A. Introduction
1. Le présent rapport est présenté en application de la résolution ES-10/13 que l’Assemblée générale a adoptée à la reprise de sa dixième session extraordinaire d’urgence, le 21 octobre 2003. Au paragraphe 1 de cette résolution, l’Assemblée a " exig[é] qu’Israël arrête la construction du mur dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et ses alentours, et revienne sur ce projet, qui s’écarte de la ligne d’armistice de 1949 et qui est contraire aux dispositions pertinentes du droit international ". Au paragraphe 3, elle a prié le Secrétaire général de rendre compte périodiquement de la façon dont la résolution est respectée, le premier rapport portant sur l’application du paragraphe 1.
2. Le rapport porte sur la période allant du 14 avril 2002, date à laquelle le Gouvernement israélien a initialement décidé de construire un système de clôtures, de murs, de fossés et de barrières en Cisjordanie (" la barrière " [1]), au 20 novembre 2003. Il s’appuie essentiellement sur les résultats des recherches effectuées par les bureaux des Nations Unies sur le terrain, qui sont accessibles au public. Les autres documents pertinents auxquels l’Organisation des Nations Unies avait accès, y compris ceux qui relèvent du domaine public, ont été exploités. Le Gouvernement israélien et l’Autorité palestinienne ont été consultés et invités à fournir les informations qu’ils jugeaient utiles. Ces informations sont reproduites en partie dans les annexes I et II.
B. Respect de la résolution ES-10/13
3. Aux termes du paragraphe 1 de la résolution ES-10/13, l’Assemblée générale des Nations Unies " exige qu’Israël arrête la construction du mur dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et ses alentours, et revienne sur ce projet, qui s’écarte de la ligne d’armistice de 1949 et qui est contraire aux dispositions pertinentes du droit international ". Israël ne s’est pas conformé à cette exigence. Il n’a pas arrêté les travaux en cours et n’est pas revenu sur le projet de construction de la barrière. Les informations suivantes recueillies à la suite des observations effectuées par l’Organisation des Nations Unies sur le terrain en témoignent :
– Les travaux de construction se poursuivent dans le territoire palestinien occupé, le long de la limite nord-est de la Cisjordanie et à l’est de Jérusalem ;
– Des terrains ont été nivelés pour l’aménagement d’une zone au nord-ouest de la Cisjordanie ;
– Des terrains sont régulièrement réquisitionnés ;
– La première carte officielle indiquant le tracé projeté pour la barrière a été publiée et il a été annoncé que les travaux correspondants devaient être achevés d’ici à 2005.
C. Tracé de la barrière
1. Contexte
4. Depuis 1996, le Gouvernement israélien examine des plans qui visent à enrayer les infiltrations en Israël à partir du centre et du nord de la Cisjordanie et un plan de ce type a été approuvé pour la première fois par le Conseil des ministres en juillet 2001. À la suite d’une forte augmentation du nombre des attentats terroristes perpétrés par des Palestiniens au printemps 2002, le Conseil des ministres a approuvé, le 14 avril 2002, la décision 64/B qui prévoyait la construction d’un tronçon de barrière de 80 kilomètres dans les trois secteurs de la Cisjordanie. Une structure administrative (l’Administration de la zone de séparation hermétique, dirigée par le Directeur général du Ministère israélien de la défense) a été mise en place pour appliquer cette décision.
5. Le 23 juin 2002, par sa décision 2077, le Conseil des ministres israélien a approuvé la première phase d’un projet de construction d’une barrière " continue " dans certaines parties de la Cisjordanie et de Jérusalem. Il était dit dans cette décision que la barrière " est une mesure de sécurité " et qu’" elle ne constitue pas une frontière politique ou autre ". Le tracé envisagé n’a pas été rendu public ; aux termes de la décision, " le tracé définitif de la clôture sera arrêté par le Premier Ministre et le Ministre de la défense ". Le 14 août 2002, le Conseil des ministres a approuvé le tracé définitif pour les travaux de la phase A qui prévoyait la construction d’un ouvrage d’une longueur de 123 kilomètres dans le nord de la Cisjordanie et de 19,5 kilomètres autour de Jérusalem, situé quasiment en totalité sur des terres occupées par Israël en 1967.
2. Tracé global
6. Le 1er octobre 2003, soit un an environ après le début des travaux sur plusieurs tronçons, le Conseil des ministres israélien a approuvé un tracé complet pour la barrière dans sa décision 883. D’après les documents du Ministère de la défense, le tracé prévu formera une ligne continue qui s’étendra sur une distance de 720 kilomètres le long de la Cisjordanie. Une carte indiquant les tronçons achevés et les tronçons planifiés a été affichée sur le site Web du Ministère de la défense le 23 octobre 2003, soit deux jours après l’adoption de la résolution ES-10/13 de l’Assemblée générale.
7. La barrière construite est située à proximité de la Ligne verte sur une grande partie du parcours - Jérusalem-Est n’étant pas comprise -, mais à l’intérieur du territoire palestinien. En certains endroits, elle s’écarte de la Ligne verte d’une distance de plus de 7,5 kilomètres pour intégrer des colonies, en encerclant des agglomérations palestiniennes. La partie de la barrière qui coïncide approximativement avec la Ligne verte est située à l’extrémité nord de la Cisjordanie. À l’ouest de Tulkarem, elle semble suivre un tracé situé du côté israélien de la Ligne verte sur une distance de 1 à 2 kilomètres. En certains endroits, le tracé projeté impliquerait un écart de 22 kilomètres par rapport à la Ligne verte si les travaux sont intégralement exécutés.
8. D’après le tracé indiqué sur la carte officielle, y compris les barrières avancées et Jérusalem-Est, environ 975 kilomètres carrés (soit 16,6 % de la superficie de la Cisjordanie) seront situés entre la barrière et la Ligne verte. Environ 237 000 Palestiniens vivent dans cette zone, 17 000 en Cisjordanie et 220 000 à Jérusalem- Est. Si la barrière est intégralement construite comme prévu, 160 000 autres Palestiniens vivront dans des enclaves, c’est-à-dire dans des zones où les agglomérations et les terrains sont presque totalement encerclés. Le tracé projeté incorpore près de 320 000 colons, dont 178 000 environ à Jérusalem-Est occupée.
3. Description de la barrière
9. D’après les documents du Ministère israélien de la défense et les observations effectuées sur le terrain, la barrière est constituée essentiellement des éléments suivants : une clôture équipée de détecteurs électroniques destinés à alerter les forces militaires israéliennes en cas de tentative d’infiltration ; un fossé (pouvant atteindre quatre mètres de profondeur) ; une route de patrouille asphaltée à deux voies ; une route de dépistage (bande de sable lisse permettant de détecter des empreintes de pieds) parallèle à la clôture ; six boudins de barbelés empilés qui marquent le périmètre des installations. L’ouvrage a une largeur de 50 à 70 mètres en moyenne, celle-ci pouvant atteindre 100 mètres à certains endroits.
10. Il est indiqué également, dans les documents du Ministère de la défense, que " divers systèmes d’observation sont installés le long de la clôture ". Il s’agit apparemment de caméras et de miradors disposés sur certains emplacements où la barrière est constituée de parois en béton. Un autre élément conjugué est prévu : des barrières dites " avancées ", c’est-à-dire des barrières secondaires qui forment une boucle à l’est de la barrière principale. Deux barrières avancées sont incluses dans le tracé prévu au centre de la Cisjordanie. Trois autres barrières du même type situées au nord de la Cisjordanie, qui apparaissaient sur certaines cartes officieuses, n’ont pas été érigées et ne sont pas incorporées sur la carte officielle qui a été publiée le 23 octobre.
11. Les murs en béton couvrent une distance de 8,5 kilomètres environ sur les quelque 180 kilomètres de barrière qui ont été construits ou sont en cours de construction. Ces parties de la barrière, que les Forces de défense israéliennes appellent " murs de protection contre les tirs ", sont généralement situées dans des lieux où les agglomérations palestiniennes sont contiguës à Israël, par exemple près des villes de Qalqiliya et de Tulkarem, et dans certaines parties de Jérusalem. Certains sont actuellement en cours de construction, tandis que d’autres ont été planifiés et construits en dehors du cadre du projet actuel, par exemple une portion du mur situé près de Qalqiliya, qui a été érigée en 1996 à l’occasion de la construction d’une route.
4. Phases du projet de construction : travaux achevés et travaux en cours
12. Phase A (à l’exclusion de Jérusalem-Est occupée). Les travaux réalisés sur ce premier tronçon de la barrière, qui s’étend sur 123 kilomètres à partir du poste de contrôle de Salem situé au nord de Djénine jusqu’à la colonie de peuplement d’Elkana située au centre de la Cisjordanie, ont été déclarés achevés le 31 juillet 2003, mais ils se poursuivent dans certains secteurs. La barrière édifiée dans le cadre de cette phase s’écarte de la Ligne verte sur une grande partie du parcours et incorpore des colonies israéliennes. Les bureaux des Nations Unies implantés sur le terrain ont calculé qu’elle avait enfermé quelque 56 000 Palestiniens dans des enclaves - zones encerclées ouvertes en direction de la Cisjordanie. On y recense environ 5 300 Palestiniens dans des " zones fermées " situées entre la barrière et la Ligne verte, où Israël exige des permis ou des cartes d’identité pour les Palestiniens qui résident dans ces zones ou souhaitent s’y rendre. Les enclaves englobent la ville de Qalqiliya (41 606 habitants) et, au sud de celle-ci, une agglomération de trois villages qui compte environ 7 300 habitants.
13. Phase B. Les plans établis pour cette phase prévoient un tronçon d’une longueur de 45 kilomètres à l’est du poste de contrôle de Salem le long de la partie septentrionale de la Ligne verte, en direction de la vallée du Jourdain, et les travaux devraient être achevés en décembre 2003. Ils n’incorporent pas de colonies et ne créent pas d’enclaves palestiniennes.
14. Jérusalem. La barrière existante et le tracé prévu autour de Jérusalem se trouvent au-delà de la Ligne verte et, dans certains cas, au-delà de la limite orientale de la municipalité de Jérusalem telle qu’elle a été annexée par Israël. Les deux tronçons achevés représentent au total 19,5 kilomètres sur le pourtour de Jérusalem et 1,5 kilomètre de mur en béton dans le quartier d’Abou Dis à Jérusalem-Est. Le tracé prévu comprend un tronçon à l’est de Jérusalem qui relie le mur actuel d’Abou Dis ; les travaux de nivellement du terrain ont débuté à son extrémité sud. Un deuxième tronçon traverse la banlieue d’Al-Ram, au nord de Jérusalem, qui sera coupée de Jérusalem, et rejoint le tronçon nord actuel de la barrière au poste de contrôle de Qalandia. Un troisième tronçon entourera cinq communautés palestiniennes au nord-ouest de Jérusalem, créant une enclave de 800 hectares comptant 14 500 habitants. Il manque encore un maillon dans l’itinéraire prévu à l’est de Jérusalem, près de la colonie de Maale Adumim.
5. Phases prévues du tracé
15. D’Elkana à Ofer Camp. Ce tronçon relie l’extrémité nord-ouest de la barrière de Jérusalem à la pointe sud des travaux de construction de la phase A, à Elkana. Il comprend deux " barrières avancées " qui créent à elles deux des enclaves couvrant environ 11 600 hectares et 72 000 Palestiniens répartis sur 24 communautés. Le tracé s’écarte d’une distance allant jusqu’à 22 kilomètres de la Ligne verte pour inclure plusieurs colonies importantes et environ 52 000 colons dans la " pointe d’Ariel ". La décision du Conseil des ministres No 883 du 1er octobre ne donne pas de précisions sur la nature de la barrière autour de cette zone, où le Gouvernement israélien disait vouloir construire des " fers à cheval " entourant les colonies mais séparés les uns des autres. Or, selon la carte officielle, le tracé prévu est sans interruption et englobe cet ensemble de colonies. 16. Cisjordanie méridionale. Selon la carte officielle, le tracé de la barrière dans la Cisjordanie méridionale s’étend sur 115 kilomètres, de la colonie de Har Gilo, près de Jérusalem, à la colonie de Carmel, près de la Ligne verte au sud-est d’Hébron. Il pénètre de plusieurs kilomètres à l’intérieur de la Cisjordanie pour englober le bloc de colonies de Gush Etzion et la colonie d’Efrat, créant des enclaves où résident près de 17 000 Palestiniens. Selon les documents du Ministère de la défense, les travaux de construction de ce tronçon, qui n’ont pas encore démarré, doivent en principe s’achever en 2005.
6. Processus de réquisition des terres pour la construction de la barrière
17. Les terres acquises pour l’édification de la barrière sont réquisitionnées en application d’ordonnances militaires, en Cisjordanie, ou par le Ministère de la défense, dans la municipalité de Jérusalem. Les ordonnances prennent généralement effet le jour où elles sont signées et sont valables même lorsqu’elles ne sont pas signifiées personnellement aux propriétaires des biens. La plupart de ces ordonnances sont valables jusqu’au 31 décembre 2005 et peuvent être renouvelées.
18. Les ordonnances sont parfois déposées sur le bien lui-même ou signifiées au conseil de village, mais pas aux propriétaires en personne. Ces derniers ont une à deux semaines à compter de la date de signature pour faire opposition devant le comité compétent. Ils peuvent également former un recours devant la Haute Cour d’Israël. Selon les Forces de défense israéliennes, plus de 400 oppositions en première instance et 15 recours devant la Haute Cour ont été formés au nom de familles ou de villages entiers.
7. La création de zones fermées
19. Le 2 octobre 2003, les Forces de défense israélienne ont édicté une série d’instruments juridiques (" les ordonnances ") concernant les terres de la partie nord-ouest de la Cisjordanie qui se trouvent entre la barrière et la Ligne verte (" zone fermée "). Ces ordonnances stipulent que " nul ne peut pénétrer la zone de jointure et nul ne peut y demeurer " et touchent 73 kilomètres carrés et environ 5 300 Palestiniens répartis sur 15 communautés.
20. Les ordonnances mettent en place un nouveau système régissant la situation en matière de résidence. Il faudra désormais un permis ou une carte d’identité délivrés par les Forces de défense israélienne pour que les résidents de la zone fermée puissent y demeurer et que d’autres aient le droit d’y accéder. Les citoyens israéliens, les résidents permanents en Israël et les personnes admises à immigrer en Israël en vertu de la loi du retour peuvent demeurer dans la zone fermée, s’y déplacer librement et en sortir sans avoir besoin d’un permis similaire.
21. À la date d’établissement du présent rapport, la plupart des résidents de la zone fermée avaient reçu des permis, mais ceux-ci n’étaient généralement valables que pour une période d’un, trois ou six mois. S’agissant des non-résidents qui veulent accéder à la zone fermée, il semble qu’une majorité de ceux qui doivent ou veulent accéder à la zone n’aient pas encore obtenu un permis.
22. Même pour les personnes en possession d’un permis ou d’une carte d’identité, l’entrée et la sortie de la zone fermée sont régies par l’horaire d’ouverture des portes d’accès, qui serait actuellement limité à 15 minutes trois fois par jour. Or, si les résidents ne peuvent accéder normalement à leurs champs, aux emplois et aux services, on peut craindre que les Palestiniens finissent par quitter cette zone. Il convient de noter à cet égard que, par le passé, Israël a confisqué des terres au motif qu’elles n’étaient pas suffisamment cultivées, en application d’ordonnances militaires ou par l’application en Cisjordanie de lois héritées de l’empire ottoman et de l’époque jordanienne.
D. Incidences humanitaires et socioéconomiques
23. Il semble que la barrière, s’agissant de ses tronçons tant achevés que prévus, va probablement accentuer la fragmentation de la Cisjordanie créée par le système du bouclage imposé après le déclenchement des hostilités en septembre/octobre 2000. La principale composante du système de bouclage est une série de portes de contrôle et de barrages qui entravent fortement la circulation des personnes et des biens palestiniens et causent un préjudice socioéconomique grave. Il ressort de récents rapports de la Banque mondiale et de l’ONU que la construction de la barrière a considérablement accru ces dégâts dans les communautés situées le long de son tracé, essentiellement à cause de la perte de terres, d’emplois et de marchés ou des grandes restrictions à l’accès à ces ressources. Selon le Bureau central de statistique palestinien, la barrière a, à ce jour, coupé 30 localités des services de santé, 22 des établissements scolaires, 8 des sources primaires d’eau et 3 du réseau électrique.
24. Les Palestiniens vivant dans les enclaves doivent faire face à certaines des conséquences les plus dures de la construction de la barrière et de son tracé. À titre d’exemple, la barrière contourne la ville de Qalqiliya, dont le seul point d’entrée et de sortie est contrôlé par un barrage militaire israélien. La ville est donc isolée de pratiquement toutes ses terres agricoles, tandis que les villages environnants sont séparés de leurs marchés et des services. Un hôpital des Nations Unies situé dans la ville a connu une baisse de fréquentations de 40 %. Plus au nord, la barrière crée actuellement une enclave autour de la ville de Nazlat Issa, dont les zones commerçantes ont été détruites, Israël ayant démoli au moins sept habitations et 125 boutiques.
25. Les tronçons achevés de la barrière ont eu de sérieuses répercussions sur l’agriculture dans ce qui est considéré comme le " grenier à blé " de la Cisjordanie. En 2000, les trois gouvernorats de Djénine, Tulkarm et Qalqiliya ont produit pour 220 millions de dollars des États-Unis de denrées agricoles, soit 45 % du total de la production agricole de la Cisjordanie. Les terres palestiniennes cultivées se trouvant sur le tracé de la barrière ont été réquisitionnées et les cultures détruites, et des dizaines de milliers d’arbres ont été déracinés. Les agriculteurs séparés de leurs terres, et souvent également de leurs sources d’approvisionnement en eau, doivent traverser la barrières par les portes contrôlées. Les habitants de nombreux villages ont perdu leur dernière récolte en raison des horaires irréguliers d’ouverture des portes et de l’arbitraire qui semble présider à l’octroi ou au refus du droit de passage. Selon une enquête récente du Programme alimentaire mondial, cette situation a aggravé l’insécurité alimentaire dans la région, qui compte 25 000 nouveaux bénéficiaires d’aide alimentaire par suite directe de la construction de la barrière.
26. Le tracé du tronçon de la barrière qui traverse Jérusalem limitera aussi fortement les déplacements et l’accès de dizaines de milliers de Palestiniens vivant en milieu urbain. Un mur en béton traversant le quartier d’Abou Dis a déjà eu des répercussions sur l’accès aux emplois et aux services sociaux essentiels, notamment aux écoles et aux hôpitaux. Le tronçon nord de la barrière a porté préjudice aux relations commerciales et sociales qui existent de longue date entre des dizaines de milliers de personnes, phénomène qui se renouvellera le long de la majeure partie du tracé traversant Jérusalem. Les résidences de certains détenteurs de carte d’identité de Jérusalem se trouvent à l’extérieur de la barrière, alors que celles de certains détenteurs de carte d’identité de la Cisjordanie se trouvent à l’intérieur. Il se pose donc le problème du statut futur en matière de résidence des Palestiniens dans Jérusalem-Est occupée au regard des lois israéliennes actuelles.
27. Si Israël persiste dans la construction de cette barrière, certaines de ces incidences économiques et humanitaires peuvent être limitées si Israël permet le déplacement normal, à travers une série de 41 portes, des Palestiniens vivant à l’est de la barrière qui doivent accéder à leurs champs, leurs emplois ou des services dans la " zone fermée " située à l’ouest. Bien que les horaires d’ouverture soient affichés, l’ouverture effective des portes n’est aucunement régulière. Qui plus est, cet accès ne saurait compenser les revenus perdus par suite de la destruction de biens, de terres et d’entreprises résultant de la construction de la barrière. Ceci pose le problème des violations des droits des Palestiniens à l’emploi, à la santé, à l’éducation et à un niveau de vie suffisant.
E. Observations
28. Compte tenu de la demande formulée par l’Assemblée générale dans sa résolution ES-10/13, je suis parvenu à la conclusion qu’Israël ne se conforme pas à la demande de l’Assemblée générale tendant à ce qu’il " arrête la construction du mur dans le territoire palestinien occupé ... et revienne sur ce projet ".
29. Israël a déclaré à plusieurs reprises que l’édification de la barrière est une mesure temporaire. Or, l’ampleur des travaux de construction et la superficie de terres de la Cisjordanie qui soit sont réquisitionnées pour sa construction soit se retrouveront entre la barrière et la Ligne verte constituent un sujet de grave préoccupation et comportent des conséquences pour l’avenir. En plein milieu du processus de la Feuille de route, à un moment où toutes les parties devraient faire, de bonne foi, des gestes propres à renforcer la confiance, l’édification de la barrière en Cisjordanie ne peut être considérée à cet égard que comme un acte profondément contraire au but recherché. Le fait que l’essentiel de cet édifice se trouve sur des terres palestiniennes occupées pourrait nuire aux négociations futures.
30. Je reconnais parfaitement le droit et le devoir qu’a Israël de protéger sa population contre les attaques terroristes. Toutefois, ce devoir ne doit pas être rempli d’une manière qui est contraire au droit international, qui pourrait porter préjudice aux perspectives de paix à long terme, en rendant plus difficile la création d’un État palestinien indépendant, viable et continu, ou qui accroît les souffrances du peuple palestinien.
31. Après tant d’années de sang versé, de bouleversements et de souffrances, il devrait être évident pour tous, y compris pour les parties, que seul un règlement juste, global et durable, fondé sur les résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité, peut assurer la sécurité tant aux Palestiniens qu’aux Israéliens. La solution de deux États - Israël et la Palestine vivant côte à côte dans la paix et la sécurité, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, comme le Conseil de sécurité l’a préconisé dans ses résolutions 1397 (2002) et 1515 (2003) - jouit d’un large soutien au sein de la communauté internationale. Ce soutien doit être mobilisé d’urgence pour aider les parties à parvenir à cette fin.
Annexe I : Résumé de la position légale du Gouvernement israélien
1. Une grande partie des informations figurant dans la présente annexe est tirée de documents communiqués à l’ONU par le Gouvernement israélien. Les autres informations proviennent de sources qui sont accessibles au public.
2. Nonobstant le fait que le Parlement israélien n’a pas incorporé le Règlement de La Haye dans sa législation interne, les autorités israéliennes se fondent toutefois sur l’article 23 g) de ce règlement, qui autorise à saisir des propriétés lorsque de telles saisies sont commandées par les nécessités de la guerre.
3. Bien qu’ayant ratifié la quatrième Convention de Genève, Israël n’en a pas incorporé les dispositions dans sa législation interne. Israël ne considère pas non plus que la Convention soit applicable au territoire palestinien occupé, dans la mesure où le territoire n’était pas reconnu comme souverain avant son annexion par la Jordanie et l’Égypte et où, en conséquence, il ne s’agit pas d’un territoire d’une Haute Partie contractante au regard de la Convention.
4. Israël conteste que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qu’il a signés l’un et l’autre, soient applicables au territoire palestiniens occupé. Il affirme que le droit humanitaire est le type de protection qui convient dans un conflit tel que celui qui existe en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, tandis que les instruments relatifs aux droits de l’homme ont pour objet d’assurer la protection des citoyens vis-à-vis de leur propre gouvernement en temps de paix.
5. En ce qui concerne la Feuille de route, le Gouvernement israélien déclare que ni la " Ligne verte " ni la ligne d’armistice n’ont été confirmées en tant que frontières internationales par les résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité, qui invitent les parties à négocier. Le statut légal du territoire palestinien occupé demeure contesté.
6. D’après la déclaration qu’il a faite devant l’Assemblée générale le 20 octobre 2003, le Gouvernement israélien considère que la construction du mur est conforme à l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, ainsi qu’à son droit inhérent de légitime défense et aux résolutions 1368 (2001) et 1373 (2001) du Conseil de sécurité. Les responsables israéliens affirment que, grâce au mur, le nombre des attaques commises sur le territoire d’Israël a diminué notablement. Selon le Ministère des affaires étrangères, entre le 1er avril 2002 et le 31 décembre 2002, 17 auteurs d’attentats-suicide à la bombe avaient pénétré en Israël depuis la Cisjordanie centrale et tué 89 Israéliens. Entre le 1er janvier 2003 et le 5 novembre 2003, après l’achèvement d’une partie du mur, 8 auteurs d’attentats-suicide à la bombe ont pénétré en Israël depuis la Cisjordanie centrale et tué 51 Israéliens.
7. Le Gouvernement israélien a affirmé que les réquisitions de terres édictées pour permettre la construction du mur sont proportionnelles, eu égard au nombre de morts et de blessés dénombrés parmi les citoyens israéliens et sont effectuées en conformité tant avec le droit international qu’avec la législation interne. 8. Le Gouvernement israélien fait valoir les arguments ci-après : la propriété des terres ne change pas de mains ; une indemnisation est octroyée en dédommagement de l’utilisation de la terre, de la production vivrière ou des dégâts causés à la terre ; les résidents peuvent s’adresser à la Cour suprême pour obtenir qu’il soit mis fin aux travaux de construction ou que des modifications y soient apportées et il n’y a pas de changement dans le statut de résident. Il ajoute que l’achèvement du mur permettra en fait aux Forces de défense israéliennes de réduire leur présence en Cisjordanie et de supprimer les barrages routiers et les points de contrôle, améliorant de la sorte la situation humanitaire générale en Cisjordanie.
9. Le Ministère des affaires étrangères a souligné que le processus de délivrance de permis d’accès à la zone interdite venait seulement d’être entamé et qu’Israël était résolu à faire en sorte que les résidents et les usagers de la zone puissent y vivre et l’utiliser avec le minimum d’ingérence.
10. En ce qui concerne l’accès à la zone interdite par les non-résidents, le Ministère des affaires étrangères a fait savoir que les permis, à l’inverse des cartes d’identité, seront délivrés en fonction des besoins, c’est-à-dire que l’activité de l’individu concerné aura une incidence sur la nature du permis. Par exemple, un enseignant bénéficierait d’un permis portant sur toute la durée d’une année scolaire, tandis qu’un cultivateur d’olives se verrait octroyer un permis qui serait fonction des besoins saisonniers et qu’un agent de soins de santé pourrait bénéficier d’un permis en toutes occasions. Il serait préférable de pouvoir établir la preuve légale de propriété ou de résidence, mais il ne sera pas nécessaire de fournir une documentation officielle établissant la propriété. Les personnes désireuses de rendre visite à des amis ou à des membres de leur famille seraient autorisées à le faire sous réserve de la situation sécuritaire.
Annexe II : Résumé de la position légale de l’Organisation de libération de la Palestine
1. L’opinion légale de l’Organisation de libération de la Palestine demandée aux fins du présent rapport se réfère à un certain nombre de dispositions et de principes du droit international comme ayant une incidence sur la question de la légalité de la construction du mur à l’intérieur du territoire palestinien occupé :
o Israël a le droit de prendre certaines mesures de portée limitée en cas de stricte nécessité militaire et de protéger ses intérêts sécuritaires légitimes. Toutefois, ces mesures doivent être prises conformément aux droits de l’homme internationaux et au droit humanitaire international ;
o La construction du mur à l’intérieur du territoire palestinien occupé et les mesures connexes prises par le Gouvernement israélien constituent des violations du droit humanitaire international du fait que ces mesures ne sont pas justifiées par des impératifs militaires et qu’elles transgressent le principe de proportionnalité. Ces mesures ont eu notamment les effets préjudiciables ci-après :
– Nombreuses destructions de logements palestiniens et d’autres biens et appropriation de biens non justifiée par des impératifs militaires, contrairement aux dispositions de la quatrième Convention de Genève ;
– - Atteintes à la liberté de mouvement contraires au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et en violation des obligations contractées par le Gouvernement israélien en vertu de la quatrième Convention de Genève ;
– - Atteintes au droit à l’éducation, au travail, à un niveau de vie adéquat et aux soins de santé, en transgression de la Convention relative aux droits de l’enfant et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et en violation des obligations contractées par le Gouvernement israélien en vertu de la quatrième Convention de Genève ;
– - Violations de l’interdiction d’ingérence arbitraire dans le domicile en transgression du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et de la liberté pour chacun de choisir son lieu de résidence, en transgression du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et en violation des protections octroyées par la quatrième Convention de Genève, par suite du système de délivrance de permis instauré dans la zone interdite.
2. Cette violation des droits des Palestiniens, et notamment le fait de faciliter l’entrée de civils israéliens dans la zone interdite et leur résidence à l’intérieur de la zone tout en imposant des restrictions à l’accès des Palestiniens à cette zone et à leur résidence à l’intérieur de la zone, produit des effets préjudiciables à long terme et permanents, y compris le transfert de Palestiniens, en transgression de la quatrième Convention de Genève et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
– Du fait que ces mesures prises par Israël ne sont ni nécessaires ni proportionnelles, elles engagent la responsabilité pénale du Gouvernement israélien pour cause de violations des droits de l’homme et de certaines infractions graves prima facie à la quatrième Convention de Genève.
– Afin de satisfaire à la condition de proportionnalité, le mieux serait en fait de construire le mur en territoire israélien ou même sur la Ligne verte ainsi que d’évacuer les civils israéliens qui, en transgression du droit international, résident actuellement en Cisjordanie occupée.
– La construction du mur est une tentative d’annexion du territoire qui constitue une transgression du droit international.
– L’annexion de facto de terres constitue une atteinte à la souveraineté territoriale et en conséquence aux droits des Palestiniens à l’autodétermination.
ONU : A/ES-10/248
[1] Ce système est fréquemment appelé " mur de séparation " par les Palestiniens et les Israéliens emploient le terme " clôture de sécurité ". Le terme plus général " barrière " a été retenu aux fins du présent rapport.
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