Alors que Barack Obama compose son administration, le Parti républicain a adoubé Sarah Palin dans le rôle de nouveau leader de l’opposition. Ce choix vise à l’évidence plus à stabiliser un électorat en attendant le moment de la revanche plutôt qu’à gêner la nouvelle majorité. Mais précisément, ce choix illustre le désarroi de la classe dirigeante US et de la société états-unienne toute entière face à la récession et aux catastrophes qui s’annoncent.
Alors que l’Amérique profonde s’interrogeait en début d’année sur la possibilité d’élire une femme à la Maison-Blanche, chacun applaudissait la performance personnelle d’Hillary Clinton : une avocate féministe qui avait su se montrer aussi brillante que bien des challengers masculins. Lorsqu’elle fut évacuée de la course par son concurrent démocrate Barack Obama, les commentateurs s’attendirent à ce que le candidat républicain John McCain choisisse une femme comme co-listier. De la sorte, il pourrait récupérer les voix démocrates de Madame Clinton et élargir sa base électorale.
De possibles noms circulaient. À la surprise générale, McCain désigna une personnalité inconnue du grand public et sans expérience politique fédérale : le gouverneur de l’Alaska, Sarah Palin. En quelques jours, cette outsider mobilisa les foules redonnant un incroyable tonus à la campagne électorale. Madame la gouverneure bouscule toutes les conventions. Sa personnalité déconcerte les uns, enthousiasme les autres. Il y a désormais un phénomène Sarah, une Palinmania.
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Inconnue des gazettes fédérales, Sarah Palin n’a pas seulement imposé son style, mais aussi son image, que personne n’était en mesure de contester. Trois jours après sa désignation, deux biographies préparées de longue date, étaient mises en vente : Sarah Palin, le Barracuda de l’Alaska et Sarah Palin et le pouvoir de la prière. On l’aura compris aux titres, il s’agit d’une part de souligner à la fois l’agressivité de la candidate en la comparant à un petit requin d’Alaska ; et d’autre part d’en faire l’idole des chrétiens conservateurs en lui attribuant une relation personnelle avec Dieu. On est bien loin de l’image classique des féministes à la Clinton.
Sarah Palin est télégénique. Elle est belle. Adolescente, elle fut élue reine de beauté dans sa ville de Wasilla. Elle sortit troisième du concours de Miss Alaska et fut à nouveau élue reine de beauté de son université. Jamais une femme politique aux États-Unis n’avait utilisé cet argument. Elles voulaient toutes revendiquer un curriculum vitæ exemplaire, étaler leurs diplômes et leurs réalisations. Sarah Palin préfère sourire. Elle sourit partout. Sur toutes ses photos officielles, y compris celle de gouverneure, le même sourire éclatant, digne d’Hollywood.
Sarah Palin a réponse à tout, y compris aux questions qu’elle ne connaît pas. Lorsque l’on demande à sa directrice de campagne, Carly Fiorina, ancienne Pdg de Hewlett-Packard, si Madame Palin pourrait diriger comme elle une société multinationale, elle répond « non bien sûr, mais c’est sans importance car Sarah ne postule pas à cette fonction ». Sarah voulait être vice-présidente des États-Unis. Vu l’âge de John MCcain (72 ans) et son état de santé (séquelles des tortures subies au Vietnam et problèmes cardiaques), Sarah aurait pu lui succéder en cours de mandat et devenir la première femme présidente des États-Unis. Est-elle préparée à exercer une si haute fonction ? oui, parce qu’elle est « intègre, honnête et optimiste » répond-elle aux journalistes. Sur son site internet, elle se présente comme la Margaret Thatcher états-unienne, la « femme de fer venue du Nord pour mettre fin à la culture de la corruption à Washington ». Elle est déjà partie en croisade contre les élites de la capitale, et reposer la question de son (in)expérience paraît soudain dépassé.
Qu’est ce qui la distingue d’un pit-bull, ironise-t-elle ? Le rouge à lèvres !
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Sarah Heath est née en 1964 dans l’Idaho. Ses parents s’installent peu après en Alaska, une province russe achetée par les États-Unis au Tsar Alexandre II qui n’avait pas moyen de défendre ces côtes lointaines. Sa mère est secrétaire d’école et son père à la fois instituteur et trappeur dans cette terre sauvage et magnifique. Ils résident à Wasilla, un bourg de quelques milliers d’habitants à 50 km de la capitale économique, Anchorage. Toute jeune, Sarah accompagne parfois son père à la chasse au lapin avant d’aller à l’école. Ensemble, ils aiment entreprendre de longues marches dans ces paysages enneigés.
Sarah est élevée dans la foi catholique, mais la famille se convertit au pentecôtisme lorsqu’elle a 12 ans. Elle fréquente dès lors l’Assemblée de Dieu et développe une religion faite de piété exaltée et de lecture littérale de la Bible. Elle rejoindra d’ailleurs tardivement l’Église de la Bible.
Adolescente, Sarah est très sportive. Elle devient capitaine de son équipe de basket-ball et gagne le championnat scolaire d’Alaska. Son jeu est si tenace et fort que ses camarades la surnomment « Barracuda ». Vivant sa foi en toutes circonstances, Sarah rejoint la Fraternité des athlètes chrétiens, une importante association dominée par les Évangéliques.
C’est tout naturellement, qu’en 1988, elle entre dans la vie active comme journaliste sportive pour les chaînes de télévision locales d’Alaska. La même année elle épouse Todd Palin, un petit-fils d’eskimo, qui travaille l’été comme pécheur et l’hiver sur un gisement pétrolier exploité par British Petroleum (BP). Il est sportif comme elle et a remporté des championnats de motoneige.
À 28 ans, c’est le début d’une fulgurante ascension. Elle se présente aux élections municipales et est élue sans difficultés. La belle journaliste, sportive et pieuse, se mue rapidement en un barracuda politique dévorant tout sur son passage. En 1996, elle est élue maire de Wasilla et sera réélue trois ans plus tard. La bourgade compte alors 5 000 habitants et la municipalité n’emploie que 53 fonctionnaires. En quelques années, elle en fait un petit centre économique où les emplois se multiplient. En 2006, elle obtient l’investiture du Parti républicain pour l’élection de gouverneur. Elle mène une campagne axée sur la moralisation de la vie politique et est élue gouverneure de l’Alaska. Cette fois c’est du sérieux. Elle gère un budget de 6,6 milliards de dollars. Elle développe la vie économique, cette fois en favorisant l’exploitation des hydrocarbures et en augmentant les impôts sur les compagnies pétrolières. Elle double les recettes de l’État et acquiert une très large popularité. Jusqu’à ce 28 août 2008, où elle devient la co-listière de John McCain, candidate à la vice-présidendence des États-Unis… Elle n’a que 44 ans.
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Les positions politiques de Sarah Palin déroutent. D’abord, elle se présente comme chrétienne et drague l’électorat évangélique qui fit la victoire de George W. Bush.
En 2000, en tant que maire, elle fait adhérer sa ville à l’Association des villes de caractère, dont sont membres deux cent collectivités locales aux USA et une cinquantaine d’autres au Canada et aux Philippines. La ville promulgue 49 principes moraux qui devront structurer son administration et ses habitants. Derrière une présentation neutre, il s’agit en réalité d’une reformulation des 49 préceptes bibliques et des 49 commandements du Christ selon Bill Gothard. Ce prêcheur vient donner des conférences à Wasilla. Il enseigne que les Pères fondateurs des États-Unis ne voulaient pas de la séparation des Églises et de l’État, laquelle ne serait qu’un mythe inventé par les libéraux. L’application des méthodes de Bill Gothard pour rééduquer de jeunes délinquants a attiré l’attention des médias lors du scandale d’Indianapolis. Des adolescents y avaient été soumis à des punitions corporelles, certains avaient été enchaînés, d’autres enfermés dans une salle de prière et privés de nourriture. Aucune plainte n’a été enregistrée à Wasilla, mais la pression morale y est aussi forte.
En 2007, en tant que gouverneure, Madame Palin proclame une « semaine de l’héritage chrétien » et organise toutes sortes de manifestations culturelles pour célébrer l’apport du christianisme dans l’identité de l’Alaska. Puis elle récidive avec une « semaine de la Bible » où elle célèbre l’influence biblique sur les arts, la littérature, la musique et le droit.
Si les féministes défendent par principe le droit à l’avortement, Sarah Palin milite au sein de l’association Féministes pour la Vie. Elle s’oppose à l’avortement, y compris en cas de viol ou d’inceste, mais admet une dérogation si la vie de la mère est en danger. Fidèle à sa position, elle n’a pas avorté lorsqu’elle a appris que son cinquième enfant, Trig, est atteint de mongolisme. Elle a au contraire remercié Dieu de lui avoir donné un nouvel enfant pour manifester sa bénédiction.
Cette fermeté face à la difficulté tourne cependant vite au fanatisme. Elle demande que l’on enseigne dans les écoles à la fois le créationnisme, auquel elle croit, et le darwinisme, comme deux hypothèses non encore départagées. Elle s’oppose à l’éducation sexuelle. Elle veille d’ailleurs à protéger ses enfants de la dépravation des mœurs en les tenant à l’écart de ce genre d’information. Catastrophe, sa fille Bristol, qui ignore tout de la contraception, se trouve enceinte à l’âge de 17 ans. Là encore, nouvelles déclarations pour remercier Dieu de ce cadeau et annoncer le mariage précipité de l’adolescente avec le père de son enfant, un joueur de hockey.
S’il est une question politique où la religion joue un grand rôle aux États-Unis, c’est celle du soutien à Israël. Sarah Palin fréquente à l’Église de la Bible le fondateur d’un groupe évangélique missionnaire : les Juifs pour Jésus. Cette organisation affirme que le christianisme étant la réalisation des prophéties juives, il ne rompt pas avec elles. Les deux religions sont donc identiques. Cela tombe bien car Sarah Palin est née d’une mère juive par filiation, convertie au christianisme ; cette théorie lui permet donc de tout concilier.
Bien que les organisations sionistes soient exaspérées par cette théologie, elles se réjouissent du soutien inconditionnel de Sarah Palin à Israël. Elle a même installé un drapeau israélien à côté du drapeau états-unien dans son bureau de gouverneure et s’est engagée, si elle parvient à la Maison-Blanche, à reconnaître Jérusalem comme capitale de l’État juif.
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Quoi qu’il en soit, en bonne puritaine, Sarah Palin pense que Dieu apporte la prospérité à ceux qui Le servent. Aussi, met-elle en veilleuse ses principes religieux lorsque l’on aborde les questions économiques.
À peine est-elle élue conseillère municipale que survient une polémique à propos des accidents de la route dus à l’ivresse. Les bars d’Anchorage ferment à 2h du matin, et de nombreux routiers viennent terminer la soirée dans ceux de Wasilla, qui ne ferment qu’à 4h. Le maire propose de mettre fin à ce va-et-vient pour prévenir les accidents. À sa grande surprise, Sarah, bien que membre d’une congrégation évangélique qui prohibe l’alcool, prend la défense des commerçants et s’oppose à la fermeture anticipée des débits de boisson.
Sarah Palin aime à se présenter comme une femme sportive et saine, toujours au contact de la nature. Elle se fait photographier pêchant avec ses enfants en barque sur un lac. Elle mange des hamburgers d’élan, fait du motoneige, et possède un hydravion. Elle cultive l’image d’une famille de trappeurs chrétiens, vivant en harmonie avec son environnement comme au Jardin d’Eden. La réalité est bien différente.
Dès son élection de maire, elle déclare « désormais, Wasilla est ouverte au business ». Elle améliore les routes et facilite l’implantation d’hypermarchés où 50 000 habitants d’Anchorage peuvent venir faire leurs courses chaque semaine. Ce spectaculaire développement se fait au détriment de l’environnement. On déboise sans complexe pour installer des parkings et on fait du lac Lucille, bijou de la vallée, un dépotoir. Le petit coin de paradis se transforme en zone commerciale. Les photos de pêche en famille sur le lac Lucille sont de la pure figuration : il y a bien longtemps que la politique de Sarah Palin a tué tous les poissons.
La grande question de l’Alaska, c’est la possible exploitation de nouveaux gisements de gaz et de pétrole. Or cette colossale richesse est principalement située dans un parc naturel, orgueil non seulement de l’État, mais de tous les États-Unis. Au cours des dernières années, les associations écologistes ont convaincu l’opinion publique de préserver ce sanctuaire de la vie sauvage. Sarah Palin voit les choses autrement. En tant que gouverneure, elle autorise les grandes compagnies, notamment BP qui emploie son mari, à étendre l’extraction. En échange, elle augmente les impôts sur ces sociétés. De la sorte, elle double les revenus de l’État.
La grande réalisation de la gouverneure, c’est la mise en travaux d’un gazoduc reliant les champs d’exploitation d’Alaska aux consommateurs des États-Unis continentaux . Ce chantier devrait coûter entre 30 et 40 milliards de dollars. Il a été rendu possible par son intense lobbying auprès des autorités canadiennes, malgré l’opposition des tribus indiennes qui craignent la destruction de leur environnement. Bien sûr, ce gazoduc est surdimensionné. Il devrait entrer en fonctionnement aux environs de 2015… il faudrait alors que l’exploitation des hydrocarbures dans la réserve naturelle ait commencé.
Avec cette initiative, Sarah Palin est devenue l’espoir du lobby pétrolier, qui noie son équipe de campagne sous les dons. Mais leur alliance est déjà ancienne : la gouverneure a « oublié » d’entreprendre les démarches juridiques pour faire payer par Exxon-Mobil les dommages et intérêts dus après le naufrage de l’Exxon Valdez et la marée noire qui s’en suivit sur les côtes d’Alaska, il y a vingt ans.
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Madame Palin est vertueuse. Avant d’être gouverneure, elle fut responsable de la supervision éthique de la Commission des réserves gazières et pétrolières de l’Alaska. Elle démissionna de ses fonctions pour protester contre des manquements répétés. Selon la loi locale, elle ne pouvait révéler ce dont il s’agissait précisément. Mais la suite des événements lui donna raison. Le président de la Commission, républicain comme elle, fut astreint à payer une amende pour malversation, puis à démissionner. Elle acquis ainsi la réputation d’une femme inflexible face à la corruption.
Lorsqu’elle prend ses fonctions de gouverneure, elle réduit de 80 % les frais de représentation de sa charge. Symbole d’un mandat modeste, elle vend aux enchères sur internet l’avion d’affaires acheté par son prédécesseur pour ses déplacements. Elle licencie le chef cuisinier qu’il avait engagé et limite les réceptions officielles.
Mais il est dangereux de jouer au « chevalier blanc ». On l’accuse d’abus de pouvoir. Elle aurait ordonné au directeur de la sécurité publique de son État de licencier un de ses employés qui n’est autre que l’ex-mari de sa sœur divorcée de manière très conflictuelle. Et le directeur ayant refusé de régler ainsi un différend familial, Sarah l’aurait révoqué.
Lorsqu’elle était maire, elle fit construire un vaste et luxueux centre sportif. Mais ce chantier, mal préparé s’avère une gabegie. La construction commence alors que l’achat du terrain n’a pas été finalisée. Son emplacement est trop éloigné du centre ville, de sorte qu’il n’est pas accessible aux enfants en bicyclette et reste désespérément vide.
Et puis, il y a cette histoire peu brillante de promesses électorales démagogiques. Pour se faire réélire comme gouverneure, Sarah Palin s’était engagée à faire construire deux ponts. Leur réalisation aurait coûté au bas mot 1 milliard de dollars. Or, ils ne sont pas justifiés : l’un devrait relier un aéroport à une île de 5 000 habitants, et le second devrait relier au continent une île d’une dizaine d’habitants seulement. Elle interrompit les projets alors que beaucoup d’argent a déjà été gaspillé.
Cependant Sarah-Baraccuda renverse la polémique. À ceux qui l’accusent de dépenser l’argent public pour des « ponts qui ne mènent nulle part », elle répond qu’elle ne laissera pas insulter les populations. Elle s’entête et va soutenir les habitants de ces îles en arborant un tee-shirt marqué « Alaska = nulle part ».
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Dans la grande tradition du Far-West, Sarah Palin est partisan des armes à feu et de la peine de mort. Elle est membre à vie de la NRA, le puissant lobby des armes et ne manque pas une occasion de manifester son soutien aux Gi’s.
En tant que gouverneure, elle réalise son premier voyage hors d’Amérique du Nord : elle rend visite aux membres de la Garde nationale d’Alaska stationnés au Koweit et en Irak, en passant par une basse militaire US en Allemagne où elle rencontre des soldats blessés. Elle en profite pour multiplier les déclarations exaltées sur la Guerre globale au terrorisme. Pour sa plus grande fierté, son fils ainé, Track, 19 ans, s’es engagé volontaire dans l’armée de terre. Il partira bientôt défendre le monde libre en Irak.
Lors d’un entretien télévisé, elle reconnaît ne guère connaître le monde et n’avoir voyagé qu’au Canada, au Koweit, en Irak et en Allemagne. Elle omet de préciser qu’elle n’a rien vu de ces trois derniers pays dont elle ne connaît que des bases militaires US. Puis, elle affirme que l’intervention russe en Géorgie n’a pas été provoquée et qu’il est nécessaire de faire entrer Tblissi dans l’OTAN. Plus belliqueuse que le président Bush, elle lance sans sourciller au journaliste d’ABC interloqué que si cela devait se reproduire, elle serait prête à livrer une guerre contre la Russie.
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Les enfants de Madame Palin sont des joueurs de hockey et elle se définit comme leur fan. Elle applique cette métaphore à son pays. Elle est la mère de tous les États-uniens et leur fan. Ses interventions publiques sont celles d’une rock star parce que sa présence est vécue à la fois comme un réconfort et un encouragement.
Cette figure maternelle ne supporte pas la contradiction. Dès sa prise de fonction à la mairie de Wasilla, elle licencie tous les chefs de service, du directeur de la police municipale à celui du musée historique, pour les remplacer par des employés dociles. Partout où elle passe, elle ne tolère aucune critique. Son pouvoir doit être sans partage.
Dans ses fonctions officielles, Madame Palin est souvent accompagnée du « premier mec », son mari, Todd. Bien qu’il n’ait aucun titre, qu’il ne soit ni élu, ni fonctionnaire territorial, il s’assied en silence aux tables du conseil et observe. Chacun comprend la répartition des rôles : Sarah séduit les électeurs avec son sourire permanent et dévore ses opposants à pleines dents, tandis que Todd prend en silence les décisions stratégiques.
Sarah est une experte en communication. Elle a donné des cours de formation aux femmes de son parti. Elle joue au maximum de sa double qualité de femme et de mère. Elle ne parvient pas toujours à s’imposer lorsqu’elle est interviewée par une autre femme. Et elle a évité de se présenter au Sénat contre Lisa Murkoswski parce que celle-ci était une adversaire trop jeune pour la prendre à son jeu. Mais elle excelle avec les hommes murs. D’un regard, d’un mot, elle les infantilise. Elle est leur mère, celle dont on ne peut contester l’autorité et qui n’a aucun compte à rendre.
Quoi qu’il en soit, l’irruption de cette nouvelle figure maternelle, belle, autoritaire et cassante, illustre le désarroi des États-Unis [1]. La crise économique empire de mois en mois et déjà 1,5 million de familles ont été expulsées de leur logement. L’effondrement des banques et des fonds de placement prive de nombreuses personnes âgées de leurs pensions de retraite. L’armée est embourbée en Irak et en Afghanistan. Il n’est pas sur que l’on puisse approvisionner longtemps les boys partis si loin, ni que l’on puisse les rapatrier rapidement si on le voulait. La majorité des États fédérés sont au bord de la faillite. L’avenir est sombre. Heureusement, Sarah Palin n’éprouve pas le doute. Elle prolonge le « rêve américain » et éloigne comme une mère le dur moment du réveil.
Cet article est paru initialement dans le magazine féminin russe Krestyanka sous le titre, Вся правда о Саре Пейлин (numéro de décembre 2008).
[1] « Sarah Palin, Big Mother », par Jean-Claude Paye et Tülay Umay, Réseau Voltaire, 3 octobre 2008.
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