L’Union européenne admet connaître un « déficit démocratique ». Pourtant, elle ne se départit pas de ses vieux démons. Voilà qu’une campagne de presse est lancée contre le président d’un État membre pour le contraindre à ratifier un traité. Les élus du Peuple, lorsqu’ils ne partagent pas le point de vue bruxellois, doivent-ils se soumettre ou se démettre ?
« Mais sur quel sujet donc voulez-vous faire
voter les gens ? » Ce fut la réponse, le 28 février
2004, du ministre allemand des Affaires
étrangères d’alors, Joschka Fischer, lors d’une
interview accordée au Berliner Zeitung.
La question avait porté sur les raisons de son
opposition à un référendum allemand sur le
projet de Traité établissant une Constitution
pour l’Europe. Fischer ne jugeait même pas
nécessaire de justifier son point de vue.
Cette méthode à la Fischer s’est largement
répandue dans l’UE. Sans mauvaise conscience aucune par rapport aux États démocratiques, les chefs d’états et de gouvernements
des 27 états-membres se sont mis, après leurs
défaites lors des référendums français et néerlandais, à procéder à quelques retouches au
traité et à changer son titre en Traité de Lisbonne, pour ensuite refuser aux peuples de se
prononcer. Sauf en Irlande, où ce ne fut pas
possible.
Plus de cinq ans et demi plus tard, en octobre 2009, on constate la mise en place d’une
action concertée pour faire plier le président
élu d’un pays membre, qui a émis des doutes
envers ce Traité de Lisbonne, doutes d’ailleurs
partagés par des millions d’Européens.
Les médias conformistes ont largement
participé à cette campagne menée contre
Václav Klaus. Par exemple, la Frankfurter
Rundschau qui, dans un article du 16 octobre, prétend que ce président « se complaît
à se dresser seul contre le reste du monde » ;
un homme se mettant « dans le rôle d’un excentrique » qui serait « entre-temps passablement contesté » dans son propre pays. Sa conception de la liberté serait « sans retenue », il
aurait un « esprit de missionnaire », de nombreux Tchèques n’auraient plus qu’un « sentiment de dérision » à son égard et qu’il sèmerait « le désordre » … Il en va de même dans
les autres médias.
Les politiciens de l’UE ne sont pas en reste.
Le journal britannique Sunday Times rapporta le 11 octobre qu’un député allemand du
Parlement européen, le socialiste Jo Leinen,
avait exigé une « procédure de destitution » du
président tchèque. Le choix des termes est
tout un programme : des diplomates français
et allemands réfléchiraient à la façon « de se
débarrasser de l’obstacle Klaus ».
Et le plus haut fonctionnaire à terme de
l’UE, le président de la Commission Barroso, estime pour sa part qu’il lui est possible de menacer le président élu d’un pays
et de décider de ce qui est « inimaginable »,
« absurde », voire « surréaliste ». C’est ainsi
que Barroso décrivait les réflexions portant à
trouver des solutions aux propositions émises
par le président tchèque à propos des modifications à apporter au Traité de Lisbonne.
Ainsi il s’agit d’ignorer tout simplement
ce que la Cour constitutionnelle allemande
avait décidé, il y a quelques mois : que les
États-membres sont les « maîtres des traités »
– et pas les commissaires de Bruxelles.
Il faut aussi rappeler ce qui se trouve dans
l’article 63 de la Constitution tchèque : « Le
président négocie les accords internationaux
et les ratifie. » – Ou ne les ratifie pas. Dans ce
dernier cas, le traité n’entre pas en vigueur.
Pourquoi l’UE ne prend-elle pas le temps
de mener un débat démocratique ? D’où vient
cette précipitation ? Est-ce que les dirigeants
de l’UE ont une peur bleue des votations ? Le
prétendant à la fonction de Premier ministre
britannique, ayant de bonnes chances selon
les sondages récents, a promis à ses électeurs
d‘organiser, en cas de victoire, un référendum au sujet du traité. L’actuel Premier ministre l’avait, lui, refusé à sa population, sachant que ce traité n’avait aucune chance de
trouver une majorité.
Si l’Europe veut guérir, elle doit mettre la
question de la démocratie sur le tapis. Des
élites antidémocratiques ne représentent pas
un avenir pour une Europe qui veut s’engager
pour la société humaine, pour la paix et pour
la justice dans le monde. Si on veut respecter et protéger la dignité humaine, il faut laisser les populations décider elles-mêmes de
leur sort, c’est-à-dire de leur façon de vivre
et d’envisager leur avenir. C’est la condition
même d’un développement durable.
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