Le rapport de la commission internationale d’enquête sur le Darfour a été rendu public le 31 janvier 2005, le jour même où la communauté internationale se souvenait de l’horreur d’Auschwitz.
Selon les Nations unies, le bilan est accablant : près de 1,8 million de personnes déplacées et incapables de subvenir à leurs besoins, plus de 200 000 réfugiés au Tchad et 70 000 morts. La commission, dirigée par Antonio Cassese, a écarté la thèse du génocide, tout en précisant que certains agents du gouvernement « peuvent avoir commis des actes avec une intention génocidaire », et établit que les crimes perpétrés à une grande échelle au Darfour peuvent être qualifiés de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre et que ces derniers « peuvent ne pas être moins graves et moins odieux que le génocide ». La commission préconise de confier la question des responsabilités à la Cour pénale internationale (CPI), tout en laissant ouvertes d’autres possibilités.
Faute d’une alternative nationale effective, je ne peux que souscrire à cette recommandation. La solution idéale serait, certes, de saisir la Cour pénale internationale. La CPI est en effet l’institution internationale chargée de poursuivre les actes de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Le Soudan ayant signé, mais non ratifié, le statut de la CPI, l’activation de la juridiction pénale internationale serait possible moyennant une saisine du Conseil de sécurité. Cependant, les résistances de la Russie et de la Chine et l’hostilité bien connue des États-Unis à l’égard de cette Cour risquent de paralyser toute décision en ce sens. C’est pourquoi, à défaut d’un consensus sur cet instrument qui, à nos yeux, paraît le plus idoine, il importe en priorité que le Conseil de sécurité s’accorde sur une solution crédible qui puisse mettre un terme à la violence au Darfour et qui fasse droit à la nécessité de traduire en justice les responsables. Il faudra peut-être créer un tribunal ad hoc et prendre rapidement des mesures essentielles : l’imposition de sanctions contre le gouvernement de Khartoum, la création d’une zone de non-survol et l’établissement d’une mission de maintien de la paix de l’ONU pour soutenir les troupes de l’Union africaine. Persévérer dans l’immobilisme actuel, sous couvert d’un désaccord sur les moyens d’interventions, serait inacceptable.
Comme nous l’ont rappelé les commémorations d’Auschwitz, l’ONU est née pour que les horreurs du nazisme n’aient plus lieu. Face à la gravité des crimes commis au Darfour, la communauté internationale et le Conseil de sécurité ne peuvent échapper à leurs responsabilités. Il leur incombe d’adresser une réponse claire et ferme à leurs auteurs.
« Darfour : enrayer la violence et punir les crimes », par Emma Bonino, Le Figaro, 17 février 2005.
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