Les partisans de l’Europe ont été attristés par la décision de Laurent Fabius et ce d’autant plus que nous le respectons. À l’heure du choix historique, ce « non sauf si » ne me semble ni pertinent, ni convaincant. Il s’inspire davantage de considérations tactiques que d’une vision européenne.
La construction européenne a été l’œuvre commune des hommes d’État qui ont toujours su dépasser les clivages partisans. C’est ainsi que fonctionne le couple franco-allemand. Il est donc sans précédent qu’un responsable socialiste de premier plan, ancien Premier ministre, propose de voter non lors d’un référendum d’essence européenne si certaines conditions ne sont pas satisfaites. D’autant plus que ces conditions font l’objet d’un large consensus et que certains sont déjà remplies.
Concernant l’harmonisation fiscale, je veux rappeler à Laurent Fabius que cela ne ferait qu’entraîner une baisse de l’impôt sur les sociétés en France et que lui et ses amis s’y opposent en les présentant comme des cadeaux aux chefs d’entreprises. Le budget de l’Union européenne augmente tous les ans puisque les contributions sont indexées sur le taux de croissance des États. Si un grand projet européen était lancé, la France y contribuerait. Enfin, suite à une initiative française, le Pacte de stabilité va être réformé. Le discours de M. Fabius est celui de tous les extrêmes qui prennent l’Europe comme bouc émissaire. Avant de demander l’application de notre système social en Europe, encore faut-il le rendre performant à nouveau. En outre, les remarques de M. Fabius sont hors sujet. La vraie question est : oui ou non à la Constitution européenne, un texte qui pour la première fois définit les valeurs communes de l’Europe et exprime l’ambition politique de l’Europe ? Dans le cas d’un « non » français, nous reviendrions au traité de Nice, totalement inadapté à une union à 25.
Il est des questions historiques qui appellent des réponses historiques. Si Jacques Chirac n’avait pas, en son temps, prôné le « oui » au traité de Maastricht, aux côtés de François Mitterrand, et contre l’opinion majoritaire de son propre parti, il n’est pas certain qu’il serait aujourd’hui président de la République. J’espère de tout cœur qu’il s’agit pour Laurent Fabius non pas d’un adieu à l’Europe, mais d’un au revoir.
« Non, M. Fabius ! », par Philippe Douste-Blazy, Le Monde, 21 septembre 2004.
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