En 20 ans d’enseignement de la philosophie, j’ai appris la difficulté à définir la « vérité ». Je sais maintenant que pour les médias, la vérité n’est pas fondée sur les preuves, mais sur la répétition. Des suspicions répétées deviennent des vérités et il ne devient plus nécessaire de démontrer son propos puisque « tout le monde le sait » et que « c’est évident ». J’ai été frappé par cette leçon quand le gouvernement états-unien m’a annulé le visa qu’il venait de m’accorder, m’empêchant ainsi d’aller enseigner à l’université Notre-Dame ou de participer à une conférence où j’étais invité par Bill Clinton.
Je suis donc revenu en Suisse, espérant que l’erreur serait réparée. On m’accuse généralement de tenir un double langage, modéré en français et en anglais, radical en arabe. On dit que j’ai des liens avec les extrémistes, que je suis antisémite, que je méprise les femmes et quand je demande à mes détracteurs de prouver leurs dires, on m’avance que « c’est bien connu ». J’ai écrit 20 livres, 700 articles et mes cours sont repris sur 170 cassettes audios. Dans cette production intellectuelle, j’ai condamné l’extrémisme, l’antisémitisme et le terrorisme, les discriminations fondées sur le sexe. Qui a lu mes travaux parmi mes accusateurs ? Qui est familiarisé avec mon étude des textes islamiques et mes efforts pour réinterpréter ces textes sur les questions contemporaines ?
Souvent je rencontre des personnes, même des universitaires, qui ne sont pas familiarisés avec mon travail, mais qui ont une opinion tranchée sur moi. Quand je réfute tous leurs arguments, leur argument final est de rappeler que je suis le petit-fils du fondateur des Frères musulmans, mon parcours intellectuel ne semblant plus alors avoir d’importance. Mon message est de demander aux musulmans de se connaître eux-mêmes et de comprendre qu’être musulmans et Américains ou Européens n’est pas incompatible et qu’en acceptant cela ils enrichissent leur société. Je pense que ce message a besoin d’être entendu dans l’Amérique de l’après 11 septembre.

Source
International Herald Tribune (France)
L’International Herald Tribune est une version du New York Times adaptée au public européen. Il travaille directement en partenarait avec Haaretz (Israël), Kathimerini (Grèce), Frankfurter Allgemeine Zeitung (Allemagne), JoongAng Daily (Corée du Sud), Asahi Shimbun (Japon), The Daily Star (Liban) et El País (Espagne). En outre, via sa maison-mère, il travaille indirectement en partenarait avec Le Monde (France).
New York Times (États-Unis)
Le New York Times ambitionne d’être le premier quotidien global au travers de ses éditions étrangères.
The Guardian (Royaume-Uni)

« An oft-repeated ’truth’ », par Tariq Ramadan, The Guardian, 31 août 2004.
« What does America have to fear from me ? », International Herald Tribune, 1er septembre 2004.
« Too Scary for the Classroom ? », New York Times, 1er septembre 2004. Contrairement aux deux premiers textes cités, celui du New York Times est différent dans la forme, même si les thèmes traités et le fond du propos sont identiques.