Depuis sa construction comme un État moderne par les Britanniques dans les années 20, l’Irak a toujours été dirigé par sa minorité sunnite et l’autocratie de Saddam Hussein n’a été que la forme la plus sanglante de cette domination qui écrasait dans le sang les révoltes des autres communautés. C’est cette situation qui explique la grande participation des chiites et des Kurdes à l’élection et le boycott dans les zones sunnites.
Ce boycott est l’un des aspects de la tentative globale des anciens dirigeants d’Irak de saper et de délégitimer le transfert de pouvoir dans le pays. Ce que certains appellent « l’insurrection » n’est que l’expression brutale du refus de cette partie de la population d’abandonner le pouvoir. C’est ce qui explique que les chiites et les Kurdes soient la cible des attentats suicide au même titre que les Américains. Les élections en Irak n’étaient pas qu’une question de démocratie, c’était le passage du pouvoir.
Toutefois, une fois ce pouvoir transmis, le droit des minorités sera-t-il respecté ? Difficile à dire, tout comme il est difficile de savoir si les sunnites accepteront leur statut minoritaire, si les tensions entre chiites religieux et laïques ne vont pas s’exacerber, si les tensions entre chiites et Kurdes ne vont pas s’accroître autour de la constitution, et si les Kurdes vont accepter de démanteler leurs forces autonomes.
Il existe un vrai risque d’éclatement à la yougoslave.

Source
Jerusalem Post (Israël)

« The end of Sunni hegemony », par Shlomo Avineri, Jerusalem Post, 1er février 2005.