Nous avons payé très cher le fait d’être restés avec la Serbie pendant quinze ans. Le référendum annoncé par Milo Djukanovic [1] pour 2006 arrive trop tard. La guerre et les conflits dans les Balkans n’étaient pas une décision des Monténégrins. Nous étions sous la domination de Milosevic, c’était sa décision. Plus nous nous éloignerons de la Serbie et mieux cela sera pour nous du point de vue économique et politique. Nous avons adopté le mark puis l’euro, nous sommes sur le point de rentrer dans l’OMC, nous avons toutes les fonctionnalités d’un État souverain, il ne nous manque que la reconnaissance internationale.
Officiellement, la Serbie et le Monténégro ont une politique étrangère et une politique de défense commune, mais dans les faits nous avons deux politiques complètement différentes. La Serbie refuse de collaborer avec le tribunal de La Haye par exemple. Les criminels de guerre y sont traités comme des héros ou des martyrs, on refuse de dire que ce sont ces gens là qui ont mené la Serbie dans une situation fâcheuse. Nous proposons de ne pas attendre le référendum pour reconnaître la séparation de nos deux pays, ensuite nous consulterons les Serbes et les Monténégrins pour confirmer cette évolution. En tous points de la nouvelle union, les quatre libertés fondamentales européennes doivent régner, pour les marchandises, les services, les personnes et les capitaux. La Macédoine et la Bosnie pourraient même participer bien que le Premier ministre serbe Vojislav Kostunica se soit prononcé contre.
La solution pour le Kosovo doit être trouvée conjointement par Belgrade, Pristina et le groupe de contact des Balkans dont l’Union européenne, les États-unis et la Russie font partie. Je peux quand même dire que l’on doit admettre en Serbie que le Kosovo est déjà de facto indépendant. La vraie question est de savoir si la Serbie veut réellement intégrer le Kosovo dans l’État, alors que les Albanais sont de plus en plus nombreux. Ils pourraient alors être amenés à accepter un jour un Premier ministre albanais à Belgrade. Le problème, c’est que l’élite serbe n’a pas le courage de voir la réalité en face.

Source
Die Presse (Autriche)

« Wir haben wegen Serbien gelitten », par Ranko Krivokapic, Die Presse, 15 mars 2005. Ce texte est adapté d’une interview.

[1Premier ministre du Monténégro