Le président états-unien a ratifié, vendredi 12 décembre 2003, les dispositions législatives prévues par le Syria Accountability Act. Elles autorisent la mise en place d’un régime de sanctions économiques et diplomatiques contre la Syrie. Ce texte, auparavant refusé par la Maison-Blanche, n’a finalement été approuvé que lorsqu’il a été prévu d’autoriser le Président états-unien à décider seul des modalités de son application.
L’émissaire syrien à Washington, Imad Moustapha, avait déclaré à ce propos, en novembre 2003, que le texte était « vraiment mauvais - mauvais pour la Syrie, mauvais pour la paix au Proche-Orient et (…) mauvais pour les relations américano-syriennes et pour les relations entre les États-Unis et le monde arabe en général ».
La signature de la loi par George W. Bush a suscité de violentes réactions au Liban, qui l’a qualifiée « d’atteinte flagrante » à la souveraineté du Liban et de la Syrie.
Selon le Premier ministre libanais, Rafic Hariri, « Cette loi complique la situation dans la région et paralyse toute possibilité de réelle progression pour le règlement du conflit israélo-arabe et la réalisation d’une paix globale et définitive (...) Les États-Unis auraient mieux fait d’intensifier le dialogue avec la Syrie pour parvenir à une solution à toutes les questions en suspens. Le dialogue est le seul moyen de régler tous les problèmes, tout aussi compliqués qu’ils soient ».
Le ministre des Affaires étrangères libanais, Jean Obeid, a pour sa part indiqué que « la déception seule ne suffit pas pour exprimer le désespoir des Arabes, de l’Europe et du monde face à la reculade du président américain devant cette clique acquise au sionisme au sein du Congrès américain, qui a poussé le président à se soumettre à ces pressions concernant le Syria Accountability Act et la soumission face à Israël ». Pour le ministre libanais, l’approbation présidentielle survient « au moment où d’autres projets de loi se préparent au Congrès concernant le Saudi Accountability Act ou l’implantation des Palestiniens au Liban et dans les pays arabes »
A Damas, les réactions des responsables et de diplomates voient surtout dans le texte une tentative de réduire l’influence syrienne au Proche-Orient. Pour Mahdi Dakhlallah, le rédacteur en chef du journal du parti au pouvoir, al-Baas, il s’agit d’« une tentative de modifier les positions de la Syrie » sur le conflit israélo-arabe et l’Irak.
Le président syrien, Bashar al-Assad, a tenu à désamorcer lui-même la crise qui menace les relations entre la Syrie et les États-Unis. Dans une interview publiée dimanche 14 décembre par le journal grec Kathimérini, il a souligné que son pays « ne considère pas les États-Unis comme son ennemi malgré les nombreux différends ». « Nous sommes contre l’occupation de l’Irak, contre les actions des forces américaines en Irak, contre la violation des droits de l’homme (...) et bien sûr contre beaucoup d’autres aspects de la politique américaine dans la région, particulièrement en ce qui concerne l’attitude partiale des États-Unis en faveur d’Israël, mais nous ne considérons pas les États-Unis comme un ennemi de notre pays », a-t-il ajouté.
La Ligue arabe a exprimé, dimanche 14, son « extrême inquiétude » devant les sanctions états-uniennes imposées à Damas et a appelé Washington à abandonner son « alignement » sur Israël. « Il est nécessaire que les États-Unis retournent au rôle d’intermédiaire honnête au Proche-Orient (...) et s’écartent de leur alignement sur Israël », a indiqué le porte-parole de la Ligue Hossam Zaki. La politique états-unienne partiale à Israël « provoque les peuples arabes et musulmans et crée un climat de tension, de colère et de frustration », a-t-il affirmé. Dans une première réaction officielle, l’agence de presse syrienne Sana a accusé samedi « les partisans d’Israël au Congrès américain » d’avoir déployé des « efforts actifs » pour l’adoption de cette loi.
Le président égyptien Hosni Moubarak a minimisé la décision de la Maison-Blanche, se déclarant convaincu que le président américain George W. Bush ne les appliquerait pas, comme il en a le droit : « Je ne crois pas qu’il y a lieu de l’utiliser, car la Syrie veut négocier et s’asseoir à la table des négociations pour régler le problème de ses territoires » du Golan, occupés et annexés en 1967 par Israël, a-t-il ajouté. M. Moubarak a indiqué avoir informé M. Bush que « le président syrien Bachar el-Assad (était) prêt à négocier pour régler les problèmes liés à son territoire, car personne ne veut créer des problèmes à son peuple ».

[CONTEXTE] Le rôle de la Syrie au Proche-Orient fait l’objet de débats au sein des pays occidentaux. Tandis que les États-Unis semblent s’aligner sur la position israélienne, qui fait de Damas une menace pour la région, le Royaume-Uni s’est montré plus ouvert au dialogue la semaine passée. Et trois jours avant la signature de la loi états-unienne, la Syrie a achevé d’importantes négociations avec l’Union européenne et conclu un accord d’association.

Source
L&8217;Orient Le Jour (Liban)
Syria Times (Syrie)

« Bush signs law authorizing Syria sanctions », Syria Times, 14 décembre 2003. « Bush augmente la pression sur Damas en signant le « Syria Accountability Act » », L’Orient Le Jour, 15 décembre 2003. « Les sanctions US tendent à réduire l’influence syrienne dans la région », L’Orient Le Jour, 15 décembre 2003.