La France a joué un rôle non négligeable dans la résolution de la crise haïtienne qui s’est conclue par la chute du président Aristide en février, puis son « exil » en Afrique du Sud. Le « rapport Debray » de la mission Haïti-France a constitué une bonne base de départ pour renouer les liens historiques entre les deux pays. Depuis, malheureusement, la France est retombée dans un silence assourdissant, aggravé, peut-être, par le départ du tonitruant Dominique de Dominique de Villepin du ministère des Affaires étrangères.
La France doit écouter les Haïtiens, soulagés par le départ d’Aristide, mais face à une tâche immensément ardue. Depuis que le petit despote est tombé de son trône, Haïti est retombé dans l’isolement. La seule réussite d’Aristide aura été d’unir toutes les couches sociales contre lui. Ce n’est pas un hasard si sa chute a eu lieu un mois après le bicentenaire de l’indépendance d’Haïti, car cette commémoration a rappelé aux Haïtiens le gouffre séparant la fierté légitime de leur glorieuse révolution et la honte face à la litanie des despotes. La « nation pathétique » en vient à se demander si on ne lui fait pas payer depuis toujours la singularité de sa révolution antiesclavagiste et son défi à l’Occident et s’il n’existe pas finalement une pente fatale au despotisme en Haïti.
Avec la chute d’Aristide, on assiste à la fin d’un cycle. Le pays s’interroge sur son avenir et ce d’autant plus que si Aristide a tué moins d’Haïtiens que les Duvalier, il a été sans doute une pire calamité que Papa et Bébé Doc. Car ce qu’il a surtout tué c’est l’espoir de tout un peuple qui croyait en lui. Il n’a pas à proprement parlé été un dictateur, il a été le maître du chaos, il a créé un anarchisme dévoyé. La volonté de détruire l’État était arrivée à la tête de l’État et aujourd’hui, la France doit aider à reconstruire le pays ou plutôt à le construire en l’aidant à se débarrasser du messianisme qui caractérise la vie politique haïtienne..
Libération (France)
Libération a suivi un long chemin de sa création autour du philosophe Jean-Paul Sartre à son rachat par le financier Edouard de Rothschild. Diffusion : 150 000 exemplaires.
« Aider Haïti à se relever », par Charles Najman, Libération, 17 août 2004.
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