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6 juin 1944. Les soldats Nord-américains débarquent en France pour faire tomber le fascisme. 6 juin 2004, sur les plages Normandes, les chefs d’Etats des puissances mondiales fêtent les 60 ans de l’événement, show médiatique pour ne pas oublier ce jour historique, sans doute le seul où réellement les Etats-Unis sont intervenus pour défendre la démocratie. Au même moment, outre-atlantique, dans un continent et un pays où ces mêmes “nord-américains” ont un passé moins glorieux, c’est une véritable marée humaine qui inonde les principales avenues de la capitale vénézuélienne, Caracas.
Des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes sont venues de tous le pays pour affirmer leur soutien au président Hugo Chávez et prouver la volonté nationale de préserver la démocratie.
Ce jour, lui aussi historique vu l’ampleur et le motif de la manifestation, lance la campagne électorale qui se terminera dans un peu plus de deux mois, le 15 août, par la bataille finale du référendum révocatoire au mandat du président. Pour les partisans au maintien du chef de l’Etat, cette campagne sera semblable a celle de Santa Inès, mené par le général Zamora qui se termina le 10 décembre 1859 par la victoire des fédéraux sur l’oligarchie. La “mission Florentino”, dont le nom provient de la légende écrite par le poète Alberto Arvelo Torrealba et qui raconte comment le jeune Florentino releva le défi que lui lança le diable, sera l’axe principale a partir duquel sera mené cette nouvelle et sans doute très difficile bataille de Santa Inès. La difficulté venant moins de la lutte pour gagner le référendum que celle à mener contre les différentes stratégies “diaboliques” de l’opposition. En effet, depuis l’accession au pouvoir de Chávez, la coordination d’opposition cherche par tous les moyens à faire tomber le mandataire, légitimement et démocratiquement élu avec près de 60% des suffrages.
Manipulation et fraude électorale
L’une des innovations les plus intéressantes de la Constitution adoptée en 1999 et qui concrétise le caractère participatif et protagoniste (et non plus représentatif) de la démocratie vénézuélienne se trouve dans l’article 72 de cette constitution : "Toutes les charges et magistratures issues d’une élection populaire sont révocables. Passée la moitié de la période à laquelle a été élu le ou la mandataire, un nombre qui ne peut être inférieur à vingt pour cent des électeurs ou électrices inscrit(e) s dans la circonscription correspondante pourra solliciter la convocation d’un référendum pour révoquer son mandat. Quand le nombre d’électeurs ou d’électrices, égal ou supérieur, à vingt cinq pour cent des électeurs ou électrices inscrit(e) s aura voté la révocation, on considère le mandant révoqué. On procédera immédiatement à couvrir la vacance du poste conformément aux dispositions de la présente Constitution et de la loi. (...) Durant la période de son mandat, le ou la fonctionnaire ne peut subir plus d’une sollicitation de révocation de son mandat."
Après l’échec d’un coup d’Etat et d’un lock-out pétrolier qu’ils ont provoqué pour renverser le président par des voies extraconstitutionnelles, les secteurs de la majorité d’opposition ont concentré tous leurs efforts pour obtenir, coûte que coûte, la réalisation d’un référendum révocatoire présidentiel. Ceux qui hier refusait de reconnaître cet outil démocratique s’y réfèrent aujourd’hui.
Et pour la conquête de cet objectif, difficile à atteindre vu la popularité croissante du président Chávez et de sa politique en faveur des masses défavorisés, ces secteurs n’ont pas hésité à dépasser le seuil qui sépare le légal de l’illégal. Appuyé massivement par les principaux médias privés de communication, ils ont réussi a créer un climat de confusion dans l’opinion publique nationale et internationale afin de décrédibiliser le gouvernement en place et légitimer leurs actes frauduleux. Cartes d’identités falsifiées, signatures de mineurs, étrangers et personnes décédées, pression patronale et manipulation de signatures ont marqué le long processus qui a fini par la convocation du référendum.
Pour les observateurs internationaux Jimmy Carter, ex-président des Etats-Unis et César Gaviria, secrétaire général de l’OEA, ancien président colombien accusé de pencher en faveur de l’opposition, ces "quelques irrégularités" ne permettent pas de parler réellement de fraude "massive et généralisée". Pourtant, si l’on s’intéresse au constat fait par 52 intellectuels, parlementaires, dirigeants sociaux, journalistes et autres provenant de 35 pays du monde entier qui ont parcouru le Vénézuéla avec l’objectif d’observer la campagne de signatures, qui s’est déroulée entre le 28 novembre et le 1er décembre 2003, on se demande quels sont les critères utilisée par le Centre Carter et l’OEA pour définir la fraude électorale. Le constat du groupe d’observateurs internationaux est le suivant :
"Dans la quasi-totalité des centres de collecte observés, nous constatons l’existence de documents parallèles et non officiels à ceux établis par le Conseil National Electoral. Nous avons observé l’existence d’un système informatique de traitement de données parallèles dans des lieux privés et publics proches des centres de collecte qui pourraient supplanter le rôle de la Commission nationale électorale. Dans tous les centres de collecte visités, nous avons reçu les témoignages de personnes qui ont été l’objet de diverses formes de menaces et de pressions afin de signer, par exemple : perte d’emploi ; exclusion des traitement hospitaliers ; pressions patronales pour exiger la signature en tant qu’obligation de la part des travailleurs, et, parfois, des signatures d’une même personne dans différents centres. Si ces éléments sont confirmés, ils constitueront une source de doute importante sur le libre caractère de la signature.
Nous avons pu observer avec étonnement que les lieux autorisés par le Conseil national électoral où devaient s’installer les centres de collecte des signatures ont été déplacés sans demander l’autorisation nécessaire aux instances électorales compétentes." [1]
Fin mai 2004, lors de la vérification des signatures frauduleuses (143 930) et celles de calligraphie similaire, c’est-à-dire rempli par une même personne (876 017 !), plusieurs autres observateurs internationaux ont fait remarqué des problèmes similaires, confirmé par le CNE, qui validera cependant l’obtention par l’opposition du nombre de signatures nécessaire à la convocation du référendum révocatoire.
Le soutien financier
Pour mettre en place et réaliser ces fraudes électorales, accompagné d’amnésie médiatique, la coordination d’opposition profite d’appui internationaux, principalement des Etats-Unis, expert en matière de manipulation comme les dernières élections présidentielles l’ont prouvé. Leur important soutien financier permet de mettre en place et fortifier ce "plan de déstabilisation". En effet, via le National Endowment for Democracy (NED), l’administration américaine finance différentes organisations d’opposition. L’une d’elles est l’entreprise privée Súmate (rejoins-nous) qui, en coopération avec diverses entreprises, fit pression sur des milliers d’employés pour qu’ils signent contre Chávez le Firmazo -une collecte de signatures- organisé le 2 février 2003, illégitimement car tenu six mois et dix-huit jours avant le mi-mandat.
Súmate distribua aux abords des centres de recueil de signatures des cartes confirmant que les gens avaient signé contre Chávez, tandis que les sociétés exigeaient de leurs employés qu’ils produisent leur carte pour pouvoir garder leur emploi. Súmate, a reçu 53.000 dollars pour l’"Éducation électorale" pendant la période de septembre 2003 à septembre 2004. Les fonds ont été attribués à Súmate, conformément à la subvention du NED, pour "former des citoyens au processus électoral dans tout le Venezuela et promouvoir leur participation à un référendum révocatoire".
D’autres "amis Nord-américains" financent également la coordination d’opposition. Le American Center for International Labor Solidarity, Centre américain pour la Solidarité internationale des Travailleurs, a fait don de plusieurs centaines de milliers de dollars à la Confederación de Trabajadores de Venezuela, Confédération des Travailleurs du Venezuela (CTV), le syndicat corrompu et pro-patronat qui a participé au coup d’Etat contre le Président Chávez et plus tard a co-dirigé avec la chambre de commerce nationale Fedecámaras le lock-out dévastateur de 64 jours, de décembre 2002 à février 2003, qui a fait perdre au pays 10 milliards de dollars.
Le Center for International Private Enterprise, Centre pour l’Entreprise privée internationale, qui a reçu plus de 200.000 dollars US l’année dernière pour ses activités au Venezuela, et le International Republican Institute, Institut républicain international, qui a perçu presque 300.000 dollars US pour son travail pendant les deux dernières années au Venezuela, ont investi leur aide financière dans le soutien à Fedecámaras, le syndicat patronal radical à la tête du mouvement d’opposition, et dans le développement et le renforcement des partis politiques pour s’opposer avec succès à Chávez lors des élections futures [2]
"L’ennemi principal à vaincre par la force bolivarienne dans cette campagne de Santa Inès, ce ne sont pas vraiment les partis d’opposition, l’ennemi a vaincre réellement c’est la fraude".
Organisation populaire et unité furent les directives proposées par le chef de l’Etat ce dimanche 6 juin pour combattre la manipulation, plus que probable, préparé par la coordination d’opposition. Hugo Chávez, rappellera également que dans cette campagne, il y a deux projets : "le notre, celui des droits, de l’éducation, de la santé et du travail et celui de Washington (...) qui consiste a supprimer les mission, supprimer « Barrio adentro » et ainsi exclure 14 millions de personnes de l’accès a la médecine et privatiser ainsi la santé (...). Mais surtout ils veulent s’approprier le pétrole. Le pétrole du vénézuéla est pour les vénézuéliens et pour toujours".
Cette volonté de l’opposition et de leurs alliés américains de reprendre le contrôle de l’industrie pétrolière est une réalité omniprésente, le lock-out de décembre 2002 et la situation irakienne actuelle le prouve. La convocation du référendum n’est rien d’autre que le "masque légal" utilisé pour arriver au pouvoir et "virer" Chávez. Mais, leur victoire est plus que compromise et l’opposition le sait, réunir 2,6 millions de signatures fut une tâche difficile mais obtenir les 3,7 millions de votes nécessaires pour révoquer Chávez sera beaucoup plus ardue. C’est pourquoi il faut s’attendre à ce qu’elle cherche a poursuivre ses manipulations électorales et créer un climat d’affrontement et de violence urbaine dont l’objectif médiatique, comme en février 2004 avec la fameuse "guarimba" sera de rendre coupable le gouvernement et permettre ainsi une intervention étrangère.
[1] Ataulfo Riera. Venezuela : L’opposition accusée de fraude 7 décembre 2003. http://risal.collectifs.net
[2] Eva Golinger Moncada.Du financement de l’opposition vénézuélienne par les Etats-Unis.17 février 2004, http://risal.collectifs.net/.
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