L’arrestation de Saddam Hussein a libéré les chiites de la crainte de son retour. Désormais ils peuvent se concentrer, derrière le grand ayatollah Sistani, sur leur opposition à la présence états-unienne. De son côté, l’administration Bush semble incapable d’accepter l’idée que la démocratie en Irak, dont George W. Bush et L. Paul Bremer se sont fait publiquement les avocats, puisse porter des chiites au pouvoir qui développeront vraisemblablement des liens avec l’Iran voisin. C’est pourquoi le président et son proconsul en Irak s’opposent aux élections réclamées par Sistani.
Les raisons invoquées pour les refuser méritent d’être mieux analysées. l’Autorité provisoire de la Coalition en Irak affirme que les listes électorales ne sont pas prêtes. Pourtant, depuis 1991, les Irakiens disposent de cartes de rationnement de nourriture qu’il est possible d’utiliser comme pièce d’identité. Cela exclurait certes les exilés, mais ils ne sont que 250 000 et disposent déjà de pièces d’identités fournies par leurs pays d’accueil ; la régularisation ne devrait pas être longue. Il est vrai que le Parti ba’as privait certains Irakiens de leur carte de rationnement, mais il suffira alors qu’ils amènent la carte de recensement qu’a reçu chaque écolier. En Iran, en 1979, il avait été possible de tenir un référendum deux mois après la révolution.
On nous dit qu’il n’y a pas de partis politiques en Irak, mais cela ne devrait pas empêcher de se présenter individuellement. On objecte que les Irakiens n’ont pas l’habitude des élections, mais on oublie qu’ils sont voté cinq fois entre 1980 et 2000 pour les élections parlementaires dans lesquels il y avait quand même un choix entre des candidats ba’asistes et non ba’asistes. Il existe un vrai problème de sécurité pour tenir des élections, mais cela n’est pas pire qu’au Kurdistan en 1992 ou en Iran en 1979.
Il faudrait organiser les élections en deux jours, un jour pour le Nord et le Sud et un jour pour la région sunnite, afin d’avoir suffisamment de troupes pour assurer la sécurité dans tous les bureaux de vote. C’est la méthode qui est employé en Inde et elle fonctionne. Malheureusement, les États-Unis semblent surtout vouloir continuer à s’appuyer sur les Irakiens qu’ils ont nommés et retarder les élections.

Source
International Herald Tribune (France)
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« One Iraqi, One Vote ? », par Dilip Hiro, New York Times, 27 janvier 2004.