Dans un entretien accordé à EUpolitix.com et que nous reproduisons avec l’ autorisation du site, Ariel Sharon explique que « la présence musulmane qui ne cesse d’augmenter en Europe met clairement la vie des Juifs en danger ». « Il n’y a aucune distinction », explique le Premier ministre israélien, entre l’antisémitisme et les critiques de la politique d’Israël, car « l’État d’Israël est un État Juif ». Ariel Sharon critique les Accords de Genève : « L’unique conséquence de cette initiative sera de retarder encore la solution finale. »
Ces propos, qui constituent un appel explicite à la haine et à la discrimination, tombent manifestement sous le coup de la loi française, mais ne peuvent être poursuivis en raison de l’immunité attachée à la fonction de leur auteur. Il nous cependant est apparu indispensable d’alerter nos lecteurs sur leur gravité en les publiant intégralement.
M. le Premier ministre, dans un entretien qu’il a donnée au site
EUpolitix.com, le Premier Ministre palestinien, Abu Alla (Ahmed Qureih) vous a décrit comme étant quelqu’un de plaisant mais d’un caractère très idéologique. Il a
déclaré douter de votre engagement à permettre l’établissement d’un État
palestinien. Vous même, comment décririez vous le Premier ministre Abu Alla ?
Ariel Sharon : D’une manière générale je n’établis pas de jugements sur les personnes. Cela fait quelques années maintenant que je connais Abu Alla. Je l’ai rencontré à différentes occasions : à la résidence du Premier ministre ; en tant que ministre des Affaires étrangères, je l’ai rencontré à Jérusalem mais aussi en privé dans mon ranch ; je l’ai également rencontré à
Washington. C’est un homme chevronné, un homme politique blanchi sous le
harnais ; en tant qu’individu il ne fait aucun doute que sa principale
motivation est d’ordre politique. Et bien sûr, il ne fait pas partie du
mouvement sioniste ! Enfin c’est un proche d’Arafat. Je l’apprécie en tant
qu’homme qui croit que la solution du conflit ne viendra pas par des actions
guerrières et je serais heureux d’entamer des négociations avec lui.
Toutefois, dans la foulée, je précise qu’Abu Alla ne sera pas jugé sur ses
déclarations et discours, mais clairement sur les démarches qu’il
entreprendra pour faire cesser le terrorisme palestinien. Aussi longtemps
que le terrorisme perdurera nous n’avancerons pas sur le chemin vers la
création de l’État palestinien. Il est important de clarifier ce point.
Israël soutient de tout cœur la « Feuille de route », qui prévoit clairement
l’arrêt de la terreur et de son incitation comme préalable à l’établissement
d’un État palestinien, et c’est ce que nous exigeons.
Quelle est votre réaction sur le récent sondage qui a mis en évidence que 59 % des Européens sont d’avis qu’Israël constitue un danger pour la sécurité dans le monde ou encore que 17 % des Italiens pensent que, sans l’existence d’Israël, les conflits au Moyen-Orient seraient résolus ? À quel point ce sondage vous inquiète-t-il ? Comment Israël compte-t-il réagir contre ce phénomène et changer cette manière de penser ?
Ariel Sharon : Ce à quoi nous avons affaire en Europe est un antisémitisme qui a toujours existé et il ne s’agit vraiment pas d’un phénomène nouveau. Cet antisémitisme existe et ce qui le fait avancer est un « antisémitisme collectif » qui fait entrer Israël en ligne de compte. Il y a bien sûr des antisémites qui exploitent les événements qui ont eu lieu en Israël ainsi que l’argument selon lequel Israël fait usage de la force dans des proportions excessives. Ils cherchent à compromettre le droit à l’autodéfense d’Israël. Il existe donc un danger pour les Juifs. La présence musulmane qui ne cesse d’augmenter en Europe met clairement la vie des Juifs en danger. Cette tentative de nous priver de notre droit à l’autodéfense témoigne de l’antisémitisme qui règne.
Monsieur le Premier ministre, en Europe on essaye de distinguer d’un côté un antisémitisme que l’on doit condamner et d’un autre côté des critiques légitimes contre la politique d’Israël. De plus, certains pensent qu’Israël se sert de l’antisémitisme comme d’un bouclier contre les critiques qui lui sont adressées.
Ariel Sharon : Aujourd’hui il n’y a aucune distinction. Nous parlons d’un antisémitisme collectif. L’État d’Israël est un État Juif, ce qui explique l’attitude d’Israël. Cet antisémitisme est fondamental et, aujourd’hui, pour l’encourager et pour ébranler le droit des Juifs à l’autodéfense, on en reparle. De nos jours les politiques antisémites ne sont pas populaires, les antisémites mettent donc dans le même paquet leurs politiques et le conflit israélo-palestinien. L’antisémitisme doit être combattu. Il est excessivement dangereux. Cependant nous pouvons trouver les bonnes réponses pour le combattre. Ce que nous demandons aux pays d’Europe c’est de lutter contre l’antisémitisme de toutes les manières possibles et de manière très vigoureuse. Bien sûr le simple fait que les Musulmans soient en grand nombre, approximativement 17 millions à travers l’Union européenne, en a fait un problème politique. Selon moi, les gouvernements européens n’agissent pas assez pour lutter contre l’antisémitisme. Cependant certains pays incluent ce sujet dans leurs programmes éducatifs et c’est exactement ce qu’il faut faire. Il est nécessaire d’enseigner, d’expliquer, de rappeler ce que l’antisémitisme a causé par le passé et l’on doit réaliser que le mal causé par l’antisémitisme n’a pas uniquement touché le peuple Juif mais aussi les pays où l’antisémitisme sévit. Ces pays doivent le combattre. On ne peut établir aucune distinction, Israël est considérée comme un État Juif.
Les relations israélo-européennes traversent une crise, la pire que l’on ait jamais connue. Quelle est la cause de ce manque de compréhension entre Israël et l’Europe ?
Ariel Sharon : Il est important de mettre les choses au clair : dans de nombreux domaines, Israël a eu des intérêts importants dans ses relations avec l’Europe. Dans l’économie, les sciences, la culture et pour la construction de ses infrastructures. Étant donné que l’Europe représente un fournisseur d’envergure pour Israël, l’Europe constitue pour elle un marché naturel et nous avons des intérêts clairs à avoir de bonnes relations avec l’Europe. Dans le domaine politique, j’ai clairement dit aux Européens que l’Europe aurait pu jouer un rôle plus fort et même central si sa politique avait été plus équilibrée au Moyen-Orient. La politique européenne n’est pas équilibrée pour le moment. L’État d’Israël ne peut se permettre de mettre son destin entre les mains des Européens, connus pour mener une politique non équilibrée. Il est bien entendu toujours dangereux de généraliser, mais il est possible de dire que la majorité des pays européens ne disposent pas d’une politique équilibrée. Sous la présidence italienne actuelle, on peut dire que la politique européenne est équilibrée. La majorité de ses membres ne veulent pas l’accepter, mais l’Italie a contribué à équilibrer les positions européennes.
Il semblerait que la clôture de sécurité - tel qu’Israël la
définit - soit perçue en Europe plutôt comme mur de séparation qui ne peut
qu’intensifier les désaccords entre Israël et l’Union européenne.
Ariel Sharon : Concernant la clôture, malheureusement, beaucoup d’Européens
ne connaissent pas la réalité dans les Territoires. Une explication franche
devrait permettre de clarifier les positions d’Israël et de modifier
l’attitude européenne. Il y a neuf kilomètres de mur construits du coté
israélien de la ligne verte, un mur conçu pour protéger un axe central
reliant le Nord d’Israël au Sud. Sur cet axe, les Palestiniens ont pris
l’habitude de tirer sur les voitures et sur les ouvriers qui travaillent à
la voirie. La fonction première de ce mur physique est donc de protéger les
personnes empruntant cet axe des attaques de tireurs isolés. Mais il ne
s’agit que de neuf kilomètres de mur sur un système de clôtures qui s’étend
sur des centaines de kilomètres. La clôture est avant tout une mesure de
sécurité, ce n’est pas une frontière politique. Il s’agit d’empêcher des
terroristes de se rendre en Israël et d’y commettre des attentats suicides
dans les villes israéliennes. Il s’agit d’une mesure conçue pour garantir la
sécurité des citoyens israéliens. Je voudrais être bien clair sur ce point
avec les Européens : si j’ai à choisir entre affronter la critique
européenne ou contribuer à renforcer la sécurité des citoyens israéliens, je
n’aurais aucune hésitation à orienter mon choix. En outre, la clôture empêche
le passage des milliers de Palestiniens, immigrés clandestins en direction
des villes et villages arabes à l’intérieur d’Israël. Non seulement cette
immigration est illégale, mais elle contribue par ailleurs à encourager les
actes terroristes. Dans mes conversations avec des membres du gouvernement
italien, j’ai expliqué que notre démarche est semblable aux tentatives de
l’Italie pour empêcher l’entrée des réfugiés sur son territoire. Cependant,
à la différence des réfugiés qui viennent en Italie pour gagner leur vie,
dans notre cas cette immigration a pour conséquence une intensification de
la terreur.
Quelle est votre opinion sur le soutien de l’Europe aux Accords de
Genève ainsi qu’à d’autres initiatives politiques parallèles à l’action de
votre gouvernement ?
Ariel Sharon : Écoutez, Israël est une démocratie, on peut d’ailleurs même
dire qu’Israël est bien d’avantage qu’une démocratie. Il y a des opinions
qui divergent, mais il y a également un gouvernement qui a été élu avec une
large majorité et les prochaines élections ne sont que dans quatre ans. Pour
ma part, je pense que, lors des prochaines élections, le Likoud se verra à
nouveau confier la gestion du pays. Par le passé nous avons déjà eu affaire
aux Accords d’Oslo. Les Accords de Genève sont la même marchandise, simplement
sous un emballage différent. Les Accords d’Oslo ont été l’un des pires
désastres auxquels Israël ait jamais été confronté. Ils ont été la conséquence
d’un manque de responsabilité et de sérieux qui nous a conduits à une des
grèves les plus dures jamais vues, ils ont permis à des milliers de
terroristes et de meurtriers armés de pénétrer dans notre pays, par exemple
un certain lauréat du Prix Nobel de la Paix.
Nous avons déjà tiré les conséquences de cette erreur. Je pense que les Accords
de Genève ne font que retarder la solution, étant donné que les Palestiniens
sont porteurs de beaucoup d’espoirs et je ne pense pas qu’ils accordent une
grande confiance à ces accords. Cependant, à supposer qu’ils y croient,
pourquoi devraient-ils revenir sur des points qu’ils ont déjà acceptés ?
Peut-être pensent-ils pouvoir exiger et obtenir plus ? L’unique conséquence
de cette initiative sera de retarder encore la solution finale [1]. Il n’y a
rien de positif là dedans. De plus, nous avons affaire à des personnes que
nous avons déjà vues à l’œuvre par le passé et nous savons ce qu’elles nous
ont apportés.
Que pense Israël de la position européenne sur les capacités nucléaires de l’Iran ?
Ariel Sharon : On doit rester prudent. L’Europe a des intérêts économiques en Iran. Nous faisons des mises en garde et insistons pour que les inspections soient réelles. Le danger que constitue l’Iran en tant que pays qui jouit de capacités nucléaires changera le Moyen-Orient d’aujourd’hui. L’Iran est un pays où l’on appelle à la destruction de l’État d’Israël. Cette destruction est présentée comme l’objectif que l’Iran doit atteindre et l’on se doit dès lors de faire tout ce qui est possible pour empêcher que ce pays ne dispose de capacités nucléaires. Je ne dis pas cela parce que le danger est uniquement dirigé vers nous. L’Iran et ses armes nucléaires en font un pays islamique extrémiste, actif dans le domaine du terrorisme, au centre d’un terrorisme international et capable de faire usage de ses armes nucléaires. De ce fait nous devons prendre toutes les mesures pour que cela n’arrive pas. Je peux vous dire que, lors de ma visite à Rome, j’ai interpellé mon collègue Silvio Berlusconi, qui est actuellement à la tête de la présidence tournante de l’Union européenne, et j’ai insisté pour que l’Italie se penche tout particulièrement sur le désarmement nucléaire de l’Iran. Bientôt l’Italie se joindra à l’Agence internationale de l’énergie atomique. J’ai clairement dit que nous devions nous assurer que l’Iran signe et mette en application le traité qui existe. Elle doit lever le voile sur toutes ses activités nucléaires. J’ai également souligné que l’Iran devait mettre fin à l’enrichissement d’uranium. Je voudrais également rappeler que, jusqu’ici, l’Iran ne s’est pas conformé aux accords conclus relatifs aux inspections et que le Conseil de sécurité de l’ONU devrait prendre des mesures à cet effet. Seule l’ONU peut prendre des décisions et les appliquer. Dans le passé le Conseil de sécurité a réglé des situations moins graves que celle dans laquelle se trouve l’Iran aujourd’hui. L’appel que nous adressons à l’Europe est clair. Nous devons faire le lien entre les relations économiques de l’Iran et le développement nucléaire de ce pays. Nous devons mettre en question ces relations étant donné que l’Iran n’a pas été en mesure de se conformer aux règles. L’Iran et son armement nucléaire constituent un danger pour la paix et la stabilité du monde.
Source : « Ariel Sharon, Prime Minister of Israel », entretien original en anglais, et « Ariel Sharon, Premier ministre israélien », traduction partielle en français, EUpolitix.com, lundi 24 novembre 2003.
EUpolitix.com est un site d’information sur la politique de l’Union européenne.
Traduction complémentaire : Grégoire Seither / Réseau Voltaire.
[1] Citation originale en anglais : « This initiative can only result in delaying the final solution. »
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