La commémoration de la victoire sur le fascisme est louable en elle-même, mais le découpage historique n’est pas semblable pour les pays baltes et pour le reste de l’Europe. Les autres pays ont pu se réjouir de la victoire sur le nazisme pendant 50 ans et hisser leur drapeau national chaque 8 mai. La Lettonie, la Lituanie et l’Estonie ont été privées de cette indépendance, c’est l’URSS qui en est responsable, d’où notre sentiment partagé à propos de cette date : d’un côté c’est un jour de victoire, mais de l’autre, c’est le début de l’occupation. Je sais que la Russie n’est pas l’URSS, mais elle en est l’héritière juridique. L’Allemagne a pu faire un travail de réflexion intense sur son passé contrairement à la Russie.
Il faut être deux pour danser. Il y a de nombreuses positions sur lesquelles nous ne pouvons pas revenir, nous n’accepterons jamais de dire que la Lettonie a rejoint de son plein gré l’URSS. Il s’agit d’occupation, d’incorporation, d’annexion. Ce que nous attendons de la Russie, c’est qu’elle dise : ce que l’URSS a fait aux pays baltes est criminel et nous le condamnons. Willy Brandt n’était pas un nazi, mais il s’est excusé pour ce qui c’est passé sur son sol. Beaucoup de politiciens russes ne considèrent pas la Lettonie comme un partenaire à part entière et cela m’inquiète. Il y a longtemps que nous devrions avoir des échanges sans arrière-pensées. Nous devons régler les problèmes sans politiser le dialogue, en construisant une relation pragmatique, comme deux individus censés. Il y a des gens qui compliquent la situation par leurs déclarations, mais ils ne participent pas à la prise de décision politique. Je ne sais pas si notre présidente va déposer des fleurs sur un monument précis à Moscou le 9 mai, nous ne sommes pas là pour gâcher cette journée. Nous en parlons maintenant, nous sommes gênés par certains politiciens russes qui disent qu’il n’y a pas eu d’occupation. Nous avons reçu des lettres de Jacques Chirac et Tony Blair, entre autres, qui soutiennent notre position à 100 %. Il n’est pas impossible que les États-Unis se joignent à notre demande d’excuses à la Russie, un parlementaire l’a déclaré.
Nous n’avons que deux clauses à ajouter avant de ratifier la Convention sur les minorités nationales. Celle concernant les noms de rues, nous ne voulons pas revenir au temps de l’URSS où tous les noms étaient en double. Pour ce qui est du bilinguisme total, nous pensons qu’il mettrait en danger la langue lettone. Je me suis fixé pour but en entrant au ministère de supprimer les visas entre notre pays et les États-Unis, le Canada et la Nouvelle-Zélande. Je n’ai pas lu le livre sur l’histoire de la Lettonie au XXème siècle qui a tant fait parler de lui. J’ai lu les pages où il est question du camp de Salaspils, il est bien présenté comme un camp de concentration, peut-être simplement que la légende de la photo aurait mérité des guillemets. Nous ne controlons pas tout ce que les historiens écrivent et de toutes façons les archives soviétiques sont fermées, comment écrire la vérité ?
« Надо признать прошлое и идти вперед. Лично я к этому готов », par Artis Pabriks, Telegraf, 14 mars 2005. Ce texte est adapté d’une interview.
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