La censure était féroce sous Akaïev et mon visage n’apparaissait jamais à la télévision, ou alors sous forme de montage. J’étais particulièrement drôle avec une carabine, quand ils décrivaient mon attitude vis à vis du conflit entre la Géorgie et l’Abkhazie [1]. La propagande d’Akaïev essayait de présenter les leaders de l’opposition comme des ennemis et moi comme le plus vicieux d’entre eux.
Nous avons essayé de conserver la technique adoptée en Ukraine et en Géorgie, manifester pacifiquement sur les places aussi longtemps que nécessaire, pour chasser Akaïev de la Maison Blanche qui était gardée par la milice et les forces spéciales. Des bandes de voyous engagés par Akaïev ont alors attaqué la manifestation. Nous voulions que la révolution soit belle, nous avons cherché des fleurs à Osh, mais les marchés étaient fermés et les tulipes hollandaises n’arrivent pas jusque là-bas. La dernière chose dont je me souvienne, c’est que j’ai essayé d’empêcher nos partisans de répondre aux jets de pierres. Nous pensions rester longtemps, l’approvisionnement en nourriture était prévu.
Nous ne pensions pas que cela allait dégénérer, nous n’avions pas mesuré l’amertume des masses de nos pauvres compatriotes et leur rancœur vis à vis du pouvoir. Fidèle aux classiques, le prolétariat a pris d’assaut la Maison Blanche. Le 25 mars, j’ai été nommée ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement provisoire, je dois expliquer au monde entier que la révolution n’a pas été menée par une junte de putschistes et d’extrémistes mais de gens qui exigeaient le départ d’un régime qui était sorti de la légalité.
La base de notre politique extérieure va rester la même, les partenaires aussi. Nous devons effacer cette image négative laissée par notre pays pendant ces quelques jours. Nous allons faire le maximum pour stabiliser la situation et renforcer le gouvernement. La situation est sous contrôle, tout est calme dans Bichkek grâce au professionnalisme de Koulov. Le fossé entre les pauvres et les riches est devenu gigantesque, c’est la leçon que l’on peut tirer de cette marche brutale d’expropriation des expropriateurs. C’est la quatrième fois que je dirige le ministère des Affaires étrangères, il est petit mais a des capacités. Personne n’a été renvoyé, nous avons de nombreux contacts avec l’étranger. Ce qu’on raconte sur Internet est faux, je ne réclamerai pas l’extradition d’Akaïev, la proposition de la Russie était un geste humanitaire et pas du tout un asile politique.
« Мы хотели, чтобы киргизская революция была красивой », par Rosa Otunbaieva, Vremya Novostyey, 29 mars 2005. Ce texte est adapté d’une interview.
[1] Elle y a été l’adjointe du représentant de l’ONU pour la régulation
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