Dans mon dernier livre, j’essaye d’analyser le discours sur la guerre au terrorisme. La thématique de la menace de l’islam n’est pas née avec le 11 septembre, elle s’est construite tout au long des années 90. A la fin de l’URSS, certains responsables occidentaux ont cherché une menace de substitution et ont très rapidement proposé de remplacer la menace Sud comme facteur fédérateur des Occidentaux, évidemment sous la houlette américaine. Par la suite le discours sur le choc des civilisations est venu se greffer sur cette thématique de la menace Sud. Elle avait pour avantage de donner une grille de lecture plus intellectuelle apparemment moins ouvertement raciste et plus sophistiquée. Samuel Huntington s’efforce ainsi de démontrer que l’islam est plus sanguinaire et belliqueux que les autres religions.
Aujourd’hui, on voit le conflit israélo-palestinien comme la matrice du choc des civilisations, mais pourtant Huntington n’en parle presque pas dans son livre. En fait, ce conflit est surtout l’illustration du double standard en matière d’application du droit international, car l’occupation israélienne se poursuit en violation des résolutions de l’ONU. En fait, Israël ne tient que grâce au soutien de Washington. Or, ce soutien n’a jamais été aussi fort. George W. Bush généralement approuve au nom de la lutte contre le terrorisme l’ensemble de l’action du gouvernement israélien et lorsqu’il émet des désaccords, il n’en tire aucune conclusion pratique. Or ses prédécesseurs s’étaient parfois mis sur la route d’Israël. Autre paradoxe de la situation, l’Union européenne est le premier fournisseur d’aide aux Palestiniens et le premier partenaire commercial d’Israël, mais elle ne parvient pas à s’affirmer politiquement dans la région. Il faut que l’Europe affirme davantage sa détermination et sa politique ; elle en a les moyens, c’est une question de volonté politique.
Il y a une triple impasse politique, militaire et économique dans la façon dont est menée la lutte contre le terrorisme. On ne s’attaque qu’aux effets, pas aux causes du problème. Contrairement à la Guerre froide, durant laquelle l’Union soviétique s’est effondrée faute d’avoir pu suivre économiquement et technologiquement la compétition avec le monde occidental, rien de tel dans la guerre contre le terrorisme. Une protection totale est impossible et les attaques peuvent être menées à bas coût.
Aujourd’hui, le principal obstacle à la redéfinition de l’ordre stratégique au Proche-Orient est la façon dont Washington est vu par les populations locales. Cet avis est aujourd’hui partagé par des gens comme Richard Clarke, George Soros ou Zbigniew Brzezinski et ils demandent un soutien moins affiché vis-à-vis d’Israël. Au contraire, pour les néo-conservateurs, nous sommes entrés dans la Quatrième Guerre Mondiale et il faut former une coalition pour une guerre de longue haleine. Le problème est que l’actuelle politique américaine, tout en disant rejeter la thèse du choc des civilisations, en crée tout simplement les conditions.
Oumma.com (France)
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« Vers la Quatrième guerre mondiale ? », par Pascal Boniface, Oumma.Com, 8 avril 2005. Ce texte est adapté d’un interview.
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