Le Président Edouard Balladur a remercié Mme Thérèse Delpech d’avoir accepté de se rendre devant les Commissions des Affaires étrangères et de la Défense afin de faire le bilan des inspections au moment où les inspecteurs quittent l’Irak.
Mme Thérèse Delpech a indiqué qu’elle limiterait sa présentation à la question du désarmement, dans les domaines chimique, biologique et conventionnel, soulignant qu’il s’agissait du seul objectif sur lequel il y avait unanimité de la communauté internationale. Même si des débats existent sur l’ampleur de ce désarmement et les modalités à suivre pour y parvenir, cette unanimité est réelle. Elle a fait remarquer que paradoxalement c’est aussi dans ce domaine que l’information était la plus pauvre. Pourtant, la CCVINU a publié la semaine dernière un rapport complet de 170 pages qui fait le point complet sur les questions de désarmement non résolues. Il s’agit du résultat de plus de deux années de travail et d’un document authentiquement onusien, puisqu’il a été réalisé par une équipe multinationale réunie autour de Hans Blix. Sa force de conviction n’en est que plus grande. La présentation de ce document concerne des armes, comme les armes chimiques ou biologiques, dont l’utilisation est envisageable lors de l’intervention militaire qui va commencer. Plusieurs hauts représentants des autorités françaises, dont le Ministre des affaires étrangères, M. de Villepin, l’ambassadeur de France à Washington, M. Levitte, ou le général Henri Bentegeat, chef d’état-major des armées, ont d’ailleurs indiqué qu’une utilisation de telles armes par l’Irak pourrait modifier la position de la France.
Le programme en matière d’armes chimiques est le plus avancé des différents programmes prohibés par le Conseil de Sécurité depuis 1991. Dans ce domaine, les Irakiens ont fait des progrès constants depuis le lancement du programme puis son développement rapide en 1982-83 lors de la guerre contre l’Iran. Ces progrès ont continué après la fin de cette guerre, et ont permis la maîtrise de la production de puissants neurotoxiques dont le gaz VX. L’utilisation massive de ces armes pendant la guerre Iran/Irak, qui a fait des dizaines de milliers de morts dans les rangs iraniens et des milliers de morts dans la population civile kurde, n’a entraîné aucune réaction internationale. Enfin, de nombreuses déclarations irakiennes insistent sur le caractère primordial des armes chimiques dans l’issue de la guerre avec l’Iran.
Mme Thérèse Delpech a également précisé que l’Irak avait acquis une bonne connaissance et une bonne maîtrise du double usage, civil et militaire, de l’industrie chimique lui permettant, par exemple, d’utiliser des usines de pesticides comme façades de ses programmes de production d’armes chimiques. Les inquiétudes les plus grandes concernent les agents chimiques les plus stables, comme le gaz moutarde ou le VX, mais il faut aussi prendre en compte la possibilité que l’Irak ait produit des agents moins stables (comme le sarin) au moment où la probabilité de la guerre est devenue plus grande (été 2002), comme il l’avait fait avant la guerre du Golfe. L’Irak a reconnu avoir équipé de têtes spéciales chimiques une cinquantaine de missiles avant la guerre du Golfe, mais les missiles ne constituent pas les seuls vecteurs possibles de propagation d’éléments chimiques, surtout sur un théâtre d’opérations, où l’on doit aussi prendre en compte des munitions telles que les obus d’artillerie, les roquettes spécialement équipées ou encore les bombes aériennes. Un grand nombre d’entre elles n’ont pu être retrouvées par l’UNSCOM ou la CCVINU, sans que des explications satisfaisantes aient été produites par l’Irak.
Mme Thérèse Delpech a ensuite traité du programme biologique irakien. Il s’agit là du programme irakien le plus secret. L’arme biologique n’a pas été utilisée pendant la guerre Iran/Irak ou pendant la guerre du Golfe, et les installations biologiques n’ont pas été détruites. Les Irakiens ont nié jusqu’en 1995 avoir un programme offensif dans ce domaine. La défection de Hussein Kamel, le gendre de Saddam Hussein, en 1995, a obligé Bagdad à reconnaître le caractère offensif de leur programme et même la militarisation de trois agents. La rapidité des réalisations irakiennes en ce domaine est impressionnante : cinq années (1985-1990) ont suffi pour passer du stade de la recherche de base à la production de milliers de litres d’agents. L’agent le plus dangereux, sur lequel Hans Blix a beaucoup insisté, est le bacille du charbon (anthrax), qui a été produit sous deux formes stables : liquide et sèche en quantité très importante. L’Irak a reconnu avoir militarisé au moins 25 têtes (les déclarations irakiennes ont en fait oscillé entre 25 à 50 têtes) de missiles Scud avec des agents biologiques avant la guerre du Golfe (charbon, toxine botulinique et aflatoxine).
Pour ce qui concerne les activités de l’Irak entre 1998 et 2002, certains renseignements émanant de pays occidentaux et en particulier européens, font état de l’existence de dispositifs mobiles (laboratoires) de production d’armements biologiques. Un grand nombre d’articles a été consacré à ce sujet par la presse allemande et une présentation a été faite au Bundestag sur ce sujet à l’automne 2002.
Abordant le troisième volet relatif à l’arsenal de munitions dont disposerait l’Irak, Mme Thérèse Delpech a indiqué que le nombre de missiles Scud qui pouvait subsister en Irak constituait une question importante. Le ministère français de la Défense et la CCVINU sont d’accord pour dire que l’incertitude porte sur une vingtaine de missiles. En ce qui concerne les missiles Al Samoud 2, 75 d’entre eux ont été détruits avant le départ des inspecteurs sur une centaine qui ont en principe été produits. C’est, il faut le souligner, la troisième tentative de conversion de missiles SA-2 soviétiques en missiles sol-sol, bien que ce type de conversion ait été interdit lors des deux tentatives précédentes en raison du dépassement de la limite autorisée de 150 km. Les programmes de missiles à plus longue portée ne semblent pas être parvenus à achèvement.
Des incertitudes demeurent également dans des domaines autres que les missiles qui peuvent avoir un rôle sur un théâtre d’opérations et qui ont dans le passé été équipés de têtes non conventionnelles. Il s’agit par exemple d’incertitudes sur le sort de 9 000 bombes aériennes, et de 350 bombes dites R-400, construites en 1990. Sur ce dernier point, 2 bombes entières ainsi que des débris correspondant à 118 bombes, selon l’Irak, ont été retrouvés. En ce qui concerne les roquettes recherchées par la CCVINU, 18 ont été trouvées sur 15.000. Un certain nombre de bombes à fragmentation ont également été découvertes lors des inspections récentes qui peuvent avoir une fonction non conventionnelle. Enfin, les Irakiens disposent de plusieurs familles de drones et de méthodes d’épandage aérien, dont une partie semble encore être à l’état de prototype. Tout récemment, les inspecteurs de l’ONU ont pu surprendre les Irakiens en train de démonter des drones non déclarés, d’une envergure de 7,45 m.
En ce qui concerne les précurseurs et agents chimiques et biologiques, Mme Thérèse Delpech a observé qu’une incertitude demeurait sur les produits suivants : 730 tonnes de précurseurs chimiques et 3,5 tonnes de milieux de culture biologique. On ignore par ailleurs la quantité importée après 1998. Enfin, 80 tonnes de gaz moutarde, entre 1 et 10 tonnes de gaz VX, et entre 7 000 et 10 000 litres d’anthrax restent inexpliqués pour la CCVINU.
M. Paul Quilès a fait état de la prise de position de l’Ambassadeur de France aux Etats-Unis selon laquelle l’utilisation par l’Irak d’armes chimiques contre l’armée américaine constituerait une situation nouvelle de nature à entraîner un changement de la position française. Il s’est demandé en quoi cette situation serait effectivement nouvelle, puisque les Etats-Unis prétendent que l’Irak possède de telles armes. Il a ensuite demandé quelles étaient les motivations de cette déclaration de l’Ambassadeur de France et souhaité savoir si elle augurait d’un changement de position du chef de l’Etat.
Le Président Edouard Balladur a indiqué qu’il serait préférable de poser cette question à un membre du Gouvernement.
Mme Thérèse Delpech a fait observer que M. Henri Bentegeat, chef d’état-major des armées, avait été le premier à faire une déclaration en ce sens et que M. Dominique de Villepin avait également évoqué une possible « crise chimique » sur Europe 1 avant l’intervention sur CNN de M. Jean David Levitte.
M. Paul Quilès a ensuite posé les questions suivantes : le bombardement de sites contenant des armes biologiques ou chimiques peut-il avoir des conséquences graves ? Alors que la convention de 1993 prohibe la fabrication et le stockage d’armes chimiques, connaît-on aussi bien les capacités de la quinzaine de pays qui en disposeraient que celles de l’Irak ?
M. Jacques Myard a souhaité savoir si l’Irak et le Royaume-Uni avaient été liés par un accord secret en vue de fabriquer des armes chimiques. Après avoir fait remarquer que de telles armes n’avaient pas été utilisées par l’Irak pendant la guerre du Golfe, il a regretté l’arrêt des inspections en 1998. Il a enfin demandé quel jugement porter sur l’affaire de la falsification des documents accréditant l’idée d’un achat d’uranium par l’Irak auprès du Niger.
M. Jean-Michel Boucheron a demandé pour quelle raison, alors que l’armement chimique est censé être au cœur de la stratégie de l’Irak, celui-ci ne l’avait pas utilisé pendant la guerre du Golfe. Si de telles armes sont détenues davantage à des fins politiques qu’en vue d’opérations militaires, ne doit-on pas, en revanche, craindre leur utilisation contre des civils au moyen d’agents pré-positionnés dans d’autres pays ?
Mme Thérèse Delpech a fait remarquer que toute armée, lorsqu’elle conduit des opérations dans des pays soupçonnés de posséder des programmes non conventionnels prend en compte les risques de bombardements sur les sites de production. Dans le cas d’espèce, il n’est pas certain que les Etats-Unis aient même une connaissance précise des emplacements de ces sites ou de ces armes. Des équipes spécialisées accompagneront l’armée américaine pour les localiser.
En ce qui concerne les stocks d’armes chimiques dans le monde, elle a rappelé que la convention d’interdiction des armes chimiques avait pu être conclue - et signée à Paris - en partie à cause de leur terrible utilisation pendant la guerre Iran/Irak. Cette convention est très intrusive et autorise de nombreuses vérifications. Elle impose aussi la déclaration des stocks existants. S’agissant de la Russie, elle a déclaré 40 000 tonnes d’agents chimiques mais de nombreux experts se demandent toujours si l’ensemble des stocks russes et la totalité des programmes chimiques russes ont bien été déclarés à l’organisation internationale de La Haye.
Quant à la « convention secrète » entre la Grande-Bretagne et l’Irak, à laquelle M. Jacques Myard avait fait référence, elle a déclaré ignorer l’existence de ce document.
Selon elle, l’importance des armes chimiques dans la défense de l’Irak ne fait aucun doute dans la guerre Iran/Irak. Ces armes n’ont pas été utilisées pendant la guerre du Golfe, pour de nombreux commentateurs, grâce à la dissuasion. En effet, lors d’une rencontre célèbre entre MM. James Baker et Tarek Aziz à Genève avant le début des hostilités, il avait été signifié à ce dernier que l’utilisation d’armes biologiques ou chimiques aurait des conséquences dévastatrices. A ce moment, le but de la guerre était d’obliger l’Irak à quitter le Koweït, alors qu’il est aujourd’hui ouvertement le changement de régime. Ce dernier objectif, associé à l’infériorité conventionnelle considérable de l’Irak, est ce qui fait craindre un risque plus élevé d’emploi d’armes non conventionnelles. Il faut rappeler que si les troupes alliées avaient été jusqu’à Bagdad en 1991, beaucoup pensent que des armes chimiques ou biologiques auraient pu être utilisées pour défendre le régime. Le problème n’est pas de faire des pronostics, mais d’utiliser un principe de précaution toujours indispensable en matière militaire.
S’agissant de l’évaluation des destructions opérées avant 1998, outre celles qui ont été faites sous la supervision de l’UNSCOM et qui sont connues avec précision, Mme Thérèse Delpech a insisté sur le problème posé par les destructions unilatérales entreprises par l’Irak pendant l’été 1991, en violation de la résolution 687. Ces destructions ont en effet rendu les vérifications très difficiles, particulièrement dans les domaines autres que les vecteurs. L’Irak a par exemple déclaré la destruction de 8.500 litres d’anthrax. Cette quantité est invérifiable et les estimations des inspecteurs sur les capacités de production dans ce domaine sont deux à trois fois supérieures. Un problème comparable se pose pour le VX qui explique la fourchette considérable d’incertitude (entre 1 et 10 tonnes). Plus de dix ans après, il est devenu impossible de quantifier les volumes réellement détruits, à supposer que cet exercice ait jamais été possible.
Quant au nucléaire, l’Irak n’a pas déclaré immédiatement son programme militaire, mais dès les premières inspections, il est apparu que de petites opérations de retraitement non déclarées avaient eu lieu et que l’Irak tentait de camoufler l’existence du procédé électromagnétique d’enrichissement (calutrons). En fait, l’Irak a tenté de développer toutes les méthodes possibles d’enrichissement de l’uranium, et a donné la priorité aux deux procédés, électromagnétique et ultra-centrifugation. En 1998, l’essentiel de ce programme était détruit et l’UNSCOM avait acquis une bonne compréhension du passé ainsi que la conviction que seules les matières fissiles faisaient vraiment défaut à l’Irak au moment de l’intervention militaire de la coalition. Sur ce point, les inspecteurs n’ont trouvé aucune trace d’acquisition de ces matières sur le marché international clandestin.
Ainsi, contrairement aux inspecteurs dirigés par M. Hans Blix, qui doivent répondre à de multiples interrogations, ceux de l’AIEA n’ont qu’une seule question majeure : l’Irak a-t-il repris une activité nucléaire entre 1998 et 2002 ? L’enquête sur la tentative d’acquisition d’uranium au Niger a tourné court (un faux manifeste). Celle qui porte sur les tubes en aluminium est plus complexe car les spécifications de certaines commandes peuvent à la fois correspondre à du matériel destiné à des roquettes ou à des centrifugeuses. De même, 32 tonnes d’explosifs HMX sont portées manquantes. Les Irakiens ont brisé les scellés, ce qui était évidemment interdit et ont prélevé cette quantité d’explosif, ce qui l’était davantage encore. Mais l’utilisation de cet explosif est difficile à vérifier : l’Irak prétend l’avoir utilisé dans des carrières et des traces de leur utilisation ont en effet été découvertes à l’endroit indiqué, mais il est impossible de faire la preuve que les 32 tonnes ont bien été utilisées à cet effet.
Quant au VX, il fait partie de munitions particulièrement dévastatrices sur un théâtre d’opérations.
M. Axel Poniatowski a souligné le grand nombre d’incertitudes qui demeurent sur le désarmement de l’Irak et a demandé quels ont été les progrès accomplis en la matière depuis le retour des inspecteurs en 2002. La pression militaire américaine était-elle indispensable aux résultats obtenus ? Si les inspections s’étaient poursuivies, aurait-il été possible de désarmer l’Irak et dans quel délai ? Enfin, l’objectif américain du changement de régime aurait-il été atteint si l’on était allé au terme du processus de désarmement ?
M. Pierre Lang a demandé sur quelles bases les inspecteurs avaient établi les quantités d’armements en possession de l’Irak. Les autorités irakiennes ont-elles reconnu les informations transmises par les inspecteurs aux Nations unies ? Ont-elles été prises en flagrant délit de mensonge ?
M. Yves Fromion a souhaité savoir si les Etats-Unis disposaient d’informations sur les armements irakiens qui auraient pu échapper aux inspecteurs.
M. René André a demandé s’il était possible de détruire les stocks d’armes chimiques et biologiques sans danger.
Le Président Guy Teissier a interrogé Mme Delpech sur le degré de liberté dont disposaient les inspecteurs lors des visites de sites et sur l’éventualité de fuites permettant aux autorités irakiennes de se préparer à ces visites.
Mme Thérèse Delpech a estimé que le principal progrès dans le domaine du désarmement depuis le retour des inspecteurs était la destruction de 75 missiles Al Samoud 2. De façon générale, la coopération irakienne a porté surtout sur la procédure, et peu sur la substance. La déclaration irakienne du 7 décembre qui devait être une pièce essentielle du travail de vérification des inspecteurs, n’a permis de répondre à aucune question en suspens pour la CCVINU.
Le point le plus positif a été l’accès aux sites, comme l’a souligné Hans Blix. La liberté d’accès aux sites, y compris aux palais présidentiels, a été totale, mais les incertitudes demeurent quant à l’existence d’éventuelles installations mobiles, évoquées non seulement par plusieurs services occidentaux, mais aussi par au moins trois transfuges irakiens. En ce qui concerne la surveillance aérienne, l’accord des Irakiens n’a été obtenu qu’en février. Le premier vol d’un avion U2 date du 17 février, et celui du premier Mirage IV du 26 février. Les Antonov russes n’ont jamais volé. Rappelant que les inspections avaient repris en novembre et que la question du survol aérien a été posée par Hans Blix dès l’été 2002, Mme Thérèse Delpech a souligné le temps perdu dans ce domaine comme dans celui de la fourniture des documents. Il est patent que la coopération irakienne s’est accélérée à mesure qu’augmentait la pression militaire, ce que chacun reconnaît. Inversement, si la pression militaire avait cessé, la coopération, même limitée (sur les questions de substance notamment) aurait probablement cessé. La question du temps était pour cette raison essentielle dans la résolution 1441, contrairement à la résolution 1284, qui répond à une tout autre logique et que la France n’a d’ailleurs pas votée.
Sur la possibilité de parvenir au désarmement de l’Irak par la voie pacifique des inspections menées sur une longue durée, Mme Thérèse Delpech a rappelé que Hans Blix avait indiqué cet objectif réalisable en quelques mois sous réserve d’une coopération complète et inconditionnelle de l’Irak (les termes de la résolution 1441). Sans une telle coopération, cela aurait pu prendre des années, voire ne jamais se produire. C’est pourquoi, une fois encore, la résolution 1441 insiste sur la coopération indispensable de l’Irak et sur la nécessité de déclarer l’ensemble de ses activités prohibées, ce qui n’a pas eu lieu.
Cela étant, Mme Thérèse Delpech a estimé que l’une des erreurs des Etats-Unis avait été d’insister sur la question du changement de régime, inacceptable en droit international, alors qu’il y avait consensus sur la question du désarmement et qu’en outre, privé de ses armes de destruction massive, Saddam Hussein était aussi privé de moyens importants de pouvoir au sein de son propre pays. Comme l’exemple d’usage chimique contre les populations kurdes de 1987-1988 en avait apporté la preuve, ces armes avaient aussi un usage interne.
En ce qui concerne les évaluations des stocks chimiques ou biologiques faites par les inspecteurs, celles ci sont calculées à partir des déclarations irakiennes - souvent changeantes -, des importations de précurseurs connues (qui ont permis en 1994 d’arriver à la certitude de l’existence d’un programme biologique offensif), et de divers documents dont dispose l’ONU.
En réponse à M. Fromion, Mme Thérèse Delpech a expliqué que la CCVINU n’avait jamais été vraiment considérée par les Etats-Unis comme une structure capable de remplir sa mission et que l’administration Clinton avait adopté une politique de confinement qui se satisfaisait dans les faits de l’absence d’inspecteurs sur le terrain.
Plusieurs pays ont transmis des renseignements à Hans Blix et certains d’entre eux ont même permis de vraies découvertes : c’est le cas de 380 moteurs Volga, de bombes à fragmentation et de documents pour une part classifiés au domicile privé d’un scientifique irakien.
Les armes biologiques et chimiques, fort heureusement, peuvent être détruites sans danger à certaines conditions.
Une intervention militaire ne rendra pas caduques les inspections, qui seront toujours nécessaires à l’issue du conflit, et l’obtention de meilleurs résultats supposera à la fois la compétence des experts et l’accès aux budgets, documents et personnes, qui seront sans doute en mesure de parler plus librement.
Mme Thérèse Delpech a indiqué qu’il ne paraissait pas nécessaire de faire l’hypothèse d’une infiltration de la CCVINU par les services irakiens pour expliquer la connaissance à l’avance de certaines inspections compte tenu du nombre important d’ « observateurs » irakiens lors de chaque mission et de la façon dont la CCVINU avait pris conscience de leurs communications dès que les inspecteurs quittaient l’Hôtel Canal.
Le Président Guy Teissier s’est plus généralement interrogé sur l’utilisation du VX en dehors de vecteurs militarisés par des terroristes.
En ce qui concerne la question plus large de l’utilisation du VX à des fins terroristes, Mme Thérèse Delpech, précisant qu’elle ne parlait plus de l’Irak, a fait valoir que d’une manière générale les nouvelles générations de terroristes étaient parfois de redoutables chimistes. En cas d’attentat terroriste, le risque chimique le plus préoccupant reste sans doute celui qui viserait une installation chimique, mais l’on peut aussi redouter également la dispersion d’un gaz dans un lieu clos, comme l’avait montré l’attentat dans le métro de Tokyo en 1995. Le VX reste toutefois difficile à produire et ne paraît pas aujourd’hui possible dans la panoplie terroriste.
Le Président Edouard Balladur a remercié Mme Thérèse Delpech pour la grande qualité de son intervention qui, en raison de son intérêt, a suscité de nombreuses questions auxquelles elle a bien voulu apporter des réponses précises.
Mme Thérèse Delpech a finalement à nouveau insisté sur le constat d’incertitude relatif à l’état de l’armement irakien. Ces incertitudes ne doivent pas être interprétées comme des détentions avérées mais comme des points à éclaircir, c’est pourquoi le rapport de Hans Blix et de son équipe est intitulé « questions de désarmement non résolues ».
Source : Assemblée nationale (France)
Note du Réseau Voltaire : Thérèse Delpech est administratrice pour l’Europe de la Rand Corporation, principal think tank du lobby militaro-industriel états-unien.
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