George W. Bush a raison de dire que le plan de retrait unilatéral d’Ariel Sharonest un événement historique, mais il n’est pas sûr qu’il en saisisse bien toutes les implications pour l’État hébreux. Même Sharon sera surpris d’apprendre que Washington le pousse à constituer un État binational fondé sur l’apartheid.
Quel est le lien entre un désengagement de Gaza et l’établissement d’un État binational ? On peut penser de prime abord que ce désengagement sera justement un moyen de séparer un million et demi de Palestiniens d’Israël et donc réduit le risque que le pays cesse d’être un État juif. Cette proposition est donc soutenue par la gauche israélienne qui reste attachée aux slogans anachroniques concernant la « fin de la conquête » et le démantèlement des colonies. Le mouvement Peace Now a même suspendu sa campagne « évacuer les colonies, choisir la vie » pour ne pas nuire à la politique de retrait de Sharon. Cette attitude ressemble à celle des libéraux sud-africains lors de la création de « foyers pour les noirs », mais il devint vite évident que la stratégie de création de ces foyers visait essentiellement à y parquer la population noire. La stratégie des bantoustans échoua et les demandes d’égalité civile s’intensifièrent. Le monde se mobilisa alors pour la défaite de l’apartheid.
Sharon veut appliquer son plan de bantoustans pour Gaza et la Cisjordanie. Dans cette région, la barrière crée trois bantoustans. Le plan de Sharon prévoît la préservation d’un « État juif démocratique », la « séparation », la « fin de la conquête », le « démantèlement des colonies » et l’emprisonnement de trois millions de Palestiniens dans des bantoustans. Ce plan durera tant que la « séparation » apparaîtra comme un moyen de mettre fin au conflit. Un jour il sera évident que le « mur de séparation » est un moyen d’oppresser et de dominer et cela entraînera une mobilisation contre l’apartheid, le plan de Sharon ne fait qu’accélérer le processus.

Source
The Guardian (Royaume-Uni)

« Bantustan plan for an apartheid Israel », par Meron Benvenisti, The Guardian, 26 avril 2004.