Alexandre Moroz [1] a dit que je ne pouvais pas occuper le poste de Premier ministre à cause de mes liens avec le monde des affaires. Il doit pourtant savoir qu’après ma confrontation avec Kuchma en 1999, mon patrimoine a été anéanti. Je n’en veux pas à l’ancien président, il a aussi fait quelques bonnes choses. Grâce à lui j’ai compris que ma vie, c’est la politique.
Si les décisions politiques sont prises, des réformes radicales seront effectives en quelques mois. L’essentiel est de ne pas faire de compromissions et de ne pas laisser les mêmes personnes à leur poste. Nous amènerons l’économie de l’ombre à la légalité, nous baisserons les impôts et élargirons la base de cette imposition. Selon certains experts, le clanisme dans l’économie ukrainienne est le principal obstacle à l’efficacité des réformes. Je pense qu’il faut séparer le pouvoir et les affaires. Des amendements à la constitution doivent accentuer le rôle de l’opposition parlementaire comme outil de contrôle sur les agissements de l’exécutif. Il est indispensable de créer un système nouveau de financement des partis pour que celui-ci reste l’apanage de la société civile et non des clans. Il nous faut rétablir toutes les barrières qui empêchaient les hommes d’affaires d’apporter des valises de pots de vin aux fonctionnaires car il y a bien longtemps que les enveloppes ne suffisent plus. Dans le domaine économique, le gouvernement va prendre des décisions dans plusieurs directions. Les entreprises stratégiques dont la valeur a été sous-évaluée par les lobbyistes du gouvernement feront l’objet de nouvelles enchères. Les propriétaires actuels bénéficieront d’une priorité d’achat ou d’une compensation, cela permettra d’éviter une révolution dans le business. Les entreprises stratégiques dans lesquelles ont été constatées des malversations seront nationalisées. Je n’ai jamais vu les fameux documents concernant la création d’un éventuel consortium d’acheminement du gaz entre la Russie et l’Ukraine, ils n’ont pas été montrés à la Rada [le parlement], ni à l’opposition. Nous sommes un pays de transit pour les hydrocarbures et nous devons utiliser ce potentiel au maximum, à ce sujet, un oléoduc reliant le Turkménistan à l’Ukraine nous ouvre de grandes perspectives.
Contrairement à ce que pensent certains anciens collaborateurs de Kuchma, le nouveau pouvoir ne peut pas se permettre la vengeance. Le système judiciaire, qui en 2000 m’a empêchée de mener à bien les réformes dans le domaine énergétique, doit être réformé. Mon mari Alexandre Tymoshenko [2] est en fuite. D’après moi, le procureur général actuel a reçu pour instruction de monter une affaire contre ma famille. Désormais, le pouvoir judiciaire ne pourra plus recevoir de commande concernant des hommes politiques ou des sociétés, sinon à quoi cela sert-il que nous ayons fait la révolution ?
Je pense que Léonid Danilovitch Kuchma devra répondre un jour de ses actes, d’ailleurs le procès contre l’ex-Premier ministre de l’Ukraine, Pavel Lazarenko, vient de reprendre et ses avocats promettent d’en faire un procès contre Kuchma. Il semble que le fait que la cour ait autorisé l’utilisation des bandes de Melnitchenko [3] aille dans cette direction.
« Лучшего премьера, чем я, Виктору Андреевичу не найти », par Yuliya Tymoshenko, Vremya Novostyey, 17 janvier 2005. Ce texte est adapté d’une interview.
[1] dirigeant du parti socialiste ukrainien, membre de la coalition de Viktor Yushchenko.
[2] Alexandre Tymoshenko est membre du directoire de la société Systèmes Énergétiques Unis qui, en 1996-1997, s’occupait de la distribution du gaz russe en Ukraine.
[3] M. Melnitchenko est un ancien garde du corps du président Kutchma. Il a reçu l’asile politique aux États-Unis après avoir provoqué un scandale en rendant publics des enregistrements de conversations du président.
Restez en contact
Suivez-nous sur les réseaux sociaux
Subscribe to weekly newsletter