« Définir les missions du XIXème siècle »

Defining the mission of the 21st century
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Bill Clinton est ancien président des États-Unis (1993-2001). Cet article est adapté d’un discours prononcé à Yale le 6 octobre.

[RESUME] Notre époque est celle de la globalisation. Pour beaucoup d’Américains, c’est un phénomène positif. Cependant on ne peut pas déduire que la globalisation est bonne ou mauvaise alors que les terroristes d’Al Qaïda l’ont également utilisée le 11 septembre (l’ouverture des frontières et l’accès facile à l’information). Le monde interdépendant est instable. Nous ne pouvons pas continuer à vivre dans une situation où nous ne disposons pas d’un système permettant aux aspects positifs de la globalisation de l’emporter sur les aspects négatifs
Je pense que la grande mission du XXIème siècle est de constituer une grande communauté globale où tous partagerons les responsabilités, les bénéfices et les valeurs. Les responsabilités sont le devoir de se battre pour la sécurité globale et de construire des institutions permettant la coopération. Si nous devons partager les bénéfices, c’est parce que l’expérience en Irak démontre que les États-Unis peuvent gagner toutes les guerres, mais pas gagner la paix seuls. Pour cela, nous devons améliorer les conditions de vies dans le monde et ainsi nous faire plus d’amis que nous n’aurons d’ennemis.
Dans l’administration Bush, les conservateurs pensent qu’ils peuvent agir seuls comme l’a montré le déclenchement de la guerre en Irak. Il faut développer la coopération internationale en Irak. Le fondamentalisme ne permet pas de résoudre les problèmes du monde.
L’opposition à la mondialisation est portée par des personnes qui n’ont pas pu en bénéficier. Nous devons leur prouver qu’ils ont tort.

« La démocratie en Irak n’est pas le seul objectif des États-Unis »

La democracia en Irak no es sólo tarea de EE.UU
Clarin (Argentine)

[AUTEUR] [Henry Kissinger] est ancien secrétaire d’État et conseiller de sécurité national états-unien. Il est président démissionnaire de la Commission d’enquête indépendante sur le 11 septembre. Il est président de Kissinger Associates

[RESUME] La résolution unanime du Conseil de sécurité sur l’Irak est un succès diplomatique pour les États-Unis : le texte accepte l’occupation états-unienne et définit un processus pour le retour de l’Irak à l’auto-gouvernement qui se fonde sur le retour à la stabilité de ce pays. Dans le même temps, les réserves de la Russie, de la France et de l’Allemagne montrent que le multilatéralisme fait plus un retour formel que réel. L’ordre mondial dépend moins de votes communs que d’actions et de perceptions communes.
Aujourd’hui, si tous s’accordent sur la nécessité de sécuriser l’Irak, d’y instaurer un gouvernement stable et légitime, de restaurer promptement la souveraineté irakienne et de reconstruire la pays, les désaccords demeurent sur les moyens et notamment sur la méthode pour créer un gouvernement irakien. Les États-Unis veulent confier à une autorité gouvernementale désignée la responsabilité de rédiger une constitution qui devra être approuvée par référendum avant que des élections aient lieu. La France, la Russie et l’Allemagne veulent au contraire la création rapide d’une entité politique souveraine. Toutefois, la vraie question n’est pas le procédé, mais la phase suivante. L’efficacité du gouvernement irakien dépendra de la reconnaissance internationale dont il disposera.
Il ne faut pas croire que la constitution mettra fin aux combats en Irak. La présence d’une force militaire en Irak est donc indispensables pour de longues années encore. Cette force doit comporter plusieurs pays et il faut à la fois éviter l’action solitaire des États-Unis et le multilatéralisme abstrait. Les États-Unis doivent donc partager les responsabilités avec leurs alliés en Irak afin de restaurer les relations transatlantiques et d’augmenter la légitimité du gouvernement irakien. Si l’objectif des alliés n’est pas simplement de limiter l’influence des États-Unis dans le monde alors ils s’impliqueront.
Nous instaurerons un gouvernement en Irak qui, s’il ne sera pas tout de suite un gouvernement démocratique à l’occidentale, respectera les Droits de l’homme, l’autonomie des Kurdes et ne fera pas de discrimination à l’encontre des femmes.

« Blair devrait utiliser la fidélité de certains aux États-Unis »

Blair could use some U.S. loyalty
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Philip H. Gordon est chercheur à la Brookings Institution à Washington. Il est ancien directeur des affaires européennes du National Security Council et consultant à la Rand Corporation.

[RESUME] On aurait pu penser que la politique étrangère pro-états-unienne de Tony Blair lui aurait permis de marquer des points auprès de Washington. Cependant malgré les risques politiques et le soutien dont il a fait preuve en Europe et dans le monde, son avancée en direction de la France et de l’Allemagne sur les questions de défense européenne a été très mal perçue par les États-Unis. Nicholas Burns, l’ambassadeur des États-Unis à l’OTAN, a ainsi demandé une réunion exceptionnelle et exigé des explications.
Les États-Unis sont particulièrement irrités par l’initiative franco-allemande, seulement soutenue par la Belgique et le Luxembourg, en matière de défense. Elle a été présentée durant la guerre en Irak pour profiter de la rancœur des Européens vis-à-vis des États-Unis. Ce projet porte un coup à l’OTAN et Blair le sait. S’il discute, c’est pour rendre l’initiative européenne compatible avec l’Alliance atlantique. Aussi les États-Unis ne doivent pas donner l’impression qu’ils veulent contrôler l’alliance atlantique comme on a dirigé le Pacte de Varsovie. Une défense européenne autonome n’est pas une hérésie et elle est même prévue par un accord de 1999.
Beaucoup d’endroits dans le monde ont besoin d’intervention militaires et les États-Unis ont besoin d’un allié européen qui peut partager la direction globale. La meilleure solution est donc que le Royaume-Uni parvienne à pousser Paris et Berlin à rendre leur projet compatible avec l’OTAN. La réaction excessive des États-Unis ne favorisera que l’antiaméricanisme.

« Constitution européenne : continuons ! »

Constitution européenne : continuons !
Le Monde (France)

[AUTEURS] Joaquin Almunia (Espagne) est député, ancien secrétaire général du PSOE, ancien ministre du Travail et des Affaires sociales.
Massimo d’Alema (Italie) est député, président du Parti des démocrates de gauche (PDS), ancien président du Conseil.
Martine Aubry (France) est maire (PS) de Lille, ancienne ministre.
Dick Benschop (Pays-Bas) est député, ancien ministre des Affaires étrangères.
Josep Borrell (Espagne) est député, ancien secrétaire général du PSOE, ancien ministre de l’Industrie et de l’Environnement.
Bertrand Delanoë (France) est maire (PS) de Paris.
Kemal Dervis (Turquie) est député, ancien ministre de l’Économie.
Piero Fassino (Italie) est député, secrétaire général du PDS, ancien ministre de la Justice.
Poul Nyrup Rasmussen (Danemark) est président du Forum progressiste mondial, ancien Premier ministre.
Roumeliotis Panagiotis (Grèce) est ancien ministre de l’Économie
Angelica Schwall Duren (Allemagne) est députée, vice- présidente de la fraction SPD au Bundestag.
Dominique Strauss-Kahn (France) est député (PS), ancien ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.

[RESUME] Avec l’élargissement, les élections du Parlement européen, la nomination d’une nouvelle Commission européenne chargée de réformer les politiques communes et peut-être une nouvelle constitution, l’année 2004 sera décisive pour l’Union européenne. L’adoption d’une constitution serait un enjeu historique permettant à la grande Europe de mieux exister dans le cœur de ses citoyens et la dotant des instruments l’autorisant à se faire entendre dans le monde.
La construction européenne a réussi à écarter le spectre des guerres, à unifier un espace économique qui, malgré les difficultés persistantes, a favorisé la croissance économique et le rattrapage des pays et régions en difficultés. Face aux risques de la mondialisation libérale, nous savons que la construction d’une Europe forte est indispensable pour permettre aux Européens de conserver la maîtrise de leur avenir et contribuer à définir les règles d’un monde équilibré pour demain.
La Convention européenne, en travaillant dans le pluralisme et la transparence, a abouti à un texte comprenant de nombreuses avancées. Il clarifie et démocratise les institutions et si on aurait pu rêver d’un compromis constitutionnel plus ambitieux, il s’inscrit bien dans la « méthode communautaire » et chacun des éléments du « triangle institutionnel » est renforcé. Toutefois, le Parlement européen devient la première institution de l’Union européenne. Nous sommes conscients des insuffisances du texte, mais nous saluons le premier pas que constitue la création d’un ministre des Affaires étrangères européen même si, pour qu’il puisse agir, il aurait fallu passer les décisions dans ce domaine à la majorité qualifiée. Le texte demeure cependant très insuffisant dans le domaine économique et social et il faut que l’Europe se donne les moyens d’une politique ambitieuse en faveur de la croissance et de l’emploi.
La décision finale n’est pas encore prise et c’est à l’issue de la conférence intergouvernementale qu’il faudra répondre par « oui » ou par « non » à la ratification de la constitution. Nous resterons donc mobilisés, mais d’ores et déjà nous nous engageons et nous saluons le travail de la convention, même s’il peut être amélioré. Dans le monde désordonné où nous vivons, livré aux seules forces du marché, déstabilisé par les dégâts de l’unilatéralisme américain et menacé par la montée des nationalismes, l’Europe unie est la forme la plus aboutie de régulation dont nous disposons. Elle est notre premier levier pour peser dans la mondialisation et si les chefs d’État et de gouvernement réunis au sein de la CIG faisaient échouer le processus engagé par la Convention, l’Europe aurait peut-être manqué sa dernière chance pour se réformer et se relancer.

« L’Occident doit réaliser que Poutine est en train de devenir un dictateur »

The West should realise that Putin is becoming a dictator
Daily Telegraph (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Boris Berezovsky a été l’un des oligarque russe jusqu’à la saisie de la plupart de ses entreprises en 2000 et son exil à Londres. Il est considéré comme réfugié politique au Royaume-Uni depuis cette année.

[RESUME] Alors que Vladimir Poutine va rencontrer les dirigeants européens à Rome aujourd’hui pour évoquer l’Irak, l’OTAN et le contre terrorisme, je pense que l’Occident devrait prêter autant d’attention aux attaques de Poutine contre les institutions démocratiques en Russie qu’il n’en porte à la sécurité globale. Les dirigeants européens, avec dix nouveaux membres démocratiquement élus, rencontreront à nouveau Poutine au printemps 2004, mais ils ne devraient pas agir ainsi car le président russe a perdu toute légitimité en arrêtant Mikhail Khodorkovsky.
Il faut que les dirigeants rassemblés à Rome protestent contre l’ambition de Poutine de devenir le dirigeant d’un État autoritaire. Dans le même temps, tous les partis politiques russes de droite comme de gauche, devraient s’unir contre Poutine et devraient refuser de participer aux élections législatives de décembre. Les intentions autocratiques de Poutine sont évidentes depuis qu’il a commencé son coup d’État constitutionnel rampant au printemps 2000. Il a commencé par prendre le contrôle des institutions politiques en affaiblissant les gouverneurs régionaux, en prenant le contrôle de la bureaucratie d’État. Comme son parti est majoritaire au Parlement, il contrôle toutes les institutions et a fait de la séparation des pouvoirs un mythe. Il s’en est ensuite pris au médias et a pris le contrôle des chaînes de télévision que Vladimir Gusinsky et moi possédions. Aujourd’hui, il s’attaque au monde des affaires en arrêtant Mikhail Khodorkovsky et en prenant le contrôle de Yukos car il finançait deux partis d’opposition et parce que prendre la première entreprise du pays est un symbole.
Les hommes politiques et le monde des affaires russe doivent s’unir pour ne pas offrir quatre ans de plus à Poutine et les dirigeants du monde doivent les soutenir.

« Le courage nécessaire pour faire la paix »

The courage needed to make peace
The Age (Australie)

[AUTEUR] Hanan Ashrawi est une législatrice de l’Autorité palestinienne et une porte-parole palestinienne. Cette tribune est une adaptation de son discours prononcé lors de la remise du Sydney Peace Prize qui lui a été attribué mardi.

[RESUME] La Sydney Peace Foundation, en me donnant ce prix, démontre qu’elle a courageusement décidé de prendre parti contre l’injustice et a refusé les intimidations en ne restant pas dans une soi-disant neutralité. Le monde a besoin de voix et de forces en faveur de la raison et de la responsabilité morale. Nous assistons à des tentatives d’imposition d’une vision manichéenne et simpliste du monde. Nous avons besoin de personnes soutenant le pluralisme et la tolérance.
La question palestinienne est centrale car c’est un test pour la vision humaine de la globalisation et la volonté collective de maintenir le droit et la justice. Ce à quoi nous assistons aujourd’hui avec la victoire des néo-conservateurs et des idéologues fondamentalistes, c’est à l’antithèse de nos aspirations. Aujourd’hui, une armée s’en prend à des civils, affirmant ainsi « vaincre », mais ne faisant que soutenir le cycle de la mort et de la dévastation.
La paix ne pourra s’obtenir que par un partage du territoire fondé sur la parité et la reconnaissance de la valeur de la vie humaine des deux côtés. Aujourd’hui, le fondamentalisme islamique et la branche rétrograde du nationalisme arabe ont joint les évangélistes chrétiens, les fondamentalistes juifs et les idéologues néo-conservateurs pour mener leur guerre par procuration au dépend des Palestiniens et Israéliens modérés. Malgré tout, la solution des deux États est toujours possible même si elle devient de plus en plus difficile. Si Israël continue son expansion, il n’y aura plus comme solution de facto qu’un État binational et la démographie entraînera le sionisme à réexaminer ses principes de bases.

« Ce que j’ai toujours dit »

Ce que j’ai toujours dit
Oumma.Com (France)

[AUTEUR] Tariq Ramadan est professeur de philosophie et d’islamologie à Fribourg et à Genève. Ce texte est la réponse à la tribune intitulée « L’autre visage de Tariq Ramadan ».

[RESUME] Mon texte que Bernard-Henri Lévy a qualifié de délire et qu’une immense majorité ne considère pas comme « antisémite » suscite des réponses d’une violence démesurée où on ne me répond pas, mais où on me dénigre en utilisant de fausses citations, le collage de textes tronqués ou des contrevérités éhontées.
M. Lévy, vous m’accusez de m’opposer à la laïcité alors que je demande une application stricte, totale et équitable de la loi de 1905. Vous déformez mon propos à l’adresse de musulmans récemment arrivés en France et qui sont parfois choqués par ce qui est enseigné en philosophie et en biologie ; Je leur ai simplement dit qu’il n’était pas possible de bénéficier de dispenses de cours et que s’il veulent un éclairage correspondant à leur référence religieuse, celui-ci sera dispensé dans leur communauté religieuse.
Concernant l’héritage de mon grand père, il ne me gêne pas, contrairement à ce que vous affirmez, mais j’ai à son égard une attitude critique et sélective. Sachez simplement M. Lévy, vous qui ne lisez pas l’arabe, que 5 % de ce qu’il a écrit a été traduit. Si la critique de la pensée est légitime, elle doit se faire en connaissance de cause.
Vous affirmez que ma position sur la lapidation est floue alors que j’ai demandé un moratoire sur les exécutions et que j’ai déclaré que dans les conditions prévues par le Coran, ces lapidation sont inapplicables. Vous utilisez ma définition normative du martyre pour laisser entendre que je soutiens le meurtre d’innocents alors que j’ai condamné les attentats même si j’ai reconnu qu’ils étaient explicables par le contexte et qu’il fallait défendre les Palestiniens opprimés.
Hassan El-Tourabi a déclaré que j’étais « l’avenir de l’Islam », mais c’est son opinion à lui et elle ne m’a pas empêché de critiquer le régime soudanais. Si vous tentez à ce point à utiliser ce que d’autres ont dit de moi, pourquoi ne pas citer les propos favorables à mon égard de vos amis musulmans Massoud et Izetbegovic ? Vous faites références à l’enquête du juge Balthazar Garzon sur Ahmed Brahim, soupçonné d’appartenir à Al Qaïda, qui aurait affirmé avoir des contacts réguliers avec moi. Or, je ne connais pas cette personne et j’ai été blanchi par les autorités suisses.
Toutes vos remarques ne sont fondées que sur des articles de presse. Le seul livre que j’ai écris que vous citez est Les Musulmans dans la laïcité pour affirmer que j’y parle de cette « fangeuse seconde génération », ajoutant « sic » alors que je parle de cette « fameuse seconde génération ». Le détournement de la phrase a été fait par un journaliste algérien proche des militaires qui voulait faire croire que je soutenais le FIS, ce que vous affirmez également en détournant un de mes textes, alors que je l’ai toujours condamné. Votre façon de trahir mes textes est consternante.