Fin de visite dans un barrio (banlieue pauvre) de Caracas, un jeune vénézuélien est apparu subitement à la porte de notre autobus :
« Je ne suis qu’un habitant de ce barrio, mais je voulais vous dire que ce que vous devez retenir et faire savoir de retour dans vos pays, c’est qu’au Venezuela un homme s’est levé et nous a dit à tous, chacun de vous est important. Ton pays est important et autonome, il mérite le respect, travaillons tous ensemble dans l’espoir et la joie. »
Nous avons applaudi, émus, conscients de notre responsabilité et des difficultés de transmettre ce message pourtant si simple à un monde cynique devenu méfiant envers toute idéologie de justice et équité.
La IIème Rencontre mondiale de solidarité avec la révolution bolivarienne s’est déroulée à Caracas, du 13 au 15 avril 2004, dates anniversaires du coup d’état de 2002 contre le Président démocratiquement élu Hugo Chavez et de son retour triomphal au pouvoir.
Latino-américains, Américains du nord, Européens, Africains, Asiatiques, nous sommes 150 délégués de tous âges à porter notre solidarité à ce mouvement bolivarien que nous soutenons déjà dans nos pays respectifs.
Simon Bolivar, né à Caracas, Libertador des Amériques a également été un penseur et visionnaire. Déjà, en son temps, il pressentait le danger que représentait le puissant voisin du Nord pour les jeunes nations latino-américaine ; les Etats Unis ont d’ailleurs tardé à reconnaître l’indépendance de ces pays, bien après l’Espagne elle-même...
Pour Simon Bolivar : « le meilleur système de gouvernement est celui qui produit la plus grande somme de bonheur possible ». Et Bolivar avait compris que pour l’Amérique Latine cette recherche du bonheur devait commencer par la conquête d’une réelle indépendance et passer par la justice sociale.
Deux siècles plus tard, un homme a repris cette révolution inachevée et il dérange tout autant son puissant voisin.
- Pourquoi les « escuálidos » [1]n’aiment-ils pas Chavez ? me demande une adolescente venezuelienne du barrio de Caricuao.
Comment peut-elle en effet comprendre qu’un gouvernement qui lui a donné la possibilité d’étudier, la gratuité des services de santé, l’espoir et la dignité engendre tant de haine ?
En fait, l’oligarchie ne peut supporter qu’un métis ait réveiller le “peuple invisible”.. Il lui est insupportable que la politique ne soit plus l’instrument du pouvoir économique, qu’elle soit revenue à sa véritable essence “pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peupe”.
Alliée aux Etats Unis, qui eux sont outrés de voir disparaître ainsi un de leurs prè carré et indignés de ne plus avoir sous leurs ordres le gouvernement de son troisième fournisseur de pétrole, l’oligarchie a réalisé un coup d’état en avril 2002 et une grève patronale en décembre de la même année ; pour retrouver son pouvoir et ses privilèges elle a donc bafoué la démocratie et risqué de ruiner son pays.
Ironiquement, chaque coup fourré renforce la position de Hugo Chavez.
Le coup d’état ? Hugo Chavez revient au pouvoir porté par son peuple.
La grève pétrolière ? Elle a permis au gouvernement de prendre le contrôle de l’entreprise pétrolière qui était devenue un état dans l’état dont les bénéfices restaient dans la propre entreprise et enrichissaient quelques 200 cadres privilégiés.
Hugo Chavez n’accepte pas le schéma capitaliste sauvage et libéral qui a permis à une minorité de concentrer les ressources, les capitaux et les facteurs de production. Il veut démocratiser l‘économie pour transformer le modèle socio-économique et élever ainsi le niveau de cette population dont 80 pour cent sont en dessous du niveau de pauvreté.
Il doit affronter au jour le jour des partisans de 1’« ancien régime » qui s’accommodaient pleinement de ces inégalité dont ils tiraient profit. Ceux-ci, maîtres et seigneurs de presque la totalité des moyens de communication nationaux (chaînes de télévision, principaux journaux) font régner un terrorisme médiatique basé sur le mensonge, la calomnie, le mépris de la vérité, l’agressivité et le racisme le plus grossier. Malheureusement, ils intoxiquent également l’espace médiatique international.
C’est là où les cercles bolivariens internationaux peuvent principalement agir. Expliquer cette « belle révolution », ces nombreux succès et acquis et aussi ses difficultés, témoigner de la démocratie qui y règne, enfin faire éclater la vérité.
Certains, comme ce jeune espagnol enthousiaste dont les grands-parents ont sauvé leur vie en se réfugiant au Venezuela il y a quelques décennies, expriment leur reconnaissance en se disant même prêts à lutter avec les armes pour défendre ce processus, d’autres y voient la cristallisation de leurs idéaux. Pour ma part, française ayant vécu plus de 30 ans en Amérique Latine, je ne peux rester indifférente à un mouvement qui arrête la spirale de la pauvreté et l’ignorance.
Visite à Caricuao - Quelques acquis de la révolution
Les délégués ont participé à des visites guidées dans plusieurs barrios. Nous avons été reçus dans le barrio de Caricuao comme des alliés et amis. Les habitants enthousiastes étaient désireux de nous montrer les acquis de la révolution tout autant que leur participation active à ce processus et de nous témoigner leur reconnaissance pour notre soutien.
MERCAL Marchés solidaires locaux des produits de base, directement du producteur, à des prix préférentiels. Certains habitants nécessiteux ont droit à des bons d’achat.
Outre l’intérêt évident de ces marchés pour le pouvoir d’achat des plus démunis, ces réseaux indépendants éviteraient à la population des barrios la pénurie qu’ils ont du subir lors de la grève patronale de décembre 2002, dans le cas d’une nouvelle offensive de l’opposition.
DISPENSAIRES ouverts jour et nuit, pour soins et médicaments gratuits. Mais voilà, ces médecins et médicaments sont cubains, ce qui est utilisé par l’opposition pour diaboliser cette initiative.
Peut-on reprocher à Chavez de prendre le meilleur de la révolution cubaine ?
L’opposition a beau prétendre que ces jeunes cubains enlèvent le travail aux médecins venezueliens, personne n’ignore que les diplômés nationaux qui jusquà présent étaient en grande partie issus des classes
les plus favorisés ne se rendaient jamais dans ces banlieux et que les prix des consultations étaient prohibitifs.
EDUCATION POUR TOUS Avec possibilités de bourses d’études Avec les missions Robinson, Sucre et Ribas, il est maintenant possible à tous d’être alphabétisés et même d’accéder à des diplômes supérieurs.
Nous avons visité une petite école où le soir des volontaires viennent alphabétiser les habitans de tout âge ; nous avons été émus par cette vieille dame de 70 ans qui vient d’apprendre à lire et nous montre son diplôme d’alphabétisation.
ECOLE BOLIVARIENNE Où les enfants sont pris en charge du matin au soir, avec repas et livres gratuits et non à mi-temps comme auparavant. On tient à nous faire savoir que les enfants des escualidos sont aussi bien reçus que les autres. Et oui, il y a des opposants même dans ces bairros pauvres ! Snobisme ou attachement à d’anciens partis dits de gauche mais qui une fois au pouvoir n’avaient pas tardé à accepter le statu quo existant [2] ?
CULTURE pour tous Visite de la télévision communautaire de Caricuao. Locaux simples mais équipement et création de qualité, selon ce que nous avons pu apprécier au visionnage du film sur Simon Rodriguez, le précepteur de Bolivar qui lui apprendra a aimer la liberté et la justice.
DEMOCRATIE PARTICIPATIVE C’est là une des principales caractéristiques de ce processus révolutionnaire et n’en doutons pas une des raisons de la terreur qu’il inspire aux anciens maîtres de l’économie et du pouvoir politique. Les habitants se réunissent, discutent, prennent des initiatives, n’hésitent pas à se plaindre et même à s’adresser directement au chef de l’état pour lui faire part de leurs doléances.
En fin de journée, un “jugement des medias”a eu lieu sur la place de Caricuao. Devant délégués internationaux et habitants du barrio, deux procureurs improvisés -l’un Membre du Conseil supérieur de l’Université Simon Bolivar de Caracas, l’autre vétérinaire- ont égrené les principaux mensonges et calomnies propagés par les medias.
Il serait impensable que de pareilles pratiques soient tolérées en France ou dans tout autre pays démocratique ; cela va de l’accusation grotesque que Chavez est l’amant de Castro (sic), qu’il lui donne gratuitement du pétrole -lorsque la fourniture du pétrole est régie par un même contrat pour les pays des Caraibes- jusqu’à l’incitation la plus grossière à la désobeissance civile, voire le magnicide.
Après la condamnation sans appel, au milieu des hués, des moyens de communication, c’est la fête pour tous ! Danses folkoriques des enfants du barrio sur la tribune puis salsa. Nous devons nous échapper pour rejoindre notre autobus avec le rythme de la musique dans nos têtes et nos coeurs.
Cette Rencontre a été également l’occasion de participer à des forums et séminaires avec des intervenants vénézuéliens et internationaux de premier choix sur des thèmes d’actualité. Malheureusement le temps était trop court et, à moins d’avoir le don d’ubiquité et l’énergie infatigable de Hugo Chavez, il était impossible de participer à tous.
Nous avons eu droit à toutes les attentions du Président que nous avons rencontré deux fois. Comment ne pas être séduite, enthousiasmée par un tel homme politique, qui d’ailleurs se défend d’en être un, se disant seulement l’élu de son peuple.
Démagogie ? Non, Chavez dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit. Son programme hebdomadaire du dimanche, transmis par la télévision d’état, il le vit comme une rencontre avec le peuple qui l’a élu et à qui il dit devoir rendre des comptes.
Ses discours, hauts en couleur, sont inacceptables pour ceux de ses opposants soumis à Washington et heurtent également le snobisme d’une partie de la classe moyenne.
Pourtant, Chavez ne transmet aucune hargne ni rancune.. Contrairement à l’opposition qui semble avoir la haine chevillée au corps « qu’il s’en aille ! qu’il s’en aille ! » est à peu près le seul argument que l’on obtient d’un escualido pour expliquer son opposition.
Chavez a un ton bon enfant, moqueur, ironique et beaucoup d’humour. Il semble toujours étonné de tant d’incohérence et mauvaise foi et adore intercaler des digressions didactiques qui lui permettent de contribuer à la culture de tous. Remerciant la déléguée colombienne, il informe que c’est Francisco de Miranda qui a donné le nom de Colombia à son pays et ne résiste pas à nous raconter la vie passionnante de ce vénézuélien apprécié de Napoléon et Catherine de Russie.
Comment ne pas rire aux éclats lorsqu’il décrit les golpistes comme des « possédés », lorsque tout en annulant la constitution et destituant les élus, ils criaient en chœur « démocratie, démocratie ».!!
Comment ne pas reconnaître notre propre inquiétude lorsqu’il s’étonne que les sommets des grands de ce monde doivent chaque fois être plus isolés et protégés du peuple dont ils disent faire le bonheur, dans la démocratie mondialiste ??
Les chiffres sont là pour témoigner qu’en cinq ans de gouvernement, Hugo Chavez a fait plus dans les secteurs de santé, éducation, culture, aide aux logements que tous les autres gouvernements et qu’il a repris le contrôle de l’industrie pétrolière au bénéfice du pays. L’économie reprend malgré le préjudice des grèves de 2002. Prévision de plus de 8% pour cette année ¡ !
Si l’opposition des nantis de l’« ancien régime » semble ne pas lacher prise, le matraquage incessant des medias et la bassesse de leurs attaques commencent à créer une certaine lassitude parmi les escualidos de la classe moyenne qui passent peu à peu de “escualidos" à “ninis” -ni contre ni pour.
Fin de cette rencontre, si courte mais si dense, mon filleul vénézuélien me dit : « Eh marraine, nous, Chavez, on ne l’aurait pas mieux inventé ... » Je lui réponds : « Non, on n’ aurait jamais osé aller si loin, car un homme ainsi cela ne semblerait pas possible... »
Et pourtant... Hugo Chavez : simplement un homme honnête, intelligent, sincère et courageux, qui s’est donné tout entier à son travail de Président afin d’amener son pays à conquérir enfin son indépendance et avoir la plus grande somme de bonheur possible.
Avril 2004
[1] escuálidos nom donné aux opposants (gringalets, peu consistants)
[2] Le dernier Président du parti Action Démocratique, Carlos Andres Perez, est le principal opposant à Hugo Chavez et fait partie de tous les complots. Carlos André Perez est le responsable des événements du caracazo de 1989, lorsqu’ il a fait tirer sur la foule révoltée contre les mesures prises en accord avec le FMI : 200 morts officiellement , plus de 2000 selon les témoins
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