On se moque des mouvements démocratiques russes, Vladimir Poutine et Gerhard Schröder, ces derniers temps, se comportent comme des frères jumeaux avec leurs manifestations de sympathie mutuelle. Dans l’Allemagne actuelle règne une absence d’esprit critique vis à vis de tout ce que peut dire ou faire le président russe réélu. La Tchétchénie ? Du moment que notre gaz naturel arrive ! L’arrestation de Mikhail Khodorkovsky ? On regarde ailleurs, nos affaires n’en sont que plus florissantes après tout ! La presse muselée ? Le démantèlement de l’opposition démocratique ? Une affaire interne...
Quand, en Décembre 2004, Poutine a conseillé de manière insolente à tous les journalistes d’aller déguster leur dinde de Noël parce qu’il n’y a pas de guerre en Tchécthénie, personne n’a sillé. Nous pensions que l’Allemagne était à nos côtés dans la lutte pour la démocratie, mais nous n’avons plus d’illusion. Tous les appels, y compris les miens, sont restés sans réponse dans cette atmosphère de flagornerie. Une seule chose compte, Poutine parle allemand, on peut donc tout lui pardonner, même le piétinement de valeurs démocratiques essentielles en Allemagne. Après avoir exposé à un député, toujours en Décembre 2004, lors d’une visite de parlementaires allemands à Moscou, le cours catastrophique que les choses avaient pris en Russie sous Poutine. J’ai compris que le parlement allemand n’était pas prêt à s’engager dans le processus politique en Tchétchénie et à imposer des négociations entre le gouvernement et les rebelles.
Cela me rappelle fatalement les années de communisme, et le bon vieux principe de mépris humain. Le rideau de fer peut exister, la tyrannie régner derrière ce rideau tant que cela ne nous affecte pas, du moment que le pétrole et le gaz continuent d’arriver. Les millions de morts de la terreur stalinienne, le régime de stagnation de Brejnev ont-ils provoqué des vagues d’indignation ? Ce n’est pas très différent aujourd’hui, l’Europe nous accorde le droit de mourir entre nous, mais nous ne voulons pas mourir, nous voulons sauver la démocratie nouvellement gagnée.
« Deutschland steht auf der falschen Seite », par Anna Politkovskaïa, Der Tagesspiegel, 25 Février 2005.
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