Au cours de sa tournée proche-orientale, Condoleezza Rice a obtenu le soutien de huit États arabes à la politique états-unienne en Irak. En réalité, ce que ces États approuvent, c’est que Washington ne mise plus sur l’Iran en Irak, cela ne signifie pas pour autant qu’ils approuveraient une agression contre l’Iran. Bien loin de là.
Tandis que l’élite états-unienne se demande à Washington s’il convient ou non de soutenir la nouvelle stratégie du président George Bush en Irak, les leaders arabes ont fait part de leur accord avec cette stratégie.
Mardi, la secrétaire d’État Condoleezza Rice, qui assistait au Koweït à une réunion des chefs des diplomaties des pays arabes du golfe Persique, de la Jordanie et de l’Égypte, consacrée à la discussion de la nouvelle stratégie de Washington en Irak, a entendu des propos approbateurs.
Les représentants de la direction saoudienne ont, au fond, bien exprimé la position commune : la nouvelle stratégie du président Bush mérite d’être soutenue si elle garantit l’unité de l’Irak et l’égalité de tous les groupes au sein de la société.
Les dirigeants des huit pays arabes ne sont bien sûr pas naïfs. Ils sont bien conscients que la situation en Irak est des plus complexes, et que la violence continuera pendant longtemps encore à déchirer ce pays. Mais ils sont bien conscients aussi que la nouvelle stratégie états-unienne, qui inclut de nombreuses mesures dont ils évoquaient la nécessité depuis des années, est ce que Washington pouvait proposer de mieux au moment présent.
Nous en voulons pour exemple les propositions de modifications de la Constitution visant à élargir la participation des représentants de tous les groupes ethniques et religieux au processus politique irakien, ou la politique d’extension des droits des Irakiens et de non-ingérence dans leur politique intérieure, ou bien encore la confirmation que ce pays demeurera indivisible.
Le fait que la nouvelle stratégie note que pour restaurer la sécurité en Irak, il faudra lutter contre toutes les « sources de violence », indépendamment de leur origine ethnique ou religieuse, apparaît également comme important. Ces remarques sont, à n’en pas douter, adressées aux chiites et à l’Iran. On sait, en effet, que, pour l’essentiel, les forces de sécurité irakiennes et états-uniennes en Irak se sont employées jusqu’à présent à lutter contre les formations armées sunnites, alors qu’elles fermaient les yeux sur l’activité des groupes chiites, qui sont eux aussi responsables du chaos que connaît le pays. Ce qui a également réjoui les dirigeants de ces pays arabes, compte tenu de leurs relations avec Téhéran, c’est que Washington ait finalement décidé de ne pas miser sur l’Iran pour parvenir à la stabilité en Irak, bien qu’il n’ait pas été fait ouvertement état de cette question lors de la récente réunion au Koweït.
Une autre raison qui fait que ces pays arabes ont dit « oui » aux États-Unis tient au fait qu’approuver le plan états-unien ne les engage à rien. Avant même cette rencontre des chefs des diplomaties, Condoleezza Rice s’était rendue à Ryad, où il avait notamment été question que l’Arabie Saoudite puisse soutenir le processus de stabilisation et d’unification de l’Irak. La réponse donnée par les autorités saoudiennes n’a pas été rendue publique, bien qu’elles aient déclaré plus d’une fois, précédemment, que la responsabilité du destin de l’Irak reposait avant tout sur les épaules des Irakiens eux-mêmes.
Il convient de rappeler, à ce propos, l’interview donnée par le prince héritier du Royaume saoudien Sultan ben Abdel Aziz au journal Ach-Chark al-Aussat, interview qui avait été publiée quelques jours avant que Bush ne révèle sa nouvelle stratégie. Le prince notait que son Royaume s’inquiétait de l’ingérence étrangère dans les affaires de l’Irak, que la direction saoudienne considérait comme inadmissible ce comportement et laissait le droit aux Irakiens eux-mêmes de rechercher le moyen de sortir de la crise dans laquelle ils se trouvent. Il notait également que l’Arabie Saoudite a offert à maintes reprises son territoire pour que s’y tiennent des rencontres entre les représentants des différents groupes politiques irakiens afin qu’ils puissent parvenir à un compromis entre eux. Les représentants saoudiens ont organisé aussi des discussions avec des hommes politiques irakiens, pour tenter de les convaincre d’engager le dialogue entre eux.
L’explication de ces propos, c’est que la direction saoudienne, tout comme celle des sept autres pays, dont les ministres des Affaires étrangères ont rencontré Condoleezza Rice, sont prêtes à apporter un soutien politique aux Irakiens, à jouer le rôle d’intermédiaires entre les différents groupes irakiens si on le leur demande. Mais ils ne s’apprêtent pour l’instant à octroyer aucune aide à l’Irak, qu’elle soit financière ou militaire, de même qu’ils ne sont pas prêts à endosser la responsabilité de ce qui se passe dans ce pays. Cela, ont-ils souligné, c’est le problème des Irakiens eux-mêmes – on pouvait lire entre les lignes que c’était aussi celui de Washington. Si les États-uniens et les Irakiens parviennent à sortir de la crise, ils en seront ravis, s’ils n’y parviennent pas, ils s’en lavent les mains.
Pourtant, dans la situation actuelle, ce soutien est très important pour les États-uniens. Il est tout aussi précieux pour eux que les huit pays arabes s’abstiennent, tout au moins dans leurs propos, de brouiller les cartes en Irak et de prendre parti ouvertement pour telle ou telle force politique locale. Ils parlent, au contraire, de consolidation de l’unité des Irakiens. Et c’est essentiel.
Les États-Unis ne doivent cependant pas se bercer d’illusions. S’ils ont obtenu carte blanche de la part de huit États arabes pour mettre en œuvre leur nouvelle stratégie en Irak, c’est à la condition que cela ne favorise pas l’aggravation de la situation, dans la région. C’est ainsi que le chef de la diplomatie du Koweït, Muhammed as-Sabah, notait récemment : « nous sommes les alliés de l’Amérique, mais pas ses valets ». Cette phrase a été reprise par le président du Parlement koweïtien, Djassem al-Harafi, alors que des journalistes lui demandaient comment le Koweït réagirait si les États-Unis venaient à insister pour que des frappes soient portées contre l’Iran.
Il ne faut du reste pas lier ces propos uniquement à la possibilité que débutent des opérations militaires de Washington contre Téhéran : ils peuvent s’appliquer à n’importe quelle initiative états-uniennes concernant la région du Grand Moyen Orient. Les huit pays arabes soutiendront Washington dans l’exacte mesure où cela correspondra à leurs intérêts. Mais leur soutien ne sera pas illimité.
Restez en contact
Suivez-nous sur les réseaux sociaux
Subscribe to weekly newsletter