Après le rappel par le gouvernement
français de son
ambassadeur [jeudi 7 février],
la première chose
que je voudrais répéter avec force, c’est
que l’Italie et le gouvernement italien
considèrent la France comme un pays
ami et son peuple, avec sa tradition
démocratique millénaire, comme un
point de référence, au niveau mondial,
dans les conquêtes des droits civils
et sociaux. En tant que ministre
du développement économique, du
travail et des politiques sociales, j’ai
toujours regardé la France et son système
d’Etat-providence comme
« l’étoile polaire » des droits sociaux
européens. Je ne suis pas étonné que
le peuple français montre des signes
considérables de malaise vis-à-vis du
démantèlement de certains de ces
droits. Et ceci ne concerne pas seulement
le gouvernement actuel.

Vous devriez savoir qu’en 2016 j’ai
fait une visite à l’Assemblée nationale,
au moment où ont débuté les grandes
manifestations populaires contre la
réforme du droit du travail voulue par
François Hollande, qui a ensuite été
poursuivie de façon à rendre le travail
encore plus précaire. Ces recettes ultralibérales
ont été menées par des
partis de droite comme de gauche, ont
précarisé la vie des citoyens et en ont
fortement réduit le pouvoir d’achat.

J’avais été très marqué par le fait de
trouver, parmi les revendications du
manifeste des « gilets jaunes », des thèmes
qui désormais dépassent la droite
et la gauche et qui mettent au centre le
citoyen et ses besoins, dans une attitude
post-idéologique.

C’est pour cette raison que j’ai voulu
rencontrer des représentants des « gilets
jaunes » et de la liste RIC, parce que
je ne crois pas que l’avenir de la politique
européenne soit dans les partis de
droite ou de gauche, ou dans ces partis
qui se disent « nouveaux » mais sont en
réalité le fruit d’une tradition, voire
d’une histoire familiale.

En Italie, nous regardons avec beaucoup
d’attention et de respect ce qui
se passe en France. Par ailleurs, tous
les jours, en tant que gouvernement
italien, nous cherchons à prendre des
initiatives destinées à rétablir les
droits des citoyens, en inversant la
route par rapport au passé, à ce temps
où l’action politique avait pour seul
objectif d’ôter des droits et des possibilités
économiques aux plus faibles
pour tout offrir aux potentats économiques.

Ceci parce que nous voulons
que la qualité de vie soit meilleure
pour les citoyens. Nous pensons, en
effet, que là où il y a un équilibre, les
conflits peuvent s’apaiser.

Un point de référence

Dans la dernière loi de finances, nous
avons décidé d’augmenter les impôts
sur les jeux de hasard, les banques, les
compagnies d’assurance, les multinationales
qui extraient le pétrole dans
notre mer, et dans le même temps de
réduire d’un demi-milliard les dépenses
militaires, pour financer des mesures
qui permettront à 1 million
d’Italiens de partir à la retraite plus tôt
et à 5 millions d’Italiens de recevoir un
revenu minimal.

Dans le même temps, nous allons débloquer
1 milliard d’euros d’investissements
dans les start-up innovantes et
nous avons recalibré la fiscalité des petites
et moyennes entreprises qui, malgré
les fortes difficultés, nous ont permis
de devenir la deuxième puissance
industrielle en Europe, tout en les protégeant
de l’étau infernal de certaines
directives européennes, comme celle
sur la libéralisation des services (dite
Bolkestein). Enfin, nous nous sommes
attaqués aux « retraites dorées », et aux
rentes viagères de privilégiés.

Nous regardons votre peuple comme
un point de référence et pas comme un
ennemi, et les divergences politiques et
de vision entre le gouvernement français
et italien ne doivent pas affecter le
rapport historique d’amitié qui unit
nos deux peuples et nos deux Etats.

Pour cette raison, en tant que représentant
du gouvernement de mon
pays, je tiens à réaffirmer la volonté de
collaboration de notre exécutif, sur les
questions qui nous tiennent le plus à
coeur, en tant que membre fondateur
de l’Union européenne.

Source
Le Monde (France)