Paris affirme son rôle grâce à son statut de pays occidental indépendant de Washington. Toutefois, pour ceux qui n’ont pas pardonné à la France de s’être opposée à la Guerre d’Irak, il faut voir dans la position française une conséquence de la présence dans l’Hexagone d’une importante communauté musulmane. C’est la grille de lecture que le politologue Francis Fukuyama [1] a développé dans une tribune publiée par Le Monde.
Fukuyama commence par énoncer des faits incontestables sur la part de la population française musulmane qui est de plus en plus active politiquement, mais il les énonce dans des termes ambigus niant l’intégration de ces populations avant d’affirmer que c’est pour apaiser ces 10 % de la population que la France s’est opposée à la Guerre d’Irak. C’est une contre-vérité flagrante car si la France s’est opposée à cette guerre, c’est parce qu’elle estimait que les inspections étaient le meilleur moyen de résoudre le problème qui a servi de motif officiel à la guerre et que ce conflit ne pourrait que renforcer les mouvements terroristes. Expliquer la position française par des mobiles intérieures permet d’occulter les véritables motifs au moment où ils sont confirmés par les faits. Soulever la question démographique est curieux car ce n’est pas un phénomène nouveau et que cela n’avait pas empêcher la France de participer à la Guerre du Golfe ou à la guerre en Afghanistan. Les modifications de la politique étrangère en fonction du poids des communautés dans l’électorat sont plutôt une spécialité états-unienne.
La politique française est constante depuis la rupture de l’alliance avec Israël au lendemain de la Guerre des six jours. La politique arabe de la France n’a pas qu’un aspect mercantile, elle a pour but de faire de la France un acteur majeur sur la scène internationale et soutient la création d’un État palestinien. Qu’on l’aime ou non, il s’agit d’une politique fondée sur la défense de principes politiques et non par des considérations communautaires, on ne saurait en dire autant de la politique américaine au Proche-Orient.
« Diplomatie française et principes politiques », par Pascal Boniface, Le Monde, 22 février 2004.
[1] Francis Fukuyama, est professeur d’économie politique internationale à la School of Advanced International Studies de la Johns Hopkins University. Il est l’auteur de La Fin de l’histoire et, plus récemment, de Our Posthuman Future. Il est administrateur de la National Endowment for Democracy et ancien administrateur de la Rand Corporation.
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