Nous n’avons pas montré une bonne image au Conseil européen. Pendant des semaines on a eu l’impression qu’il s’agissait juste d’un exercice comptable. Qui peut être le plus économe ? A la fin, et après la rencontre, la déception était palpable. Ce sommet fut un échec, pas seulement pour les finances de l’Union européenne et pour l’avenir de la Constitution mais aussi pour le projet européen. Nous avions la possibilité d’arriver à unifier la volonté politique par la mobilisation. Techniquement c’était faisable. La force politique et la vision à long terme ont manqué pour arriver à un compromis. C’est la dure leçon du sommet. La force de la communauté c’est la possibilité du compromis. Sans cela, le projet de liberté et de bien-être ne pourra pas apporter plus que ce qui est possible au plan national. Ce qui s’est passé vendredi à Bruxelles, c’est l’opposition de deux vieilles conceptions de l’Europe, l’ » Europe en tant que marché » et l’ » Europe en tant que projet politique ». la question de l’ » approfondissement » contre l’ » élargissement » a aussi joué un rôle. Ces explications ne satisferont cependant pas ceux qui ont ressenti un profond malaise, qui ne disparaîtra pas avec les slogans européens habituels.
Ceux qui ont répondu non au référendum n’ont pas dit non au travail d’union européen, ils veulent juste une autre Europe, plus juste selon eux. La situation économique et l’insatisfaction vis à vis des politiciens dans leur pays a été décisive. De façon globale, la croissance est insuffisante en Europe, le gâteau ne monte pas proportionnellement à nos attentes. Rassurés par le passage d’une société industrielle à une société du savoir et du service, nous attendons de l’Europe ce qu’elle ne peut plus offrir : des emplois sûrs et plus de sécurité sociale. Il faudra être plus réalistes. Les égoïsmes nationaux naissants ne doivent amener une désolidarisation de l’Europe. Nous devons trouver un équilibre entre les intérêts d’hier et les intérêts d’aujourd’hui. Les citoyens doivent comprendre qu’une Europe à la carte pour 450 millions de personnes n’est pas possible. Les politiciens qui pratiquent l’art du compromis au niveau européen ne doivent pas être sanctionnés chez eux mais encouragés. C’est seulement comme cela que l’Europe pourra conserver son modèle de vie spécifique, qui était si bien défini dans la Constitution.
Il y a deux questions fondamentales que nous devons nous poser : Que voulons nous de cette Union Européenne ? Et l’autre indissociable : que sommes nous prêts à apporter pour un processus d’unification et un futur Europe stable ? Nous devons avoir le courage de remettre certaines choses en question et de réfléchir à leur viabilité, pour pouvoir trouver des solutions pour demain.

Source
Der Standard (Autriche)

« Europa, bitte tief durchatmen ! », par Ursula Plassnik,Der Standard, 21 juin 2005.