Les Français ont infligé à Jacques Chirac, plébiscité il y a deux ans, un désaveu franc et massif dès qu’ils en ont eu l’occasion et sachant qu’ils ne seront plus consulté avant le terme de son mandat présidentiel. La gauche est aujourd’hui majoritaire et le chef de l’État est le premier responsable de la faillite de son camp. Il est revenu à son rythme de croisière, celui qui voit Jacques Chirac s’autodétruire tous les deux ans, comme en 1976, 1988 et 1997. Les Français le savent, mais se contentent d’un homme qui est plus remarquable par ses capacités de réactions que d’actions et qui n’a jamais eu de grandes visions pour orienter sa politique.
Sur le fond, le chef de l’État ne sait pas à quel modèle se référer : il semble définir sa politique étrangère toute entière dans la distanciation avec les États-Unis, qui devrait donc par conséquent servir de contre modèle, mais il ne pense qu’à adapter la France à la " société de marché ". Il commet par ailleurs l’erreur de négliger la construction européenne pour privilégier son duel franco-mondial avec les États-Unis. De son côté, l’action gouvernementale n’a pas aidé à y voir clair. Le gouvernement se prévalait de la réforme et Jean-Pierre Raffarin a rempli son contrat en réformant le système des retraites, mais les Français ont bien davantage été témoins d’une gestion clientéliste vis-à-vis des groupes sociaux considérés comme plus à droite et l’ont sanctionné. Ce gouvernement a flirté avec le populisme en y ajoutant une touche de médiocrité dans une période économique molle.
Jacques Chirac doit accepter le résultat du suffrage universel et accepter une nouvelle cohabitation, cette fois ci à droite. Il doit nommer Nicolas Sarkozy Premier ministre car, plus que la lutte contre l’insécurité, il incarne la lutte contre l’impuissance politique. C’est le seul moyen pour la droite laminée de traiter de son propre modèle. Elle devra redonner au pays une priorité, l’emploi, et une obligation, l’intégration.
Victorieux en 2002 grâce à une exploitation démagogique de l’insécurité, Jacques Chirac, comme le gouvernement, a été rattrapé par les questions économiques et l’intégration. Jacques Chirac a recréé les conditions d’une crise politique et il faut désormais trouver les moyens et les hommes pour la résoudre.
« Le désaveu », par Jean-Marie Colombani, Le Monde, 30 mars 2004.
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