« Les Européens, l’Iran et l’enjeu nucléaire »

Les Européens, l’Iran et l’enjeu nucléaire
Le Figaro (France)

[AUTEUR] Dominique de Villepin est ministre des Affaires étrangères français.

[RESUME] En exploitant les failles de la mondialisation, la prolifération est devenu l’une des menaces majeures de notre temps. Si ce phénomène inquiète autant la communauté internationale, c’est parce qu’il se greffe sur les régions en crise, de la Corée du Nord au Moyen-Orient, et favorise encore plus l’instabilité. Jusqu’ici, les accords internationaux de non-prolifération ont permis d’empêcher la trop grande diffusion des armes nucléaires, mais la valeur de ces accords dépend de notre capacité à les faire respecter et à les mettre en œuvre. Sur cette question, l’Iran a valeur de test.
Depuis des décennies, ce pays souhaite se doter d’un capacité de production d’énergie nucléaire. Cette ambition est légitime tant que Téhéran apporte la preuve du caractère strictement civil de son programme. Malheureusement, les rapports de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) ont éveillé des doutes sur ce point.
Avec mes collègues allemand et britannique, nous avons fait le choix du dialogue pour régler cette question. Nous l’avons fait pour l’Iran car nous estimons que ce pays doit exercer des responsabilités dans la région. Nous l’avons fait pour l’Europe, continent qui entretient des liens anciens avec le peuple d’Iran et a un dialogue n’omettant aucun sujet avec ce pays, parce que nous ne voulons pas d’un Iran disposant d’armes nucléaires et que nous voulons rappeler que l’Europe a vocation à défendre ses intérêts stratégiques. Nous l’avons fait pour les populations du Proche et du Moyen Orient qui aspirent à la sécurité, à la paix et au développement. Nous le faisons pour la communauté internationale qui cherche une nouvelle méthode de règlement des crises de prolifération.
Notre action s’est fondé sur les déclarations sur la prolifération adoptées lors des réunions des instances internationales et ce sont ces termes que l’Iran a accepté : coopération avec l’AIEA, signature d’un accord de garanties renforcées et suspension des activités d’enrichissement d’uranium. Cela devra être vérifiées mais nous sommes sur la bonne voie.
Cet accord montre tout l’intérêt qu’on peut retirer d’une Europe forte. En matière de prolifération, la communauté internationale n’obtiendra de résultats que si elle fait preuve d’unité et de détermination. Il faut mettre en place des outils efficaces de vérification des traités, comme un corps permanents d’inspecteurs.

« Les mollahs et la bombe »

The Mullahs and the Bomb
New York Times (États-Unis)

[AUTEUR] Gary Milhollin est directeur du Wisconsin Project on Nuclear Arms Control et rédacteur exécutif de la revue Iraq Watch.

[RESUME] Les ministres des Affaires étrangères allemand, français et britanniques sont parvenus à un accord avec l’Iran. Il implique qu’en échange de concessions sur le programme nucléaire et d’une plus grande transparence, les trois pays européens relanceront leur coopération en matière de technologie avec Téhéran. Cet accord n’empêchera cependant pas l’Iran de construire sa bombe et risque d’avoir les mêmes conséquences que l’accord avec la Corée du Nord de 1994.
L’Iran n’a pas besoin d’un programme nucléaire civil vu ses ressources en pétrole et en gaz. Il construit des infrastructures permettant l’enrichissement du plutonium et de l’uranium et fabrique des missiles dont l’application logique est le transport de têtes nucléaires. Le nouvel accord prévoît que l’Iran expliquera tous les points obscurs sur lesquels s’interroge l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), tout comme l’accord que Bill Clinton avait conclu avec la Corée du Nord et qui a permis à Pyongyang de bénéficier d’avantages commerciaux sans démanteler son programme nucléaire et ainsi de le relancer plus tard. L’Iran va conserver son potentiel intact, voire légèrement l’améliorer.
La seule solution acceptable est que l’Iran démantèle son programme nucléaire et ne conserve que les installations de Bushehr dont le combustible est fourni par les Russes. C’est sans doute ce que les Européens veulent à long terme, mais l’accord actuel ne nous y mènent pas. Il faut que l’Occident prenne des sanctions économiques pour faire céder Téhéran, ce qui sera efficace contre un pays qui est beaucoup plus dépendant du commerce que ne l’est la Corée du Nord.

« L’Iran doit abandonner sa bombe pour obtenir un accord final »

Iran would give up nukes for the right deal
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Ray Takeyh est professeur et directeur d’études au Near East and South Asia Center de la National Defense University.

[RESUME] L’accord surprise obtenu par les Allemands, les Français et les Britanniques avec l’Iran semble devoir mettre un terme à la crise entre ce pays et l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA). Mais cet accord assure aussi à l’Iran d’être le prochain membre du club nucléaire.
Les découvertes des services de renseignement états-uniens et des inspecteurs de l’AIEA nous ont prouvé que le programme nucléaire iranien est proche d’être autosuffisant et d’être capable de produire lui-même la plupart des technologies nécessaire à l’assemblage d’un dispositif nucléaire militaire. Vu les termes de l’accord et la faible différence qu’il existe entre la recherche nucléaire civile et militaire, l’Iran pense qu’il pourra construire sa bombe tout en respectant les termes de l’accord avec les Européens et en acceptant les contrôles des inspecteurs de l’AIEA qui mettront deux ans minimum pour être opérationnels.
Cela montre les carences de l’IAEA et prouve que les États-Unis doivent obtenir leur propre accord avec Téhéran. Celui-ci garantira la levée de toutes les sanctions économiques et la prise en compte des intérêts du pays dans la région en échange d’un démantèlement total du programme nucléaire qui sera vérifié par les inspecteurs de l’AIEA mais aussi par des inspecteurs du département à l’Énergie. Un tel accord permettrait à la théocratie iranienne qui fait face à une stagnation économique et à des problèmes démographiques de se sortir d’une situation difficile et de garantir sa sécurité et il pourrait obtenir l’assentiment des dirigeants en Iran.
La politique de l’Union européenne et de l’AIEA ne permettra pas la disparition du risque de prolifération en Iran. Les États-Unis doivent s’en mêler.

« La Russie va-t-elle fixer ses prix pétroliers en euros ? »

Should Russia Price Its Oil in Euros ?
Moscow Times (Russie)

[AUTEUR] Economiste irlandais, Christopher Weafer est responsable de la stratégie de la banque russe Alfa Bank.

[RESUME] L’administration Bush souhaite relancer son économie en diminuant le cours du dollar par rapport aux autres monnaies alors que dans le même temps le déficit des États-Unis bat des records et pourrait atteindre les 600 milliards de dollars en 2004. Cela pourrait conduire l’euro à une valeur d’1,3 dollar l’année prochaine. Les États-Unis jouent à un jeu dangereux qui pourrait bénéficier à la monnaie européenne.
L’euro est encore une monnaie immature qui pourrait être affaiblie par l’entrée de dix nouveaux pays dans l’Union européenne, mais il s’agit aujourd’hui de la seule alternative au dollar. L’actuelle politique états-unienne valorise sa position dans le commerce international. Cela pourrait pousser la Russie à fixer un certain nombre de ses contrats pétroliers en euro plutôt qu’en dollar. Aujourd’hui 70 % des exportations russes se font en dollar alors que 50 % des importations se font en euros. Une trop forte baisse du dollar entraînerait donc un problème pour la balance commerciale russe.
La Russie ne risque pas cependant de basculer tous ses contrats en euros car cela serait coûteux dans un marché pétrolier où les échanges se font en dollar. Toutefois, si l’Union européenne parvenait à contrebalancer l’hégémonie du dollar sur les marchés pétroliers, cela pourrait changer la perspective. Le contexte international n’a jamais été aussi favorable à l’Europe dans ce domaine. Par le passé, l’OPEP a déjà réfléchi à la possibilité de ne plus utiliser uniquement le dollar pour ses échanges, mais l’Arabie saoudite y a toujours mis son veto. Aujourd’hui, si la Russie changeait de monnaie d’échange, l’OPEP suivrait peut-être. Aujourd’hui, le déficit états-uniens est financé par l’achat de bons du trésor états-uniens par les pays producteurs de pétrole et les gros pays exportateurs que sont la Chine et le Japon. L’Union européenne veut désormais sa part dans ce marché financier et en jouant sur les deux tableaux, la Russie peut se mettre dans une position très avantageuse.

« Civiliser ou mourir »

Civilise or die
The Guardian (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Robert Cooper est le directeur général pour la politique étrangère et de sécurité du Conseil européen auprès de Javier Solana. Il était auparavant le conseiller de politique étrangère de Tony Blair. Le Guardian stipule que cette tribune n’engage que son auteur.

[RESUME] Les armes biologiques et nucléaires rendent les individus qui les possèdent potentiellement aussi puissants qu’un État. Le processus qui a entraîné la création de ces technologies est le même qui a entraîné l’émancipation des individus, mais la modernité a aussi entraîné, en réaction, les nationalismes du XIXème siècle, la révolution culturelle, le fascisme et le communisme et l’islamisme extrémiste. Al Qaïda est donc un enfant de la modernité. L’émancipation de l’individu vis-à-vis de ses anciennes loyautés et la possibilité pour des individus de posséder des armes puissantes menacent le monopole étatique de la violence à long terme.
Au moment de la Guerre Froide, la stratégie la plus efficace a été la politique d’endiguement qui a consisté à se défendre militairement et à mener une lutte politique contre l’adversaire. Cette stratégie ne fonctionne plus avec les ennemis d’aujourd’hui en raison de leur caractère imprévisible. Le seul moyen de vivre en sécurité est de vivre dans un monde où les pays respectent la loi chez eux et dans les relations internationales. Cela implique que notre défense passe par une remise en cause du principe de souveraineté nationale car la seule politique dont nous disposons est la diffusion de la civilisation et les changements de régimes.
Le XXème siècle a vu la fin des empires d’où ont parfois émergé des États instables, devenus des refuges pour les groupes terroristes. On ne peut pas reformer ces empires comme on ne peut pas faire une politique d’endiguement, il faut donc s’inspirer du modèle européen et construire des empires librement consentis par les nations qui en font partie. Ce système a permis des changements de régime dans les Balkans pour l’Europe. On pourrait aussi imaginer la constitution au Moyen-Orient d’une structure regroupant des États, dont les États-Unis ou l’OTAN assurerait la sécurité, et qui aurait accès au marché de l’Union européenne, en échange de garanties de bonne gouvernance par ses membres.

« L’esprit de combat du général Boykin »

Gen. Boykin’s fighting spirit
Washington Times (États-Unis)

[AUTEUR] Tony Blankley est le responsable de la page éditoriale du Washington Times. Il a été le chargé de presse et le conseiller de [Newt Gingrich] (1990-1997).

[RESUME] Le Général William G. « Jerry » Boykin, récemment nommé au poste de vice sous-secrétaire à la Défense chargé des questions de renseignement, aura pour mission de traquer Oussama Ben Laden, le Mollah Omar et d’autres leader terroristes. Il est parfaitement préparé pour cette tâche en, raison de son expérience militaire et dans les renseignements qui l’ont amené à combattre le terrorisme pendant 25 ans, mais les médias et des hommes politiques ont été rendus furieux par cette nomination en raison de sa foi et de sa façon d’exprimer des idées politiquement incorrectes dans les églises.
Le Washington Post, le Los Angeles Times, Howard Dean et le ministre des Affaires étrangères égyptien ont demandé sa démission après qu’ait été diffusé par un éditorialiste du Los Angeles Times des extraits de ses discours enregistré à son insu Dans ces extraits, on l’entend affirmer que les terroristes sont démoniaques, s’attaquent à nous parce que nous sommes une nation chrétienne, que l’ennemi est Satan et, à propos d’un musulman somalien qui affirmait que les États-Unis ne l’attraperaient jamais car Allah le protégeait, il a déclaré : « mon Dieu est plus grand que le sien. Je sais que mon Dieu est un vrai Dieu et le sien une idole ».
Contrairement à ses opposants, je pense que ces déclarations montrent qu’il est parfait pour mener la guerre au terrorisme et qu’il faut remercier Dieu d’avoir un tel homme aux commandes. Un fort pourcentage de musulmans pense être engagé dans une guerre de religion contre les non-musulmans. Il n’est pas offensant que le général Boykin leur retourne le compliment. En outre, même si nous sommes tolérants, il n’y a rien de choquant à déclarer que nous sommes un pays judéo-chrétien.