Le Liban comme pays unifié n’existe pas, on a ce que j’appellerais les " Emirats libanais unis ", le pouvoir central contrôle Beyrouth et ses environs et a quelques liens avec les Émirats. La situation est proche aussi de celle de l’Afghanistan, les soldats syriens qui sont 14 000 au lieu de 35 000 au début, contrôlent Beyrouth et les routes principales. Dans certaines régions comme les régions druzes, ils sont totalement absents, en revanche ils contrôlent l’appareil d’État. Le gouvernement libanais actuel sympathise avec les Syriens, il ne prend aucune initiative sans leur aval. De nombreux Syriens travaillent au Liban et de nombreux Libanais en Syrie, des représentants officiels de leurs gouvernements respectifs parlent d’un peuple qui a été injustement séparé par les colonialistes. Il a même été question d’un gouvernement unique, la libre circulation du capital, des biens et des personnes est un fait et l’influence conséquente de la Syrie a empêché l’éclatement du Liban.
Rafic Hariri était l’un des piliers de l’économie libanaise. Parmi les 100 personnes les plus riches de la planète au sortir de la guerre civile, il a injecté 15 milliards de dollars dans la reconstruction du pays. Les gens en place actuellement, avec le soutien de la Syrie, l’ont écarté du pouvoir pour se partager le gâteau. Son retour signifiait bien sûr leur éviction. Ce n’est un secret pour personne, presque tous les hôtels de Syrie sont contrôlés par des Libanais et presque tous les restaurants du Liban par des Syriens. De nombreux groupes religieux n’avaient aucun intérêt dans le maintien du statu quo au Liban, le Hezbollah financé par l’Iran entre autres. L’assassinat de Hariri pourrait ébranler sérieusement cette construction fragile, mais la psychologie orientale pourrait être un rempart contre ce scénario, l’héritier remplaçant le représentant au pouvoir d’une famille quand celui-ci disparaît.
D’après moi, il ne faut en aucun cas retirer les troupes syriennes, Hariri s’était déclaré en faveur de ce retrait uniquement pour attirer les Européens au Liban. Si l’on voulait faire des élections normales il faudrait soit passer outre le principe confessionnel qui est inscrit dans la constitution et sur lequel s’est construit le Liban, soit faire un recensement pour conserver le système actuel : il n’existe que des estimations du nombre de votants. Si le situation reste inchangée, la majorité du gouvernement sera pro-syrienne à l’issue des élections.
« Аль-Харири поплатился за проект арабской Швейцарии », par Vladimir Issaëv, Gazeta.ru, 16 Février 2005. Ce texte est adapté d’une interview.
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