Qu’est-ce que le terrorisme ? La prise d’otage de Beslan est un acte terroriste, cela ne fait aucun doute, mais lorsque, sous la direction de Vladimir Poutine, les forces russes mènent un génocide en Tchétchénie, c’est aussi du terrorisme. Poutine est le responsable du déclenchement de la terreur en Tchétchénie. À ce titre, il est le terroriste numéro un.
La seule façon maintenant de mettre un terme à la terreur est que Poutine décide de cesser la guerre en Tchétchénie et, comme Boris Eltsine en 1996, recherche un accord avec les Tchétchènes en passant par leur président légitime, Aslan Maskhadov. Moscou a une position contradictoire vis-à-vis de Maskhadov. On prétend qu’il ne contrôle pas tous les groupes tchétchènes et que dans ces conditions, traiter avec lui ne sert à rien, mais dans le même temps on l’accuse de tous les attentats commis en Russie. Maskhadov contrôle les choses « globalement » et le jour où Moscou se tournera vers lui, les Tchétchènes feront bloc derrière lui. Certes, Maskhadov détestait Eltsine, mais il accepta de négocier avec lui parce qu’il avait compris qu’Eltsine se battait pour l’unité de la Russie. Aujourd’hui, l’histoire est bien différente : Poutine ne se bat pas pour l’unité de la Russie, mais contre les Tchétchènes. C’est un criminel de guerre en train de commettre un génocide. Pour cette raison, Maskhadov n’acceptera de négocier avec Poutine que par le biais d’une médiation internationale.
La médiation peut s’opérer à trois niveaux.
– Une médiation impliquant d’autres pays de la CEI (Communauté des États indépendants) : Ukraine, Kazakhstan, Arménie, et peut-être même Géorgie. Ils sont passés par la séparation d’avec le vieil empire soviétique, cette expérience serait de nature à éclairer utilement les Tchétchènes et c’est la meilleure solution pour la Russie.
– L’Europe pourrait être à un autre niveau. Il serait probablement plus favorable aux Tchétchènes, mais plus préjudiciable à la Russie.
– L’ONU, nettement plus avantageux pour les Tchétchènes, mais mauvais pour la Russie.
Il faut négocier un accord en Tchétchénie qui favorisera la décentralisation du pouvoir en Russie sans toutefois amener le pays vers la désintégration. Sous Eltsine, c’était le chemin que nous prenions, mais Poutine a décidé de restaurer au niveau de la Russie le même système de contrôle implacable qu’à l’époque soviétique, une erreur qui a aggravé la situation en Tchétchénie. Je suis absolument opposé à l’indépendance de la Tchétchénie, mais il est possible de s’entendre sur la base d’une autonomie politique et culturelle. Ce point était déjà acquis avec Maskhadov en 1996-1997, mais au Kremlin, on ne veut pas en entendre parler.
Le président russe compare les dirigeants tchétchènes à Ben Laden. Cela n’a rien à voir, Ben Laden mène une guerre non-négociable contre l’Occident tandis que le problème tchétchène vient de la revendication contrariée du droit à l’autodétermination. Si Israël, pays minuscule bénéficiant du plus extraordinaire dispositif de sécurité du monde, est incapable de protéger son peuple contre les commandos-suicide et autres actes terroristes, comment va s’y prendre la Russie, vaste pays doté d’un appareil de sécurité incompétent et privé de moyens ? Nous devons discuter avec Maskhadov car c’est un homme raisonnable, contrairement à la génération suivante de Tchétchènes, fort différente. C’est pourquoi il est à présent urgent d’agir. La première étape serait que Poutine renonce à la guerre, sans condition, et retire les troupes. La seconde est de commencer les négociations.
« Poutine, terroriste numéro un », par Boris Berezovski, Le Monde, 16 septembre 2004.
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