Cela fait longtemps que la situation en Kirghizie nous préoccupe, le 21 mars j’ai proposé à Askar Akaïev de réfléchir ensemble aux mesures politiques à adopter pour assurer la sécurité du pays et de ses habitants. Notre souci principal était le respect de la constitution du pays et non l’arrivée au pouvoir d’untel ou d’un autre. Il m’a répondu que la situation était tendue, mais qu’elle restait dans les normes et que l’aide de l’ODKB [1] était prématurée. S’il avait accepté, cela aurait été reconnaître qu’il ne maîtrisait pas la situation dans le pays. De plus, le nom de l’organisation en lui-même (défense collective) évoque de manière émotionnelle l’utilisation de la force en plus de l’action politique. Le président s’est aussi entretenu avec des représentants de l’Union européenne et des États-Unis.
Aujourd’hui, nous voyons la véritable couleur de cette révolution : elle n’est pas très verte, elle a un arrière goût d’opium et la couleur de la nuit noire, quand les maraudeurs passent à l’action. Le facteur islamique n’est pas si important. Il y a deux forces, l’une insatisfaite par Akaïev et son entourage, l’autre qui a servi d’instrument à la première pour conquérir le pouvoir, venue de Osh et des environs de Bichkek ; elle était venue pour détruire les organes du pouvoir et prendre sa revanche sur les biens privés.
Ce qui se passe à Osh est révélateur, celui qui est au pouvoir est l’un des hommes les plus riches du Sud de la Kirghizie, il en possède une bonne partie. Je pense qu’une partie des évènements récents a pour origine cette région ou la narco-mafia et le crime organisé sont très présents. Le Hisb ut Tahrir est très actif dans toute l’Asie centrale, au Tadjikistan, au Kazakhstan et en Russie. Ses membres essayent de faire entrer le dogme religieux dans la conscience des jeunes en particulier, pour construire une base sociale sur laquelle s’appuyer. Il faut que nous nous coordonnions pour résister à l’islamisation rampante de tous les membres de l’ODKB. Nous avons proposé plusieurs fois au nouveau gouvernement de mettre en place un processus de consultation en cas de dégradation de la situation, mais nous n’avons pas encore eu de réponse. L’OSCE a officiellement fait appel au Kazakhstan car c’est une puissance régionale, ses dirigeants ont une bonne image et ils peuvent influencer le pouvoir. Cependant le fait que la Russie soit un partenaire incontournable dans la régulation de ce conflit ne fait aucun doute.
« Революция в Киргизии с опиумным привкусом », par Nikolaï Borduja, Gazeta SNG, 29 mars 2005. Ce texte est adapté d’une interview.
[1] Organisation du traité de défense collective, regroupant la Russie, la Biélorussie, l’Arménie, le Kirghizistan, le Tadjikistan, et le Kazakhstan
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