Publié il y a une dizaine d’années déjà, un ouvrage du professeur Chossudovsky analyse des mécanismes politico-économiques qui restent d’actualité. Il jette un éclairage troublant sur les « plans de stabilisation » que l’on évoque à nouveau aujourd’hui.
À propos du développement socioéconomique en Amérique latine, Michel Chossudovsky a publié deux best-sellers : Guerre et mondialisation et Mondialisation de la pauvreté et nouvel ordre mondial. Le second ouvrage a été publié chez Ecosociété en 1998 et traduit en 11 langues. C’est de celui-là qu’il est question dans ce résumé et plus particulièrement du chapitre sur l’Amérique latine qui est divisé en trois sous-chapitres intitulés « Dette et ‹démocratie› au Brésil », « La thérapie de choc au Pérou » et « La Bolivie : dette et narcotrafic ».
L’auteur examine la manière dont les élites brésiliennes utilisent le développement socioéconomique national pour faire pencher le pouvoir social et les avantages familiaux en leur faveur. Voici un exemple : quelques semaines après le Sommet de la Terre de Rio, en juin 1992, une enquête du Congrès confirmait que le président Fernando Collor de Mello était impliqué dans une affaire de corruption. L’opinion publique n’avait d’yeux que pour le scandale et la chute du chef de l’État. La retransmission télévisée des enquêtes parlementaires eut plus de succès que celle des Jeux olympiques. Pendant ce temps, loin du regard de l’opinion, une tractation portant sur des milliards de dollars se négociait entre le ministre des Finances et les bailleurs de fonds internationaux du Brésil. Les poursuites contre le président avaient détourné l’attention de la population des enjeux sociaux réels : la grande majorité des Brésiliens s’était appauvrie du fait du « plan Collor », lancé en mars 1990 par la ministre des Finances de l’époque Zelia Cardoso de Mello. Le chômage fit des ravages, les salaires réels chutèrent et les programmes sociaux subirent des coupes claires.
Le « plan Collor » combina une politique monétaire interventionniste avec une privatisation dans le style du Fond monétaire international (FMI), la libéralisation du commerce et un taux de change flottant. Le gouvernement brésilien était enfermé dans un cercle vicieux : le versement d’argent frais par le FMI aux fins de rembourser les banques était bloqué par le groupe conseil représentant ces mêmes institutions. Les conséquences ne se laissèrent attendre. Il y eu tout d’abord un changement d’équipe, puis la destitution du président Collor, ensuite la mise en place d’un sociologue « marxiste » aux Finances et, enfin, la restructuration de la dette commerciale.
À l’occasion de cette « thérapie économique », les relations entre gouvernement central et gouvernements régionaux ont été profondément modifiées par rapport aux dispositions de la Constitution de 1988. Pourquoi tout ce qui a été défini est très important ? Parce que les politiques socioéconomiques ont contribué à la gestion de la pauvreté au moindre coût. Elles ont contribué à accélérer l’expulsion des paysans sans terre, chassés des campagnes et transformés en une main-d’œuvre nomade allant de ville en ville. Une nouvelle pauvreté urbaine a fait son apparition, différente de celle des favelas et qui se nourrit de l’exclusion du monde du travail de milliers d’ouvriers et d’employés qui habitaient jusqu’alors dans les zones de résidence de la classe ouvrière et désormais complètement marginalisés.
Le « plan de stabilisation » parrainé par le FMI et appliqué par le gouvernement péruvien du président Alberto Fujimori est le plus sévère jamais mis en œuvre en Amérique latine depuis la crise de 1981-1982. Des programmes d’ajustement structurel, dans plus de 100 pays en voie de développement, celui du Pérou les dépasse en brutalité. La stratégie agricole et financière de Fujimori a, en fait, détruit dès le départ toute possibilité de « développement alternatif » dans la haute vallée de l’Huallaga telle qu’elle fut envisagée par l’accord de 1992. Si les États-Unis voulaient réellement lutter contre le trafic de la drogue, ils n’imposeraient pas au Pérou une politique économique qui renforce l’alliance entre grandes banques, trafiquants et militaires. Il n’en reste pas moins que ce renforcement de la narco-économie apporte ces dollars dont a besoin le Pérou pour assurer le service de sa dette.
Il faut souligner ici la similitude de l’ajustement structurel en Bolivie et au Pérou. Les deux économies dépendent largement des exportations illégales de coca comme source principale de devises étrangères. Dans les deux pays, le recyclage des narcodollars joue un rôle important dans le remboursement des créances. Le programme de stabilisation fut suivi d’une réorganisation de l’industrie minière de l’État et du congédiement de quelque 23 000 travailleurs. Cette « politique de stabilisation » a permis de contrôler l’inflation. Mais, l’objectif de la stabilisation des prix fut réalisé grâce au mécanisme de la « dollarisation » des prix. Le programme de stabilisation provoqua une chute significative de l’emploi et des salaires réels. À sont tout, le pouvoir d’achat diminue, les finances publiques s’effondrent et l’industrie minière stagne voire ferme ses mines. Les prix baissent ; et l’étain s’effondre. Cette baisse des prix aux producteurs fut également accompagnée par un écart grandissant de la marge entre le prix au détail et le prix payé aux paysans. Dans cette conjoncture, la tendance va vers le développement rapide de l’économie illégale du coca.
L’étude de la situation économique et sociale des pays d’Amérique latine effectuée par Michel Chossudovsky renforce la conclusion que la mise en œuvre des droits de l’homme et l’accès à la distribution sont primordiaux pour un développement positif de ces pays. Ce livre contribue de manière importante à notre compréhension de la diversité culturelle.
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