Sommes nous condamnés à la guerre des civilisations prédite par Samuel Huntington en 1993 ? Le raisonnement selon lequel les différences entre civilisations sont plus fondamentales que celles entre idéologies et que la globalisation affaiblit les identités nationales au profit de la religion est devenu populaire dans les cercles académiques et sur les sites internet islamistes. Les évènements du 11 septembre 2001 ont renforcé cette croyance dont les arguments ne m’ont jamais convaincu.
L’histoire récente de l’Europe et notre tradition d’antisémitisme " chrétien " ne devraient pas nous inciter à regarder le monde islamique de haut et lui donner des leçons. Nous devons également nous rappeler que les trois quarts des musulmans du monde ne vivent pas dans un pays arabe mais dans des démocraties comme la Malaisie, l’Indonésie ou l’Inde. Les sociétés musulmanes asiatiques ont leur poche d’extrémisme mais il est difficile, si on les comptabilise, d’affirmer que la colère musulmane existe de l’Atlantique au Pacifique. Les sondages montrent que les Arabes ne haïssent pas les valeurs occidentales - la liberté, la démocratie ou l’éducation - mais ils ne soutiennent pas pour autant les politiques occidentales qu’ils jugent hypocrites, notamment concernant la question palestinienne, une question dont l’initiative de Genève montre pourtant qu’il est possible de la résoudre. L’Irak est un autre point de désaccord mais on peut espérer que cette question sera résolue avec les élections de 2005. Le troisième point de tension est la question de la réforme du monde arabe.
Suite à la publication du rapport de l’ONU sur le développement humain arabe, beaucoup sont arrivés à la conclusion qu’il fallait une réforme de la gouvernance de ces pays, mais il faut une modernisation issue de ces pays et pas imposée. Cela doit se faire progressivement et l’Union européenne veut y contribuer. Nous devons être patients et avoir les mêmes exigences vis-à-vis de tous, pas ajuster les remarques en fonction de nos intérêts. Mener un partenariat est le meilleur moyen de montrer que le scénario prévu par Huntington n’est pas inévitable.
« Huntington’s logic isn’t Europe’s », par Chris Patten, Daily Star, 2 juillet 2004.
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