Cinq ans après le début de la révolution bolivarienne d’Hugo Chavez, le Venezuela est à la croisée des chemins. Au terme de deux ans de crise politique, tous les espoirs de l’opposition s’étaient cristallisés sur la possibilité constitutionnelle d’organiser un référendum révocatoire sur initiative populaire, mais l’organisme national de contrôle des élections a gelé pour vice de forme 1,4 millions de signatures sur les 3,1 millions obtenues alors qu’il est nécessaire de disposer de 2,4 millions de signatures. Cette décision porte un nouveau coup à la possibilité d’une sortie de crise par les urnes, sauf si l’action conjuguée de l’OEA, de l’ONU et du Carter Center parvient à changer la situation. En refusant pour la seconde fois une légitime demande de consultation populaire, la « révolution bolivarienne » refuse l’évidence : une crise politique de cette ampleur exige l’arbitrage des citoyens. Avant de se montrer si réticent à la consultation des électeurs, Chavez avait commencé à gouverner par voie plébiscitaire. Il avait remporté toutes les consultations avec plus de 56 % de votes favorables au minimum car beaucoup croyaient alors qu’il allait combattre les inégalités sociales. Aujourd’hui les classes moyennes basses et les classes populaires constatent qu’il n’y a pas de politique de redistribution et qu’on n’est pas sorti du système de clientélisme électoral traditionnel.
Les opposants des couches populaires sont venus grossir les rangs d’une opposition hétéroclite. Celle-ci a commis des erreurs politiques avec le coup d’État manqué d’avril 2002 ou la grève de décembre, mais elle a réussi à se rassembler autour du projet de référendum qui privait le gouvernement de ses arguments pour la présenter comme putschiste ou fasciste. En réaction, le président Chavez a décidé de multiplier les tracasseries administratives. Ce blocage est d’autant plus nocif que l’opposition n’est pas sûre de gagner les élections, mais le fait de repousser le référendum aggrave la crise de représentativité.
Libération (France)
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« Venezuela, le silence forcé des urnes », par Frédéric Martinez, Libération, 3 mars 2004.
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