Les investisseurs globaux prennent leurs informations sur la Russie en se basant sur les « unes » de la presse concernant Yukos qui présentent Vladimir Poutine comme un dictateur détruisant la plus efficace des entreprises pétrolières nationales. Il est vrai qu’anticipant le verdict, le marché russe a perdu 7 % et la Russie est aujourd’hui le moins cher des marchés émergeants. Toutefois, pour ceux qui achètent des obligations russes, il est possible de faire des affaires prolifiques compte tenu des résultats de l’économie russe. La différence entre le cours des actions et celui des obligations s’explique par les craintes des porteurs de voir leurs actions être re-nationalisées, comme celles de Yukos.
Pourtant, ces craintes ne sont pas justifiées. Si le Kremlin a détruit Yukos, c’était pour empêcher Mikhail Khodorkovsky de détourner l’État russe. Il était le plus riche des 22 oligarques qui ont pris le contrôle de 40 % de l’économie au cours des privatisations corrompues de l’ère Eltsine. Poutine souhaitait les arrêter, pas nuire aux investisseurs étrangers. On a réclamé à Yukos tous ses arriérés d’impôts, mais traditionnellement, les problèmes fiscaux sont réglés grâce à un arrangement entre l’entreprise et l’État, comme en Italie.
Poutine, contrairement à Eltsine, est un nationaliste honnête. Il ne prévoît aucune re-nationalisation et l’économie reste aux mains des libéraux en Russie. Seuls les spéculateurs ont perdu confiance en Russie, mais cela ne durera pas et le pessimisme excessif laissera bientôt la place à un optimisme excessif, comme on l’a déjà vu.

Source
Newsweek (États-Unis)

« How Markets Misread Putin », par William Browder, Newsweek, 5 mai 2005.