« Renforcer la liberté, la démocratie, l’indépendance et la paix dans un esprit de solidarité et d’ouverture au monde », telle est la mission fondamentale de notre pays selon le Préambule de la Constitution fédérale.
L’article 54 fixe ainsi les orientations principales de notre politique étrangère :
« La Confédération s’attache à préserver l’indépendance et la prospérité de la Suisse ; elle contribue notamment à soulager les populations dans le besoin et à lutter contre la pauvreté ainsi qu’à promouvoir le respect des droits de l’homme, la démocratie, la coexistence pacifique des peuples et la préservation des ressources naturelles. »
Telles sont en effet, depuis des années, les préoccupations principales de la Suisse.
Particularités de la Suisse
Dans son dernier Rapport de politique étrangère, de juin 20072, le Conseil fédéral énumère les particularités de la Suisse suivantes :
• Neutralité permanente
• Absence de passé colonial
• Tradition fédéraliste et multiculturelle
• Principes de renonciation à la violence et de règlement pacifique des différends.
Ces caractéristiques renforcent l’acceptation des efforts suisses en faveur de la paix.
Orientations prioritaires
La Section politique IV (Sécurité humanitaire) du DFEA (Département fédéral des affaires étrangères) se fixe cinq approches prioritaires dans le domaine du travail en faveur de la paix :
• Partenariats avec des pays et des institutions qui partagent nos valeurs (par exemple collaboration avec le Conseil de l’Europe et l’OSCE) ;
• Rôle actif en tant que médiateur (par exemple au Népal) ;
• Initiatives diplomatiques (par exemple procès d’Interlaken sur les smart sanctions ou proposition pour la création du Conseil onusien des droits de l’homme) ;
• Soutien de programmes efficaces (par exemple création de médias indépendants)
• Soutien de missions de paix multilatérales et d’actions bilatérales avec des expertes et experts suisses (par exemple observation d’élections ou Représentants spéciaux du Secrétaire général de l’ONU comme l’ambassadrice Heidi Tagliavini en Géorgie/ Abkhazie).
Les défis de la politique suisse de paix
Cohérence
La Suisse doit avoir, à l’instar d’autres pays, une approche exhaustive de la politique de paix. En plus des domaines mentionnés ci-dessus, il y a à mon avis également la coopération en matière de développement (objectifs de développement du millénaire), la politique en matière de migrations, qui est encore fragmentaire, de même que la politique en matière d’environnement, de culture et de commerce extérieur. On constate donc que la cohérence est un des plus importants défis.
Pour faire comprendre la nécessité d’y répondre, je vais évoquer différents domaines problématiques et donner des exemples de comportement incohérent.
La Suisse s’engage avec succès dans la lutte contre les armes de petit calibre illégales mais en même temps, elle fournit du matériel de guerre à des pays comme l’Arabie saoudite, le Pakistan et à des pays qui font la guerre à l’Iraq ou à l’Afghanistan. Un renforcement des dispositions relatives à l’exportation du matériel de guerre s’impose. Ces prochains jours, une Initiative populaire pour l’interdiction d’exporter du matériel de guerre sera déposée. Elle fournira une possibilité d’ajustement soit grâce à un contreprojet soit grâce à son acceptation par le peuple.
Un autre exemple d’incohérence est celui du projet de barrage d’Ilisu sur le Tigre, en Turquie, parce que la Suisse y favorise l’exportation au détriment des droits de l’homme et de la politique de paix (il faut respecter les droits de la population concernée et ceux des Etats limitrophes tels que l’Iraq et l’Iran).
Selon la Constitution fédérale, la Suisse s’engage « en faveur d’un ordre international juste et pacifique ». Depuis des années, le DFAE et le Conseil national s’engagent en faveur de la ratification de la Convention OIT 169 sur les peuples autochtones et tribaux et depuis des années le DFE (Département fédéral de l’économie) s’oppose à la signature de cette Convention. Après que le Conseil national, lors de sa dernière session d‘été, se soit imposé une fois de plus à ce sujet, le défi reste de persuader le SECO (Secrétariat d’Etat à l’économie) de la nécessité de signer. Nous sommes témoins ici des tensions qui existent entre la DDC (Direction du développement et de la coopération) et le DFAE d’un côté et le SECO et le DFE de l’autre.
On observe un problème de cohérence analogue en ce qui concerne les accords économiques bilatéraux et multilatéraux. Le Conseil fédéral s’oppose chaque fois à l’intégration de clauses concernant le domaine social, les droits de l’homme et l’environnement. Le défi sera ici la rédaction de directives contraignantes relatives à la responsabilité sociale des entreprises.
Promotion des femmes
Outre l’intégration des entreprises dans la promotion de la paix, une participation plus forte des femmes s’impose. La Section politique IV du DFAE travaille sur ce dossier et a organisé la semaine dernière un séminaire sur l’application de la résolution 1325 de l’ONU au niveau national. Il faut absolument intégrer davantage les femmes dans la politique de paix. Des approches telles que le réseau informel des Femmes ministres des affaires étrangères, les activités suisses au sein du Group of Friends ou le mouvement Mille femmes pour le prix Nobel de la Paix, initié par ma collègue du Conseil national Gaby Vermot, doivent être poursuivies et approfondies. En outre, je considère la lutte contre la traite des femmes et contre la violence exercée contre les femmes en tant qu’arme de guerre comme une mission primordiale de la politique de paix.
Lutte contre le terrorisme
La lutte contre le terrorisme est un défi essentiel de la politique de paix. La collaboration internationale s‘impose. Mais il reste à clarifier la définition du terrorisme, l’analyse des causes et les moyens de lutte (en considérant par exemple l’extension de la surveillance préventive, les atteintes aux droits civiques et la protection de la vie privée). Un problème particulier se pose dans la mise en œuvre du Traité entre la Suisse et les Etats-Unis puisque la politique des Etats-Unis constitue une partie du problème et qu’il existe entre les deux pays des différences d’opinion sur la définition du terrorisme, les listes noires, etc. Le rôle que doit jouer l’armée suisse dans la lutte contre le terrorisme doit également être clarifié.
Politique culturelle
Pour surmonter les préjugés culturels (qui se manifestent notamment dans le soupçon général qui frappe les organisations islamiques d’intérêt général depuis le 11-Septembre), il faudrait intensifier le dialogue des cultures.
Rapport entre la promotion militaire et la promotion civile de la paix
Ces derniers temps, on débat intensément sur les liens qui existent entre la promotion militaire et la promotion civile de la paix. Même s’il ne fait aucun doute qu’une politique militaire internationale est nécessaire, des questions fondamentales se posent aux Suisses :
• L’armée suisse est-elle nécessaire ? Et si oui, pour quoi faire ?
• Le règlement militaire des problèmes pratiqué par les Etats-Unis et l’OTAN aboutit-il vraiment à la paix ?
• La solidarité internationale exige-t-elle que la Suisse mette des troupes à disposition ?
• Est-ce agir solidairement que de ne pas participer aux interventions armées et aux engagements d’imposition de la paix ?
• Ne serait-il pas plus efficace et plus avantageux que la Suisse se limite à la promotion civile de la paix, domaine où elle dispose d‘atouts en comparaison d’autres pays.
En ce qui concerne l’Afghanistan, je suis convaincu que les soldats suisses qui opèrent avec les troupes de l’OTAN sapent la crédibilité de la Suisse, sa neutralité, son acceptation en tant que médiatrice, voire ses interventions humanitaires. La Suisse devrait retirer ses deux soldats d’Afghanistan et miser entièrement sur la politique civile de paix.
ONU
La Suisse s’est bien positionnée au sein de l’ONU (politique d’Etat hôte, réseaux, propositions de réforme, etc.). Les défis particuliers liés à l’ONU sont l’adhésion au Conseil des droits de l’homme nouvellement créé et les réformes institutionnelles comme dans le domaine de l’environnement.
L’ONU devrait, selon moi, jouer un rôle dirigeant face aux institutions économiques de Bretton Woods et de l’OMC. Ce rôle découle de la Charte des Nations Unies. L’article 55 y mentionne comme un des objectifs des Nations Unies le fait de « favoriser le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et des conditions de progrès et de développement dans l’ordre économique et social ». La réforme du Conseil économique et social de l’ONU (ECOSOC) pour en faire un Conseil de sécurité économique, sociale et écologique constituerait un pas dans cette direction.
Conclusions
En résumé, je dirai que la Suisse se trouve confrontée à des défis considérables en matière de politique de paix. Elle doit se fixer des priorités. Il est également évident que la promotion de la paix commence dans le pays. •
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