Monsieur le President,

Quarante ans après son entrée en vigueur, le TNP se
retrouve a la croisée des chemins. Après plusieurs années
de blocage, et de régressions, nous avons assisté ces
derniers mois a une série de développements sur
l’ensemble des dossiers de nature nuclèaire :

• Ainsi, le désarmement nucléaire semble connaitre un
renouveau. Celui-ci s’est concretisé le 8 avril dernier par
la signature d’un nouvel accord de réduction des armes
nucléaires stratégiques entre Etats-Unis et Russie. La
Suisse salue la signature de ce nouveau traité et
encourage les deux Etats à le ratifier au plus vite.

• Par ailleurs, ce début d’année 2010 a également vu la
publication des nouvelles doctrines nucléaires des deux
Etats les plus largement dotés. Nous y avons relevé
certains développements positifs.

• Enfin, nous avons assisté récemment a une accélération
des développements sur l’ensemble des dossiers de
nature nucléaire ; j’aimerais citer le Sommet sur la
Sécurite Nucléaire de Washington.

Monsieur le Président,

Si nous prenons toutefois un peu de recul en regard de ce
que ces développements ont apporté en termes d’impact
immédiat, force est de constater que le résultat demeure
modeste. Ainsi, les récentes adaptations des doctrines
nucléaires des Etats dotés nous indiquent qu’il n’y a pas
de remise en question fondamentale de l’arme nucléaire
dans les stratégies militaires de ces Etats. Bien que la
Guerre froide soit terminée depuis deux décennies, la
doctrine de dissuasion nucléaire reste présente, avec un
nombre considérable d’armes prêtes à être engagées en
quelques minutes, alors que des milliers d’autres
demeurent stockées. La pérennité de dispositifs de
défense basés sur l’arme nucléaire revient en fait à
continuer de jouer de façon irresponsable avec le futur de
l’humanité.

La Suisse ne voit pas très bien comment on parviendra à
gérer les problèmes du futur en maintenant de tels
dispositifs. En effet, l’arme nucléaire est à la fois
inutilisable, immorale et illégale :

Inutilisable elle l’est entre Grandes Puissances
disposant d’une capacité de seconde frappe ;
inutilisable elle l’est de par son caractère
disproportionné face aux Etats non-dotés ; inutilisable
elle l’est face au risque terroriste sur lequel la
dissuasion n’a pas d’emprise.

Immorale, elle l’est fondamentalement, car conçue pour
occasionner des dégâts en masse et sans
discrimination, que ce soit en termes de vies humaines,
de destructions, de conséquences sur l’environnement,
... et le tout dans un espace-temps que l’être humain ne
peut pas maîtriser. Plus qu’une arme de destruction
massive, l’arme nucléaire est une arme d’extermination.

Illegale, elle l’est de par sa nature même au regard du
droit international humanitaire. Elle frappe sans
distinction aucune et son utilisation viole sans
exception les principes et règies fondamentaux du droit
international humanitaire. Nous ne voyons donc pas de
cas de figure dans lequel cette arme pourrait être
utilisée sans contrevenir de manière générale au droit
international humanitaire.

Monsieur le Président,

La Suisse est d’avis que cette Conférence d’Examen
constitue une occasion unique pour asseoir sur des bases
plus solides le mouvement en faveur du désarmement
nucléaire. La Suisse attend donc de cette Conférence
l’adoption d’un plan d’action destiné à faire avancer le
désarmement nucléaire de façon concrète, progressive et
pragmatique. II s’agira de bâtir sur l’acquis des
conférences d’examen précédentes, notamment les
"Treize étapes pratiques" de l’année 2000, qu’il faudra
réactualiser, voire dépasser ou y ajouter une notion de
mise en oeuvre dans le temps, a l’image des
recommandations du rapport de la Commission Evans-
Kawaguchi que nous saluons.

Monsieur le Président,

Bien que de notre point de vue le désarmement nucléaire
reste le parent pauvre parmi les trois piliers du TNP, la
Suisse est consciente que pour assurer son succès, cette
Conférence se doit de ne pas négliger l’ensemble des
engagements qui y sont contenus.

Ainsi, dans le domaine de la prolifération nucléaire, le
point de vue selon lequel I’AIEA n’est plus à même
d’empêcher la prolifération s’est répandu ces dernières
années. La Suisse attend de cette Conférence qu’elle
réfléchisse comment rendre le système des garanties de
I’AIEA moins sujet a de telles remises en cause.

Dans le domaine de l’utilisation pacifique de l’énergie
nucléaire, les décennies à venir vont voir la poursuite du
développement du nucléaire civil. Des défis évidents se
poseront quant a la capacité de gérer une telle source
d’énergie pour de nouveaux Etats. La Suisse attend donc
l’adoption par cette Conférence d’un langage clair
réaffirmant le lien entre le droit inaliénable de tous les
Etats-parties a utiliser le nucléaire a des fins civiles et les
obligations en termes de garanties, de sécurite et de
sureté qui en découlent.

Monsieur le Président,

Si nous arrivons a l’adoption d’un plan d’action couvrant
les trois piliers du TNP, nous pourrons assurément parler
d’un succès de cette Conférence.

Toutefois, la Suisse est d’avis que nous devrions avoir
l’ambition d’aller plus loin et de développer une vision qui
va au-delà de cette Conférence notamment dans le
domaine du désarmement. II s’agirait en fait de dépasser
certaines notions de recours à l’arme nucléaire toujours
présentes dans les doctrines militaires des Etats dotés. En
effet, du fait qu’une éventuelle guerre nucléaire mettrait en
péril la survie même de notre humanité commune, la
réflexion doit être lancée de savoir si son emploi serait
légitime, quel que soit le motif de légitime défense
invoqué. Au-delà des considérations militaires et
juridiques, il s’agit donc pour la Suisse de ramener la
composante humanitaire au coeur du débat actuel sur le
désarmement nucléaire. II s’agit en définitive de mettre à
terme hors la loi l’arme nucléaire, au moyen notamment
d’une nouvelle convention, comme le propose le
Secretaire Général des Nations Unies.

La Suisse pense qu’il est important de lancer le débat sur
cette question. En ce sens, mon pays a initié une étude
sur la thématique de la délégitimation de l’arme nucléaire.
J’invite les Etats-parties ainsi que les ONG à participer a la
présentation de cette étude le 10 mai en marge de cette
Conférence.

Monsieur le Président,

La vision a terme d’un monde sans armes nucléaires -
comme celle d’un monde capable d’utiliser l’énergie
nucléaire de manière responsable - est du domaine du
possible. Etats, société civile, tous et toutes nous avons
un rôle à jouer pour qu’une telle vision devienne réalite. La
Suisse vous appelle donc a utiliser pleinement cette
Conférence pour en faire un tremplin vers un dialogue, qui
nous permettra d’aller sereinement au-delà de cette
croisée des chemins où se trouve aujourd’hui le TNP.

Monsieur le Président, je vous remercie de votre attention.