Le prix Sakharov, qui honnore des personnalités et des groupes pour leur action en faveur des Droits de l’homme, est devenu un instrument de la propagande atlantiste. Décerné par le Parlement européen, il ignore ceux qui font valoir les Droits de l’homme face à l’impérialisme et à la globalisation pour couronner ceux qui luttent contre les régimes résistant aux États-Unis, particulièrement le gouvernement cubain. Se fondant sur les rapports indiscutés d’Amnesty International, Salim Lamrani compare les jugements du prix Sakharov et la réalité des Droits de l’homme en Amérique latine.
Le 26 octobre 2005, le Parlement européen a conjointement décerné le prix Sakharov à Mme Hauwa Ibrahim, juriste nigériane, aux Dames en Blanc de Cuba et à l’organisation parisienne Reporters sans frontières (RSF). La première lauréate milite contre la lapidation des femmes au Nigeria, les secondes exigent la libération de leurs proches incarcérés pour association avec une puissance étrangère – les États-Unis –, alors que RSF mène un combat, à géométrie variable, en faveur de la « liberté de la presse ». Créée en 1988, cette récompense annuelle, dotée de 50 000 euros, consacre des personnalités engagées dans la « défense des droits de l’homme » qui reçoivent leur trophée en grande pompe lors d’une cérémonie organisée à Strasbourg [1].
Depuis quelques années, l’Union européenne s’est alignée sur la politique agressive des États-Unis envers Cuba et a adopté des sanctions économiques à son encontre en 2003, même si elles ont été suspendues depuis 2004 [2]. L’Europe justifie sa prise de position par sa volonté de voir les « droits de l’homme » respectés à Cuba, en faisant référence à la question de la « dissidence interne ». Cependant, elle n’explique pas pourquoi Cuba est la seule nation qu’elle stigmatise dans l’hémisphère américain où les violations des droits de l’homme sont répandues et effrayantes [3].
Par exemple, l’Union européenne n’a jamais prononcé de sanctions contre des pays tels que le Salvador, le Honduras, le Mexique, la Colombie, l’Équateur, Haïti, la Jamaïque, le Guatemala, la Bolivie, le Chili, le Paraguay, l’Uruguay, la Guyane, le Brésil, l’Argentine, les Bahamas, le Canada, la République dominicaine, Trinidad et Tobago, le Pérou, le Nicaragua ou même les États-Unis, dont les gouvernements ne montrent qu’une volonté très relative de respecter les droits de leurs concitoyens.
Selon le rapport 2005 d’Amnesty International, au moins 159 femmes ont été assassinées dans d’effroyables conditions au Salvador sans que les coupables aient été traînés devant la justice. « L’impunité persiste concernant des cas de violations de droits de l’homme commis durant le conflit des années 1980-1991 et en rapport avec des cas plus récents, incluant la violence contre les femmes », selon Amnesty. L’organisation internationale souligne également qu’en août 2004, 31 détenus ont trouvé la mort dans la prison La Esperanza sans que tous les responsables aient été mis en examen [4]. L’Union européenne est restée silencieuse sur ces évènements.
Pour ce qui est du Honduras, Amnesty International souligne que « des morts violentes d’enfants et de jeunes gens ont atteint des niveaux alarmants. Des membres de groupes de droits de l’homme, de groupes indigènes, les communautés homosexuelles, bisexuelles et transsexuelles ont souffert d’intimidation, de harcèlement et des menaces de mort. Deux militants indigènes sont actuellement prisonniers politiques [5] ». Le Parlement européen n’a pas daigné considérer ces deux prisonniers comme des candidats crédibles pour le prix Sakharov.
Le Mexique est le sujet d’un rapport très peu glorieux. « Les violations des droits de l’homme ont persisté particulièrement au niveau de l’Etat où la détention arbitraire, la torture et les mauvais traitements, ainsi que les abus du système judiciaire ont été répandus […]. Un certain nombre de militants des droits de l’homme ont été menacés et trois journalistes ont été assassinés. Les progrès dans la poursuite des responsables des violations de droits de l’homme sont très limités. La violence politique a entouré les élections locales dans plusieurs Etats », selon le rapport 2005 d’Amnesty International [6]. Aucune sanction n’a été émise par l’Europe à l’encontre du Mexique.
La Colombie et son gouvernement ont un passif chargé en terme de violations des droits de l’homme. Selon Amnesty International, « de sérieuses réserves sont à émettre au sujet du processus [de démobilisation des Autodéfensas Unidas de Colombia], une organisation paramilitaire qui jouit du soutien de l’armée, principalement concernant la question de l’impunité, des violations du cessez-le-feu des AUC et des sérieuses violations des droits de l’homme, largement répandues, commises par les paramilitaires […]. Malgré une baisse de certains indicateurs de violence politique tels que les kidnappings et les massacres, des rapports concernant des exécutions extrajudiciaires effectuées directement par les forces armées ont augmenté en 2004. Les cas de ‘disparition’ et de torture restent très élevés […]. Durant les six premiers mois de 2004, près de 1 400 civils ont été assassinés ou ont ‘disparus’. Pendant l’année, près de 1 250 personnes ont été kidnappées et 287 000 ont été forcées de fuir leurs maisons. Des centaines de civils ont été soumis à des détentions de masse souvent illégales par les forces de sécurité. Le gouvernement continue de qualifier la défense des droits de l’homme de promotion du ‘terrorisme’ » [7]. Mais les violations commises par le gouvernement de M. Alvaro Uribe, fidèle allié de Washington, n’intéressent que très peu l’Union européenne.
En Équateur, les « tribunaux de police continuent de revendiquer une jurisprudence sur les cas des officiers de police accusés de violations des droits de l’homme », selon l’organisation qui remarque également que « les conditions de détention restent difficiles ». De plus, « les leaders des communautés et les leaders indigènes, ainsi que les journalistes, ont été attaqués, menacés et intimidés » pour s’être montrés critiques des politiques gouvernementales [8].
Que dire de Haïti, pays dont le président Jean-Bertrand Aristide démocratiquement élu, a été renversé par les puissances occidentales dont la France ? Depuis, « de nombreux rapports d’assassinats, de torture et de mauvais traitements par les forces de police ont été établis. De nombreuses personnes restent en détention sans charge ou procès établis contre elles, y compris des membres du gouvernement de Jean-Bertrand Aristide […]. Le système judiciaire ne respecte toujours pas les normes internationales, laissant ainsi la population sans protection judiciaire et entravant la lutte contre l’impunité. Aucun effort significatif pour capturer des détenus fugitifs convaincus de graves violations de droits de l’homme n’a été effectué [9] ». Le coup d’État contre M. Aristide, dont l’Europe est en partie responsable, n’a fait qu’aggraver une situation déjà très difficile, dont les premières victimes sont les civils.
La Jamaïque n’est pas en reste dans la course au mépris des droits de l’homme. La brutalité policière et l’usage excessif de la force sont monnaie courante. « Le nombre d’officiers de police accusés de meurtre a augmenté, sans qu’une seule condamnation n’ait eu lieu. Au moins 100 personnes ont été tuées par la police, dont beaucoup dans des circonstances faisant penser à des assassinats extrajudiciaires ». De plus, les conditions de détention sont tellement déplorables qu’Amnesty International les qualifie de « traitements cruels, inhumains et dégradants [10] ». Mais la population jamaïcaine ne constitue pas une priorité pour Washington donc le Parlement européen ne s’en occupe que très peu.
Au Guatemala, « les évictions violentes des zones rurales se sont énormément accrues. Les militants des droits de l’homme souffrent toujours d’intimidation et de persécution. La violence contre les femmes, en particulier les assassinats, a augmenté. L’impunité reste endémique y compris pour les violations des droits de l’homme commises dans le passé », mais l’Europe se focalise uniquement sur Cuba [11].
En Bolivie, les cas de « torture et de mauvais traitements des détenus ont été régulièrement rapportés » alors que « les conditions d’incarcération restent préoccupantes ». Les enquêtes concernant les confrontations qui ont eu lieu en 2003 entre des manifestants et les forces de sécurité, qui ont coûté la vie à plus de 100 personnes et qui ont fait des centaines de blessés en février et octobre 2003, n’ont toujours pas été bouclées, permettant ainsi à l’impunité des forces gouvernementales de prospérer. D’ailleurs quatre membres de l’armée accusés du meurtre de deux civils en février 2003 ont été acquittés un an plus tard en février 2004 [12].
Le Chili ne se distingue pas des autres pays latino-américains et « les efforts destinés à mettre fin à l’impunité pour les violations des droits de l’homme du passé » n’ont pas été exceptionnels. Les 28 000 victimes de tortures sous le régime militaire n’ont toujours pas obtenu réparation. De plus, « les militants indigènes mapuches ont subis de sérieuses violations de leurs droits », selon Amnesty [13].
Au Paraguay, les membres d’organisations paysannes et les groupes indigènes ont été persécutés suite à leurs revendications sociales et agraires. Les nouvelles recrues de l’Armée ont également été victimes de nombreux abus selon les enquêteurs internationaux de l’organisation. Plus de 100 nouvelles recrues ont trouvé la mort depuis 1989 dans des circonstances mystérieuses [14].
Les conditions de détention dans les prisons uruguayennes violent les normes internationales. La situation des femmes reste désastreuse dans le pays : tout les neuf jours, une femme ou une jeune fille meurt suite à des violences à son encontre. Les organisations de femmes s’inquiètent du fait que le gouvernement ne prévoie pas une législation contre la violence domestique [15].
En Guyane, la peine de mort est fréquemment appliquée contre les plus démunis. « Des escadrons de la mort ont enlevé, torturé et assassiné des dizaines de personnes », selon Amnesty International. De plus, la police est également impliquée dans plusieurs meurtres et exécutions extrajudiciaires. Dans les prisons surchargées, des cas de torture et de mauvais traitements ont été rapportés. Les femmes sont régulièrement victimes de violences et souffrent du trafic humain qui les oblige à la prostitution, pandémie qui frappe le pays [16].
Le Brésil continue à être l’un des pays les plus violents du continent américain où les droits de l’homme sont constamment bafoués. « Des centaines, voire des milliers, de civils ont été tués par la police dans des supposés échanges de tirs ». Dans l’État de Sao Paolo, la police est responsable de 663 assassinats alors que dans l’État de Rio de Janeiro, elle est impliquée dans 983 meurtres. « La vaste majorité des victimes était jeune, pauvre, noire ou métisse » et « très peu de cas ont été sujet à investigation. Plusieurs rapports ont montré la participation constante de la police dans des ‘escadrons de la mort’. L’utilisation de la torture est très répandue et systématique ». Les militants paysans et indigènes ont également été assassinés. « Les criminels ont joui d’une grande impunité », selon Amnistie [17].
Si la violence est moins répandue en Argentine qu’au Brésil, elle reste néanmoins présente et inquiétante. Dix-sept détenus ont trouvé la mort dans la prison Mendoza dans des circonstances extrêmement douteuses. Les conditions sanitaires liées à l’importante promiscuité dans les pénitenciers ont entraîné une détérioration de la santé de nombreux prisonniers. En novembre 2004, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a appelé le gouvernement argentin à protéger la vie et l’intégrité physique de tous les détenus. Le même mois, le Comité des Nations unies contre la torture a déploré le nombre important de cas de torture et de mauvais traitements en comparaison avec le faible nombre de condamnations pour les responsables des exactions [18].
Aux Bahamas, archipel touristique des Caraïbes, les mauvais traitements infligés aux détenus Sidney McKenzie et Kazimierz Kwasiborski ont entraîné leur mort. Les demandeurs d’asile ont également été expulsés par la force sans que la procédure légale ait été respectée. De plus, au moins « cinq enfants ont été détenus en violation des normes internationales », selon le rapport 2005 alors que la violence policière a fait trois victimes [19].
Le Canada est un pays développé où les droits de l’homme sont censés être respectés. Mais, c’est loin d’être le cas puisque les droits des femmes indigènes sont régulièrement violés. Marginalisées socialement et d’un point de vue économique au Canada depuis des décennies, les femmes indiennes continuent à être les victimes d’une violence disproportionnée par rapport à la moyenne nationale. Les autorités de la monarchie n’ont toujours pas mis en place « des plans d’action destinés à assurer que les femmes indigènes et les filles bénéficient de la protection nécessaire ». De même, la violence policière ne se limite pas aux pays sous-développés mais touche également les nations occidentales telles que le Canada. En effet, au moins six personnes ont perdu la vie, atteintes par les balles de la police [20].
En République dominicaine, la police a ouvert le feu sur des manifestants, tuant sept d’entre eux. Le manque d’attention médicale dans les prisons s’est ajouté aux violences exercées par les autorités pénitentiaires. « Benito Simón Gabriel, âgé de 19 ans, a déclaré avoir été accroché à un mur pendant plus de sept heures en plein soleil à la prison Monte Plata », d’après Amnistie. Autre fait incroyable, plusieurs prisonniers ayant purgé leur peine sont restés en prison car ils n’avaient pas les moyens de s’acquitter des frais administratifs de sortie. Comme dans de nombreux autres pays latino-américains, la violence contre les femmes a fait 89 victimes [21].
A Trinidad et Tobago, minuscule archipel au large des côtes vénézueliennes, les abus commis par les forces de police ont entraîné la mort de 24 personnes. Les conditions de détention s’apparentent à de la torture, selon Amnesty International car les cellules de 9 mètres carrés contiennent jusqu’à 17 détenus [22].
Le Pérou s’ajoute à la longue liste des pays où les droits des plus démunis et des plus vulnérables n’ont que très peu de valeur. Plus de 50% des Péruviens vivent dans la pauvreté et 25% dans l’indigence la plus totale selon les Nations unies. Face aux troubles sociaux, le gouvernement a décrété l’état d’urgence dans plusieurs régions, ce qui implique la suspension des garanties constitutionnelles pour les citoyens. Plus de 500 femmes ont été violées par les membres de l’armée selon la Commission pour la Vérité et la Réconciliation. Plusieurs journalistes ont trouvé la mort dans l’exercice de leur fonction. De nombreux prisonniers de conscience accusés injustement de terrorisme sont toujours en prison. Le rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à la santé a exprimé son inquiétude concernant un accord commercial signé avec les États-Unis qui prive des millions de Péruviens de l’accès à des médicaments essentiels. Il a également souligné que de nombreuses personnes sont décédées de maladies curables [23].
Le Nicaragua s’illustre malheureusement par la violence qui frappe les femmes. Selon la police, près de 77 femmes ont été assassinées en 2003. Le ministre de la Santé a déclaré que 95% des viols avaient lieu à domicile. A cela s’ajoute l’effarante misère qui touche une immense partie de la population [24].
Au Venezuela, les tensions sont présentes depuis le sanglant coup d’État avorté contre le président Hugo Chávez en avril 2002. L’opposition, qui n’a cessé d’accumuler les défaites électorales depuis son coup de force raté, a choisi la voie de la confrontation et de l’illégalité pour faire entendre sa voix désormais minoritaire au sein de la population. En novembre 2004, le procureur, qui menait l’enquête pour déterminer les responsabilités de la junte putschiste et de ses partisans, a été assassiné dans une explosion à la bombe à Caracas. Selon Amnesty International, « la polarisation politique a continué à déstabiliser le Venezuela. De violentes confrontations ont opposé les partisans de l’opposition aux forces de l’ordre à travers le pays [25] ».
Amnesty International a également établi un rapport concernant Cuba. À la différence des autres nations latino-américaines, aucun cas de violence policière contre la population n’est évoqué. Aucune manifestation n’a été réprimée par les forces de l’ordre. De même, aucune mention n’est faite d’une quelconque violence à l’encontre des femmes. Selon l’organisation, près de « 70 prisonniers de conscience se trouvent derrière les barreaux depuis leur arrestation en 2003. Cependant, 18 prisonniers de conscience ont été relâchés et de nombreux autres ont été déplacés vers des prisons proches de leurs demeures familiales ». Pas un cas de torture contre les détenus n’est signalé par Amnesty International. Enfin, il convient de souligner que de tous les rapports de l’organisation internationale concernant les nations du continent américain, celui de Cuba est, de loin, le moins accablant [26].
Le gouvernement cubain ne nie pas la présence en prison des individus cités par Amnesty. La seule divergence réside dans les raisons ayant conduit à l’incarcération de ceux que la presse internationale qualifie de « dissidents ». Selon les médias, leur opposition aux autorités de La Havane les a condamnés à des sanctions pénales, ce que réfute catégoriquement le gouvernement cubain. Selon ce dernier, les personnes en question ont été condamnées uniquement pour avoir accepté le financement d’une puissance étrangère, à savoir les États-Unis. Les agents infiltrés dans les réseaux de la « dissidence » ont présenté des preuves irréfutables lors des différents procès [27]. Une autre source étayant cette thèse est indiscutable : Washington admet dans ses propres documents officiels disposer d’un budget de 50 millions de dollars destiné à la fabrication d’une opposition interne à Cuba [28]. Ainsi, le doute n’est désormais plus possible.
Le rapport 2005 d’Amnesty International concernant les États-Unis est accablant par sa gravité :
« Des centaines de prisonniers sont toujours détenus sans chefs d’accusation ni procès sur la base navale étasunienne de Guantanamo, à Cuba. Des milliers de personnes ont été emprisonnées lors des opérations militaires et sécuritaires étasuniennes en Irak et en Afghanistan et elles se sont régulièrement vues refuser l’accès à leurs familles et à leurs avocats.
Des enquêtes militaires ont débuté ou ont été menées concernant les accusations de torture et mauvais traitements des détenus par le personnel étasunien à la prison d’Abou Ghraïb en Irak, ainsi que pour les cas de mort en détention et mauvais traitements menés par les forces étasuniennes ailleurs en Irak, en Afghanistan et à Guantanamo. Des preuves sont apparues au grand jour que l’administration étasunienne a mis en pratique des techniques d’interrogation qui violent la Convention des Nations unies contre la torture. […]
Aux États-Unis, plus de 40 personnes sont décédées après avoir été atteintes par les armes de la police […]. La peine de mort continue à être imposée et appliquée.
Les objecteurs de conscience, le sergent Camilo Mejía Castillo et le sergent Abdullah William Webster ont été emprisonnés ; ils sont des prisonniers de conscience. […]
En 2004, 59 personnes ont été exécutées, portant le nombre de prisonniers tués à 944 depuis que la Cour suprême a levé le moratoire sur les exécutions en 1976. 23 exécutions ont eu lieu au Texas en 2004 et 336 depuis 1976. […]
Huit personnes poursuivies par la juridiction de Harris County au Texas ont été exécutés dans l’année malgré les doutes qui planaient sur la fiabilité des preuves scientifiques établies par le laboratoire criminel du Département de police de Houston (HPD) où de sérieux problèmes sont apparus en 2003. En octobre, un juge de la Cour d’appel criminelle du Texas a affirmé qu’il devrait y avoir ‘un moratoire sur toutes les exécutions dans les cas où les condamnations se sont basées sur les preuves du laboratoire criminel du HPD jusqu’à ce que la fiabilité des preuves ait été vérifiée’. Sa voix a été la seule à s’élever lorsque la Cour a refusé au détenu du couloir de la mort Dominique Green un délai pour son exécution sur la base de doute envers l’exactitude du travail balistique de HPD sur son cas, et la découverte de 280 boîtes de preuves mal étiquetées qui pouvaient toucher des milliers de cas criminels. Dominique Green a été exécuté le 26 octobre.
Les États-Unis continuent de violer le droit international en appliquant la peine de mort contre des criminels mineurs – des personnes âgées de moins de 18 ans au moment où elles ont commis leur crime. Près de 70 criminels mineurs ont été dans le couloir de la mort durant l’année, dont plus d’un tiers au Texas. […]
Le 31 mars [2004], la Cour internationale de Justice (CIJ) a rendu son jugement concernant une plainte déposée par le Mexique au nom de ses ressortissants arrêtés, auxquels on a refusé leurs droits consulaires et qu’on a condamné à mort aux États-Unis. La CIJ a établi que les États-Unis avaient violé leurs obligations internationales en vertu de la Convention de Vienne sur les relations consulaires et qu’ils doivent revoir et reconsidérer l’impact des violations concernant les cas des ressortissants étrangers impliqués. La CIJ a noté avec ‘grande préoccupation’ que la date d’exécution avait été établie pour Osvaldo Torres Aguilera, un des ressortissants mexicains cités dans la plainte. L’exécution d’Osvaldo Torres a été commuée par la suite par le gouverneur de l’Oklahoma après un appel à la clémence lancé par le président du Mexique et une recommandation de commutation provenant du bureau de clémence de l’Etat. […]
Des prisonniers avec des antécédents sérieux de maladie mentale ont continué à être condamnés à mort et exécutés.
Charles Singleton a été exécuté en Arkansas le 6 janvier [2004]. Durant son séjour dans le couloir de la mort, sa maladie mentale était si sévère qu’il avait dû être médicalisé de force.
Kelsey Patterson, dont le diagnostic a démontré qu’il souffrait de paranoïa schizophrénique, a été exécuté au Texas le 18 mai [2004]. Le gouverneur du Texas a rejeté une recommandation de clémence en provenance du bureau des pardons et des libertés conditionnelles de l’Etat pour son cas.
Le 5 août [2004], James Hubbard a été exécuté en Alabama. Il était âgé de 74 ans – la personne la plus âgée à être exécuté aux États-Unis depuis 1977 – et avait fréquenté le couloir de la mort pendant plus d’un quart de siècle. James Hubbart souffrait de démence ce qui l’amenait parfois à oublier qui il était et pourquoi il était dans le couloir de la mort » [29].
Ce terrifiant rapport concernant la « plus grande démocratie du monde » n’a pas amené l’Union européenne à se prononcer sur la situation des droits de l’homme aux États-Unis, et montre encore une fois le caractère illégitime et discriminatoire des sanctions imposées par l’Europe à Cuba ; les raisons étant profondément politiques et idéologiques.
Le Parlement européen justifie la nomination des Dames en blanc par le combat qu’elles mènent pour la libération des « dissidents » : « Elles se font appeler les Dames en blanc (Damas de blanco) et ont formé leur groupe au début de l’année 2004. Vêtues de blanc, couleur qui symbolise l’innocence et la pureté, elles ont fait écho aux femmes d’Argentine qui ont employé une tactique similaire dans les années 1970 pour réclamer des nouvelles de leurs enfants disparus pendant la période de dictature militaire [30] ».
Pour se draper d’une certaine légitimité et occulter les raisons qui ont conduit leurs parents à la prison, les Dames en blanc utilisent le moyen de lutte des Mères de la Place de mai et comparent volontiers le combat qu’elles mènent au leur. La presse internationale s’est également empressée à procéder à des comparaisons hâtives sans évidemment chercher à connaître l’opinion des mères argentines, les principales intéressées.
Interrogée à ce sujet, Mme Hebe de Bonafini, présidente de l’association Mères de la Place de Mai, universellement reconnue et respectée pour sa lutte infatigable contre les injustices, a dénoncé le rapprochement fallacieux effectué par les Dames en blanc et a eu une réponse assez cinglante envers les journalistes en question :
« Tout d’abord, laissez-moi vous dire que la Plaza de Mayo se trouve en Argentine et nulle part ailleurs. Notre foulard blanc symbolise la vie alors que ces femmes dont vous me parlez représentent la mort. Voila la différence la plus importante et la plus substantielle qu’il faut signaler à ces journalistes. Nous n’allons pas accepter que l’on nous compare ou qu’elles utilisent nos symboles pour nous piétiner. Nous sommes en total désaccord avec leurs propos.
Ces femmes défendent le terrorisme des États-Unis. Elle défendent le premier pays terroriste du monde, celui qui a le plus de sang sur les mains, celui qui a lancé le plus de bombes, celui qui a envahi le plus de pays, celui qui a imposé les plus fortes sanctions économiques contre les autres. Nous sommes en train de parler de la nation qui est responsable des crimes d’Hiroshima et Nagasaki.
Ces femmes ne se rendent pas compte que la lutte des Mères de la Plaza de Mayo symbolise l’amour que nous portons pour nos enfants disparus, assassinés par les tyrans imposés par les États-Unis. Notre combat représente la Révolution, celle que nos fils et nos filles avaient voulu mettre en œuvre. Leur lutte est différente car elles défendent la politique subversive des États-Unis qui n’est faite que d’oppression, de répression et de mort » [31].
Le Parlement européen n’en est pas à sa première contradiction. En effet, en 2002, il avait concédé le prix Sakharov à M. Oswaldo Payá, leader du Mouvement chrétien de libération et promoteur du Projet Varela à Cuba– en réalité élaboré par la Maison-Blanche – lié à l’extrême droite cubaine de Floride [32]. Or, M. Payá avait, quelques mois auparavant, en avril 2002, soutenu ouvertement le coup d’Etat fasciste contre le président Hugo Chávez du Venezuela [33]. L’obsession de l’Union européenne à l’égard de Cuba l’a amené à récompenser un partisan du coup de force orchestré par Washington contre la démocratie vénézuelienne pour le remercier de son « combat en faveur des droits de l’homme ».
L’autre lauréat du prix Sakharov 2005 est la très controversée organisation française Reporters sans frontières [34]. Curieusement, le Parlement européen a choisi un candidat qui s’est illustré par ses virulentes attaques contre le gouvernement cubain et ses campagnes médiatiques destinées à réduire le nombre de touristes sur l’Île des Caraïbes [35]. Ses liens avec la droite extrémiste cubaine de Floride ainsi que les subventions octroyées par Washington à son égard expliquent en grande partie les prises de positions de l’organisation dirigée par M. Robert Ménard [36].
L’Europe n’est pas prête de s’écarter de la ligne interventionniste dans les affaires intérieures cubaines imposée par l’administration Bush. Avec l’Allemagne qui vient une nouvelle fois de faire preuve d’ingérence en invitant les représentants de la « dissidence » à son ambassade à Cuba, la République tchèque est la nation européenne la plus virulente envers les autorités de La Havane [37]. Le ministre des Affaires étrangères tchèque, M. Ciryl Svodoba, est un partisan farouche de la ligne dure avec le gouvernement révolutionnaire. Il a appelé l’Union européenne à soutenir financièrement la « société civile cubaine », dans le but de renverser le pouvoir en place [38].
La République tchèque mène depuis quelques années une campagne européenne en faveur des « droits de l’homme » à Cuba. Elle dénonce régulièrement ce qu’elle qualifie de « violations inacceptables » des libertés individuelles dans l’Île. Cependant, elle oublie d’effectuer une évaluation de la situation des droits de l’homme sur son propre territoire.
Selon Amnesty International, deux ressortissants anglais et néo-zélandais ont été passé à tabac par la police et ont dû être hospitalisés dans un état extrêmement préoccupant. En août 2004, à Olomouc, un homme a perdu la vie suite à des blessures infligées par un officier de police. En mai 2004, le Comité des Nations unies contre la torture a exprimé son inquiétude dans un rapport sur la violence policière. Il a dénoncé « l’occurrence persistante des actes de violence contre les Roms », ainsi que l’impunité dont jouissent les responsables de ces crimes. Le Comité a également fustigé le système judiciaire qui rechigne à prononcer des condamnations contre les fautifs [39].
En juin 2004, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance a déploré que les recommandations faites aux autorités tchèques pour combattre les discriminations et les inégalités n’aient pas été appliquées. Elle a également dénoncé le fait que les enfants roms soient systématiquement envoyés dans des écoles pour retardés mentaux, et qu’un nombre disproportionné d’entre eux soient arrachés à leur familles pour être envoyés dans des institutions étatiques. La Commission a, par la même occasion, condamné la stérilisation forcée de plusieurs femmes roms [40].
D’autre part, les agresseurs des Roms ne sont que très rarement condamnés par la justice tchèque. Par exemple, en janvier 2004, MM. Petr Blaize Jas et Marin Stiskala ont été seulement condamnés à trois ans de prison avec sursis pour avoir agressé un couple de Roms. L’homme a été torturé avec un tesson de bouteille alors que la femme, de surcroît enceinte, a perdu la vue d’un œil après avoir été violemment frappée à la tête [41].
Le Comité européen pour la prévention de la torture ainsi que le Comité des droits de l’homme des Nations unis ont dénoncé l’utilisation barbare de lits-cages pour les patients et enfants souffrant de maladie mentale. Le ministre de la Santé a déclaré avoir ordonné la suppression des lits-cages dans toutes les institutions de santé. Mais, contre toute attente, le président de la République, M. Václav Klaus, est personnellement intervenu et a critiqué son ministre en déclarant que l’interdiction des lits-cages constituait « une décision irréfléchie et superflue ». Il a donc décidé de transférer le dossier au ministre du Travail et des Affaires sociales qui a annulé la prohibition. La désastreuse situation des droits de l’homme en République tchèque montre à quel point les manigances du gouvernement de Prague contre Cuba empestent l’hypocrisie et la soumission aux desideratas de Washington [42].
En France, une personnalité politique de la gauche s’est illustrée par ses positions contre le gouvernement cubain. M. Laurent Fabius, numéro deux du Parti socialiste, a exhorté l’Union européenne et le gouvernement français à apporter leur soutien aux « combattants de la liberté », comme les qualifient les États-Unis. L’ancien Premier ministre sous le gouvernement de François Mitterrand qui, en 1986, avait accueilli à bras ouvert le sanglant dictateur Jean-Claude Duvalier qui a terrorisé Haïti de 1971 à 1986, en lui offrant l’asile politique, milite maintenant en faveur d’un alignement des autorités françaises sur la politique de M. George Bush. Il souhaite apporter son « plein soutien au mouvement des ‘Dames en blanc’ » car « leur combat est exemplaire » et « tous les démocrates doivent le soutenir [43] ».
Washington ne dit pas autre chose. Selon M. Caleb McCarry, fonctionnaire du Département d’Etat nommé, le 28 juillet 2005, coordinateur pour la transition à Cuba, le but de l’administration Bush est « d’appuyer une transition authentique vers les libertés politiques pour le peuple cubain » qui passe par le soutien financier de l’opposition interne, elle-même totalement coupée de la population. Les tentatives de subversion qui se font dorénavant au grand jour ne choquent pas l’Union européenne. Mais dès que les rigueurs de la loi cubaine s’appliquent sur les contrevenants – qui en acceptant les prébendes généreusement offertes par les États-Unis passent du statut d’opposant à celui d’agent financé par une puissance étrangère –, elle s’en émeut prétendant ignorer le fin fond de l’histoire [44].
[1] Anne-Laure Pham Viet Lac, « Trois lauréats pour le prix Sakharov », L’Express, 26 octobre 2005.
[2] Salim Lamrani, Cuba face à l’Empire : propagande, guerre économique et terrorisme d’État (Outremont : Lanctôt, 2005), pp. 161-75.
[3] Amnesty International, « Report 2005 », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[4] Amnesty International, « Report 2005 – El Salvador », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[5] Amnesty International, « Report 2005 – Honduras », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005). Voir aussi « Escuadrones de la muerte asesinan niños y jóvenes de la calle », Voltaire/Alia 2, 18 février 2005.
[6] Amnesty International, « Report 2005 – Mexique », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[7] Amnesty International, « Report 2005 – Colombie », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[8] Amnesty International, « Report 2005 – Équateur », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[9] Amnesty International, « Report 2005 – Haïti », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[10] Amnesty International, « Report 2005 – Jamaïque », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[11] Amnesty International, « Report 2005 – Guatemala », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[12] Amnesty International, « Report 2005 – Bolivie », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[13] Amnesty International, « Report 2005 – Chili », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[14] Amnesty International, « Report 2005 – Paraguay », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[15] Amnesty International, « Report 2005 – Uruguay », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[16] Amnesty International, « Report 2005 – Guyane », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[17] Amnesty International, « Report 2005 – Brésil », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[18] Amnesty International, « Report 2005 – Argentine », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[19] Amnesty International, « Report 2005 – Bahamas », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[20] Amnesty International, « Report 2005 – Canada », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[21] Amnesty International, « Report 2005 – République dominicaine », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[22] Amnesty International, « Report 2005 – Trinidad & Tobago », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[23] Amnesty International, « Report 2005 – Pérou », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[24] Amnesty International, « Report 2005 – Nicaragua », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[25] Amnesty International, « Report 2005 – Venezuela », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[26] Amnesty International, « Report 2005 – Cuba », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[27] Salim Lamrani, Cuba face à l’Empire : propagande, guerre économique et terrorisme d’État, op. cit., pp. 120-25.
[28] Colin L. Powell, Commission for Assistance to a Free Cuba, (Washington : United States Department of State, mai 2004) www.state.gov/documents/organization/32334.pdf. (site consulté le 7 mai 2004), p. 16 ; Roger F. Noriega, « Assistant Secretary Noriega’s Statement Before the House of Representatives Committee on International Relations », Department of State, 3 mars 2005. (site consulté le 9 avril 2005).
[29] Amnesty International, « Report 2005 – États-Unis », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[30] Parlement Européen, « Trois lauréats pour le Prix Sakharov 2005. Femmes courage à Cuba : un groupe de femmes manifeste contre les détentions abusives », 20 octobre 2005. www.europarl.eu.int/ (site consulté le 31 octobre 2005).
[31] Salim Lamrani, « La Plaza de Mayo se trouve en Argentine et nulle part ailleurs », Cuba Solidarity Project, juin 2005. (site consulté le 31 octobre 2005).
[32] El Nuevo Herald, « Conciliados exiliados se unen al plan de Payá », 18 février 2005, p. 21A ; El Nuevo Herald, « La isla y el exilio unidas en un plan para la transición », 18 février 2005.
[33] El Nuevo Herald, « Conciliados exiliados se unen al plan de Payá », 18 février 2005, p. 21A ; El Nuevo Herald, « La isla y el exilio unidas en un plan para la transición », 18 février 2005.
[34] Salim Lamrani, Cuba face à l’Empire : propagande, guerre économique et terrorisme d’État, op. cit., pp. 70-89.
[35] Reporters sans frontières, « Le Comité de soutien à Raúl Rivero distribue des livres aux touristes en partance pour Cuba », 27 mars 2004. (site consulté le 2 avril 2004).
[36] Robert Ménard, « Forum de discussion avec Robert Ménard », Le Nouvel Observateur, 18 avril 2005. (site consulté le 22 avril 2005).
[37] Frances Robles, « Invitations Create Diplomatic Flap », The Miami Herald, 6 octobre 2005 ; El Nuevo Herald, « Al rojo la tensión con Europa », 5 octobre 2005.
[38] El Nuevo Herald, « Checos firmes contra Castro », 5 novembre 2005.
[39] Amnesty International, « Report 2005 – République tchèque », 2005. (site consulté le 6 novembre 2005).
[40] Ibid.
[41] Ibid.
[42] Ibid.
[43] Laurent Fabius, « Répression à Cuba, il faut agir », Libération, 29 octobre 2005.
[44] El Nuevo Herald, « Washington apoya una transición auténtica », 2 octobre 2005.
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