Je commencerai par citer The Economist, « Toute personne qui prétend comprendre l’Iran est très mal informée ». Le résultat des élections montre encore une fois que l’Iran est l’un des pays les plus imprévisibles politiquement. La frustration est extrêmement grande, les partenaires politiques naturels de Khatami sont tellement frustrés qu’ils l’ont lâché. Ils ont laissé tomber le candidat réformateur Mostafa Moin au premier tour et ils étaient encore plus décidés à laisser tomber Rafsandjani. La surprise c’est que la peur d’Ahmadinejad ne l’a pas emporté.
Rafsandjani aurait bien sûr été élu naturellement s’il n’avait été question que de la libéralisation du mode de vie. Simplement il s’agit aussi du taux de chômage, qui atteint parfois les 40 %, de la pénurie de logement sur tout le territoire. Ce sont des choses que l’administration Khatami a négligées. Il y a un autre point intéressant il me semble, Ahmadinejad n’est pas un théologien, il avait 20 ans au début de la Révolution. Il en est l’un des acteurs principaux, sa famille vient de la campagne mais il a grandi au Sud de Téhéran, c’est là qu’il a commencé un enseignement technique qu’il a terminé à Narmak. Narmak était dans les années 70 un centre de la pensée religieuse et du sens. C’est de là qu’est sortie la jeune génération qui a puisé son engagement social-révolutionnaire directement dans la religion. Il se peut en fait que les véritables acteurs de la révolution prennent la parole aujourd’hui, pas ceux qu’ils ont soutenus, pas ceux qu’ils ont intellectualisés et qui ont fait faux-bond les premiers.
Ces élections témoignent d’une orientation socio-politique et du débat autour de la répartition de haut en bas : L’un des buts de la Révolution était de prendre l’islam comme ersatz du marxisme léninisme. C’est pour ainsi-dire le vieux Sud-Téhéran du temps du Shah qui parle. Ce Sud-Téhéran n’est cependant plus ce qu’il était, les 26 années de République islamique et le processus de modernisation ont touché précisément les couches moyennes inférieures et inférieures. La question de savoir si c’est une nostalgie de cette époque qui s’est exprimée pendant les élections ou s’il s’agit d’un geste désespéré, demeure. Les conditions de vie matérielles, sociales et économiques sont-elles plus importantes que la façon dont ils doivent s’habiller, contrairement à ce que nous pensons souvent ici ?
« Hier spricht das alte Südteheran », par Bert Fragner, Der Standard, 27 juin 2005. Ce texte est adapté d’une interview.
Restez en contact
Suivez-nous sur les réseaux sociaux
Subscribe to weekly newsletter