Aucune décision que j’ai prise n’a entraîné autant de divisions dans l’opinion que le choix d’entrer en guerre contre l’Irak. Encore aujourd’hui beaucoup voudraient que nous quittions ce pays et que le gouvernement se concentre sur les problèmes intérieurs. Sans négliger les questions domestiques, nous devions cependant mener cette guerre car nous sommes confrontés à une menace et il est du devoir du gouvernement d’y faire face, quel qu’en soit le coût politique.
La vraie question concernant l’Irak n’est pas l’intégrité comme ceux qui croient aux grandes conspirations voudraient le faire croire. Je n’ai parlé de la possibilité pour l’Irak d’utiliser ses armes de destructions massives en 45 minutes qu’à une seule occasion et cet argument n’a jamais été repris après septembre 2002. La vraie raison de l’intervention était d’empêcher les armes de destruction massive de tomber dans les mains des terroristes et de faire respecter les résolutions de l’ONU après avoir tenté pendant quatre mois de les faire appliquer politiquement. Les juristes se déchirent encore sur cette question, mais cette controverse ne fait que lever un écran de fumée sur le fait qu’il s’agissait avant tout d’une question de jugement.
À part un groupe anti-américain, les opposants à la guerre estimaient, ce qui est un jugement respectable, que l’Irak ne posait pas une menace directe et qu’on pouvait l’endiguer. Leurs arguments semblent valorisés par le fait que, onze mois après la guerre, on a pas encore retrouvéd’armes de destructions massives en Irak, ce qui peut s’expliquer par la taille de ce pays. En fait, le problème est que ces personnes n’ont pas compris que le monde avait changé depuis le 11 septembre et que les questions de sécurité exigent désormais qu’on les traite en réévaluant les critères nécessaires au déclenchement des opérations militaires.
Il y a peu, la guerre n’était justifiée qu’en réponse à une agression, après le Kosovo, j’ai plaidé pour que, dans certaines conditions humanitaires, on puisse déclencher une intervention militaire et j’ai appliqué ce principe à la Sierra Leone. Depuis, j’ai été préoccupé par la montée des extrémismes et le développement des armes de destruction massive, mais ce n’est qu’avec le 11 septembre que j’ai compris que les fanatiques n’avaient pas de limites et qu’il fallait donc à tout prix les empêcher de disposer d’armes chimiques, biologiques ou nucléaires. Ben Laden a affirmé que chercher à acquérir l’arme nucléaire était un devoir et Al Qaïda a cherché à développer des poisons puissants.
Nous avons déjà commencé à combattre cette menace en renversant les Talibans puis en attaquant l’Irak quand l’incapacité des inspections à le désarmer est devenue évidente. Si nous n’avions pas agi, Saddam Hussein et les terroristes se seraient sentis encouragés. Peut-être que Saddam aurait changé d’avis même sans notre intervention, mais nous ne pouvions pas prendre ce risque et les éléments dont nous disposions nous poussaient à intervenir. Sans notre action, la Libye n’aurait pas abandonné ses programmes d’armements, l’Iran ne collaborerait pas avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et la Corée du Nord n’aurait pas repris les négociations. Cela ne veut cependant pas dire que nous en avons terminé avec les menaces. L’Irak se porte mieux sans Saddam Hussein et les menaces ont diminué. C’est pour cela que les extrémistes veulent nous voir échouer en Irak.
Aujourd’hui, nous savons que les régimes démocratiques deviennent des partenaires stables et solides et que la meilleure défense consiste à diffuser nos valeurs. Le simple endiguement ne peut pas fonctionner face aux nouvelles menaces. Il faut donc que l’ONU revoie ses règles de fonctionnements.

Source
Wall Street Journal (États-Unis)

« The Threat of Global Terrorism », par Tony Blair, Wall Street Journal, 6 mars 2004. Ce texte est le discours prononcé le 5 mars 2004 par le Premier ministre britannique dans sa circonscription de Sedgefield.