Le cauchemar vietnamien, qui avait isolé l’Amérique du reste du monde, a ressurgi avec la guerre, ou plutôt la croisade, de George W. Bush en Irak. Donald Rumsfeld avait affirmé à propos des Irakiens, « Ils veulent tous devenir Américains », nous sommes tous non-Américains serions nous tenté de lui répondre. Le secrétaire à la Défense désespère les meilleurs amis de l’Amérique. Nous nous sentions tous Américains après le 11 septembre, Rumsfeld nous rendrait tous non-Américain car il est le premier agent de l’anti-américanisme. Il est parvenu à faire ce que la guerre au terrorisme était censée éviter : le regroupement de toutes les tendances jihadistes autour d’Al Qaïda et, pire encore, la mise à disposition des moyens d’Al Qaïda au service du nationalisme arabe.
Il faut prendre la mesure de la défaite politique en Irak. Les États-Unis avaient fournis trois raisons pour justifier la guerre d’Irak : les armes de destructions massives, les liens avec Al Qaïda et la nécessité de la démocratisation. Les deux premières étaient fondées sur des informations fausses, des mensonges d’État, et aujourd’hui la troisième raison vient de s’effondrer. Au moment, où les États-Unis voulaient soutenir une démocratisation du « Grand Moyen-Orient », ils ont perdu toute crédibilité. Si la lutte contre le terrorisme islamiste est une bataille des idées, alors la diffusion des photos de la prison d’Abu Ghraib est une défaite stratégique majeure pour George Bush car elles ne font que confirmer l’image que les islamistes veulent donner des États-Unis dans le monde arabe.
A l’origine de cette débâcle, il y a un mélange de pouvoir et de bonne conscience absolue et, contre cela, les États-Unis doivent se remettre à écouter les conseils de l’Europe dont ils s’étaient détournés au profit de mensonges d’États sur l’Irak et d’un discours manichéen opposant le Bien au Mal. Cette attitude a fait s’éloigner les deux rives de l’Atlantique. Pour que le rapprochement s’opère et que nous revenions à cette unité des six premiers mois de la guerre au terrorisme, il faut la victoire de John Kerry.
« Tous non-Américains ? », par Jean-Marie Colombani, Le Monde, 15 mai 2004.
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