peut pas tourner le dos.
Ce projet de résolution vise, comme l’a si bien dit le Ministre des affaires étrangères de la France, à éviter une catastrophe humanitaire, et c’est pour cela
que nous exigeons la cessation des combats aériens, qui terrorisent les 275 000 civils pris au piège dans la partie est d’Alep. Le principal objectif du projet de résolution est de sauver du désastre une ville millénaire qui risque d’être détruite par la brutalité d’une guerre fratricide. Le Ministre des affaires étrangères du Gouvernement espagnol, José Manuel García Margallo, a présenté clairement notre position au Conseil lorsqu’a commencé l’escalade des affrontements à la fin du mois de septembre (voir S/PV.7774). Il a évoqué trois mesures indispensables sur lesquelles nous devons centrer nos efforts. La première consiste à garantir le cessez-le-feu ; la deuxième, à assurer l’accès humanitaire ; et la troisième, à créer les conditions nécessaires pour la reprise de la médiation de l’Organisation des Nations Unies. Le projet de résolution demande en effet que soit rétablie immédiatement la cessation des hostilités dans tout le pays. Nous proposons en outre l’amélioration du mécanisme de surveillance, qui n’a pas fonctionné comme cela aurait été souhaitable au cours de ces derniers mois. Pour la première fois depuis le début de la guerre en Syrie, nous demandons au Conseil de sécurité d’envoyer un message clair aux parties en vue d’isoler les groupes terroristes qui, depuis la Syrie, menacent l’ensemble de la communauté internationale.
En deuxième lieu, nous demandons que l’accès humanitaire reste une fois pour toutes aux mains des professionnels de l’Organisation des Nations Unies et du Croissant-Rouge. Il est intolérable que le Gouvernement syrien continue de bloquer l’aide destinée à sa propre population au moyen d’entraves bureaucratiques simulées et de tactiques délibérées comme la confiscation de matériel médical, qui constituent des crimes de guerre. C’est pour cette raison que le projet de résolution établit qu’il appartient à l’ONU de déterminer le nombre de bénéficiaires et les besoins des presque 900 000 civils assiégés en Syrie. Nous demandons également qu’une enquête soit ouverte au sujet de l’attaque contre le convoi de l’Organisation des Nations Unies et du Croissant-Rouge à Orem Al‑Cunla le 19 septembre dernier. Nous mettrons tout en œuvre, sans jamais nous lasser, pour que les responsables répondent de leurs actes devant la justice. Où qu’ils soient, nous espérons qu’ils entendent bien ce message clair envoyé par tous les membres du Conseil de sécurité.
Enfin, le projet de résolution demande que soit reprise au plus vite la voie du dialogue et il exprime notre plein appui à l’Envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU.
La France et l’Espagne ont mis en œuvre tous les moyens à leur disposition pour obtenir l’appui des 15 membres du Conseil de sécurité. Il s’est agi d’un effort sincère visant à intégrer les différents points de vue, tout en respectant constamment le but principal du projet de résolution, qui n’est autre que d’éviter une catastrophe à Alep et de freiner l’escalade de la violence. Nous constatons que nous sommes sur le point de parvenir au consensus. Nous continuons d’espérer que les pays assis autour de cette table permettront l’adoption de ce projet de résolution. Il est encore temps pour nous de prendre la bonne décision.
Enfin, l’Espagne tient à exprimer sa gratitude aux nombreux États Membres de l’Organisation des Nations Unies qui ont parrainé ce projet de résolution. Nous interprétons ce soutien comme un message lancé afin que le Conseil de sécurité s’acquitte de la responsabilité que lui confère la Charte des Nations Unies. En tant que membre non permanent de cet organe, nous œuvrerons sans relâche pour qu’il en soit ainsi.
Le Président, M. Churkin (parle en russe) : Je vais maintenant faire une déclaration en ma qualité de représentant de la Fédération de Russie.
Aujourd’hui nous participons à l’un des scénarios les plus étranges de l’histoire du Conseil de sécurité. Nous sommes sur le point de voter sur deux projets de résolution et nous savons tous pertinemment qu’aucun des deux ne sera adopté. Considérant que la crise en Syrie traverse une étape déchirante qui exige la plus grande coopération politique possible de la part de la communauté internationale, une telle perte de temps est inacceptable. Nous connaissons tous le contexte de la crise syrienne. Après avoir détruit la Libye et avoir considéré que cela était un grand succès, la troïka des trois membres permanents occidentaux du Conseil de sécurité s’est tournée contre la Syrie. Et cette fois-ci, de la façon la plus fâcheuse, Paris – qui en 2003 avait rejoint Moscou et d’autres capitales lucides pour s’efforcer de dissuader les États-Unis et le Royaume-Uni de procéder à une invasion opportuniste de l’Iraq – est devenu l’un des promoteurs les plus vigoureux d’une politique malveillante de changement de régime à Damas. Nous sommes peinés de devoir signaler que, pendant toutes les années de la crise syrienne, la délégation française au Conseil de sécurité n’a pas une seule fois présenté de proposition constructive, ses rares initiatives étant manifestement calculées à des fins de propagande et vouées à l’échec. Et c’est encore ce qui s’est produit cette fois-ci. Nos collègues français nous ont contactés il y a environ une semaine et nous ont informés qu’ils voulaient que nous soutenions un projet de résolution sur la Syrie, en soulignant que Paris ne voulait pas qu’il y ait un veto russe. Le 6 octobre, ces assurances concernant le souhait d’éviter un veto russe ont été confirmées à un niveau plus élevé. Mais 24 heures plus tard, après seulement une réunion de consultations sérieuses, un projet de résolution, voué à faire l’objet du veto russe que nous avions discuté de manière répétée et justifiée, a été publié en bleu et présenté pour être mis aux voix.
Nous devons signaler que l’Espagne – qui avait été expressément invitée par la Russie à devenir membre du Groupe international d’appui pour la Syrie – nous a constamment rappelé qu’elle était coauteur du projet de résolution.
Les efforts diplomatiques de l’Espagne sont décevants. Le projet de résolution franco-espagnol prévoit notamment d’interdire tous les survols militaires d’Alep, non seulement de la partie est de la ville mais également de sa partie occidentale, qui ne cesse d’être la cible des tirs des combattants de la zone est. Rien qu’en septembre, si l’on en croit les chiffres provenant de l’ONU, plus de 80 civils ont été tués et 170 blessés. De plus, l’idée d’interdire tous les survols militaires n’a pas du tout été mûrement réfléchie. À la question de savoir si elle impliquait également une interdiction des vols de drones de reconnaissance, pour la surveillance des déplacements des combattants, il n’y a pas eu de réponse. À la question de savoir pourquoi cette interdiction s’appliquait également à la partie ouest de la ville, qui est contrôlée par le Gouvernement, la réponse reçue a été que c’était plus commode. Est-ce une discussion sérieuse ?
Un autre point essentiel a trait au fait qu’il n’y a jamais eu un seul cas dans l’histoire du Conseil de sécurité où un membre permanent a été autorisé à voter pour un projet de résolution qui prédétermine, directement ou indirectement, le cours de l’action en l’absence d’un accord préalable à cet effet. Je ne pense pas que nous voyions se présenter d’autres cas de ce genre à l’avenir. À moins que la France, après avoir renoncé au droit de veto, soit alors contrôlée par une majorité de membres du Conseil de sécurité. Quelles que soient les restrictions, elles ne peuvent être envisagées que dans le cadre du respect de l’accord de cessation des hostilités, que les terroristes et d’autres groupes armés illégaux violent régulièrement. Le projet de résolution franco-espagnol comporte une autre faille fondamentale : à la place du mécanisme de contrôle assuré par le Groupe international de soutien pour la Syrie (GISS), prévu par la résolution 2268 (2016), il fait surgir de nulle part un plan parallèle à ce qui existe déjà. Nous y voyons, pour notre part, une tentative de démolition du dispositif existant, fondé sur la coopération.
Dans ces circonstances, nous avons pris, hier après-midi, la décision inhabituelle d’élaborer un projet de résolution destiné à démontrer qu’un plan d’action collectif raisonnable est possible, en nous appuyant sur tous les acquis positifs si laborieusement obtenus jusqu’à présent. Notre projet de résolution contient une disposition relative aux paramètres toujours valables de l’accord conclu le 9 septembre entre la Fédération de Russie et les États-Unis d’Amérique, soulignant l’importance d’un accès humanitaire immédiat et sans entrave, moyennant notamment des pauses humanitaires hebdomadaires de 48 heures. Le texte de cet accord figure en annexe au projet de résolution.
Le projet de résolution comporte une disposition soulignant la nécessité de veiller à ce que toutes les parties respectent le cessez-le-feu à Alep et affirmant le rôle du mécanisme de contrôle existant auquel participe le Groupe de travail du GISS sur le cessez-le-feu. Le projet de résolution insiste sur la nécessité d’opérer d’urgence la distinction entre l’opposition modérée et le Front el-Nosra et demande aux membres du GISS d’exiger de toutes les parties qu’elles cessent de mener des opérations de combat aux côtés des terroristes, se dissocient d’eux, et s’engagent officiellement à respecter la cessation des hostilités. Le texte rappelle que, pour permettre des progrès sur le plan humanitaire, les combattants doivent cesser de bloquer la route du Castello, conformément à l’accord conclu le 9 septembre.
Le projet de résolution salue l’initiative présentée le 6 octobre par l’Envoyé spécial Staffan de Mistura en vue de normaliser la situation à Alep. Le Secrétaire général est prié à cet égard de soumettre à l’approbation du Conseil de sécurité un plan de mise en œuvre détaillé. Soit dit en passant, cette initiative de M. de Mistura, est totalement passée sous silence par le projet de résolution franco-espagnol, ce qui est un autre de ses grands défauts. Notre projet de résolution souligne le caractère impératif de l’application intégrale et inconditionnelle de la résolution 2254 (2015), dans tous ses aspects, politiques, humanitaires, ou de la lutte antiterroriste. Nous continuons de penser que des progrès doivent être menés sur tous ces volets simultanément, sans tenter de coordonner les activités ou d’imposer des conditions préalables. Le processus politique intersyrien, que l’opposition radicale entrave depuis mai, avec la connivence tacite et directe de ses parrains étrangers, doit être relancé le plus rapidement possible.
Nous savons que notre projet de résolution ne sera pas adopté faute d’un nombre suffisant de voix pour. Les membres se prononceront qui en vertu de considérations hostiles à la Russie, qui en fonction d’idées erronées de prestige, et qui, enfin, par simple manque de courage. La Russie continuera toutefois de travailler à un règlement de la question syrienne avec toutes les parties prenantes intéressées au niveau international et régional. La virulence des combats dans l’est d’Alep s’est dans l’ensemble réduite. Hier, par exemple, il n’y a presque pas eu de mission de combat. Espérons que cette tendance se confirmera.
Je reprends à présent mes fonctions de Président du Conseil de sécurité.
Je vais d’abord mettre aux voix le projet de résolution S/2016/846, déposé par l’Allemagne, l’Andorre, l’Arabie saoudite, l’Australie, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, le Canada, Chypre, le Costa Rica, la Croatie, le Danemark, les Émirats arabes unis, l’Espagne, l’Estonie, les États-Unis d’Amérique, la Finlande, la France, la Géorgie, la Hongrie, l’Irlande, l’Islande, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, Monaco, le Maroc, le Mexique, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, le Qatar, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, Saint-Marin, le Sénégal, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède, la Turquie et l’Ukraine.
Il est procédé au vote à main levée.
Votent pour :Égypte, France, Japon, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Sénégal, Espagne, Ukraine, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, États-Unis d’Amérique, Uruguay
Votent contre :Fédération de Russie, Venezuela (République bolivarienne du)
S’abstiennent :Angola, Chine
Le Président (parle en russe) : Le résultat du vote est le suivant : 11 voix pour, 2 voix contre et 2 abstentions. Le projet de résolution n’a pas été adopté en raison du vote négatif d’un membre permanent du Conseil.
Je donne maintenant la parole aux membres du Conseil qui souhaitent faire une déclaration après le vote.
M. Rycroft (Royaume-Uni) (parle en anglais) : Je commence d’ordinaire mes déclarations au Conseil par les mots « Merci, Monsieur le Président ». Aujourd’hui, je ne peux pas le faire, car c’est le cinquième veto opposé à un vote concernant la Syrie en l’espace de cinq ans – opposé par vous-même, Monsieur le Président –, un veto qui empêche une nouvelle fois le Conseil d’obtenir l’unité nécessaire pour donner au peuple syrien un espoir de répit au milieu de ses souffrances ; un veto qui déprécie une nouvelle fois la crédibilité du Conseil de sécurité et le respect qu’il inspire aux yeux du monde ; un veto qui constitue un abus cynique des privilèges et responsabilités liés au statut de membre permanent. Je ne peux tout simplement pas vous en remercier ; pas plus que ne le peuvent les milliers et milliers d’hommes, de femmes et d’enfants innocents pris au piège à Alep. Ce soir, ils devront affronter une nouvelle nuit dans la peur et la douleur, une nouvelle nuit à se demander s’ils vivront jusqu’au lendemain matin. Cent mille d’entre eux sont des enfants.
Les tactiques actuellement utilisées à Alep sous prétexte de lutte contre le terrorisme sont en train de transformer une crise humanitaire en catastrophe, et votre veto d’aujourd’hui, Monsieur le Président, ne fait que confirmer ce que nous savions depuis longtemps : les actions de la Russie ces dernières semaines ont révélé à quel point son engagement dans le processus politique sonnait le creux. Nous avons vu aujourd’hui ce que renferme véritablement cet engagement : une imposture. Au lieu de consacrer son énergie à la paix et à la diplomatie, la Russie appuie le régime syrien, facilite son action et coopère avec lui pour reprendre et détruire les zones qui résistent à‑Assad, en éliminant méthodiquement ceux qui veulent un avenir modéré, pacifique et pluraliste, exempt de la barbarie d’‑Assad comme des horreurs infligées en Syrie par Daech et les autres terroristes. Et ce sont les civils syriens qui continuent de faire les frais de cette cruauté et de la complicité de la Russie. Civils, personnels médicaux et Casques blancs sont les cibles directes de barils d’explosifs, d’armes à sous-munitions et d’armes incendiaires, sans parler du fait que le régime continue, de manière barbare, d’utiliser des armes chimiques.
Je me fais l’écho des paroles de l’archevêque de Canterbury qui, pour décrire la destruction d’Alep, a parlé d’un mépris absolu pour l’esprit humain et pour la dignité de l’être humain. Le Conseil ne peut pas rester sans rien faire alors que de telles souffrances sont infligées à la population d’Alep. Pourtant, à cause de vous, Monsieur le Président, c’est exactement ce que nous faisons.
Le texte auquel vous, Monsieur, avez opposé votre veto n’était pas extravagant. Il appelait à prendre des mesures raisonnables, qui auraient déjà dû être prises et qui auraient sauvé des vies, à commencer par l’arrêt complet du bombardement d’Alep. Aucun argument militaire ne saurait justifier des attaques aériennes qui frappent aveuglément les civils dans leurs maisons et dans les hôpitaux. Ce texte appelait à permettre un accès humanitaire total et sans entrave. Il est abject que le régime continue de refuser l’accès aux zones assiégées et difficiles d’accès. Il est abject que la violence ait atteint un point tel que même la sécurité des convois humanitaires ne peut pas être assurée, comme en a attesté l’attaque contre un convoi d’assistance des Nations Unies, attaque dont toutes les preuves indiquent clairement que la Russie est responsable.
En outre, ce texte appelait à appliquer intégralement la résolution 2268 (2016) et à rétablir la cessation des hostilités. Tous les jours, à Alep, nous voyons qu’une victoire militaire est tout simplement impossible dans ce conflit. Que cela ne peut donner que des perdants. Et tous les jours, nous voyons que les obligations successives énoncées par le Conseil résolution après résolution sont foulées aux pieds. Pour mettre fin à cette guerre, il faut que le Conseil soit uni, or cette unité ne sera possible que lorsque la Russie changera sa politique et mettra fin aux bombardements aériens.Cette semaine, le Conseil avait affiché une belle unité, mais nous venons d’y mettre fin, pour des raisons tristement familières. Le Conseil tout entier était à vos côtés mercredi, Monsieur le Président, lorsque vous avez annoncé le prochain Secrétaire général. Du fait de vos agissements aujourd’hui, la tâche d’António Guterres sera encore plus ardue. Pire encore, du fait de vos agissements aujourd’hui, les Syriens continueront de mourir, à Alep et au-delà, sous les bombes russes et syriennes. Je vous en conjure, arrêtez maintenant.
M. Ibrahim (Malaisie) (parle en anglais) : Je tiens tout d’abord à remercier S. E. M. Jean-Marc Ayrault, Ministre français des affaires étrangères, de sa présence aujourd’hui et d’avoir présenté le projet de résolution contenu dans le document S/2016/846, dont la France et l’Espagne étaient coauteurs. Nous prenons aussi note du projet de résolution publié sous la cote S/2016/847, qui a été soumis par la Fédération de Russie et sur lequel le Conseil se prononcera tout à l’heure.
À maintes reprises, la Malaisie a appelé le Conseil à agir de manière plus résolue sur le dossier syrien. Nous considérons le récent effort de la France et de l’Espagne comme une tentative d’asseoir l’autorité du Conseil et de faire en sorte qu’il s’acquitte de sa responsabilité d’apporter une réponse efficace face à la détérioration de la situation en Syrie. Nous pensons que le principal objectif du projet de résolution figurant dans le document S/2016/846 était d’empêcher une nouvelle escalade de la violence et des hostilités, notamment en appelant à l’arrêt des bombardements aériens, un élément clef pour limiter le nombre de morts et freiner la destruction qui s’abat, depuis bien trop longtemps et de manière disproportionnée, sur les civils syriens par milliers, en particulier les femmes et les enfants.
La cessation des bombardements aériens aurait été un pas bienvenu et indispensable pour alléger les souffrances abjectes infligées aux civils dans l’est d’Alep, qui sont les premières cibles de ces bombardements ces dernières semaines. Pour ma délégation, le plus important était que, si le texte franco-espagnol avait été adopté, toutes les parties au conflit ayant la capacité de procéder à des frappes aériennes auraient été tenues de respecter les dispositions énoncées au paragraphe 3. Compte tenu de la clarté de ses objectifs et des raisons impérieuses qui le justifient, ma délégation a voté pour le projet de résolution présenté par la France et l’Espagne. Nous sommes extrêmement déçus que ce texte ait été rejeté. C’est une honte et une trahison des espoirs qui ont été placés dans le Conseil pour qu’il allège les atroces souffrances provoquées par un conflit brutal.
Pour aborder brièvement le projet de résolution contenu dans le document S/2016/847, il est indéniable que ce texte a certains mérites et qu’il comporte des éléments visant eux aussi à améliorer la situation humanitaire, ainsi qu’à relancer le processus politique en Syrie et à combattre le terrorisme. Cela étant dit, la Malaisie et d’autres membres du Conseil ne connaissent pas les détails de l’accord bilatéral conclu le 9 septembre entre la Russie et les États-Unis. Or, les États-Unis ayant publiquement dénoncé cet accord parce qu’il n’était pas respecté, nous ne pensons pas que le Conseil soit en position d’entériner un tel accord. Nous ne sommes donc pas en mesure d’appuyer ce projet.
Nous craignons les conséquences que vont avoir les actions du Conseil, notamment le message de désunion du Conseil que nous avons transmis aujourd’hui. Le Conseil de sécurité ne peut pas se permettre de laisser perdurer la paralysie, au mépris le plus complet de la situation catastrophique à laquelle les civils innocents sont confrontés en Syrie. Face à une telle désunion, les Syriens assiégés dans des circonstances dramatiques peuvent-ils vraiment diriger leurs espoirs et leurs prières vers nous ?
Les initiatives présentées aujourd’hui ne nous semblent pas représenter les meilleurs efforts du Conseil. La responsabilité de régler le conflit en Syrie nous incombe toujours entièrement. À cet égard, plusieurs d’entre nous pourraient éventuellement parvenir à un terrain d’entente, dans l’espoir de trouver une issue à l’impasse actuelle et de nous rapprocher d’un consensus sur la manière de mettre fin aux hostilités et au conflit. Nous allons oeuvrer dans ce but, aux côtés des membres intéressés du Conseil et d’autres partenaires. Nous ne devons jamais cesser d’espérer. Nous ne devons pas laisser l’est d’Alep connaître une fin tragique.
M. Pressman (États-Unis d’Amérique) (parle en anglais) : Hier, nous nous sommes réunis dans la salle des consultations pour écouter l’Envoyé spécial des Nations Unies, Staffan de Mistura, décrire les bombardements meurtriers qui pleuvent de manière aveugle et quotidienne sur l’est d’Alep. Nous avons entendu l’Envoyé spécial De Mistura implorer le Conseil de sécurité de prendre des mesures urgentes pour éviter un massacre à grande échelle, en soulignant que ne pas y parvenir serait une tragédie, mais que ce serait aussi pour le Conseil de sécurité un déshonneur persistant, comme d’autres dans notre histoire récente.
Le projet de résolution contenu dans le document S/2016/846, auquel la Russie a opposé son veto aujourd’hui, énonçait une exigence simple et un objectif unique : qu’il soit mis fin aux bombardements à Alep. Ces deux dernières semaines, la Russie et le régime d’Assad ont lancé dans l’est d’Alep une offensive militaire terrifiante qui a réduit en ruines une zone de la ville dans laquelle 275 000 civils sont pris au piège. Les frappes aériennes effectuées dans le cadre de cette offensive conjointe de la Russie et du régime syrien ont systématiquement détruit les rares infrastructures qui parvenaient encore à soutenir la population de l’est d’Alep. Les hôpitaux ont été bombardés. Les pompes à eau potable ont été bombardées. Les ambulances et les camions de pompiers des secouristes ont été bombardés. Des familles se sont retrouvées prises au piège sous les décombres. Des centaines de civils sont morts, et des centaines de milliers de civils risquent littéralement de mourir de faim si rien ne change.Le Secrétaire général a déclaré qu’Alep était pire qu’un abattoir. L’Envoyé spécial des Nations Unies a averti que la ville serait entièrement détruite avant la fin de l’année. Et nous en savons la cause – les frappes aériennes menées par la Russie et le régime d’Assad en sont la cause. La Russie et Assad veulent saisir l’est d’Alep pour renforcer plus encore le régime de Damas. La Russie ne pouvait pas permettre à ce projet de résolution de faire obstacle à leurs desseins, elle y a donc opposé son veto. La Russie a opposé son veto, ici, au Conseil de sécurité pour renforcer Bashar Al‑Assad au détriment de 275 000 Syriens. Nous avons entendu tant d’avertissements dans cette salle, tant d’appels angoissés, tant de descriptions de la barbarie qui est en train de se dérouler sous nos yeux. Pour dire les choses simplement, aujourd’hui, le moment était venu pour le Conseil d’agir, de tirer les leçons du passé récent. Nous n’avons pas pu le faire, parce que l’un d’entre nous – qui plus est, le Président du Conseil de sécurité lui-même – est résolu à permettre la poursuite de ce carnage et y participe même. C’est scandaleux.
La Russie, comme toujours, donnera une autre version des faits. La Russie a déclaré qu’elle luttait contre le terrorisme. Elle va probablement blâmer d’une façon ou d’une autre les États-Unis d’Amérique pour les souffrances d’Alep ; elle va insinuer que c’est nous qui ne luttons pas sérieusement contre le terrorisme ; elle va invoquer des conflits passés dans des terres lointaines ; et elle va mentir. En bref, elle va tout faire tout pour nier la réalité et détourner notre attention de la vérité.
La vérité est que la Russie utilise la lutte contre le terrorisme comme prétexte pour aider le régime d’Assad à reprendre par la force brute le contrôle d’Alep, à détruire tout groupe d’opposition qui ose résister à sa brutalité et forcer les civils qui aspirent à un autre gouvernement à se rendre. Comme le Secrétaire d’État, M. John Kerry, l’a dit,« il s’agit d’une stratégie ciblée pour terroriser les civils et tuer tous ceux qui se trouvent sur le chemin de leurs objectifs militaires ».
Il n’y a pas d’autre explication plausible. Sinon, pourquoi les premières cibles de l’offensive russo-syrienne seraient-elles des hôpitaux et des bases pour les premiers intervenants, lesquels auraient dû être protégés ? Pourquoi chaque hôpital de l’est d’Alep aurait-il été frappé non pas une, mais deux fois au moins ? Pourquoi un convoi transportant une aide humanitaire vitale à destination d’Alep aurait-il été détruit ?
Nul besoin d’être un spécialiste du droit international pour savoir qu’il existe un terme qui pourrait très bien décrire ces activités, à savoir crimes de guerre, et ils doivent faire l’objet d’une enquête. La Russie ne peut pas utiliser la présence de ce que l’ONU estime à quelques centaines de membres du Front el-Nosra pour justifier une campagne de bombardements aériens aveugles, qui détruit une ville entière où vivent des centaines de milliers de civils actuellement pris au piège par la Russie et le régime.
La Russie a le privilège de servir en tant que membre permanent du Conseil de sécurité et, à ce titre, elle a la responsabilité de maintenir la paix et la sécurité internationales. Toutefois, par le biais de la campagne qu’elle qualifie de lutte contre le terrorisme, la Russie est devenue l’un des principaux responsables du terrorisme à Alep, en utilisant des tactiques plus communément associées à des voyous qu’à des gouvernements. La Russie et le régime d’Assad pensent que le monde va fermer les yeux s’ils invoquent le mot « contre-terrorisme ». C’est immoral, et chacun d’entre nous doit le dire clairement à la Russie.Il y a des terroristes en Syrie – il y en a beaucoup. Les États-Unis n’ont pas besoin que quelqu’un leur explique pourquoi les terroristes sont sérieux et dangereux et ont des desseins meurtriers. Le fait qu’il y a des terroristes en Syrie est la raison pour laquelle les États-Unis dirigent une coalition de 67 membres dans la région pour les combattre. C’est la raison pour laquelle les États-Unis continuent d’appeler sans équivoque les groupes de l’opposition à se séparer du Front el-Nosra. C’est la raison pour laquelle cette semaine, les États-Unis ont mené un raid aérien qui visait un haut dirigeant de Front el-Nosra à Edleb, en Syrie.
Les États-Unis seront sans merci dans leur lutte contre le terrorisme. Nous avons passé des mois à rechercher un moyen de travailler avec la Russie sur une campagne qui ciblerait efficacement le Front el-Nosra. Nous nous sommes mis d’accord sur une voie qui nous aurait permis de nous concentrer sur des cibles terroristes. En retour, nous avons demandé à la Russie de faire preuve de sa bonne foi en défendant une cessation des hostilités et en permettant l’acheminement de l’aide humanitaire. Lorsqu’on leur a donné la possibilité de coopérer dans la lutte contre le terrorisme, la Russie a décidé de tourner le dos. La Russie a décidé de traiter par le mépris les appels répétés du Conseil pour mettre en oeuvre l’accord de cessation des hostilités. La Russie a décidé qu’elle appuierait la campagne militaire du régime d’Assad pour « reprendre chaque centimètre de la Syrie », pour utiliser les propres mots d’Assad.Certains ici aujourd’hui critiqueront ce projet de résolution en disant qu’il n’est pas équilibré, mais il n’y a pas d’équilibre dans le bombardement de l’est d’Alep. C’est simple. La Russie et le régime d’Assad ont lancé la campagne de bombardements aériens la plus meurtrière depuis 2011. La Russie et le régime d’Assad utilisent des armes incendiaires et des bombes pénétrantes, qui amplifient les souffrances humaines, frappant même des médecins qui tentent de soigner des patients dans des salles d’urgence souterraines – des salles d’urgence souterraines, parce qu’il n’y a pas d’autre endroit sûr. C’est la Russie et le régime syrien qui causent ce chaos sanglant. Nous devons exiger que ceux qui sont responsables de cette campagne aérienne y mettent un terme. Ce n’est pas comme ça que l’on vainc les terroristes ; c’est comme ça qu’on les crée.
Dans ce conflit, la violence engendre la violence. Nos efforts aujourd’hui visaient à arrêter les bombardements sur Alep, rien de plus. C’est une honte que nous n’ayons pas été en mesure de le faire, et cela aura des conséquences mortelles. Les États-Unis restent déterminés à trouver des moyens de désamorcer cette violence, de mettre en place un cessez-le-feu et d’entamer un véritable processus politique. Mais pour cela, il faut mettre fin aux terribles souffrances de la population de l’est d’Alep, qui sont causées par l’actuel Président du Conseil de sécurité et l’aviation syrienne. Il est temps que la Russie cesse d’affamer et de tuer les enfants d’Alep.
M. van Bohemen (Nouvelle-Zélande) (parle en anglais) : La situation à Alep est désastreuse, comme l’Envoyé spécial Staffan de Mistura nous l’a dit très clairement hier. Il a averti que nous nous trouvions devant une situation semblable à celle du Rwanda et de Srebrenica, des atrocités que le Conseil n’a pas su empêcher. Nous devons tirer les enseignements du passé ; nous devons empêcher que la partie est de la ville d’Alep ne soit réduite en cendres.
Le terrorisme est un fléau pour le monde, mais il n’est pas acceptable que la Russie et la Syrie utilisent la lutte contre le terrorisme comme prétexte pour mener une vaste campagne de bombardements pour lesquels les civils paient le prix le plus élevé. Quels que soient les crimes des centaines ou du millier de terroristes qui se trouvent dans l’est d’Alep, ils ne peuvent justifier le bombardement continu de 275 000 civils.
Nous avions espéré que le Conseil pourrait s’entendre sur un texte acceptable pour toutes les parties, qui aurait pu contribuer à une action concrète et constructive sur le terrain. L’échec du projet de résolution d’aujourd’hui, contenu dans le document S/2016/846, contribue à la dynamique de division entre les grandes puissances sur le dossier syrien et sape la crédibilité du Conseil de sécurité.
Compte tenu de l’effondrement récent de la cessation des hostilités et de l’interruption des efforts diplomatiques déployés par les États-Unis et la Russie, il est essentiel d’utiliser tous les canaux multilatéraux, en particulier le Conseil, pour amener les parties à mettre fin aux massacres et à revenir à la table des négociations et, dans l’intervalle, pour épargner le peuple syrien et lui permettre de recevoir l’aide humanitaire dont il a si désespérément besoin.Le Conseil a une responsabilité particulière. Nous allons continuer de discuter avec les autres membres du Conseil dans les jours à venir pour voir ce que nous pouvons faire.
Le Président (parle en russe) : Nous savons que la Nouvelle-Zélande a essayé d’élaborer un projet de résolution, qui aurait été un juste milieu entre les deux approches dont nous sommes saisis aujourd’hui, et nous regrettons que certains membres influents du Conseil de sécurité n’aient pas permis à ce projet d’aller de l’avant.
M. Yelchenko (Ukraine) (parle en anglais) : L’Ukraine a coparrainé le projet de résolution figurant dans le document S/2016/846 et a voté pour. Nous saluons les délégations française et espagnole pour les efforts acharnés qu’elles ont faits pour rédiger et négocier le texte.
Nous sommes absolument consternés, mais pas surpris par le fait que tous ces efforts ont, au bout du compte, mis en échec par le pouvoir de veto de la Russie. C’est la cinquième fois ces dernières années que la Russie recourt au veto contre des projets de résolution sur la Syrie. Si le projet de résolution avait été adopté, le Conseil aurait fait un grand pas en avant en matière de diplomatie préventive. Cela aurait permis d’éviter ce qui est sur le point de devenir l’une des plus graves tragédies humanitaires de notre époque. L’histoire jugera ceux qui ont empêché le Conseil de s’acquitter de son devoir. Ayant à l’esprit le caractère indubitablement humanitaire du projet de résolution, qui vise à prévenir la destruction de la partie orientale d’Alep avant la fin de l’année, nous avons agi dans le plein respect du code de conduite relatif à l’action du Conseil de sécurité contre le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, auquel l’Ukraine a souscrit l’an dernier.
Nous sommes profondément déçus que la déclaration politique sur la suspension du droit de veto en cas d’atrocités criminelles – une initiative visant à réduire le recours au veto par les membres permanents du Conseil – n’a pas encore gagné du terrain. Une fois de plus, la Fédération de Russie est plus soucieuse de protéger ses privilèges que de s’acquitter de ses responsabilités devant la communauté internationale. Pour l’Ukraine, cela n’a rien de nouveau ; nous avons vu la Russie exercer son droit de veto tout récemment, en mars 2014 et en juillet 2015. Dans les deux cas, l’action du Conseil aurait permis de sauver des milliers de vies humaines et d’envoyer un message forts à ceux qui se rendent coupables d’actes odieux à l’encontre des civils, et leurs crimes ne seraient pas restés impunis.
Ce qui s’est passé aujourd’hui a un sens – la politique de la Russie reste inchangée. Si la dynamique actuelle du conflit syrien se poursuit et que la logique de la guerre l’emporte sur les voix appelant à la paix, nous, en tant que communauté internationale, serons confrontés à un risque réel de voir un conflit meurtrier perdurer durant de longues années. Les répercussions d’un scénario seraient assimilables à une boîte de Pandore qu’il est facile d’ouvrir, mais presque impossible de fermer – plus de réfugiés affluant vers l’Europe et d’autres endroits, plus de déstabilisation dans les pays voisins, un nombre croissant de morts et une crise humanitaire plus grave. Si la Russie n’est pas en train de mener une guerre hybride pour s’imposer à nouveau sur la scène internationale, alors, c’est le monde à l’envers.
Ceux qui s’opposent à la paix et prolongent la guerre risquent d’embraser toute la région par une guerre interconfessionnelle et la radicalisation, en faisant le jeu des extrémistes. Enfin, je voudrais faire écho aux propos de l’Envoyé spécial pour la Syrie, M. Staffan de Mistura, selon lesquels nous ne voulons pas connaître un autre Srebrenica ou un autre Rwanda. J’ajouterai que nous ne voulons pas connaître un autre Grozny.
M. Seck (Sénégal) : Ce qui se passe en Syrie est insoutenable. Sous le fracas des bombes, réunion après réunion, négociation après négociation, résolution après résolution, des vies humaines sont anéanties, des maisons, des marchés, des écoles, des établissements sanitaires sont réduits à néant, en violation flagrante de toutes les règles du droit international humanitaire. J’ai cité le Président du Sénégal, M. Macky Sall, qui s’exprimait ici même, le 21 septembre dernier, sous présidence néo-zéalandaise (voir S/PV.7774). En décidant de voter pour la résolution présentée par la France et l’Espagne, le Sénégal se faisait l’écho du cri de coeur de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, M. Staffan de Mistura, afin que le Conseil agisse de toute urgence pour éviter que la partie orientale d’Alep ne se transforme en une tragédie jamais égalée à ce jour.
Le Sénégal espérait que le moment était venu pour que le Conseil, en tant que garant de la paix et de la sécurité internationales, prenne ses responsabilités aujourd’hui pour oeuvrer au rétablissement de la cessation des hostilités, non seulement dans la partie orientale d’Alep, mais aussi sur toute l’étendue du territoire. Malheureusement, le projet de résolution franco-espagnol n’a pas prospéré. M. Staffan de Mistura nous avait pourtant mis en garde contre le risque de voir Alep être complètement détruite dans les deux mois à venir, avec des milliers de morts et de blessés, si les frappes aériennes se poursuivaient.
Une fois encore, ma délégation saisit l’occasion pour exhorter le Groupe international de soutien pour la Syrie, en particulier ses deux Coprésidents, à poursuivre les efforts nécessaires en vue de parvenir à une trêve effective et durable sur l’ensemble du territoire, de manière à permettre l’acheminement, sans entraves et sans conditions, des secours humanitaires et la reprise d’un processus crédible, sous l’égide des Nations Unies, sur la base du Communiqué de Genève (S/2012/522, annexe) et de la résolution 2254 (2015).
Si nous ne nous rassemblons pas autour de cet objectif de paix et de stabilité définitives en Syrie, alors se posera le risque de voir se renforcer des organisations terroristes telles que l’État islamique d’Iraq et du Cham et le Front Jabhat Fatah al-Sham, connu précédemment sous le nom de Front el-Nosra, qui sont nos ennemis communs et qui doivent être combattus, mais dans le cadre d’une stratégie commune et globale.
M. Bessho (Japon) (parle en anglais) : Le Japon a appuyé la proposition française et espagnole, parce qu’entre autres choses, elle demande à toutes les parties de mettre immédiatement fin à tous les bombardements aériens sur Alep. Ces bombardements sont en train de détruire impitoyablement des hôpitaux et de tuer des civils. La situation est catastrophique. Il est très regrettable que les membres du Conseil de sécurité n’aient pas pu surmonter leurs différends jusqu’à présent. Il faut mettre immédiatement fin à toutes les activités militaires dans l’est d’Alep, en particulier les attaques aveugles qui constituent une violation du droit international humanitaire.
Le fait que le Conseil n’ait pas pu adopter aujourd’hui un projet de résolution qui aurait permis d’améliorer la situation humanitaire à Alep est un autre exemple malheureux d’une situation où le Conseil de sécurité se montre incapable de prendre des mesures efficaces face à une question de la plus haute urgence. Cela ne devrait pas être une excuse pour ne pas agir face à la crise qui frappe Alep. Il y a des besoins pressants humanitaires sur le terrain. Nous devons prendre des mesures pour faciliter l’évacuation médicale de ceux qui en besoin immédiatement, ainsi que l’acheminement des fournitures humanitaires à partir de la partie ouest de la ville d’Alep. Le Conseil a la responsabilité de prendre des mesures concrètes pour apporter des changements véritables sur le terrain. Le peuple syrien a déjà souffert depuis trop longtemps.
M. Ramírez Carreño (République bolivarienne du Venezuela) (parle en espagnol) : Sur la base de son attachement ferme au strict respect du droit international humanitaire, la République bolivarienne du Venezuela condamne les attaques aveugles contre les civils et les acteurs humanitaires, ainsi que le bombardement des hôpitaux et des établissements sanitaires, quels que soient leurs auteurs, comme nous les avons dénoncés dans la bande de Gaza, dans les territoires occupés de l’État de Palestine, en Iraq, en Libye, au Yémen, en Afghanistan et en Syrie. Néanmoins, notre pays a voté contre le projet de résolution relatif à la situation dans la partie orientale d’Alep, car nous estimons que ce texte ne contribue pas à un traitement équilibré de la problématique humanitaire qui a des incidences graves sur la population civile dans cette province, en raison de la barbarie terroriste du Front el-Nosra et des entités qui lui sont associées et de la dynamique terrible de la guerre dans le pays.
Nous avons noté avec préoccupation qu’alors que la situation humanitaire exige des réponses concrètes fondées sur les principes d’impartialité, d’objectivité et de non-politisation, dans le cas d’espèce, cet objectif humanitaire noble a été détourné pour promouvoir les desseins politiques de certains membres du Conseil au détriment du peuple syrien. Dans ce contexte, on utilise la tragédie humanitaire que connaît la population de la partie est de la ville d’Alep comme prétexte pour imputer à la Syrie et à la Russie la responsabilité de la détérioration de la situation humanitaire dans cette zone, alors qu’en réalité, ce sont les groupes terroristes qui bénéficient d’un appui extérieur, qui commettent des crimes odieux contre le peuple syrien depuis cinq ans en vue de renverser un gouvernement légitime, qui sont directement responsables de cette tragédie.
Nous ne devons pas oublier qu’il existe d’autres acteurs impliqués dans ce conflit, qui siègent au Conseil de sécurité. Nous ne pouvons passer outre le fait que d’autres acteurs, des membres du Conseil de sécurité, participent au conflit. C’est pourquoi dans le cas présent, les membres du Conseil ont une responsabilité commune mais différenciée. Ces acteurs participent directement au conflit armé depuis le début. Ils ont notamment choisi de fournir des armes à des acteurs non étatiques violents qui sont devenus des groupes terroristes et ont échappé à leur contrôle. Ils font mine aujourd’hui d’ignorer les conséquences de leurs actes et de tenir des discours ampoulés tout en continuant d’alimenter les guerres, non seulement en Syrie, mais dans tout le Moyen-Orient également.
Nous estimons que s’il existait une volonté réelle de parvenir à un texte de consensus, le Conseil aurait été en mesure d’avoir un projet de résolution reflétant son unité. Malheureusement, les objectifs politiques de certains membres du Conseil nous ont empêchés d’obtenir un résultat positif, au détriment de la population d’Alep. L’obstination à présenter ce projet de résolution (S/2016/846) au Conseil tout en le sachant voué à l’échec a accentué les divisions au sein de cet organe collégial, et cela risque de remettre en cause les progrès accomplis, notamment par les Coprésidents du Groupe international de soutien pour la Syrie – les États-Unis et la Fédération de Russie – et les efforts déployés par l’Envoyé spécial Staffan de Mistura.
La lutte coordonnée menée par les Gouvernements syrien et russe contre le terrorisme ne saurait être considérée comme une tentative de décimer la population d’Alep, comme on souhaiterait nous le faire croire sans justification. Une menace réelle existe dans cette ville et se caractérise par la présence de milliers de combattants du Front el-Nosra et d’autres groupes terroristes, qui séquestrent des centaines de milliers de civils sur place et les utilisent comme boucliers humains, en violation du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme. Il convient de rappeler que le Gouvernement syrien a ouvert des couloirs humanitaires pour évacuer Alep, mais les groupes terroristes exécutaient quiconque tentait de quitter la ville.
Étant donné que la lutte contre le terrorisme est un objectif commun de la communauté internationale, comme le stipulent diverses résolutions adoptées par le Conseil, nous ne comprenons pas pourquoi la prétendue opposition modérée ne se désolidarise pas définitivement du Front el-Nosra. Si elle aspire sincèrement à rétablir la paix et la stabilité en Syrie, l’opposition modérée doit s’associer aux efforts visant à éliminer le fléau du terrorisme et participer sérieusement aux pourparlers de paix, sans conditions préalables. Il est urgent que les acteurs extérieurs cessent de soutenir les groupes armés qui se transforment en groupes terroristes et que soit appliqué l’accord de cessation des hostilités signé le 9 septembre.
D’autre part, il est paradoxal que le projet de résolution dont nous sommes saisis exige que la Syrie limite son droit légitime à exercer pleinement sa souveraineté sur son territoire, en particulier son espace aérien, en interdisant aux avions militaires de survoler Alep. Cette exigence est contraire à la souplesse et à la mission du Conseil dans le contexte d’autres conflits, notamment dans la bande de Gaza, à Fallouja, à Bagdad, au Yémen et en Afghanistan. Nous réitérons que les questions inscrites au programme de travail du Conseil ne sauraient être traitées sur la base d’une politique du deux poids, deux mesures. Nous estimons que le plein exercice de sa souveraineté, qui lui permet de contrôler son territoire, garantit à la Syrie la possibilité de lutter efficacement contre le terrorisme. Nous nous demandons comment on peut prétendre limiter le droit de la Syrie à réaffirmer sa souveraineté qui, au même titre que son intégrité territoriale et son indépendance politique, est consacrée par la Charte des Nations Unies et considérée comme essentielle au maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Le Conseil n’est pas habilité à limiter la souveraineté des États Membres ni à décider si un gouvernement est légitime. Ces prérogatives reviennent aux peuples. Nous ne pouvons permettre que se répètent les expériences désastreuses des agressions militaires en Iraq et en Libye, entre autres, qui ont causé tant de tort à ces deux peuples en créant des conditions propices à l’expansion d’Al‑Qaida et à l’apparition de l’État islamique d’Iraq et du Levant/Daech suite au démantèlement des structures institutionnelles et politiques.
Enfin, nous rejetons la manipulation du drame humain que vit le peuple syrien du fait d’une guerre imposée de l’extérieur, mais également financée et alimentée par des acteurs et des combattants étrangers. En dépit des pressions et manipulations médiatiques, nous demeurons déterminés à traiter cette question sans appliquer une politique du deux poids, deux mesures, en défendant les principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et en oeuvrant à un règlement politique négocié de ce terrible conflit. Nous continuerons de travailler pour la paix.
Le Président (parle en russe) : Les membres du Conseil sont saisis du document S/2016/847, qui contient le texte d’un projet de résolution déposé par la Fédération de Russie.
Le Conseil est prêt à se prononcer sur le projet de résolution dont il est saisi. Je vais maintenant mettre aux voix le projet de résolution.
Il est procédé au vote à main levée.
Votent pour :Chine, Égypte, Fédération de Russie, Venezuela (République bolivarienne du)
Votent contre :France, Japon, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Sénégal, Espagne, Ukraine, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, États-Unis d’Amérique
S’abstiennent :Angola, Uruguay
Le Président (parle en russe) : Le résultat du vote est le suivant : 4 voix pour, 9 voix contre et 2 abstentions. Le projet de résolution n’est pas adopté car il n’a pas reçu le nombre de voix requises.Je donne maintenant la parole aux membres du Conseil qui souhaitent faire une déclaration après le vote.
M. Aboulatta (Égypte) (parle en arabe) : Je n’arrive pas à trouver les mots pour exprimer notre profonde tristesse face à la scène dont nous sommes témoins aujourd’hui – l’escalade militaire qui a contraint le Conseil de sécurité à se réunir devant le monde entier pour transmettre un message d’échec au peuple syrien. Malheureusement, le Conseil, qui a été créé au siècle dernier pour régler les différends par des moyens pacifiques, est en train de devenir une simple plateforme médiatique. Au lieu de tenir des consultations politiques sérieuses, dans le cadre de réunions publiques et privées, pour arrêter le bain de sang en Syrie, les consultations n’ont abouti à rien d’autre qu’à une répétition de positions traditionnelles et à un dialogue de sourds.
Nous avions pour habitude de préparer nos déclarations et de les prononcer dans cette sale pour condamner et dénoncer, ou pour partager des informations et nous tenir au courant des événements passés et présents en Syrie, mais nous avons oublié que la portée de nos déclarations ne dépasse guère ce bâtiment ou la sphère médiatique, alors que la tragédie du peuple syrien se poursuit, que la moitié de la population syrienne est déplacée et que des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ont été tués. Je tiens à exprimer ma peine et ma sympathie à tous les citoyens syriens qui suivent la présente séance, même si je me demande qui en Syrie s’y intéresse vraiment.
L’Égypte a voté pour les deux projets de résolution (S/2016/846 et S/2016/847) mis aux voix aujourd’hui, qui visaient à apaiser la situation en Syrie, notamment à Alep. Même si nous savions malheureusement que les deux projets de résolution étaient condamnés, nous avons voté simplement pour exprimer notre position. L’Égypte ne peut tolérer plus longtemps que le sort de la population de la région soit manipulé. Aujourd’hui, nous ne faisons que transmettre, au nom de la plus large population arabe, un message aux forces internationales, régionales et nationales en Syrie, pour qu’elles mettent fin à la tragédie qui sévit dans ce pays – et aux rivalités, ambitions et discordes politique que paient de leur vie tant de Syriens.
Je ne veux pas terminer ma déclaration sur des regrets, parce qu’il nous reste encore une possibilité de nous pencher sérieusement sur la crise syrienne. Si tous les membres du Conseil exprimaient, et confirmaient, leur volonté de mettre fin à l’effusion de sang, l’Égypte envisagerait sérieusement les diverses positions concernées. Ainsi, malgré la différence des démarches qui ont présidé à la présentation des deux projets de résolution mis aux voix aujourd’hui, convenons qu’ils abordent tous deux des points cruciaux sur lesquels nous devrions nous appuyer dans les prochains jours. Aujourd’hui, nous avons voté pour notre part pour les points suivants.
Premièrement, il est nécessaire d’arrêter de prendre pour cible les infrastructures et les civils syriens, et de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire, en coordination constante avec les Nations Unies. Deuxièmement, il est nécessaire d’obtenir le respect en Syrie de la cessation des hostilités jusqu’à la conclusion d’un cessez-le-feu complet, en accordant la priorité à Alep, conformément à la résolution 2268 (2016), tout en renforçant les mécanismes de surveillance. Troisièmement, il est nécessaire de s’attaquer aux groupes armés qui méprisent la volonté de la communauté internationale et l’aspiration du peuple syrien au changement en vue d’un avenir meilleur, ainsi qu’à leur obstination à coopérer avec des groupes terroristes, en particulier le Front el-Nosra pour le peuple du Levant. Quatrièmement, le Conseil de sécurité doit assumer ses responsabilités, et le Groupe international de soutien pour la Syrie doit jouer le rôle charnière qui lui revient en vue de la réalisation des points susmentionnés. Cinquièmement, il est nécessaire de travailler à l’amorce de négociations sérieuses entre les parties syriennes s’agissant de la période de transition prévue dans le Communiqué de Genève (S/2012/522, annexe) et dans la résolution 2254 (2015).
L’Égypte est prête à travailler dans le cadre du Groupe international de soutien pour la Syrie et du Conseil de sécurité – que ce soit aux côtés des membres permanents ou non permanents du Conseil – pour aider à mener à bien les efforts précités.
Pour terminer, je voudrais engager les membres du Conseil de sécurité à s’employer à redonner au Conseil le rôle qui lui a été conféré et à faciliter un débat franc et sérieux pour mettre fin à la tragédie syrienne.
M. Rycroft (Royaume-Uni) (parle en anglais) : Un veto bien solitaire, tout à l’heure, et quatre voix pour votre propre projet de résolution, Monsieur le Président : voilà une double humiliation. Ce texte,qui visait cyniquement à détourner l’attention du veto opposé peu avant, aujourd’hui, par la Russie – qui a une nouvelle fois dénié tout espoir aux habitants d’Alep –, n’a pas abouti parce qu’il n’a pas exigé comme il le devait l’arrêt immédiat des bombardements aériens sur Alep. C’est une mascarade, tout comme l’est l’engagement de façade de la Russie en faveur d’un processus politique en Syrie. Le bombardement aveugle des civils à Alep est révulsant, barbare. Je vous en conjure, arrêtez maintenant.
M. Pressman (États-Unis d’Amérique) (parle en anglais) : Ce dernier texte répondait à une velléité déguisée d’amener le Conseil de sécurité à entériner ce que font à Alep la Russie et le régime syrien, qui prétendront à n’en pas douter que tout ravage – tous les ravages – qu’ils font pleuvoir visent les terroristes, et non les civils innocents et les infrastructures civiles qu’ils frappent pourtant de toute évidence. Mais je ne m’appesantirai pas sur ce point. Ce que la Russie veut, c’est davantage de paroles, pendant qu’ils cherchent à prendre la ville par la force. Ce que nous voulons, c’est moins de paroles et davantage d’actions pour que cesse ce massacre.
M. Ramírez Carreño (Venezuela) (parle en espagnol) : Malheureusement, le Conseil de sécurité a montré aujourd’hui son incapacité de trouver un consensus sur la manière de gérer et de régler la terrible tragédie que vit le peuple syrien depuis le début de la guerre. La raison fondamentale de cette absence d’unité réside dans le fait que certains membres permanents du Conseil sont profondément impliqués dans ce conflit et ont appuyé le développement de ce type de guerre asymétrique, qui s’est imposé comme mécanisme absolument illégal de renversement des gouvernements.
Nous souscrivons complètement à la déclaration du représentant de l’Égypte dans la mesure où, malheureusement, ceux qui continuent de laisser des centaines de milliers de leurs morts sur le terrain, et de payer ainsi les conséquences d’une stratégie désastreuse au Moyen-Orient, sont les Syriens. Pour nous, membres non permanents du Conseil, cette situation sonne l’alarme et nous oblige à engager une profonde réflexion : n’encourage-t-on pas, au sein du Conseil de sécurité, des conflits et des situations qui sont en violation absolue de la Charte des Nations Unies et en violation absolue de tout ce que représente le système juridique international ?
En tant que pays souverain ne nourrissant aucune espèce de dessein militaire ou géopolitique en dehors de ses frontières, nous nous voyons dans l’obligation de faire entendre notre voix pour, devant cette stratégie, continuer d’alerter le monde à la nécessité de défendre les principes qui sous-tendent le fonctionnement des Nations Unies : le respect de la souveraineté, le respect de la non-ingérence dans les affaires intérieures des peuples et la notion selon laquelle la souveraineté est intrinsèquement liée au peuple d’un pays. Ce sont là des éléments fondamentaux. Personne au sein du Conseil de sécurité ne peut décider si le Gouvernement syrien est légitime ou non. Personne au sein du Conseil de sécurité ne peut s’arroger le droit de révoquer la souveraineté du Gouvernement syrien sur son propre territoire.
Nous avons déjà fait de douloureuses expériences, qu’il faut analyser et discuter en profondeur pour déterminer si le Conseil de sécurité s’acquitte du rôle qui lui a été confié à la création de l’ONU. Nous nous trouvons par conséquent au beau milieu d’un conflit entre pays puissants, où nous nous voyons dans l’obligation de défendre ces principes. La pression est forte, elle se fait sentir avec force, pour que des pays frères, et en premier lieu les membres non permanents, s’alignent sur une position ou une autre. Nous lançons un appel à tous pour qu’ils veillent à préserver ces principes. Nous lançons un appel au respect de ces principes, seul moyen de trouver un règlement politique non seulement au conflit syrien, mais également au conflit en République du Yémen, au conflit en Palestine, et aux conflits qui font rage sur tant d’autres territoires.
Aujourd’hui, le recours de la Russie au droit de veto est critiqué. Nous considérons quant à nous que, dans de nombreuses circonstances, le veto sert à rééquilibrer des situations qui sont absolument déséquilibrées. Si seulement on avait pu opposer un veto à l’intervention en Iraq. Si seulement on avait pu opposer un veto aux bombardements de l’OTAN en Libye, nous n’aurions pas à déplorer maintenant les situations auxquelles nous avons assisté. Car le Conseil, surtout face au public, fait souvent la politique du deux poids, deux mesures dans sa manière d’aborder les situations dont il est saisi. Certains membres directement impliqués dans le conflit font des récits poignants de souffrance humaine, laquelle est bien sûr profondément regrettable, mais ils gardent un silence complice et incompréhensible quand il s’agit, par exemple, de la souffrance des Palestiniens durant les terribles attaques israéliennes contre la bande de Gaza, ou restent étrangement muets au sujet d’autres conflits, comme celui qui a cours au Yémen.
Nous avons voté pour le deuxième projet de résolution (S/2016/847) présenté par la Fédération de Russie car nous estimons que, tout comme le projet de résolution présenté par la Nouvelle-Zélande, il contenait des éléments qui auraient pu encourager le Conseil à s’unir pour mettre fin à la souffrance des civils dans l’est d’Alep et dans toute la Syrie.
Il me semble que le Conseil, maintenant qu’il a fait la démonstration publique de son manque d’unité à cet égard, doit travailler de manière constructive, au-delà des intérêts nationaux de ses membres, pour trouver une solution politique et négociée à la tragédie. Le massacre perpétré en Syrie doit cesser. L’interventionnisme en Syrie doit cesser. Les livraisons d’armes à des groupes incapables de se dissocier des groupes terroristes doivent cesser. L’ONU et le Conseil de sécurité doivent trouver une solution négociée au conflit, faute de quoi, ainsi qu’il a déjà été dit, le phénomène du terrorisme continuera de causer des souffrances à la population du Moyen-Orient.
M. Yelchenko (Ukraine) (parle en anglais) : L’Ukraine a voté contre le projet de résolution S/2016/847, déposé par la Russie, pour les raisons suivantes. Nous ne souscrivons tout simplement pas à la tactique qui vise à détourner l’attention du projet de résolution S/2016/846, un texte robuste et utile qui aurait pu changer la donne sur le terrain et mettre un terme au massacre d’Alep. Le projet de résolution présenté par la Russie fait à peine mention de l’évolution catastrophique à Alep, ce qui est cynique, compte tenu de la gravité des circonstances dans cette ville syrienne symbolique. Par ailleurs, nous condamnons fermement la tentative de mettre aux voix un projet de résolution qui n’a jamais été examiné par le Conseil.
M. Liu Jieyi (Chine) (parle en chinois) : La Chine a suivi l’embrasement du conflit dans plusieurs régions de Syrie et est profondément émue par la souffrance de la population syrienne. Elle condamne fermement toutes les activités terroristes qui portent atteinte ou coûtent la vie à des personnes innocentes.
À cet égard, la communauté internationale devrait continuer d’oeuvrer et d’oeuvrer en faveur d’une solution politique au différend par l’intermédiaire d’un dialogue entre les parties au conflit, de façon à mettre fin aux combats dans les meilleurs délais. Les mesures prises par le Conseil de sécurité concernant la situation en Syrie devraient permettre d’améliorer concrètement la situation, de faciliter une cessation des hostilités, d’appuyer et de coordonner l’aide humanitaire fournie par les Nations Unies et d’engager une action plus vigoureuse contre les groupes terroristes désignés par le Conseil, dont l’État islamique d’Iraq et du Levant. Elles devraient promouvoir la recherche d’une solution qui soit acceptable pour toutes les parties, dans le cadre d’un processus politique géré et dirigé par les Syriens, sous les auspices de l’ONU.
Le projet de résolution déposé par la France et l’Espagne (S/2016/846) contient des éléments importants, notamment des appels au cessez-le-feu, à une solution politique, à une amélioration de la situation humanitaire et à un renforcement de la lutte contre le terrorisme.
Néanmoins, certaines de ses dispositions ne respectent pas pleinement la souveraineté, l’indépendance, l’unité ni l’intégrité territoriale de la Syrie. En outre, les vues constructives de certains membres du Conseil n’y sont pas reflétées. Par ces raisons, la Chine s’est abstenue lors du vote sur ce projet de résolution.
Le projet de résolution déposé par la Fédération de Russie au Conseil de sécurité (S/2016/847) exhorte les parties à cesser immédiatement les hostilités, à laisser passer l’aide humanitaire, à redoubler d’efforts pour combattre le terrorisme et à appuyer les bons offices de l’Envoyé spécial Staffan De Mistura, et appelle à une reprise rapide des pourparlers de paix à Genève. Il énonce une stratégie en quatre volets : cessez-le-feu, aide humanitaire, initiatives conjointes de lutte contre le terrorisme et négociations politiques. Il prône également le respect de la souveraineté, de l’indépendance, de l’unité et de l’intégrité territoriale de la Syrie, dans une formulation exhaustive, détaillée et équilibrée. La Chine a voté pour ce projet de résolution et déplore qu’il n’ait pas été adopté.
La Syrie est un pays important au Moyen-Orient. Un rétablissement immédiat de la paix et de la stabilité est dans l’intérêt commun de la Syrie, des autres pays de la région et de la communauté internationale. La Chine espère que le Conseil de sécurité continuera de faire primer la sûreté du peuple syrien et restera uni pour parvenir à un consensus, poursuivra son action en faveur d’une solution politique au conflit en Syrie, oeuvrera de concert pour empêcher que le terrorisme ne s’alimente et se propage davantage et jouera un rôle positif et constructif dans le maintien de la paix et de la stabilité en Syrie et dans la région.
M. van Bohemen (Nouvelle-Zélande) (parle en anglais) : La Nouvelle-Zélande a voté contre le projet de résolution déposé par la Fédération de Russie (S/2016/847) en raison de son caractère partial et trompeur et du rôle destructeur de la Russie dans le conflit syrien, et parce que la Russie n’a laissé aucune marge de négociation sur un texte traitant d’une question si sensible – qui concerne une situation où la Russie est directement impliquée.
Des initiatives de ce genre ne servent qu’à creuser encore les divisions au sein du Conseil qui empêchent de prendre des mesures constructives. Comme vous l’avez mentionné, Monsieur le Président, la Nouvelle-Zélande travaille sur des idées visant à tenter de rassembler le Conseil face à cette question éminemment difficile. Que nous ne les ayons pas encore soumises relève d’une décision qui nous appartient, mais j’invite la Russie et tous les membres du Conseil à collaborer avec nous au cours des jours qui viennent pour voir si nous pouvons tracer une voie qui aille dans une direction plus positive.
M. Rosselli (Uruguay) (parle en espagnol) : Dans cette salle même, nous avons déjà déploré les situations qui ont cours en Syrie, au Yémen, au Soudan du Sud et dans d’autres parties du monde où la population civile est sujette à la brutalité de la guerre. Nous avons aussi déploré ici même que, tandis que nous prononçons des discours, des bombes continuent de s’abattre sur la population civile, des hôpitaux et des écoles. Dans cette salle même, nous avons également dit que ce qui se produit à Alep est sans l’ombre d’un doute un véritable massacre.
Aujourd’hui, il est capital que cessent les hostilités, les bombardements et le carnage. Je me permets d’ajouter que les nourrissons que l’on extrait des décombres d’Alep ne sont pas des terroristes ; que les personnes âgées que l’on retrouve écrasées sous les ruines de leur maison ne sont pas des terroristes ; que les patients enterrés sous les gravats des hôpitaux d’Alep ne sont pas des terroristes ; et que les enfants pris au piège dans les débris de leur école ne sont pas des terroristes.
En ce qui concerne le projet de résolution portant la cote S/2016/847, ma délégation s’est abstenue dans le vote pour des raisons de procédure et des raisons de fond. S’agissant de la procédure, ce projet de résolution a été présenté hier à 17 heures, non pas pour être discuté, mais pour être accepté ou non dans son intégralité. Il n’a pas été soumis à des négociations. En outre, en en faisant une lecture rapide, nous avons constaté que le texte mentionnait un accord bilatéral dont le Conseil n’avait pas connaissance et qu’il n’avait pas de raison de connaître. Nous savons tous également que, au sujet de cet accord, il existe une grande discordance entre les membres qui l’ont signé, et le Conseil de sécurité n’est pas compétent pour s’interposer dans cette affaire. En ce qui concerne le fond, ce projet de résolution n’inclut pas un élément qui est actuellement essentiel, à savoir la cessation des bombardements à Alep. Ma délégation s’engage à continuer de travailler au Conseil pour restaurer un processus de négociation qui contribue à orienter cette situation vers un meilleur sort.
M. Gaspar Martins (Angola) (parle en anglais) : Les membres du Conseil de sécurité ont été confrontés aujourd’hui à une situation particulière. Ils ont dû procéder à deux votes consécutifs sur deux projets de résolution consacrés à la même question, la cessation des hostilités en Syrie.
En tout premier lieu, nous tenons à manifester notre profonde affliction face à la situation humanitaire actuelle à Alep, qui a laissé la vaste majorité des habitants de la ville sans accès aux moyens de subsistance les plus élémentaires ni à une aide salvatrice alors que les horribles effusions de sang, en particulier dans l’est d’Alep, ont fait beaucoup trop de morts et de blessés au sein de la population civile.
À Alep, nous sommes les témoins d’une véritable destruction de l’histoire à laquelle le Conseil peut mettre un terme si nous agissons de façon constructive et énergique. Le bombardement d’hôpitaux est inacceptable et nous condamnons fermement de tels actes. Toutefois, c’est essentiellement aux parties prenantes régionales et internationales, qui se sont directement impliquées dans le conflit en fournissant des armes et un soutien logistique à des belligérants coupables de violations affligeantes des droits de l’homme, que revient la responsabilité de résoudre ce grave problème. Nous comptons sur les membres permanents du Conseil, qui ont une responsabilité particulière en matière de maintien de la paix et de la sécurité, pour donner l’exemple en mettant de côté leurs intérêts stratégiques et en mobilisant toute l’action politique possible dans l’intérêt des civils syriens que nous sommes tenus de protéger. Bien que les agents courageux et dévoués de l’Organisation des Nations Unies et d’autres organismes humanitaires continuent de travailler en Syrie, il n’en demeure pas moins que la dernière vague de combats à Alep a causé la destruction d’infrastructures essentielles, notamment des écoles, des hôpitaux et des ambulances, et décimé le personnel médical pouvant fournir des soins et une assistance qui font cruellement défaut. Le nombre de victimes, de blessés et de personnes déplacées est absolument accablant.
Nous avons voté aujourd’hui sur deux projets de résolution qui, à notre avis, contiennent des propositions constructives. Nous jugeons très regrettable l’incapacité d’avancer vers une résolution unique répondant aux préoccupations les plus pressantes, à savoir la protection des civils, la cessation des hostilités et la mise en place d’un processus politique propice à une paix durable en Syrie. L’Angola s’est abstenu dans le vote sur ces deux projets de résolution. Selon nous, le projet présenté par la France et l’Espagne (S/2016/846) n’aborde pas la question fondamentale de la relance d’un processus pouvant conduire à une cessation véritable des hostilités. Au contraire, il vise à alimenter le débat acrimonieux et dangereux entre les principaux acteurs du conflit, des membres permanents du Conseil de sécurité, et reviendrait très probablement à enterrer définitivement le Groupe international de soutien pour la Syrie (GISS).Bien que la proposition russe (S/2016/847) contienne certains éléments positifs concernant la relance d’un processus propice à la cessation des hostilités, l’Angola a décidé de s’abstenir pour éviter d’être entraîné dans la fâcheuse acrimonie qui prévaut actuellement entre les membres du Conseil qui portent la principale responsabilité du conflit, et leur devoir est d’y trouver des solutions.
J’appuie les efforts de l’Envoyé spécial, M. de Mistura, ainsi que son attachement permanent à la relance d’un accord sur la cessation des hostilités, afin de garantir un accès humanitaire sûr et sans entrave, de reprendre la réparation des installations d’approvisionnement en eau et en électricité qui ont été endommagées à Alep et de permettre des évacuations sanitaires pour les urgences dans la ville et alentour. Cet effort dépend sans aucun doute de la coopération entre la Fédération de Russie et les États-Unis d’Amérique. Nous regrettons vivement la suspension des discussions bilatérales sur la cessation des hostilités entre les deux coprésidents du Groupe de travail du GISS sur le cessez-le-feu. Nous espérons sincèrement que les gouvernements respectifs pourront convenir de l’importance de maintenir ouvertes les voies du dialogue et de reprendre la coopération dans la recherche de la paix, tout en luttant contre le terrorisme et en améliorant le sort tragique des civils syriens qui sont les premières victimes du conflit.Pour conclure, après la manifestation d’unité du Conseil de sécurité au sujet de la recommandation relative au prochain Secrétaire général, les événements d’aujourd’hui constituent un message très négatif concernant la capacité du Conseil à contribuer véritablement à la paix et à la sécurité internationales, ce que nous regrettons vivement. L’Angola réaffirme sa détermination à rester engagé dans la recherche de la paix et à sauver des vies en Syrie en faisant avancer le processus politique par des négociations et un dialogue qui réuniraient avant tout les Syriens.
M. Bessho (Japon) (parle en anglais) : Nous avons voté contre la proposition présentée par la Fédération de Russie (S/2016/847). Je répète ce que j’ai dit un peu plus tôt aujourd’hui. Tous les bombardements aériens à Alep doivent cesser immédiatement. Toutes les activités militaires dans la partie est d’Alep doivent s’arrêter immédiatement, en particulier les attaques sans discernement qui violent le droit humanitaire international. Si l’accord du 9 septembre entre les États-Unis d’Amérique et la Russie avait été en vigueur, nous aurions peut-être pu mettre en oeuvre des mesures sur cette base. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Le Japon ne peut pas soutenir la proposition russe.
Le Président, M. Churkin (parle en russe) : Je vais maintenant dire quelques mots à titre national. Je serai très bref puisqu’un autre orateur va prendre la parole.
Les représentants des États-Unis d’Amérique et du Royaume-Uni, comme à l’accoutumée, s’en sont tenus à leurs discours provocateurs. Nous avons l’habitude de leurs déclarations à l’emporte-pièce et nous n’allons pas y réagir. Les tentatives faites pour nous insulter ne nous mettent pas en colère ni ne nous distraient de ce qui est le plus important. Mais il y a deux points que je voudrais aborder.
Le représentant du Royaume-Uni a lancé un appel émouvant pour qu’il soit mis fin à cette situation immédiatement. En effet, et si on y mettait fin ? Et si on cessait immédiatement d’appuyer divers malfrats dans le monde : les terroristes, les extrémistes et tous les autres amateurs qui aggravent la situation dans un pays ou un autre ? Et si on cessait toute ingérence dans les affaires d’autres États souverains ? Renoncez simplement à ces habitudes coloniales et laissez le monde en paix. La situation s’améliorerait dans de nombreuses régions du monde. L’argument présenté par le représentant des États-Unis est que de nouvelles mesures s’imposent. Nous sommes tout à fait d’accord. Il a fallu plusieurs mois à notre Ministre des affaires étrangères et au Secrétaire d’État américain pour parvenir à un accord, mais les États-Unis ne pouvaient pas le mettre en oeuvre ni dissocier l’opposition modérée des terroristes. Ils n’ont même pas pu garantir le retrait des groupes d’opposition de la route du Castello pour créer de meilleures conditions d’acheminement de l’aide humanitaire à la partie est de la ville d’Alep. Oui, d’autres mesures doivent être prises.
Je pense que le représentant de l’Uruguay a fait une remarque importante, à savoir que ce sont les terroristes qui portent la responsabilité de la souffrance des civils. J’irai encore plus loin : ce sont les personnalités politiques qui en portent la responsabilité. Elles essaient en effet d’exécuter leurs plans grandioses partout dans le monde pendant que les civils souffrent. Elles n’osent même pas reconnaître les erreurs désastreuses, voire les crimes, qui sont le résultat de leurs politiques, ravivant les conflits et provoquant le chaos dans de nombreuses régions du monde.
Enfin, le représentant de l’Angola a dit craindre vivement que ce qui se passe risque d’aboutir à la dissolution du Groupe international de soutien pour la Syrie. Nous ne sommes pas d’accord. Nous considérons que nous serons en mesure de maintenir à la fois les cadres multilatéraux et le projet de résolution d’aujourd’hui (S/2016/847). Comme je l’ai dit, nous ne nous attendions pas à ce que ce texte soit adopté ; nous voulions simplement faire ainsi une démonstration politique. Le but était de maintenir ces cadres multilatéraux et, en conséquence, les éléments importants de l’accord conclu entre la Fédération de Russie et les États-Unis d’Amérique. Même s’ils n’ont pas été mis en oeuvre, nous pensons qu’il est possible de le faire. Je tiens à assurer les membres qu’un travail très complexe se poursuit, aux niveaux multilatéral et bilatéral, et nous espérons tous de tout coeur qu’une normalisation de la situation en Syrie est possible, ce qui améliorerait sans aucun doute la situation dans l’est de la ville d’Alep. Nous espérons que cela sera le cas dans les meilleurs délais.
Je reprends à présent mes fonctions de Président du Conseil.
Je donne maintenant la parole au représentant de la République arabe syrienne.
M. Ja’afari (Syrie) (parle en arabe) : Il est évident que la vérité met mal à l’aise les représentants des puissances coloniales au Conseil de sécurité. C’est pourquoi nous les voyons prendre la fuite quand ils l’entendent. Ils démontrent ainsi que leurs intentions sont mauvaises et colonisatrices à l’égard de mon pays et du peuple de mon pays, et que leur diplomatie est la diplomatie de l’anarchie et de la coercition, de la contrainte et de la force, et non la diplomatie du dialogue et du règlement des conflits par des moyens pacifiques. C’est pourquoi, je remercie les collègues ont quitté cette salle, car ils m’ont donné la qualité de membre permanent à leur place.
Je vous félicite, Monsieur le Président, de l’accession de votre pays ami à la présidence des travaux du Conseil de sécurité pour ce mois, au moment où le monde en général et notre région en particulier doivent faire face à des défis importants et dangereux qui sont le résultat des politiques erronées menées par certains États, y compris des membres permanents du Conseil, en vue d’atteindre leurs objectifs d’ingérence spécifiques qui sont en contradiction avec les buts et principes de l’ONU. Votre sagesse et votre expérience, Monsieur le Président, représentent une soupape de sécurité pour les travaux du Conseil en ce moment délicat.
À cette occasion, je me permets de signaler que mon pays condamne l’acte terroriste lâche commis par le Front el-Nosra, qui a pris pour cible l’Ambassade russe à Damas il y a quelques jours. Certains États qui ont voté pour le projet de résolution de la France (S/2016/846) aujourd’hui ont refusé que soit publié ne serait-ce qu’un communiqué de presse pour le condamner. Nous regrettons également que le Conseil de sécurité n’ait pas adopté le projet de résolution (S/2016/847) présenté par votre pays, Monsieur le Président, dans le but d’apaiser la situation et de donner une impulsion au processus politique en Syrie, par la dissociation de ce qu’on appelle les « forces d’opposition armées modérées » de l’organisation terroriste qu’est le Front el-Nosra. La non-adoption du projet de résolution russe réaffirme, pour la millième fois, l’absence, de la part de ceux qui ont voté contre ce texte, d’une volonté politique de lutter véritablement contre le terrorisme et de parvenir à une solution intersyrienne à la crise. Il semble que faire la distinction entre terroriste extrémiste et terroriste modéré est difficile et très compliqué. Cela ressemble dans une certaine mesure à la séparation des éléments radioactifs de l’uranium et des éléments non radioactifs de l’uranium, si tant est que ces éléments non radioactifs existent.
Point n’est besoin de réfléchir longuement pour comprendre ce que cache le projet de résolution français, dont les buts et les visées sont clairs non seulement pour moi mais pour l’ensemble du peuple syrien, qui commémore cette année le centième anniversaire de l’Accord Sykes-Picot, de triste mémoire, et des souffrances persistantes qui ont été la conséquence de cet accord colonisateur conclu entre la France et la Grande-Bretagne. Cet accord a séparé nos peuples et pillé nos biens et nos richesses. Nous considérons que le projet de résolution présenté par la France illustre l’attachement de ce pays à son sombre passé colonisateur, en caressant l’illusion qu’en ravivant ce qu’on appelle la crise syrienne lui donnera une occasion en or d’exercer de nouveau une influence colonisatrice perdue à jamais.
Le Ministre français des affaires étrangères a mené dans sa déclaration une politique de tutelle à l’égard du peuple syrien. Il a parlé de ce qui serait utile au peuple syrien, et de ce qu’il devait faire en sa qualité de Ministre français pour aider le peuple syrien, comme s’il rêvait encore qu’il représente une puissance coloniale en mesure de s’accaparer le droit de parler au nom du peuple syrien au Conseil de sécurité. Néanmoins, les personnalités politiques françaises devraient avoir honte pour ce qu’elles ont fait en Libye et au peuple libyen. S’agissant des massacres de Guernica et de Srebrenica auxquels il a été fait allusion, ils sont le résultat d’une politique d’agression européenne concurrentielle avec laquelle nous n’avons aucun rapport, nous ou d’autres que nous.
Quant au massacre dont est victime mon pays aujourd’hui, ses auteurs sont des terroristes mercenaires étrangers, nés en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie, en Norvège, en Espagne, et en Belgique. Ces terroristes sont manipulés par des services de renseignement étrangers spécialisés, les fatwas de l’ignorance djihadistes, l’argent saoudien et qatarien et le parrainage turc de l’ensemble de cette agression.
Avant de poursuivre ma déclaration, je rappelle au Ministre français ce qu’a dit son prédécesseur, Laurent Fabius, en 2012 :(l’orateur poursuit en français)« Les djihadistes français font du bon boulot en Syrie ».
(l’orateur reprend en arabe) Voilà la politique de la France. Et c’est son Ministre des affaires étrangères d’alors, M. Laurent Fabius, qui l’affirmait à l’époque.
Tel que formulé, le projet de résolution français confirme encore une fois les intentions nourries par les gouvernements français successifs contre mon pays depuis le début de la crise. Il s’agit d’intentions visant indéniablement à saper l’État syrien tout entier dans ses fondements et non uniquement un gouvernement. Le projet de résolution appelle clairement à la cessation des opérations de l’armée syrienne qui assure, avec ses alliés, la défense du peuple syrien, lutte, au nom de tous les membres du Conseil, contre le terrorisme et fait face aux Front el-Nosra, à Daech et aux autres groupes terroristes qui leurs sont liés. Il est clair maintenant qu’à chaque fois que l’armée syrienne et ses alliés enregistrent des avancées dans la lutte contre les groupes terroristes, notamment le Front el-Nosra, certains membres bien connus du Conseil courent à leur secours pour les aider à échapper au sort auquel ils sont condamnés, en demandant la tenue de séances ou en présentant des projets de résolution qui ne tiennent aucunement compte des souffrances endurées par le peuple syrien mais visent seulement à sauver les terroristes, que ce soit à Alep ou dans d’autres régions et villes syriennes.
Nous aurions souhaité que l’action fiévreuse et sans précédent menée par la France pour pousser à l’adoption de ce projet de résolution serve – à l’instar du projet de résolution russe – à trouver une solution politique à la crise syrienne, sous conduite syrienne, loin de toute intervention étrangère, et sans conditions préalables. Nous aurions souhaité, qu’au lieu de présenter un projet de résolution visant à imposer une zone d’exclusion aérienne dans une partie du ciel de notre cher pays, que la France et ses alliés imposent un embargo sur le soutien que les gouvernements de leurs pays apportent eux-mêmes au terrorisme qu’ils exportent dans mon pays, la Syrie. Nous aurions souhaité que le Gouvernement français réponde à la question que se pose constamment le peuple syrien : « Le contrat de Total, l’argent du gaz qatari et les contrats d’armes avec les Saoudiens valent-ils tout ce sang syrien versé ? »
Les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne ne cessent depuis près de six ans d’appeler à la tenue de séances au Conseil et à y présenter des projets de résolution, des déclarations du Président et des déclaration à la presse pour faire croire à l’opinion publique qu’ils s’efforcent de trouver un règlement à la crise dans mon pays, tout en lançant dans le même temps des campagnes de presse, diplomatiques et politiques pour promouvoir l’idée fausse que ce qui se passe en Syrie n’est qu’une confrontation entre une opposition armée qualifiée de modérée et des forces gouvernementales accusées de perpétrer des crimes de guerre. Ils ne se soucient guère de ce que leurs politiques mettent en péril la vie de centaines de milliers de civils syriens innocents en raison de leur soutien continu aux groupes terroristes armés, qui utilisent les civils comme boucliers humains.
À l’est d’Alep, les terroristes ont transformé l’hôpital d’ophtalmologie le plus important et le plus grand du Moyen-Orient en base d’opérations militaires. C’est là une réponse aux collègues qui ont parlé du ciblage des hôpitaux.
Je rappelle que le Conseil de sécurité a tenu depuis le début de la crise en Syrie 75 séances officielles, 97 séances de consultations informelles et huit séances selon la formule Arria. Il a également adopté 17 résolutions, outre bon nombre de déclarations présidentielles et de déclaration à la presse sur la situation dans mon pays. Mais tous ces efforts n’ont pas mis fin au soutien apporté aux éléments du terrorisme international qui continuent de sévir dans mon pays, la Syrie. Il convient de rappeler à cet égard que les États-Unis d’Amérique ont utilisé leur droit de veto au Conseil 77 fois, la Grande-Bretagne 33 fois et la France 19 fois, sans que les représentants de ces pays n’aient eu honte de faire échouer des projets de résolution ne demandant que la fin de l’occupation par Israël de nos territoires et la justice pour le peuple palestinien.
Il est apparu clairement à tous que les programmes d’aide que les États-Unis et ses affidés dans la région – pays arabes et autres – ont fourni et continuent de fournir à ceux qu’ils appellent « opposition armée modérée » profitaient et continuent de profiter à Daech, au Front el-Nosra et autres groupes terroristes qui leurs sont liés. Ici, le peuple syrien – aux intérêts duquel les pays que je viens de citer prétendent travailler – est en droit de s’interroger sur la mécanique et la logique qui sous-tendent leur approche concernant la crise syrienne. Les États-Unis ont mis en place il y a peu un programme pour former des combattants qu’ils ont qualifiés d’avance de « modérés » et ont dépensé, selon les déclarations de responsables américains, 500 millions de dollars pour former 49 combattants – 500 millions de dollars pour former 49 combattants – dont la plupart ont, dès leur arrivée en Syrie, rejoint avec armes et bagages les rangs des terroristes du Front el-Nosra. Des cinq derniers d’entre eux, personne ne sait où ils se trouvent maintenant.
Les États-Unis, l’Arabie saoudite et Qatar ont fourni des fonds et des armes aux terroristes de la Brigade des martyrs de Yarmouk dans le sud et dans le Golan syrien occupé, mais cette Brigade a annoncé son ralliement à Daech. Ces pays ont continué de considérer comme « modérés » les bataillons Noureddine Zanki appuyés par le Gouvernement turc malgré les crimes revendiqués par ces terroristes à Alep, et ce jusqu’à ce que ce groupe terroriste annonce son ralliement au Front el-Nosra. C’est ainsi que tous les modérés deviennent parties du Front el-Nosra et de Daech. L’exemple le plus récent – et non le dernier – est celui de qu’on appelle la Brigade des aigles de Jabal el-Zaouia, soutenue par les États-Unis, qui a annoncé qu’elle se plaçait sous le commandement de l’armée de Fatah el-Cham, nouveau nom du Front el-Nosra. Nous n’oublierons pas de souligner ici que 1800 messages électroniques ont été effacés de la boîte email de l’ancienne Secrétaire d’État, Mme Clinton, dont certain comportaient des détails sur les cargaisons d’armes acheminées aux groupes terroristes armés en Syrie depuis la Libye via la Turquie, et ce sur décision officielle de l’Administration américaine.
Ces pays ont fait fond, dans la mise en oeuvre de leurs politiques destructrices, sur une campagne de propagande médiatique et politique afin de convaincre l’opinion publique mondiale qu’ils luttent contre le terrorisme et que les terroristes qu’ils soutiennent, financent et transportent en Syrie depuis plus de 100 États sont soit une opposition modérée soit des secouristes. Ce sont eux qu’on a affublé dernièrement du nom de « Casques blancs » et proposés pour le prix Nobel de la paix.
Voici des photos montrant ces opposants modérés, les Casques blancs. L’un deux fait usage d’un missile antiaérien. En fait, il s’agit d’un médecin tirant un missile sur un avion. Bien entendu, nous sommes en possession de dizaines de photos que nous mettons à la disposition de tous. Il convient à ce sujet de lever le voile sur le fondateur de ces Casques blancs malveillants, qui est un officier des services britanniques, James Le Mesurier.
En outre, l’organisme Ron Paul Institute for Peace and Prosperity a rapporté dernièrement que le Pentagone avait versé 540 millions de dollars à l’agence britannique de relations publiques Bell Pottinger – qui fournit d’habitude des services à l’Arabie saoudite et au Chili – pour lancer une campagne de propagande hostile au Gouvernement syrien en Syrie, c’est-à-dire fabriquer de fausses vidéos et des photos montées de toutes pièces qui sont ensuite diffusées sur YouTube.
Les États-Unis ont également formé une coalition en dehors de la légitimité internationale au motif de lutter contre Daech et les autres organisations terroristes, qui oeuvrent depuis 2003, avec leurs alliés, à la création des conditions favorables à leur expansion et à leur dissémination. Mais les faits sur le terrain montrent que depuis qu’a été créée cette prétendue coalition, Daech a étendu son emprise, tout simplement parce que cette coalition ne lutte pas sérieusement contre le terrorisme, bien au contraire. Les avions de cette coalition ont fait des centaines de morts parmi les civils et les militaires syriens, détruit des installations et des infrastructures économiques et largué des armes et des fournitures militaires aux organisations terroristes pour semer encore plus le chaos et la désolation dans mon pays. Or, selon les déclarations faites par la coalition, tout cela s’est produit par erreur. En somme, la coalition, avec ses avions, tue des civils, détruit l’infrastructure, appuie et arme les terroristes, pour justifier ensuite ses crimes en les qualifiant de simples erreurs qu’il faut pardonner, et revenir quelques jours plus tard commettre encore les mêmes erreurs.
Il convient aujourd’hui de décoder la stratégie poursuivie par cette coalition dirigée par les États-Unis d’Amérique, une stratégie fondée sur la répétition des erreurs, ce qui montre qu’il s’agit d’une politique délibérée et systématique, comme dans le cas où les avions de cette coalition ont pris pour cible les positions de l’armée syrienne à Deir el-Zor, lors d’un raid qui a eu pour résultat, comme le Conseil le sait, d’exposer à la menace terroriste de Daech des centaines de milliers d’habitants civils syriens de Deir el-Zor. Ces pays ont même eu l’audace de demander l’ouverture de couloirs humanitaires sécurisés pour les terroristes dans le souci d’en préserver la dignité. C’est le lieu ici de demander aux auteurs de cette demande si les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ont ouvert des couloirs humanitaires sécurisés pour protéger les éléments terroristes modérés d’Al‑Qaida en Afghanistan et ceux qui ont commis les massacres de Charlie Hebdo, du Bataclan, de Nice, de Californie, de Boston, de Chicago, de New York et de Londres. Pourquoi n’ont-ils pas ouvert des couloirs humanitaires pour évacuer ces terroristes en Europe et en Amérique ?
Le représentant des États-Unis d’Amérique a affirmé : « Nous devons tirer les enseignements du passé ». J’ai envie de lui répondre : « Si seulement vous le faisiez, si seulement vous tiriez les enseignements de vos erreurs au Viet Nam, au Cambodge, en Corée, à Cuba, au Nicaragua, en Yougoslavie, en Iraq, en Libye et en Afrique. Si seulement vous vous rappeliez ce que vous avez fait et vous vous en excusiez auprès des innocents iraquiens - les 408 civils – que vous avez tués le 13 février 1991 dans l’abri d’Al‑Amiriya à Baghdad.
Mon gouvernement réaffirme qu’il a à coeur de coopérer pleinement avec l’ONU et ses institutions spécialisées et avec d’autres organisations aux fins de la mise en oeuvre des plans d’aide humanitaire mensuels pour la Syrie. Il a annoncé qu’il avait approuvé le plan d’aide humanitaire pour ce mois d’octobre. Mon pays, la Syrie, tient à redire que si les plans d’aide ne sont pas pleinement appliqués, cela est dû aux menées des groupes terroristes armés et de leurs alliés, qui bloquent l’acheminement de l’aide humanitaire, pillent les fournitures, ciblent les convois, qu’ils brûlent et détruisent, ainsi que les agents humanitaires qu’ils tuent. La dernière en date de ces attaques est celle qui a visé le convoi d’aide humanitaire à destination de la région d’Ouroum el-Koubra, dans le rif d’Alep, le 19 septembre, et a entraîné la mort d’un certain nombre de citoyens syriens volontaires et employés du Croissant-Rouge arabe syrien, ainsi que le pillage des fournitures, la destruction et l’incendie des camions. Les groupes terroristes modérés ont également refusé aux représentants du Croissant-Rouge arabe syrien d’accéder à différentes régions pour y acheminer l’aide. Il s’agit là de faits dont les employés des organismes de l’ONU opérant en Syrie ont connaissance. Notre gouvernement a ouvert une enquête sur l’attaque du convoi conjoint ONU-SARC à Ouroum el-Koubra et nous mettrons à la disposition du Conseil les conclusions de cette enquête dès qu’elle sera terminée.
Notre présence aujourd’hui à la présente séance consacrée à l’examen de la situation actuelle dans l’est d’Alep – qui tire à certains quelques larmes de crocodile – est à mettre directement au compte du retrait des États-Unis de l’accord russo-américain du 9 septembre, par lequel ils se sont engagés à faire la distinction entre ceux qu’ils qualifient d’opposition armée modérée et les terroristes du Front el-Nosra. Mon gouvernement s’est engagé à faire cesser les hostilités selon les modalités prévues dans cet accord et a commencé à prendre les mesures nécessaires pour en mettre en oeuvre les dispositions, permettre l’entrée de l’aide dans la ville d’Alep et ouvrir des couloirs humanitaires sécurisés pour les civils. Toutefois, le non-respect par la partie américaine de ses engagements et la poursuite des violations de l’accord de cessation des hostilités par les groupes terroristes, soutenus par les États-Unis et leurs alliés, qui mettent à profit le cessez-le-feu pour se regrouper et lancer de nouvelles attaques, ont mis fin aux efforts de cessation des hostilités et aggravé la situation à Alep, après la mort de 157 soldats syriens et 300 civils syriens, tués par les terroristes dans l’est d’Alep.
Pour terminer, je tiens à dire que le sang répandu dans notre pays, c’est le nôtre. Ce sont nous les victimes de la guerre terroriste et de ce qui en découle de souffrance, de douleur, de drames humanitaires. Nous, et personne d’autre. Le comble de l’hypocrisie et de la duperie, c’est que ce soient les parrains du terrorisme qui versent des larmes de crocodile sur le drame humanitaire des Syriens. Notre engagement dans la lutte contre le terrorisme continuera d’aller de pair avec notre engagement en faveur d’un règlement politique par la voie du dialogue syro-syrien, dans le cadre duquel les Syriens décideront de l’avenir de leur pays loin de toute ingérence étrangère.
Enfin, j’invite ceux qui versent des larmes de crocodile sur les Syriens innocents à Alep à verser de vraies larmes sur les 250 civils yéménites tués aujourd’hui à Sanaa par les avions occidentaux – des avions occidentaux appartenant aux Saoudiens.
Le Président (parle en russe) : Le représentant de la Nouvelle-Zélande a demandé la parole pour faire une nouvelle déclaration.
M. van Bohemen (Nouvelle-Zélande) (parle en anglais) : Je suis habitué aux élucubrations fantasmagoriques du représentant syrien. Très peu de qu’il a dit est fiable et exact. Mais lorsque ce qu’il dit est un mensonge flagrant au sujet de l’acheminement de l’aide humanitaire au peuple syrien, je me dois d’intervenir. Les faits sont en effet consignés : les retards d’acheminement de l’aide humanitaire, la soustraction de matériel médical et les autres obstructions faites à la progression des convois de l’ONU, tout cela est bien à imputer au régime syrien.
Le Président (parle en russe) : Le représentant de la République arabe syrienne a demandé la parole pour faire une nouvelle déclaration. Je la lui donne.
M. Ja’afari (République rabe syrienne) (parle en arabe) : Je ne voulais pas répondre à mon collègue le Représentant permanent de la Nouvelle-Zélande, avec qui je suis presque constamment en contact. Je suis sans cesse appelé, en effet, à lui expliquer ce qui se passe dans mon pays dans cette crise humanitaire, puisque son pays se penche sur cette question au sein du Conseil de sécurité. Cependant, je ne m’attendais pas à ce qu’il commette l’erreur de m’appeler le représentant d’un régime, d’autant plus que c’est un diplomate expérimenté, qui représente un pays membre du Conseil. Il est censé respecter la légitimité internationale et s’adresser à moi en tant que représentant de mon pays, la République arabe syrienne. C’est la première erreur.
La deuxième erreur est liée au fait que vraisemblablement, le Représentant permanent de la Nouvelle-Zélande et d’autres collègues ne lisent pas la correspondance que nous leur envoyons. Nous avons envoyé un recueil de 500 lettres adressées au Conseil au nom du Gouvernement syrien concernant le terrorisme international parrainé par des pays connus de tous. Ces lettres nous les envoyons depuis le début de la crise. Il semble que mon collègue, le Représentant permanent de la Nouvelle-Zélande, ne les a pas lues. Nous avons envoyé 60 lettres, adressées, entre autres, au Représentant permanent de la Nouvelle-Zélande, sur l’emploi d’armes chimiques par les terroristes en Syrie. Il semble que certains membres du Conseil ne lisent pas la correspondance que nous leur envoyons. J’exhorte donc mes collègues à lire ces lettres, car de toute évidence cela les aiderait à mieux comprendre la situation.
Nous sommes, en Syrie, victimes des malentendus de certains et des mensonges d’autres. En tant que diplomates, nous avons la responsabilité de corriger ces malentendus. Nous ne devons pas nous mentir les uns aux autres.
La séance est levée à 16 h 50.
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