La séance est ouverte à 15 h 35.
La Présidente, Mme Lucas (Luxembourg) : Conformément à l’article 37 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite le représentant de l’Ukraine à participer à la présente séance.
Conformément à l’article 39 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite M. Oscar Fernández-Taranco, Sous-Secrétaire général aux affaires politiques, à participer à la présente séance.
Le Conseil de sécurité va maintenant aborder l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.
Je donne maintenant la parole à M. Fernández-Taranco.
Le Sous-Secrétaire général aux affaires politiques, M. Fernández-Taranco ( parle en anglais) : Depuis l’exposé présenté par le Vice-Secrétaire général au Conseil de sécurité le 1er mars 2014 (voir S/PV.7124), la situation a continué d’évoluer rapidement en Ukraine. Nous savons qu’il y a un renforcement continu des contingents russes en Crimée, et que ces derniers ont encerclé plusieurs bases militaires ukrainiennes. En outre, la situation dans l’est du pays demeure instable, et des manifestations dans différentes villes ont été signalées ainsi que des tentatives de prise de contrôle de plusieurs bâtiments officiels par des groupes locaux.
Le dimanche 2 mars, le Parlement ukrainien a exhorté la Russie à appliquer immédiatement les termes de l’accord relatif à la présence temporaire de sa flotte de la mer Noire sur le territoire ukrainien, et a demandé à ce que les contingents russes se retirent rapidement dans leurs bases. Le Ministre russe des affaires étrangères, M. Lavrov, a expliqué la position de la Russie vis-à-vis de la situation aujourd’hui lorsqu’il a pris la parole devant le Conseil des droits de l’homme. Le Ministre a déclaré que l’attitude de la Russie concernant l’Ukraine était « motivée par le souci de défendre nos ressortissants et compatriotes et de garantir les droits de l’homme ».
Le Secrétaire général a continué de suivre de très près la situation en Ukraine. Au cours de la dernière conversation téléphonique qu’il a eue avec le Président Vladimir Poutine ce week-end, le 1er mars pour être précis, le Secrétaire général lui a dit qu’il suivait attentivement l’évolution rapide et sérieuse de la situation en Ukraine. Le Secrétaire général s’est dit gravement préoccupé par la poursuite des tensions qui risquent de compromettre l’unité, la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays. Il a réaffirmé qu’il était essentiel de rétablir le calme et d’œuvrer à une désescalade immédiate, et a demandé à ce que l’on garde la tête froide. Le Secrétaire général a exhorté le Président Poutine à établir d’urgence un dialogue direct avec les autorités de Kiev .
Comme les membres du Conseil le savent, le Secrétaire général a souligné à maintes reprises qu’il était crucial de garantir le respect total et le maintien de l’indépendance, de l’unité, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Il a souligné l’importance primordiale de rétablir le calme et de désamorcer immédiatement les tensions grâce au dialogue. Il a souligné que, dans l’esprit de la Charte des Nations Unies, tout le monde devait adhérer au principe du règlement pacifique des différends.
À la suite des consultations du Conseil de sécurité samedi, et compte tenu de l’évolution sur place en Ukraine, le Secrétaire général a demandé dimanche au Vice-Secrétaire général, Jan Eliasson, de se rendre dans le pays. Lors de sa visite en Ukraine, le Vice-Secrétaire général sera informé en personne de la situation sur le terrain et informera ensuite le Secrétaire général quant aux prochaines mesures que l’ONU pourrait prendre en vue de prévenir une escalade de la situation. Le Vice- Secrétaire général est arrivé aujourd’hui à Kiev où il a déjà commencé ses réunions. M. Robert Serry, qui a informé le Secrétaire général hier à Genève des résultats de sa récente mission en Ukraine, a rejoint M. Eliasson à Kiev aujourd’hui.
Au cours des dernières 48 heures, le Secrétaire général s’est entretenu avec de nombreux acteurs clefs, dont le Premier Ministre Cameron, le Président Hollande, le Président Poutine, la Haute Représentante de l’Union européenne, Mme Catherine Ashton, et le Président en exercice de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), M. Burkhalter, ainsi qu’avec le Secrétaire général de l’OSCE, M. Zannier. Il a également rencontré le Ministre russe des affaires étrangères Lavrov aujourd’hui à Genève. Dans toutes ces conversations et lors de toutes ces réunions, le Secrétaire général a réitéré le besoin urgent de coordonner les efforts afin d’aider l’Ukraine à rester stable et unie.
Je souhaite, pour terminer, réitérer l’appel au dialogue lancé par le Secrétaire général en vue d’apaiser immédiatement les tensions. Comme le Secrétaire général l’a souligné dans ses appels aux dirigeants du monde, nous avons tous la responsabilité urgente de collaborer afin d’aider à trouver une solution pacifique.
La Présidente : Je remercie M. Fernández- Taranco pour son exposé .
Je donne maintenant la parole aux membres du Conseil .
M. Churkin (Fédération de Russie) (parle en russe) : La Fédération de Russie a pris l’initiative de la présente séance du Conseil de sécurité, car ce qui se passe dans ce pays frère qu’est l’Ukraine nous préoccupe au plus haut point. La crise provoquée par le coup d’État à Kiev à la suite de la prise du pouvoir par les armes par des éléments radicaux extrémistes continue à se détériorer et à engendrer des menaces très graves pour l’avenir de ce pays .
Aujourd’hui à Genève, notre ministre des affaires étrangères, M. Lavrov, a parlé en détail de la situation en Ukraine. Nous sommes convaincus que toute crise interne doit être surmontée par la tenue, entre toutes les forces politiques et les groupes ethniques et confessionnels et dans le respect de l’ordre constitutionnel, d’un dialogue respectueux des obligations internationales, y compris les obligations relatives au droit international humanitaire et à la protection des droits de l’homme et des droits des minorités nationales.
Nous devons écarter fermement ces extrémistes qui cherchent à prendre le contrôle de la situation de façon illégale, par la violence et la terreur. Nous savons tous qui a provoqué cette crise en Ukraine. En contestant les mesures manifestement légales des autorités légitimes, certains de nos partenaires ont choisi de soutenir les discours antigouvernementaux et ont encouragé les participants à être plus agressifs, à s’emparer et incendier des bâtiments administratifs, à attaquer la police, à piller des entrepôts, à se moquer des responsables régionaux et à attaquer des églises. Le centre de Kiev et de plusieurs villes de l’ouest de l’Ukraine a été envahi par des nationalistes radicaux qui scandent des slogans extrémistes antirusses et antisémites.
Le 21 février, près de trois mois après le début des troubles, un accord a été conclu entre le Président de l’Ukraine et l’opposition, accord qui a également été signé par les Ministres allemand, français et polonais des affaires étrangères. Les autorités ont renoncé à déclarer l’état d’urgence et ont retiré les forces de police de la rue. L’opposition n’a respecté aucun engagement. Elle n’a pas rendu ses armes illégales et ne s’est pas retirée des bâtiments publics ; l’ordre n’a pas été rétabli dans les rues de Kiev. Les extrémistes continuent de contrôler les villes.
Au lieu de former, comme promis, un gouvernement d’union nationale, c’est la formation de ce que l’on peut appeler un gouvernement des vainqueurs qui a été annoncée. Le Parlement ukrainien a décidé de restreindre les droits linguistiques des minorités, de renvoyer les juges de la Cour constitutionnelle et de les poursuivre en justice. Des demandes ont été déposées en vue de limiter ou de pénaliser l’emploi de la langue russe et d’interdire à titre d’exemple les partis politiques indésirables. Les vainqueurs veulent exploiter les fruits de leur victoire pour fouler aux pieds les libertés et les droits fondamentaux des populations.
Tout ceci a alarmé les autorités de l’est et du sud de l’Ukraine et de la République autonome de Crimée qui abritent des millions de Russes qui ne souhaitent pas que la même situation se produise dans leurs régions. Face aux menaces de violence proférées par des ultranationalistes à l’encontre de la sécurité, de la vie et des intérêts légitimes des Russes et des populations russophones, des milices populaires d’autodéfense se sont mises en place ; elles ont déjà repoussé plusieurs tentatives de prendre le contrôle de bâtiments administratifs en Crimée par la force et de faire passer des armes et des munitions dans la péninsule. Nous avons des informations selon lesquelles de nouvelles provocations seraient en cours de préparation, notamment contre la flotte russe de la mer Noire en Ukraine.
Dans ces conditions, les autorités légitimement élues de la République autonome ont demandé à la Russie de les aider à rétablir le calme en Crimée. Cette assistance est, conformément à la législation russe, légitime, étant donné la situation extraordinaire en Ukraine et les menaces contre la vie de citoyens russes, nos compatriotes, et contre la flotte de la Fédération de Russie dans la mer Noire. Le Président de la Russie a demandé au Conseil de la Fédération la permission de déployer les forces armées russes sur le territoire de l’Ukraine jusqu’à la normalisation de la situation sociale et politique. Le 1er mars, le Conseil de la Fédération a avalisé cette demande, ce qui, nous l’espérons, permettra d’écarter les éléments extrémistes. Je le répète : il s’agit de protéger nos citoyens et nos compatriotes, ainsi que le droit de l’homme le plus important, le droit à la vie.
Aujourd’hui, je suis également habilité à vous informer que le Président de la Russie a reçu la demande suivante du Président Yanukovych :
« En tant que Président légitimement élu de l’Ukraine, je déclare que les événements de la place Maïdan et la prise du pouvoir illégale à Kiev ont mis l’Ukraine au bord de la guerre civile. Le désordre et l’anarchie règnent dans tout le pays. La vie, la sécurité et les droits des personnes, notamment dans le sud-est et en Crimée sont menacés. Des actes de violence et de terreur sont commis sous l’influence des pays occidentaux. Des personnes sont persécutées en raison de leur appartenance linguistique et de leurs convictions politiques. C’est pourquoi je demande au Président de la Russie, Vladimir Vladimirovich Poutine, d’utiliser les forces armées de la Fédération de Russie pour rétablir la légitimité, la paix, l’ordre et la stabilité afin de protéger la population de l’Ukraine. »
Cette lettre en date du 1er mars est signée par le Président Yanukovych. J’ai ici une photocopie de l’originale adressée au Président de la Russie par le Président de l’Ukraine pour tous ceux qui souhaiteraient la voir.
Ceux qui cherchent à interpréter cette situation comme une forme d’agression et qui brandissent la menace de sanctions et de boycotts de toutes sortes sont les mêmes partenaires qui n’ont cessé d’encourager les forces politiques qui leur étaient proches à lancer des ultimatums, à refuser le dialogue, à faire fi des préoccupations du sud et de l’est de l’Ukraine et à polariser la société ukrainienne. Nous les appelons à adopter une approche responsable, à oublier les calculs géopolitiques et à accorder la priorité aux intérêts du peuple ukrainien. Il faut respecter les obligations figurant dans l’accord du 21 février, y compris le processus de réforme constitutionnelle avec la participation de toutes les régions de l’Ukraine et la prise en compte de leurs points de vue. Il faudra ensuite organiser un référendum national pour faire approuver cette réforme et former ainsi un gouvernement d’union nationale légitime qui tienne compte des intérêts de toutes les forces politiques et de toutes les régions de l’Ukraine.
La position de la Russie a été et reste ouverte et cohérente. Si pour certains politiques occidentaux, l’Ukraine n’est qu’un terrain de jeux géopolitiques, pour nous, c’est un pays frère auquel nous lient des siècles d’histoire commune. La Russie souhaite une Ukraine stable et forte où les droits et les intérêts légitimes des Ukrainiens, de nos compatriotes et de tous les citoyens sont protégés. Dans cette situation extraordinaire dont nous ne sommes pas responsables et où la vie et la sécurité des habitants de la Crimée et du sud-est de l’Ukraine sont effectivement menacées par les actes de provocation irresponsables de gangs et d’éléments ultranationalistes, nous tenons à rappeler encore une fois que les actions de la Russie sont tout à fait appropriées et légitimes.
Mme Power (États-Unis d’Amérique) (parle en anglais) : À entendre le représentant de la Russie, on pourrait penser que Moscou vient de devenir la force d’intervention rapide du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, tant sont nombreuses les assertions présentées cet après-midi par le représentant de la Fédération de Russie qui n’ont aucun fondement dans la réalité. Analysons plutôt ces faits avec clarté et avec franchise.
Le fait est que les forces militaires russes ont pris le contrôle des postes frontières ukrainiens. Le fait est que la Russie a pris le contrôle de la gare maritime de Kerch. Que des navires russes se déplacent à l’intérieur et autour de Sébastopol. Que les forces russes bloquent les services de téléphonie mobile dans certaines zones. Le fait est que la Russie a encerclé ou pris pratiquement toutes les bases militaires ukrainiennes en Crimée. Le fait est qu’aujourd’hui, des avions à réaction russes ont pénétré dans l’espace aérien ukrainien . Le fait est également que des journalistes indépendants continuent de signaler qu’il n’existe aucune preuve de violences à l’encontre des communautés russes ou pro-russes.
L’action militaire de la Russie n’est pas une mission de protection des droits de l’homme. Elle constitue une violation du droit international, et de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la nation indépendante d’Ukraine, et une entorse aux engagements pris par la Russie à Helsinki ainsi qu’aux obligations qui lui incombent en tant que Membre de l’ONU. La question centrale est de savoir si le changement récent de gouvernement en Ukraine est de nature à menacer les intérêts légitimes de la Russie au point d’en justifier l’intervention militaire en Ukraine, la prise de contrôle d’installations publiques et les ultimatums militaires lancés à des éléments de l’armée ukrainienne.
La réponse, bien sûr, est non. Les forces militaires russes sont en sécurité. Le nouveau Gouvernement de Kiev a promis d’honorer tous les accords internationaux qu’il a contractés, notamment en ce qui concerne les bases russes. La mobilisation russe est une réponse à une menace imaginaire.
Une deuxième question consiste à savoir si la population de Crimée ou d’autres régions de l’est de l’Ukraine court des risques en raison du nouveau Gouvernement en place. Rien ne le prouve. L’intervention militaire ne saurait être justifiée sur la base de menaces qui n’ont pas été formulées ou ne sont pas mises à exécution. Il n’existe aucune preuve, par exemple, que des églises sont ou seront l’objet d’attaques dans l’est de l’Ukraine. Cette allégation est sans fondement. Il n’existe aucune preuve que les Russes de souche sont en danger. Au contraire, le nouveau Gouvernement ukrainien a fait de la réconciliation interne et de l’ouverture politique des priorités .
Le Président par intérim, M. Turchynov, a clairement fait part de son opposition à toute restriction imposée à l’utilisation de la langue russe. Nul n’a besoin d’expliquer au nouveau Gouvernement ukrainien qu’il est nécessaire de maintenir une bonne communication non seulement avec les dirigeants de la majorité ethnique russe du pays en Crimée et ailleurs, mais également avec les pays voisins. C’est pourquoi lorsque la crise actuelle a éclaté, le Gouvernement a envoyé son ancien chef d’état-major dans la région pour essayer de désamorcer la situation. Un deuxième émissaire s’est vu empêché d’entrer dans la Verkhovna Rada de Crimée pour participer aux délibérations. C’est la raison pour laquelle les autorités ukrainiennes sont à maintes reprises entrées en contact avec la Russie. La Russie doit leur rendre la politesse et commencer à dialoguer directement avec le Gouvernement ukrainien.
Je note que la Russie a sous-entendu qu’elle était en droit d’intervenir militairement en Crimée si elle y était invitée par le Premier Ministre de la Crimée. Comme le Gouvernement russe le sait bien, cette assertion n’a aucun fondement légal. L’interdiction du recours à la force deviendrait sans objet si des autorités infranationales étaient habilitées à inviter unilatéralement un État voisin à intervenir sur le plan militaire. En vertu de la Constitution ukrainienne, seul le Parlement ukrainien peut approuver la présence de contingents étrangers.
S’ils se préoccupent des droits des minorités russophones, les États-Unis sont prêts à collaborer avec la Russie et le Conseil pour en assurer la protection. Nous avons proposé et appuyons pleinement le déploiement immédiat par l’ONU ou l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) d’observateurs internationaux chargés de protéger de tout mauvais traitement les populations qui suscitent chez la Russie une telle préoccupation et de faire la lumière, pour le monde entier, sur la situation sur le terrain. Le règlement de cette crise n’est pas difficile à envisager. Il existe un moyen d’en sortir : par la voie d’un dialogue immédiat et direct de la Russie avec le Gouvernement ukrainien, du retrait immédiat des forces militaires russes, du rétablissement de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et du déploiement d’urgence d’observateurs chargés de surveiller la situation des droits de l’homme, et non par de nouvelles menaces et de nouvelles déformations de la vérité .
Ce soir, l’OSCE commencera à déployer des observateurs en Ukraine. Ces observateurs peuvent procéder en toute neutralité à l’évaluation nécessaire de la situation sur le terrain. Leur présence en Crimée et dans les villes clefs de l’est de l’Ukraine est urgente. Les États-Unis appellent la Russie à leur garantir un accès sans entrave .
Il se peut que les dirigeants russes à Moscou soient insatisfaits de la décision de l’ancien Président Yanukovych de fuir l’Ukraine et de rester en Russie. Il se peut que la Russie soit mécontente du nouveau Gouvernement en place, approuvé, pourtant, par le Parlement ukrainien à une majorité écrasante, membres du parti de Yanukovych compris. La Russie est parfaitement en droit de souhaiter que la situation en Ukraine ait évolué différemment, mais elle n’a pas le droit d’exprimer son désaccord en recourant à la force militaire ou en essayant de convaincre la communauté mondiale que les choses sont le contraire de ce qu’elles sont .
Les appels lancés par la Russie à un retour en arrière en vue de mettre en œuvre l’accord du 21 février sonnent creux. C’est Yanukovych qui n’a pas respecté les termes de cet accord, en fuyant Kiev puis l’Ukraine. Les États-Unis rejettent catégoriquement l’idée que le nouveau Gouvernement ukrainien est un gouvernement de vainqueurs. C’est un gouvernement populaire, qui a l’intention d’amener le pays au 25 mai, soit aux élections démocratiques qui permettraient aux Ukrainiens souhaitant changer de dirigeants de faire entendre leur voix. Les États-Unis se tiendront fermement et fièrement aux côtés du peuple ukrainien alors qu’il définit ses propres destinées, son propre gouvernement et son propre avenir .
Ce qu’il faut retenir c’est qu’en dépit de tous les grands discours intéressés que nous avons entendus de la bouche des représentants russes ces derniers jours, rien ne justifie le comportement de la Russie. Comme je l’ai déclaré durant notre dernière séance (voir S/PV.7124), les actes de la Russie sont plus éloquents que ses paroles. Ce qui est en train de se produire aujourd’hui, ce n’est pas une mission de protection des droits de l’homme ou une intervention consensuelle. Ce qui est en train de se produire aujourd’hui, c’est une dangereuse intervention militaire en Ukraine. C’est un acte d’agression. Il doit prendre fin. C’est un choix que doit faire la Russie. La diplomatie peut servir les intérêts de la Russie. Le monde exprime son opposition à la menace ou à l’emploi de la force militaire. Les Ukrainiens doivent être autorisés à décider de leur propre avenir .
M. Araud (France) : Je l’avais dit, en séance de consultations, samedi : c’est un sentiment de consternation qui domine lorsque nous voyons ce qui se passe en Ukraine et lorsque nous entendons ce que vient de dire notre collègue russe. C’est en effet la voix du passé que nous venons d’entendre. J’avais 15 ans en août 1968 lorsque les forces soviétiques sont entrées en Tchécoslovaquie. C’étaient les mêmes justifications, les mêmes documents exhibés, les mêmes allégations que nous avions entendues. Nous avions espéré qu’avec la construction européenne et l’effondrement du communisme, nous sortirions de ces cauchemars. Nous avions espéré qu’à la logique dangereuse des rapports de force, nous substituerions la coopération, dans le respect de l’identité et de l’indépendance de chacun.
Nous voilà ramenés à un monde où la force prime le droit, où toute crise doit avoir un vainqueur et un vaincu, où la propagande nie la réalité. Revenons d’abord aux faits, que nulle manipulation ne peut occulter à l’ère de la télévision et de l’Internet.
Ces faits sont simples. L’armée russe occupe la Crimée, territoire ukrainien, contre la volonté du Gouvernement ukrainien, en violation du droit international. Les raisons invoquées sont de flagrantes contre-vérités. Non, on ne tue pas aujourd’hui dans les rues de Kiev. Non, on ne menace pas les populations russophones en Crimée ou ailleurs. Oui, il ne s’agit que de prétextes que ceux qui les présentent ne doivent même pas croire tant ils sont grossiers.
En occupant la Crimée, la Russie a pris un gage territorial. L’objectif est clair : amener les autorités de Kiev à résipiscence, les intégrer dans la sphère d’influence de Moscou et leur rappeler que leur souveraineté est limitée, comme disait autrefois M. Brejnev après avoir envahi la Tchécoslovaquie. En un mot, la Russie rétrograde l’Europe de 40 ans. Tout y est : la pratique comme la rhétorique soviétique, la brutalité et la propagande.
La France ne veut pas jouer ce jeu dérisoire, qui ne sert les intérêts de personne, et certainement pas des peuples ukrainien et russe. C’est pourquoi, dès le début la crise, le Ministre français des affaires étrangères, avec ses collègues allemand et polonais, s’est rendu sur place pour négocier un accord qu’à ce moment la Russie avait d’ailleurs refusé d’endosser, pour l’invoquer aujourd’hui.
Lorsque les évènements – la fuite du Président et la volte-face du Parlement – en ont rendu impossible l’application, la France n’a cessé d’en défendre l’esprit, c’est-à-dire la réconciliation par le biais de la constitution d’un gouvernement d’union nationale et la tenue d’élections sous supervision internationale . C’est ce que propose aujourd’hui le Premier Ministre qui se heurte au refus du Parti des régions de rejoindre le Gouvernement ; c’est ce que recherche le Président par intérim qui a refusé de signer la loi qui, hâtivement et malheureusement, réduisait le rôle de la langue russe.
Fidèle à cette position de recherche d’une solution raisonnable, qui respecte les intérêts et les sensibilités de chacun, dans le cadre de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, six points devraient constituer la base d’une sortie de crise, six points simples qui devraient être acceptés par toute partie respectueuse du droit international. Tout d’abord, le retour des forces années russes dans leurs bases, vérifié par des observateurs internationaux ; deuxièmement, le cantonnement immédiat, le désarmement et la dissolution des éléments paramilitaires et des autres groupes disposant d’armes illégales sous le contrôle d’observateurs internationaux ; troisièmement, le rétablissement par le Parlement ukrainien de la loi sur les langues régionales ; quatrièmement, la mise en place d’un haut conseil pour la protection des minorités ; cinquièmement, la mise en œuvre de la réforme constitutionnelle ; sixièmement et enfin, l’organisation de l’élection présidentielle le 25 mai sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Ce sont des principes simples, dont une mission internationale doit pouvoir négocier la mise en œuvre entre toutes les parties concernées. À cet égard, le Secrétaire général, en liaison avec l’Union européenne et l’OSCE, a un rôle central à jouer en la matière.
Mais que l’on ne s’y trompe pas. Cette volonté de trouver une solution négociée, qui réponde aux exigences du droit international, qui préserve les droits de tous les Ukrainiens et qui permette la stabilisation d’une Ukraine démocratique et réconciliée dans son environnement régional ne peut s’accommoder de la persistance des violations du droit international qu’a commises la Russie. La France veut coopérer avec une Russie avec laquelle elle a une longue histoire commune, mais pas à n’importe quel prix, pas en reniant ses principes et ses valeurs .
Ce que nous avons entendu aujourd’hui de déni de la réalité, de mépris du droit international et de reniement de tout un discours du respect sourcilleux de la souveraineté nationale ne nous incline pas à l’optimisme. La Russie semble revenir à ses vieux démons, en rejouant des rôles démodés, dans un décor désuet, à l’affiche d’un théâtre en faillite. Si elle continuait à ne pas comprendre l’esprit des temps nouveaux et à faire confiance à la force plutôt qu’au dialogue, c’est avec regret mais avec détermination que la France, avec ses partenaires européens, ne manquerait pas d’en tirer des conséquences dans les relations avec la Russie. Ce serait un recul dont la Russie serait seule responsable. La France, comme ses partenaires, comme l’ensemble de la communauté internationale, ne demande rien d’autre que le respect du droit international et de la souveraineté ukrainienne que viole brutalement et ostensiblement la Russie.
Sir Mark Lyall Grant (Royaume-Uni) ( parle en anglais) : Les masques sont tombés. Le monde peut voir clairement que les forces militaires russes ont pris le contrôle de la péninsule de Crimée, qui est une partie du territoire souverain de l’Ukraine. Cet acte a été posé contre la volonté expresse du Gouvernement ukrainien légitime. Il s’agit d’une violation claire et sans équivoque de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, et d’une violation flagrante du droit international.
À notre avis, rien ne justifie de tels actes. Nous avons entendu la Russie dire que ses forces se trouvaient en Ukraine pour protéger les minorités contre des radicaux et des antisémites armés. Nous avons entendu parler d’ingérence dans les affaires de l’Église orthodoxe. Nous avons entendu parler de centaines de milliers de réfugiés. Mais la Russie n’a fourni aucune preuve de tout cela. Il est clair que ces allégations ont tout simplement été fabriquées de toutes pièces pour justifier une intervention militaire russe.
En prenant le contrôle d’une partie souveraine de l’Ukraine sur la base d’un prétexte monté de toutes pièces, la Fédération de Russie a failli à ses obligations en tant que membre de la communauté internationale. Elle a violé l’Article 2 de la Charte des Nations Unies, qui interdit la menace ou l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État. Elle n’a pas honoré ses engagements internationaux en tant que membre fondateur de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et en tant que signataire de l’Acte final d’Helsinki de 1975. Elle a manqué à ses obligations au titre du Traité bilatéral d’amitié, de coopération et de partenariat signé par la Russie et l’Ukraine en 1997 et du Mémorandum de Budapest de 1994.
Le représentant de la Russie prétend que M. Yanukovych a requis une intervention militaire russe. Nous parlons ici d’un ancien dirigeant qui a abandonné son poste, sa capitale et son pays ; dont la gouvernance corrompue a amené son pays au bord de la ruine économique ; qui a réprimé par la force des manifestations contre son gouvernement, faisant plus de 80 morts ; et qui a été lâché par son propre parti. L’idée que ses déclarations auraient maintenant une quelconque légitimité est tout simplement absurde et concorde bien avec les autres faux prétextes avancés par la Russie pour justifier ses actes. Le Gouvernement de Kiev est un gouvernement légitime, qui a reçu l’appui massif du Parlement ukrainien.
Au XXIe siècle, aucun pays ne devrait agir avec un mépris aussi flagrant du droit international. La communauté internationale réagira fermement et dans l’unité à ces actes. La Russie ne devrait pas être surprise de voir que sa réputation politique et économique en a déjà souffert. La valeur du rouble a chuté et la Bourse russe s’est effondrée de plus de 10 %.
Si nous condamnons la Fédération de Russie pour ses actes d’hostilité, nous félicitons le Gouvernement ukrainien de ne pas avoir réagi à ces provocations. Il s’agit d’une décision sage. Nous prions instamment le Gouvernement ukrainien de continuer à agir avec calme et de s’abstenir d’actes ou de discours susceptibles d’attiser les tensions ou de servir de prétexte à d’autres interventions militaires.
Nous demandons à la Fédération de Russie de mettre immédiatement un terme à toute opération militaire en Crimée et de s’abstenir de toute ingérence ailleurs sur le territoire ukrainien. La Russie doit retirer ses forces, qui doivent rejoindre leurs bases, et revenir aux niveaux d’effectifs préalablement convenus avec le Gouvernement ukrainien dans le cadre des dispositions relatives aux bases de la flotte de la mer Noire.
Si la Russie est vraiment préoccupée par la protection des minorités et le respect des droits de l’homme des citoyens ukrainiens, une intervention armée n’est pas le meilleur moyen de répondre à ces préoccupations. La Russie devrait plutôt s’engager dans un dialogue direct avec le Gouvernement ukrainien à Kiev au lieu de faire la difficile et de choisir les individus avec lesquels elle accepte de dialoguer. Elle doit faire droit aux requêtes de l’Ukraine et d’autres signataires du Mémorandum de Budapest de 1994 demandant la tenue de consultations, tel que prévu au paragraphe 6 dudit Mémorandum. Elle doit participer de manière constructive au débat en cours à l’OSCE et au sein d’autres institutions concernant le déploiement d’une mission d’établissement des faits et d’une mission d’observateurs internationaux en Ukraine. En effet, une telle mission pourrait établir les faits sur le terrain, suivre la situation et fournir les assurances et les garanties nécessaires par des moyens pacifiques.
Nous nous félicitons de la décision du Secrétaire général d’envoyer le Vice-Secrétaire général à Kiev aujourd’hui. J’espère qu’il se rendra également en Crimée et dans la partie orientale de l’Ukraine. Nous demandons au Secrétaire général d’user pleinement de ses bons offices afin de contribuer à désamorcer la situation actuelle .
Nous ne sommes pas en 1968 ni en 1956. L’époque où un pays pouvait faire obstacle à la démocratisation d’un État voisin au moyen d’une intervention militaire, en usant de prétextes clairement fallacieux, est révolue.
Nous sommes prêts à coopérer avec l’Ukraine, la Russie et tous nos partenaires internationaux à l’appui d’une Ukraine stable, unie, sans exclusive et économiquement prospère. Le Royaume-Uni exhorte la Russie à respecter ses obligations découlant du droit international, y compris la Charte des Nations Unies ; à agir de façon à promouvoir la stabilité au lieu de déstabiliser la région en déterrant des vieux conflits ; et à appuyer les processus démocratiques et l’état de droit, au lieu d’y porter atteinte ou de les étouffer .
Mme Murmokaitė (Lituanie) (parle en anglais) : La Lituanie condamne fermement la violation flagrante, par la Fédération de Russie, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Les opérations militaires dont nous sommes témoins sur le sol de la Crimée font fi des principes fondamentaux du droit international, de l’Acte final de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, du Mémorandum de Budapest de 1994, du Traité d’amitié, de coopération et de partenariat de 1997 conclu par la Russie et l’Ukraine, et du cadre juridique réglementant la présence de la flotte russe de la mer Noire en Crimée. Cette violation flagrante de la Charte des Nations Unies n’a pas sa place au XXIe siècle et rappelle à un trop grand nombre d’entre nous, dans notre région du monde, les heures sombres du XXe siècle. Il s’agit d’une menace à la paix, à la sécurité et à la stabilité internationales, qui doit être clairement considérée comme telle.
De telles violations du droit international doivent également entraîner une responsabilité internationale. Aucun des faits survenus en Ukraine n’appelle une invasion militaire telle celle à laquelle nous assistons de la part de la partie russe. La volonté des Ukrainiens de suivre la voie des changements démocratiques et de rétablir l’état de droit dans le pays doit être respectée . Nous exhortons la Fédération de Russie à retirer ses forces jusqu’à leurs bases permanentes et à renoncer à toute nouvelle intervention ou ingérence en Ukraine.
Je tiens à souligner que la communauté internationale dispose d’un large éventail d’outils qui peuvent et doivent être utilisés pour régler les différends existants et désamorcer la situation dans le cadre d’un dialogue politique et de consultations, en particulier étant donné que toutes les principales organisations régionales et internationales – l’ONU, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le Conseil de l’Europe et d’autres – proposent des services de médiation et leurs bons offices à cet effet. La présence sur le terrain du Vice-Secrétaire général, M. Eliasson, et de représentants de l’OSCE en est la preuve flagrante.
Nous nous félicitons de la proposition de l’OSCE d’envoyer une mission d’observation en Crimée et dans d’autres régions de l’Ukraine. Nous appelons la Fédération de Russie à y répondre favorablement.
Compte tenu des efforts internationaux, la Russie ne peut continuer sur la lancée d’une invasion militaire, en particulier alors que l’Ukraine ne cesse de proposer des consultations avec des homologues russes. Des mécanismes de consultation sont également prévus par le Mémorandum de Budapest et doivent être utilisés pour désamorcer la situation. Tous ces moyens doivent être employés de toute urgence, y compris les contacts bilatéraux, pour éviter le déclenchement d’une guerre.
Nous insistons une nouvelle fois sur le caractère inadmissible du recours à la menace ou à l’emploi de la force dans les relations internationales . Nous appelons la communauté internationale à être unie à l’appui de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Les efforts visant à déstabiliser la situation ainsi qu’à encourager les actes radicaux et le séparatisme en Crimée et ailleurs en Ukraine sont extrêmement dangereux. Nous saluons la retenue dont a fait preuve le nouveau gouvernement ukrainien et sa détermination à ne pas céder à la provocation.
Nous appuyons les efforts du Secrétaire général pour désamorcer la crise et saluons, comme je l’ai déjà dit, les propositions d’envoyer des missions d’observation. Nous accueillerions favorablement tout autre organe et mission qui pourrait contribuer à apaiser cette situation. Nous appelons la Fédération de Russie à répondre à ces efforts et à saisir cette occasion avant qu’il ne soit trop tard.
M. Gasana (Rwanda) (parle en anglais) : La situation en Ukraine, en particulier en Crimée, est alarmante et peut poser une menace à la paix et à la sécurité internationales. Nous insistons sur le fait que tous les acteurs internationaux doivent respecter la Charte des Nations Unies et régler leurs différends en conformité avec les accords bilatéraux et multilatéraux existants. Nous demandons donc instamment à toutes les parties et acteurs concernés par la crise ukrainienne de faire preuve de la plus grande retenue afin d’apaiser les tensions. Nous appelons également à un dialogue politique sans exclusive reconnaissant la diversité de la société ukrainienne et assurant la protection des minorités ethniques, y compris la communauté russe.
Compte tenu de la situation actuelle, nous sommes plus que jamais convaincus que l’ONU a un rôle décisif à jouer. Nous nous félicitons que le Vice- Secrétaire général, Jan Eliasson, se soit rendu à Kiev en vue de trouver une solution diplomatique et politique à la crise ukrainienne. Nous saluons également les initiatives prises par plusieurs capitales, y compris les visites effectuées aujourd’hui à Kiev par le Secrétaire d’État des États-Unis et le Ministre britannique des affaires étrangères, ainsi que les efforts déployés par le Président de la Confédération suisse en sa qualité de Président en exercice de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour organiser une réunion du groupe de contact international sur l’Ukraine.
Néanmoins, compte tenu de la complexité et de la fragilité de la situation sur le terrain, nous considérons qu’il est important d’harmoniser tous ces efforts internationaux. Nous réitérons donc la proposition que nous avons faite samedi dans le cadre de consultations de constituer un quatuor pour l’Ukraine, qui serait convoqué par le Secrétaire général et rassemblerait l’ONU, l’Union européenne, l’OSCE et la Fédération de Russie. Nous considérons que seuls des efforts concertés et harmonisés de la part des principales parties prenantes dans le but de garantir le respect de l’unité, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Ukraine, tout en prenant en considération les intérêts de la Fédération de Russie en Ukraine, peuvent permettre de trouver une solution durable à cette crise.
Au moment où le monde commémore le centenaire de la Grande Guerre, je voudrais terminer en formant l’espoir que tous les acteurs internationaux ont tiré les enseignements de cette guerre et de ses conséquences sur le continent européen. Bien que le Rwanda soit géographiquement éloigné de l’Ukraine, nous craignons que les tensions actuelles, si on ne les aborde pas de la bonne manière, ne replongent le monde entier dans les ténèbres de l’histoire, que les capacités militaires et nucléaires accrues des puissances mondiales viendraient encore épaissir .
Le Prince Zeid Ra’ad Zeid Al-Hussein (Jordanie) (parle en arabe) : La Jordanie exprime sa vive préoccupation face à l’évolution de la situation en Ukraine, en particulier dans la région de Crimée. Nous appelons toutes les parties à l’apaisement et à la retenue et les exhortons toutes à ne pas aggraver la situation en prenant des mesures militaires ou en menaçant d’en prendre .
La Jordanie souligne qu’il est nécessaire de respecter la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance politique de l’Ukraine, et d’interdire l’emploi de la force sur tout ou partie de son territoire ainsi que l’occupation d’une quelconque partie de son territoire, y compris la Crimée. La Jordanie invite tous les États concernés à respecter les dispositions des accords et traités qu’ils ont conclus avec l’Ukraine. À cet égard, nous insistons sur la nécessité de respecter le Mémorandum de Budapest de 1994 ainsi que le Traité d’amitié, de coopération et de partenariat conclu en 1997 entre l’Ukraine et la Fédération de Russie.
La Russie et l’Ukraine doivent entamer un dialogue sérieux et efficace pour mettre fin à la crise qui les touche. Ce dialogue doit aboutir à la reprise de contrôle de la région de Crimée par l’Ukraine dans les meilleurs délais. Nous appelons l’Ukraine à prendre des mesures rapides pour s’attaquer aux causes des tensions aux niveaux intérieur et extérieur, à œuvrer pour le respect des droits de l’homme, en particulier les droits des minorités, et à revenir sur toute mesure faisant reculer ces droits. Nous soulignons toutefois également l’importance de la non-intervention dans les affaires intérieures de l’Ukraine, afin que ce pays puisse décider lui-même de son avenir et de son sort politique.
Le Conseil de sécurité doit prendre ses responsabilités face à la situation actuelle en Ukraine. Nous appuyons également les efforts de médiation déployés par le Secrétaire général de l’ONU et M. Robert Serry ainsi que leurs contacts avec les différentes parties à cet égard.
Nous voudrions obtenir plus d’éclaircissements de la part des États concernés pour ce qui est de la situation sur le terrain, en particulier dans la région de Crimée. Cela aiderait le Conseil à faire face à la situation actuelle. Nous notons que le Conseil de sécurité doit enquêter sur la crise dans la région de Crimée, envisager les mécanismes de médiation et de règlement des différends qui pourraient être utilisés à la lumière des informations fournies, et évaluer si un acte d’agression active est actuellement commis en territoire ukrainien .
À cet égard, nous aimerions renvoyer à la résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale, qui qualifie d’acte d’agression le recours à la force armée par un État sur le territoire d’un autre État en dehors du cadre d’un accord entre les deux pays. Il en va de même pour l’envoi de groupes armés irréguliers devant se livrer à des actes de force armée dans un autre État.
Nous nous félicitons des efforts déjà réalisés et qui doivent être réalisés dans le cadre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour remédier à la crise actuelle et de la mise en place par la présidence de l’OSCE d’un groupe de contact et d’une mission d’établissement des faits. Nous appelons l’ONU et l’OSCE à coordonner leurs efforts afin d’éliminer les causes de tension et de trouver une solution pacifique qui préserve l’intégrité territoriale de l’Ukraine et permette un retour à la stabilité et au calme dans le pays.
M. Liu Jieyi (Chine) (parle en chinois) : La Chine est profondément préoccupée par la situation actuelle en Ukraine. Nous condamnons les actes récents de violence extrême dans ce pays. Nous avons exhorté toutes les parties en Ukraine à régler pacifiquement leurs divergences internes dans un cadre de droit et à protéger consciencieusement les droits et intérêts légitimes de tous les peuples en Ukraine afin de permettre un retour à la normale dans le pays le plus tôt possible.
La Chine reste toujours un ferme défenseur des principes de non-ingérence dans les affaires intérieures de tout pays et de respect de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, dans ce cas de l’Ukraine.
Il y a des raisons pour lesquelles les événements en Ukraine en sont arrivés là où nous nous trouvons aujourd’hui. La Chine suivra de près l’évolution des événements sur le terrain et appelle toutes les parties à trouver une solution politique par la voie du dialogue et des négociations, sur la base du respect du droit international, des principes régissant les relations internationales et du maintien de la paix et de la stabilité régionales.
M. Quinlan (Australie) (parle en anglais) : Je remercie le Sous-Secrétaire général, M. Fernández- Taranco, de son exposé de cet après-midi et nous saluons la participation de l’Ambassadeur Sergeyev à la présente séance .
La situation en Ukraine continue manifestement de s’aggraver. Les tensions continuent d’augmenter et le risque d’un affrontement militaire est évident. Depuis que le Conseil s’est réuni samedi (voir S/PV.7124), les activités militaires russes en Crimée se sont considérablement intensifiées et l’on signale de nouveaux déploiements de troupes russes sur les frontières orientale et méridionale de l’Ukraine, des violations de l’espace aérien ukrainien par des avions de chasse russes, et l’obstruction des issues de la baie de Sébastopol en Crimée par des vaisseaux des forces navales russes .
Nous sommes gravement préoccupés par l’escalade des activités militaires russes. Ces actions, tout comme la décision du Parlement russe d’autoriser le recours à la force en Ukraine, sont absolument inadmissibles. Les actions de la Russie portent atteinte au droit du peuple ukrainien de décider de son propre avenir et elles sont également contraires au droit international. Elles contreviennent à la Charte des Nations Unies. Elles contreviennent également aux accords auxquels la Russie elle-même est partie : le Mémorandum de Budapest de 1994, l’Acte final d’Helsinki de 1975, et le Traité d’amitié, de coopération et de partenariat conclu en 1997 au niveau bilatéral entre la Fédération de Russie et l’Ukraine. Au titre de ces accords, un engagement précis a été pris de respecter l’intégrité territoriale de l’Ukraine, de ne pas s’ingérer dans ses affaires intérieures et de s’abstenir du recours ou de la menace de recours à la force.
Le Gouvernement australien et l’ensemble de la communauté internationale, qui parle à l’unisson sur cette question, ont demandé haut et fort à la Russie de faire marche arrière, retirer ses forces armées, de se conformer à ses engagements juridiques internationaux et de prendre des mesures immédiates pour réduire les tensions. La Russie doit engager un dialogue direct avec l’Ukraine conformément à l’article 7 de son propre Traité d’amitié, de coopération et de partenariat avec l’Ukraine.
Au Conseil, l’Australie a déjà appelé la Russie à respecter l’unité, la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine et nous réitérons cet appel ici aujourd’hui. Nous demandons également de nouveau que l’on ne se borne pas à éviter les provocations mais que soient prises également des mesures volontaires pour désamorcer la crise. Nous félicitons l’Ukraine de la retenue dont elle a constamment fait preuve pour sa part, face à des provocations continuelles et très graves. Nous appuyons les efforts du nouveau Gouvernement ukrainien pour faire face à la crise et stabiliser la situation dans son pays .
L’engagement politique international que nous avons pu voir à ce jour sur cette question s’est avéré fondamental et il doit bien entendu se poursuivre et s’intensifier. Il est une mesure de la préoccupation que provoquent les actions de la Russie et de l’ampleur de la détermination, au sein de la communauté internationale, de désamorcer cette crise. La communauté internationale et le Conseil doivent appuyer tous les efforts en vue d’une désescalade. Il s’agit, en l’occurrence, d’explorer et de favoriser toutes les possibilités de médiation et de dialogue.
L’Australie appuierait également énergiquement le déploiement d’une mission complète de surveillance en Ukraine, et nous savons gré à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) d’étudier soigneusement cette possibilité. Ce serait la meilleure façon de répondre aux préoccupations qu’invoque la Russie au sujet des droits des minorités et nous exhortons la Russie à étudier cette option. Nous nous félicitons des informations selon lesquelles l’OSCE commence un premier déploiement d’observateurs dès ce soir.
Nous nous félicitons également de l’action du Secrétaire général et du voyage effectué par le Vice- Secrétaire général, M. Eliasson, en Ukraine. Nous exhortons toutes les parties à coopérer avec le Vice- Secrétaire général dans ses efforts pour promouvoir le dialogue et la coopération et pour se rendre compte par lui-même de la situation réelle sur le terrain. Il est impératif qu’il puisse avoir accès à toutes les régions d’Ukraine.
Je dirai pour terminer qu’il convient à l’évidence de régler cette situation par des moyens pacifiques. Il n’y a pas d’autre option. Comme l’a déclaré hier le Premier Ministre australien, M. Abbott, au Parlement australien, les agressions non provoquées n’ont pas leur place dans notre monde. La Russie doit faire marche arrière et retirer ses forces de l’Ukraine conformément à ses obligations et le peuple ukrainien doit pouvoir décider lui-même de son propre avenir.
M. Errázuriz (Chili) (parle en espagnol) : Nous exprimons notre profonde préoccupation face à la grave escalade de la crise en Ukraine, qu’il est urgent de désamorcer. Nous lançons un appel à la plus grande retenue et à la modération.
Comme le Chili l’a déjà fait valoir, nous rappelons une fois de plus l’obligation du respect de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies. De même, les parties en présence doivent s’abstenir de tout acte incompatible avec la Charte de l’Organisation et avec le droit international, et, en particulier, éviter de recourir à la menace ou à l’emploi de la force.
Le Mémorandum de Budapest est clair : c’est un engagement de respecter l’indépendance et la souveraineté de l’Ukraine ainsi que ses frontières actuelles, et de s’abstenir de la menace ou de l’emploi de la force pour porter atteinte à l’intégrité territoriale et à l’indépendance politique de l’Ukraine. Ces obligations doivent être respectées .
La communauté internationale doit continuer d’apporter son concours afin de trouver une solution pacifique à cette crise. Dans ce contexte, nous appuyons les efforts de médiation internationale ou tout autre mécanisme, y compris les démarches que peuvent entreprendre les organisations régionales, de nature à permettre de régler cette crise. Nous apprécions en particulier la décision prise par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe d’envoyer des observateurs en Ukraine et dans l’est du pays. Le Chili appuie les démarches entreprises par le Secrétaire général de l’ONU et soutient en particulier la mission que conduit en ce moment même à Kiev le Vice-Secrétaire général, M. Jan Eliasson. Par ailleurs, nous invitons instamment la Fédération de Russie à contempler la possibilité d’organiser des consultations dans le cadre du Traité d’amitié et de coopération afin de trouver une issue à la crise actuelle.
Je terminerai en insistant sur le fait que c’est au peuple russe qu’il revient de décider de son destin selon un processus ouvert qui garantisse l’état de droit, les droits de l’homme, les libertés fondamentales et le respect des droits des minorités.
Mme Perceval (Argentine) (parle en espagnol) : Je tiens moi aussi à remercier M. Oscar Fernández- Taranco de son exposé, et à travers lui, nous tenons à dire combien nous sommes reconnaissants au Secrétaire général et aux autres hauts responsables de l’Organisation de leurs efforts pour trouver une solution négociée à la situation.
L’Argentine suit avec une extrême inquiétude les derniers événements politiques en Ukraine, et en particulier dans la République autonome de Crimée. L’Argentine réaffirme que le Conseil de sécurité a la responsabilité de veiller au maintien de la paix et de la sécurité internationales, conformément aux principes consacrés par la Charte des Nations Unies. À cet égard, nous rappelons que tous les États ont l’obligation de régler leurs différends internationaux par des moyens pacifiques d’une manière qui ne mette pas en danger les paix et la sécurité internationales, comme le prévoient les dispositions de l’Article 33 du Chapitre VI de la Charte, tout en respectant les principes énoncés à l’Article 2 du Chapitre I et en tenant compte du rôle important que peuvent jouer les organisations régionales concernées, tel que défini au Chapitre VIII de la Charte.
Nous nous faisons l’écho de l’appel du Secrétaire général à éviter tout acte et toute déclaration susceptibles d’attiser les tensions et à entamer un dialogue constructif pour trouver, par des moyens pacifiques, une issue à la crise actuelle. Tous les acteurs politiques et les partenaires internationaux doivent intensifier leurs efforts pour trouver des solutions dans le cadre d’un dialogue ouvert rassemblant tous les groupes sociaux et politiques des différentes régions. Nous estimons qu’il est indispensable que les autorités qui auront la charge de gérer la période de transition comptent sur l’appui et la participation de toutes les forces politiques et nous soulignons que l’État à la responsabilité et l’obligation absolue et incontournable de protéger la population, y compris toutes les minorités ethniques et linguistiques. Il est absolument impératif d’éviter toute action qui pourrait encourager une polarisation, une rhétorique de l’affrontement et une aggravation des tensions.
L’Argentine est convaincue de la nécessité d’œuvrer pour une Ukraine unie, conformément aux principes qui régissent le droit international et dans le respect absolu et inconditionnel des droits de l’homme, condition sine qua non pour que l’ensemble du peuple ukrainien puisse trouver une solution démocratique à la crise qui secoue actuellement le pays. La communauté internationale doit axer ses efforts sur l’appui à un processus qui obéisse à ces critères, afin de coopérer pour parvenir à des accords politiques qui mettent fin à la crise actuelle que connaît l’Ukraine.
Mme Ogwu (Nigéria) (parle en anglais) : Ce qui a commencé, il y a trois mois, par une contestation politique prend de plus en plus une dimension pour le moins instable. Nous demandons à toutes les parties concernées de respecter les dispositions de la Charte des Nations Unies, en particulier l’Article 2, qui dispose que les Membres de l’Organisation règlent leurs différends par des moyens pacifiques et s’abstiennent de recourir à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale de tout État .
La situation actuelle en Ukraine, et tout particulièrement en Crimée, représente une menace sérieuse et manifeste à la paix et à la sécurité internationales, et nous souhaitons qu’il y ait une désescalade rapide des tensions et des discours hostiles. Les parties concernées doivent recourir au dialogue comme moyen de résoudre la crise et faciliter le retour rapide à la normale en Ukraine. Pour cela, une médiation s’impose, comme d’autres orateurs l’ont dit avant moi. Nous appelons donc la communauté internationale, et notamment ceux qui peuvent exercer une influence positive sur les parties intéressées à intensifier leurs efforts de médiation de cette crise. Nous sommes intimement convaincus que le recours aux outils de la diplomatie préventive en de telles circonstances constitue le moyen le plus efficace et le plus rapide de trouver une solution pacifique.
Nous renouvelons notre appel à toutes les parties concernées pour qu’elles respectent les dispositions du Mémorandum de Budapest concernant les garanties de sécurité, qui garantit la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Nous signalons que ce mémorandum prévoit que les signataires doivent se consulter en cas de problème relatif aux engagements qu’ils ont pris au titre de ce document. Cette clause prend une importance redoublée aujourd’hui et offre en fait la possibilité de régler pacifiquement la crise en cours .
Nous jugeons positives les informations indiquant que le Gouvernement ukrainien déploie d’importants efforts pour garantir une plus grande ouverture politique dans la gouvernance du pays. Il s’agit, selon nous, d’une manière sage de s’attaquer à l’une des causes sous- jacentes du différend et de garantir un retour rapide à la paix et à la stabilité.
L’appel du Secrétaire général à garder la tête froide garde toute sa pertinence au vu des circonstances, et nous exhortons tous les acteurs concernés à s’abstenir de tout acte de provocation qui pourrait entraîner aujourd’hui ou demain des souffrances humaines inutiles .
M. Paik Ji-ah (République de Corée) (parle en anglais) : La République de Corée demeure gravement préoccupée par la situation en Ukraine, notamment l’escalade des tensions dans la région de la Crimée. Au vu de la situation tendue, nous appelons toutes les parties à exercer la plus grande retenue et à régler la crise par le dialogue. Il est absolument fondamental de respecter pleinement l’unité, l’indépendance, l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Ukraine, conformément à la Charte des Nations Unies. La République de Corée espère que la situation en Ukraine sera réglée de manière pacifique. Dans cet esprit, nous appuyons les efforts de médiation de la communauté internationale, en particulier ceux du Secrétaire général. Nous espérons que la visite du Vice-Secrétaire général en Ukraine contribuera à envisager toutes les solutions possibles à la crise.
M. Cherif (Tchad) : Le Tchad est profondément préoccupé par la tournure grave que prend la situation en Ukraine, malgré les multiples appels de la communauté internationale à la désescalade, au calme et au dialogue. Le Tchad est convaincu que tout conflit entre les États Membres de l’ONU doit trouver une solution pacifique dans le cadre de la Charte des Nations Unies, dans le respect des principes de la souveraineté, du non-usage de la force et du règlement pacifique des différends.
Face à la détérioration de la situation en Ukraine, le Tchad réitère son appel à la retenue et au calme, et invite la communauté internationale à entreprendre une médiation pour faire prévaloir le dialogue entre les parties. À cet égard, le Tchad appuie tous les efforts de médiation de la communauté internationale visant à amener les parties concernées à régler leurs différends par des voies conformes à la Charte des Nations Unies et dans le respect des engagements souscrits dans le cadre des différents accords .
La Présidente, Mme Lucas (Luxembourg) : Je vais maintenant faire une déclaration en ma qualité de représentante du Luxembourg.
Le Luxembourg est profondément préoccupé par les récents développements en Ukraine, et en particulier en Crimée. Notre position est reflétée dans les conclusions que le Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne vient d’adopter aujourd’hui, au terme d’une réunion convoquée d’urgence. Nous condamnons vivement la violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine par les forces armées russes, ainsi que la décision prise samedi dernier par le Conseil de la Fédération de Russie d’autoriser l’utilisation des forces armées russes sur le territoire de l’Ukraine.
Ces actions sont une violation flagrante de la Charte des Nations Unies et de l’Acte final d’Helsinki. Je voudrais faire écho ici à l’appel que l’Union européenne a lancé à la Russie de retirer sans délai ses forces armées de telle manière qu’elle se conforme à ses obligations en vertu de l’Accord du 28 mai 1997 relatif au statut et aux conditions de la présence de la flotte de la mer Noire sur le territoire de l’Ukraine.
Il faut impérativement régler la crise par des moyens pacifiques. Un premier pas essentiel serait que la Russie accepte l’offre de l’Ukraine de tenir sans délai des consultations, comme le prévoit le Mémorandum de Budapest concernant les garanties de sécurité liées à l’adhésion de l’Ukraine au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, signé le 5 décembre 1994 par l’Ukraine, la Russie, le Royaume-Uni et les États-Unis, et comme le prévoit le Traité d’amitié, de coopération et de partenariat signé le 31 mai 1997 entre la Russie et l’Ukraine.
Nous voulons croire qu’il est encore possible d’éviter le pire. De par son histoire, le Luxembourg est malheureusement bien placé pour comprendre les risques que l’escalade militaire fait peser sur la paix et la sécurité en Ukraine et dans la région. Il faut donc tout faire pour amorcer une désescalade de la situation par des actes concrets. Nous appuyons résolument les efforts en cours au niveau de l’ONU, en particulier le rôle de bons offices du Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, qui a pris la décision de dépêcher le Vice- Secrétaire général en Ukraine.
Les principes de l’ONU et toute la raison d’être de l’ONU sont en jeu. Nous appelons l’ensemble de la communauté internationale à appuyer les efforts déployés par l’ONU, de concert avec l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, pour parvenir avec les parties impliquées à une résolution politique de cette crise. Nous saluons les préparatifs en cours en vue de la mise en place d’une mission d’observation de l’OSCE pour faire une évaluation impartiale de la situation sur le terrain.
Une solution politique durable à la crise ukrainienne requiert aussi un dialogue politique inclusif tenant compte de la diversité de la société ukrainienne, des aspirations de tous les Ukrainiens et de la nécessité de respecter les droits de tous les Ukrainiens. Le Luxembourg appuie le nouveau gouvernement et le Parlement ukrainiens, qui ont pris des dispositions pour favoriser ce dialogue politique inclusif. Nous encourageons les autorités ukrainiennes à recourir à l’expertise du Conseil de l’Europe et de l’OSCE, en particulier en ce qui concerne la protection des droits des minorités.
En conclusion, nous saluons la retenue dont ont fait preuve les autorités ukrainiennes face à la crise, en particulier en Crimée. Il est indispensable que toutes les parties respectent l’unité, l’intégrité territoriale, l’indépendance et la souveraineté de l’Ukraine.
Je reprends à présent mes fonctions de Présidente du Conseil de sécurité .
Je donne la parole au représentant de l’Ukraine.
M. Sergeyev (Ukraine) : Avant tout, je vous remercie, Madame la Présidente, de m’avoir donné la parole, et je remercie aussi tous les membres du Conseil de sécurité de leurs importantes interventions, dans lesquelles j’ai entendu beaucoup de soutien à l’égard de ma nation. L’Ukraine compte énormément sur le Conseil de sécurité pour déployer tous les efforts possibles au niveau international afin de garantir la protection du peuple ukrainien, la souveraineté de mon pays et son intégrité territoriale.
(l’orateur poursuit en anglais)
Au début de la séance, nous avons écouté avec une grande attention l’intervention du représentant de la Fédération de Russie. Malheureusement, nous n’avons toujours pas reçu de réponse convaincante à la simple question de savoir pourquoi les forces militaires de la Fédération de Russie occupent illégalement la Crimée et violent brutalement le droit international et les accords bilatéraux. Je tiens à rappeler que, en vertu du Mémorandum de Budapest concernant les garanties de sécurité, signé en 1994 entre l’Ukraine et plusieurs États garants, dont la Russie elle-même, mon pays a cédé son arsenal nucléaire à la Russie, en échange de quoi cette dernière est notamment tenue de s’abstenir d’utiliser la menace ou le recours à la force contre l’intégrité territoriale et l’indépendance politique de l’Ukraine. À cet égard, je souligne qu’avec cette agression, la Fédération de Russie est en train de mettre précisément à mal le régime du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires en général.
Je voudrais informer le Conseil des derniers faits survenus sur le territoire de la République autonome de Crimée, en Ukraine. Depuis le 24 février, et à la date d’aujourd’hui, environ 16000 soldats russes ont été déployés en Crimée, transportés par des navires militaires, des hélicoptères et des avions cargo depuis le territoire russe voisin. Les contingents russes continuent de tenter d’investir, bloquer et contrôler plusieurs entités militaires et gouvernementales ukrainiennes clefs en Crimée, notamment le Parlement de Crimée, tous les aéroports civils et militaires, les moyens de communication, les stations de radio, les services des douanes, les bases militaires et de la garde côtière ainsi que le quartier général de la marine ukrainienne en Crimée. Toutes les routes principales sont bloquées également.
Le renforcement des troupes et du matériel militaire russes le long de la frontière orientale de l’Ukraine indique clairement que la Russie se prépare à une possible intervention militaire en Ukraine, j’entends par là, dans les autres régions de notre pays. Jusqu’à présent, les forces armées ukrainiennes ont fait preuve de retenue et se sont abstenues d’opposer une résistance active à cette agression, bien qu’elles soient totalement opérationnelles .
La Fédération de Russie est en train de mener une campagne psychologique et de propagande active en République autonome de Crimée et dans les régions du sud-est de l’Ukraine, visant à discréditer les autorités ukrainiennes légitimes et à tromper l’opinion publique en qualifiant l’intervention russe d’opération de maintien de la paix.
Le Ministre ukrainien de l’intérieur a rendu publiques aujourd’hui des informations indiquant que la partie russe projetterait des actes de provocation sur le territoire de la Crimée. Il semblerait que des inconnus armés seraient sur le point d’attaquer ce soir – et sans doute de tuer – des soldats russes, en faisant croire que l’Ukraine est à l’origine de ces attaques, ce qui permettra ainsi de justifier l’intervention armée que mène actuellement la Russie contre l’Ukraine.
La Fédération de Russie dit se préoccuper de la situation des droits de l’homme et des libertés des Russes de souche vivant sur le territoire ukrainien. Je tiens à informer le Conseil c’est à notre gouvernement et à notre peuple qu’il incombe de s’en soucier. Nous n’avons pas besoin d’aide extérieure. Notre ministre des affaires étrangères s’est entendu avec le Haut-Commissaire pour les minorités nationales de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe sur l’envoi d’une mission d’observation en Crimée.
Une fois de plus, nous demandons aux membres du Conseil de sécurité d’autoriser une mission internationale de médiation et de surveillance en Crimée afin de suivre également la situation des droits fondamentaux des groupes ethniques russes et autres, ainsi que de la population dite russophone. Je suis moi-même russophone, et je n’ai nul besoin de soutien. J’appelle la Fédération de Russie à montrer qu’elle reste un membre permanent respectueux du Conseil de sécurité. Elle ne doit pas saper l’autorité et la confiance placées en cet organe universel.
Je sais que parmi les médias, il y a quelques chaînes russes et une chaîne de télévision ukrainienne. Avec la permission du Conseil, je poursuivrai donc en russe .
(l’orateur poursuit en russe)
Je voudrais, pour commencer, féliciter tous les chrétiens orthodoxes en ce début du carême de 40 jours, et à nouveau j’appelle les orthodoxes russes et leurs dirigeants à la paix. Je leur demande de ne pas provoquer la colère de Dieu, mais de prier pour nous et de nous entendre .
Malheureusement, le représentant de la Fédération de Russie a tenté d’expliquer la présence des troupes russes en Crimée en disant qu’elles y étaient pour maintenir la paix. Comme beaucoup d’orateurs l’ont dit aujourd’hui, ces actes sont considérés comme une agression et comme un moyen de provoquer un conflit armé à grande échelle en Ukraine. C’est inacceptable de la part d’un État qui est l’un des garants de notre souveraineté et de notre intégrité territoriale en vertu de Mémorandum de Budapest et qui, de plus, est un membre permanent du Conseil de sécurité qui partage, avec d’autres États Membres, la fonction très importante de maintenir la paix et la stabilité dans le monde. Aucun des arguments du représentant russe sur le caractère légitime de l’intervention militaire en Ukraine ne peut être justifié du point de vue de la Charte des Nations Unies. La Russie avance divers arguments concernant la protection de la population russe, lesquels sont censés justifier une intervention militaire contre l’Ukraine. Mais cette question relève exclusivement de la compétence du Gouvernement ukrainien et de ses citoyens, conformément à notre Constitution. Tous les citoyens, quelle que soit leur appartenance ethnique ou leur nationalité, ont des droits égaux. Seul le Parlement ukrainien, conformément à notre Constitution, peut décider si nous avons besoin d’une aide militaire pour résoudre ces questions humanitaires. J’ai déjà dit que nous n’avons pas besoin de cette aide .
Le représentant de la Fédération de Russie continue à faire référence à l’accord du 21 février comme base du règlement de la crise en Ukraine. Nous sommes très étonnés par cette position. La partie russe qui a participé avec nos partenaires européens aux médiations qui ont abouti à cet accord a refusé par principe de le signer et ne l’a même pas reconnu. De plus, comment, d’après le représentant russe, cet accord pourrait-il être mis en œuvre dans le contexte qu’il évoque alors que l’un des principaux acteurs – l’ancien Président Yanukovych – a fui la capitale et, de fait, a refusé de s’acquitter de ses obligations constitutionnelles ?
Le représentant russe continue de qualifier ce qui se passe en Ukraine de coup d’État. Dans le monde démocratique, il existe une définition plus précise. Ce qui s’est passé, c’est une révolution de la dignité.
Nous avons une façon différente de comprendre les droits de l’homme. En novembre 2013, des personnes de toutes nationalités ont participé à des manifestations de masse sans qu’aucun responsable politique leur dise quoi faire et sans aucune pression occidentale – contrairement à ce qu’affirme le représentant de la Russie. Ces manifestants sont descendus dans la rue pour défendre leur droit à une vie digne, pour protester contre un système corrompu qui a entraîné la pauvreté dans l’est, le centre et le sud du pays, et le chômage dans l’ouest. Pendant ce temps, comme le monde entier a pu le voir à la télévision, l’ancien Président Yanukovych, que le représentant russe défend, et ses proches vivaient dans le luxe.
Le représentant de la Russie a répété aujourd’hui ce que le Ministre Lavrov a déclaré plus tôt, à savoir que l’ancien pouvoir a usé de moyens totalement légitimes pour lutter contre le désordre. C’est ainsi que, dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre, des étudiants qui protestaient pacifiquement ont été passés à tabac par les policiers ; et alors que leurs droits ont été violés, ce sont eux qu’on accuse de violations des droits. On dit que ce sont les étudiants qui ont passé la police à tabac ! Ainsi, les manifestants ont vu le Parlement adopter une loi répressive qui limite leurs droits constitutionnels à la liberté d’expression et de réunion, une loi qui limite les droits des médias, une loi que, par la suite, Yanukovych a été contraint d’abolir .
Je crois que le représentant russe justifie quelque chose qui ressemble à ce qui se passe dans son pays. Je regrette qu’il n’ait pas dit la vérité sur les Églises. Toutes les confessions ont toujours soutenu le peuple, y compris l’Église orthodoxe ukrainienne qui entretient des liens canoniques avec le Patriarcat de Moscou. Et son dirigeant a demandé à plusieurs reprises aux orthodoxes russes de prier pour l’Ukraine et de ne pas tuer ses citoyens .
Les Russes justifient leur intervention militaire en Ukraine en disant que le Premier Ministre de la Crimée, M. Aksenov, leur en a fait la demande. Ce dernier a été nommé Premier Ministre en violation de la Constitution. Il n’est pas le dirigeant légitime de ce territoire administratif de l’Ukraine.
Je rappelle que l’Ukraine est un État uni, et que la Crimée et ses autorités ne sont pas membres de la Fédération. L’entrée de troupes russes sur le territoire ukrainien sans l’accord du pouvoir central ukrainien est considérée comme une agression et un soutien au séparatisme qui, même en Crimée, n’a pas l’appui d’une grande partie de la population.
Ainsi, conformément aux recommandations du Secrétaire général, les autorités de l’est ont été incluses dans la Gouvernement. Quatre ministres du Cabinet ukrainien en place sont nés en Russie, tandis que plusieurs gouverneurs russophones ont été nommés à la direction des régions de l’est qui sont également russophones.
En dépit des difficultés économiques du pays, le Gouvernement ukrainien continue de fournir une assistance à la Crimée. La Banque nationale d’Ukraine a versé 400 millions de hryvnias à la Banque de Crimée.
Je dois hélas signaler que la Russie ne suit pas les règles du jeu en matière d’information, ce qui a pour effet de déstabiliser notre pays. Il y en a eu de nombreux exemples ces derniers jours, je ne tiens pas à les répéter. Nous voudrions toutefois saisir cette occasion pour appeler de nouveau nos partenaires russes à cesser de diffuser des informations mensongères.
(l’orateur reprend en anglais)
Je tiens à vous remercier très sincèrement, Madame la Présidente, ainsi que tous les membres du Conseil de sécurité, en particulier ceux qui ont exprimé leur soutien à l’Ukraine et qui appuient la nécessité impérative de régler tous les problèmes par des moyens diplomatiques et politiques et de mettre un terme à cette agression.
La Présidente : Le représentant de la Fédération de Russie a demandé de nouveau la parole pour faire une autre déclaration . Je lui donne la parole .
M. Churkin (Fédération de Russie) (parle en russe) : En tout premier lieu, je souhaite saluer mon collègue ukrainien, M. Sergeyev, avec lequel je travaille depuis un certain temps ici, à l’ONU. Je le félicite de s’être exprimé aujourd’hui non seulement en anglais et en français, mais également en russe. À mon souvenir, c’est la première fois que je l’entends faire une déclaration en russe, mais, comme on dit, mieux vaut tard que jamais ! J’espère que nous entendrons d’autres déclarations en russe de la part de mon collègue ukrainien, même si, comme nous l’avons entendu, il s’exprime parfaitement en anglais et en français.
Dans les déclarations prononcées par M. Sergeyev et par d’autres collègues, j’ai entendu un certain nombre de choses curieuses, et même surprenantes que je voudrais commenter ici. Premièrement, si je me souviens bien, mon collègue ukrainien, ainsi que mes collègues français et britannique ont présenté les choses de telle façon que la Russie chercherait à faire pression sur la démocratie ukrainienne. Mais peut-on qualifier de démocratie une prise de pouvoir par la force ? Ce que nous disons c’est qu’il faut que se déroule un processus constitutionnel normal qui tienne compte des intérêts de toutes les régions et de l’ensemble de la population de l’Ukraine. N’est-ce pas là la démocratie ? Nous sommes, nous, pour la démocratie, mais je ne sais pas pourquoi mes collègues font passer pour de la démocratie quelque chose qui n’est pas de la démocratie.
M. Sergeyev est revenu avec émotion sur les événements extrêmement dramatiques et tragiques des trois derniers mois, au sujet desquels nous avons fait part de nos regrets et de notre profonde sollicitude. Et il ne fait aucun doute – que l’on ne croie pas que quelqu’un en Russie doute du fait – que la cause de cette crise politique est à la base l’insatisfaction d’une grande partie de la population vis-à-vis de la présidence de M. Yanukovych. Mais soyons honnêtes, sur ce point, concernant ce qui s’est passé : après la répression des manifestations dont il a été fait mention, des lois ont été adoptées à l’initiative de Yanukovych, pour lesquelles il a été beaucoup critiqué, mais des lois du même type existent dans de nombreux pays. Par exemple, concernant la disposition portant interdiction de traverser la rue durant une manifestation, des mesures du même ordre ont été adoptées dans de nombreux pays. Selon une loi française de 2009, si je ne m’abuse, il est interdit de porter un masque dans la rue durant une manifestation politique pacifique. Peut-être y avait- il aussi en l’occurrence des éléments superflus, mais il semble que de nombreux éléments faisant l’objet du présent débat sont également présents dans des pays démocratiques normaux.
Mais ce n’est pas la question essentielle ; il y a une question de fond : pourquoi mes collègues ont-ils décidé que ce à quoi nous avons à faire en Ukraine maintenant est un pouvoir démocratique ? Comme l’a souligné l’Ambassadeur Sergeyev, nous avons en partage, lui et moi, une histoire et nous nous souvenons très bien de ce qui s’est passé dans notre pays en 1917, lorsque la révolution démocratique a fait place à une dictature. Nous avons, nous, l’impression, que le pouvoir à Kiev est détenu, essentiellement, par des nationalistes radicaux. Il y a aussi d’autres personnes dans le Gouvernement qui sont plus présentables pour l’Ouest, mais elles sont manipulées par ceux qui les ont amenées au pouvoir, ceux dont les actions violentes les ont portées au pouvoir .
Ne nous faisons pas l’illusion de croire que toute transition du pouvoir, en particulier quand elle est violente, débouche sur la démocratie, comme certains de nos collègues occidentaux semblent le penser. Mais je tiens à dire que nous aimerions, quant à nous, voir le processus en cours en Ukraine aboutir à l’instauration d’une démocratie véritable dans le pays.
Ma collègue des États-Unis a déclaré qu’il importait de respecter la Constitution ukrainienne. Nous estimons en effet que cela est important. J’essaie d’imaginer ce qu’il se passerait si, pendant que le Président Obama se trouve en Californie, Mitt Romney se présentait à la Maison-Blanche et si le Congrès, dont l’une des chambres est actuellement à majorité républicaine, votait subitement pour la destitution du Président Obama. Comment l’opinion publique américaine réagirait-elle à cela ? S’agirait-il alors d’une manifestation de démocratie ? C’est exactement ce qui s’est passé en Ukraine. Pourquoi M. Yanukovych est-il parti ? La crainte l’a poussé à quitter Kiev pour se rendre à Kharkov. Les intimidations l’ont poussé à signer l’accord du 21 février. On a menacé de prendre d’assaut la résidence présidentielle s’il n’avait pas quitté les lieux à 10 heures. Il ne s’agit pas là de démocratie. Il ne s’agit pas là de respect de la Constitution.
La situation en Crimée est extrêmement complexe. La République autonome de Crimée a un statut à part. Les actes de violence à Kiev ont fait naître la crainte que l’Administration risquait également d’être violemment prise à partie en Crimée. Quelqu’un est arrivé au pouvoir en Crimée et a pris des mesures vigoureuses. Il s’est subordonné à toutes les structures du pouvoir.
Certains veulent faire croire qu’il n’y a que des forces armées russes en Crimée, mais il y a également les forces armées ukrainiennes qui ont prêté serment d’allégeance devant les nouvelles autorités de la République autonome de Crimée, comme, par exemple, le commandant de la flotte ukrainienne, qui se trouve également sur place, et qui a donc également prêté serment aux nouvelles autorités. À cela s’ajoutent un certain nombre de milices d’autodéfense, créées quand la population de Crimée a eu peur d’un recours à la force en raison des mouvements de détachements armés en provenance de Kiev, dont le but avoué était d’établir des liens d’amitié et le but véritable, de renverser le Gouvernement en place et de se saisir du pouvoir.
Est également présente la flotte de la mer Noire. Les chiffres sont intéressants. Le représentant ukrainien a déclaré que la flotte russe de la mer Noire comptait quelque 16000 soldats mais, selon les termes de notre accord, le nombre de militaires russes cantonnés sur place peut aller jusqu’à 25 000. Ils sont sur place pour protéger des sites et empêcher que des extrémistes commettent des actes de nature à causer du tort aux civils ou à menacer leur vie et leur santé. Peut-être notre collègue ukrainien considère-t-il ces mesures comme excessives, mais cela est pleinement conforme aux dispositions relatives à la République autonome de Crimée.
J’ai également été surpris d’entendre Mme Power déclarer que toutes ces préoccupations étaient fabriquées de toutes pièces. Cette affirmation me surprend réellement. J’ai l’impression que Mme Power tient toutes ses informations exclusivement de la télévision américaine, auquel cas, bien sûr, tout ce qui se passe en Ukraine doit sembler en tout point merveilleux. La vague de démocratie dans le pays n’a été interrompue que par la fuite du méchant Yanukovych.
Une tentative a été faite de prendre le contrôle du monastère de la laure des Grottes de Kiev, qui m’est aussi cher qu’il l’est à M. Sergeyev, peut-être même plus. Je ne suis pas ukrainien ; je suis russe. D’après les informations communiquées par l’Ambassadrice des États-Unis et nos propres informations, je suis certain que nos médias, comme ceux de nombreux autres pays, ont décrit les événements bien différemment. Qu’en est- il de la vague de violence qui a balayé l’ouest et le centre de l’Ukraine ? Qu’en est-il des attaques armées contre des bâtiments administratifs ? Qu’en est-il des dirigeants municipaux traînés hors de leurs bureaux, attachés à des poteaux et ridiculisés ? S’agit-il de démocratie ? Est-ce un processus politique normal ? Verrions-nous quelqu’un être traîné dehors de cette manière à Chicago ou Bordeaux, par exemple ? Je ne le pense pas. Je ne pense pas que de tels actes nous paraîtraient admissibles dans n’importe quel pays démocratique.
Que devons-nous donc penser des événements à Kiev ? S’agissait-il de préoccupations imaginaires ? Les tentatives de prise de contrôle de bâtiments administratifs dans presque toutes les villes de l’est et du sud de l’Ukraine n’ont pas été inventées. Un groupe armé a envahi des bâtiments officiels et tenté de chasser le Gouvernement et de mettre en place sa propre autorité antidémocratique et illégitime.
Je vais maintenant passer à l’un des points essentiels que je voudrais souligner. Nous ne sommes pas les seuls à être préoccupés. Peu importent d’ailleurs nos propres préoccupations . Ces préoccupations sont naturellement partagées par la population du sud et de l’est de l’Ukraine.
J’en reviens maintenant à un point sur lequel l’Ambassadeur Sergeyev sait que j’ai raison. Comme je l’ai déjà dit, malheureusement, les forces de la droite ukrainienne sont très puissantes. Elles ne supportent pas les citoyens russes ou les Russes de souche. Rappelons- nous que leurs dirigeants se réclament de Bandera et de Shukhevych, qui ont combattu sous le drapeau hitlérien contre l’Armée rouge de l’Union soviétique, qui faisait partie de la coalition opposée à Hitler. C’est l’idéologie des mouvements d’extrême droite et malheureusement, ces gens sont très proches des autorités ukrainiennes et les épaulent. Est-il donc injustifiable ou inconcevable que les habitants de ces régions soient inquiets, et nous parlons ici de millions de gens – dont 1,5 million de personnes en Crimée.
La question fondamentale qu’il convient de se poser est celle-ci : peut-on vraiment s’attendre à ce que la Russie permette que ce qui s’est déjà passé dans le centre et l’est de l’Ukraine se répète dans cette région, où vivent des millions de Russes ? Je voudrais rappeler qu’il y a quelques années, les États-Unis ont envahi la Grenade. Le Président Reagan a dit alors qu’ils défendaient les citoyens américains qui y résidaient. Il s’agissait de 1000 personnes au total, et ces citoyens américains n’avaient rien à craindre de la part des autorités grenadiennes. En l’occurrence, des millions de nos citoyens vivent dans cette région. Ils sont inquiets.
Nos collègues ont parlé des institutions internationales – l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et l’Organisation des Nations Unies. Certes, l’on pourrait avoir recours à ces institutions. Nous ne nous y opposons pas. Mais nous savons très bien comment fonctionne une institution internationale ; après tout, nous travaillons à l’ONU. Au Kosovo, non seulement il y avait plusieurs institutions internationales, mais également des forces de l’OTAN. Qu’ont-elles fait en 2004 pour mettre un terme à la répression et aux attaques dans ce pays, qui ont forcé des milliers de Serbes à quitter la région ? Elles n’ont rien fait, et maintenant, certains voudraient qu’une mission d’observation de l’OSCE se rende en Ukraine. Savent-ils ce que les extrémistes nationalistes pensent d’une telle mission ? Ils n’en voudront même pas. En outre, les préparatifs d’une telle mission prendront des mois, et qui sait ce qui pourrait arriver dans l’intervalle ?
J’en viens maintenant à un autre point très important. C’est nous qui avons demandé la convocation de la présente séance. Nous avons demandé la tenue de cette séance pour donner un aperçu plus complet de ce qui se passe réellement en Ukraine, de notre point de vue. Il est vrai que les deux séances précédentes avaient un caractère plus spontané. Mais je tiens à répéter qu’aucune décision n’a encore été prise par le Président Poutine, suite à l’autorisation qu’il a reçue du Parlement russe de déployer des forces armées russes sur le territoire de l’Ukraine. Et le fait que nous tenions la présente séance ne signifie pas que cette décision est imminente.
Toutefois, afin d’éviter que des événements indésirables ne se produisent, il est essentiel que ceux qui contrôlent la situation à Kiev et qui contrôlent une grande partie du territoire ukrainien, ainsi que ceux qui les appuient, comprennent une chose très importante, à savoir qu’il faut renoncer à la politique du fait accompli et aux tentatives de prendre le pouvoir par la force . Nous avons parlé des droits linguistiques qu’il faut défendre. C’est vrai, il y aura beaucoup à faire dans ce domaine, avec la participation éventuelle d’organismes internationaux. Mais nous devons comprendre une chose dès maintenant : il faut renoncer à tout plan, toute intention ou toute habitude d’imposer par la violence une philosophie, une culture ou une vision du monde à d’autres personnes. Il s’agit d’une pratique antidémocratique et qui pourrait avoir des conséquences très graves en Ukraine.
Sur un plan plus pratique, l’un de mes collègues a dit que nous ne pouvons pas parler de l’accord du 21 février parce que Yanukovych est parti. Et alors ? Notre objectif n’est pas de rétablir Yanukovych dans ses fonctions, même s’il n’est pas dit qu’il ne reviendra pas au pouvoir, qu’il ne retournera jamais dans sa résidence de Kiev et ne dirigera plus l’État. Mais, nous continuons de soutenir, pour les raisons que j’ai expliquées, qu’à l’heure actuelle, il reste le Président légitime de l’Ukraine. Toutefois la question n’est pas de savoir si Yanukovych reviendra ou non. L’important est de définir des paramètres démocratiques en vue du règlement de la crise en Ukraine. Il ne s’agit pas de remettre soudainement une loi au goût du jour, il faut une réforme constitutionnelle. Ces 15 dernières années, les lois en Ukraine ont constamment changé, ce qui est peut-être l’une des raisons des troubles politiques.Il faut un processus entre les différentes forces politiques, entre les différentes régions.
Le Parti des régions a été chassé, et par conséquent, certains pensent qu’il n’existe plus. Il existe bel et bien. Le Parti des régions a beaucoup de partisans dans l’est du pays . La partie orientale du pays est le principal centre industriel de l’Ukraine. Là est le véritable enjeu. Voilà ce qu’il faut faire, outre la nécessité d’arrêter de recourir à la violence pour régler ce problème.
La Présidente : La représentante des États-Unis a demandé la parole pour faire une nouvelle déclaration.
Mme Power (États-Unis d’Amérique) (parle en anglais) : En réponse aux commentaires de mon collègue russe, je voudrais juste faire quelques observations. Tout d’abord, je voudrais réagir à ses commentaires sur la légitimité du Président Yanukovych et sur l’accord du 21 février, sur lequel il est revenu à plusieurs reprises.
Je tiens à dire clairement que nous saluons le travail accompli par la France, l’Allemagne et la Pologne, qui ont déployé des efforts de médiation et négocié cet accord, pendant que la Russie jouait surtout un rôle d’observateur. Nous aurions été disposés à appuyer la mise en œuvre de cet accord. En vertu de cet accord, le Président Yanukovych avait 24 heures pour signer le premier texte réclamé par la Rada : la modification de la Constitution en vertu de l’accord du 21 février . Non seulement le Président Yanukovych n’a pas signé ce texte, mais comme mon collègue russe nous l’a rappelé, il a quitté la ville. De fait, il a pris la fuite et quitté la ville. Il a fait ses bagages et ceux de sa famille et il a quitté le siège de la présidence, qui est resté vacant pendant deux jours alors que son pays était en crise. Il a également laissé beaucoup de preuves de corruption et des sommes exorbitantes d’argent qu’il a volées au peuple ukrainien. Dans ce contexte, par 371 voix, la Rada a démocratiquement relevé Yanukovych de ses fonctions, et son propre parti s’est retourné contre lui. Voilà ce qui s’est passé.
En ce qui concerne le présent, nous avons entendu aujourd’hui – à l’exception d’un seul membre du Conseil de sécurité, à savoir la Fédération de Russie – l’expression d’un appui massif à l’intégrité territoriale de l’Ukraine et au dialogue pacifique. La Russie dispose de nombreuses options pour protéger les droits des minorités russes et pour répondre aux préoccupations qui ont été exprimées ; de nombreuses options, qui n’incluent pas une intervention militaire. Par conséquent, je voudrais poser aujourd’hui à la Russie les questions suivantes, des questions très simples. Pourquoi ne pas appuyer la médiation internationale ? Pourquoi cela n’a-t-il pas été évoqué dans leurs remarques d’aujourd’hui ? Pourquoi ne pas appuyer une mission d’observation ? Pourquoi ne pas dialoguer directement avec les autorités ukrainiennes qui veulent régler la crise par des moyens pacifiques ? Pourquoi ne pas retirer leurs forces au lieu de déployer des effectifs supplémentaires ? Pourquoi ne pas faire tout cela ?
Lorsque, face à une crise de ce genre, l’intervention militaire est le premier recours, il est difficile de ne pas conclure que la Russie ne veut pas la paix et ne veut pas d’une solution diplomatique. Pourquoi choisir l’intervention militaire alors que les conséquences pourraient être dévastatrices ? Seul quelqu’un qui a peur de la vérité peut craindre le déploiement d’observateurs dans le but précis d’établir la vérité et d’en rendre compte. C’est tout ce que j’ai à dire.
La Présidente : Le représentant de la France a demandé la parole pour faire une nouvelle déclaration.
M. Araud (France) : Cela fait quatre ans et demi que j’ai l’honneur de siéger au Conseil de sécurité. Cela fait quatre ans et demi que j’ai l’honneur de travailler avec le Représentant de la Fédération de Russie. Cela fait quatre ans et demi que j’entends le Représentant de la Fédération de Russie invoquer à toute occasion la non- ingérence dans les affaires intérieures d’un pays. Dès que nous parlons de droits de l’homme dans un pays, aussitôt, le Représentant de la Fédération de Russie nous dit qu’il ne faut surtout pas s’ingérer dans les affaires intérieures d’un pays. Or je viens d’entendre un discours qui n’est rien d’autre que de l’ingérence dans les affaires intérieures de l’Ukraine. J’ai la faiblesse de rappeler qu’il faut une certaine cohérence dans les politiques étrangères que nous sommes amenés à suivre. Tout ce que la Russie vient de dire est une ingérence dans les affaires intérieures de l’Ukraine.
Deuxièmement, le Représentant permanent de la Fédération de Russie nous dit que la décision de l’entrée des forces armées russes en Ukraine n’a pas encore été mise en œuvre. Enfin, honnêtement, tout le monde sait que l’armée russe contrôle la République de Crimée. C’est un fait. Certes, ces forces n’ont pas eu besoin de rentrer en Ukraine, car elles y étaient déjà. Mais à l’heure actuelle, l’armée russe occupe l’Ukraine. C’est un fait. Il s’avère qu’Internet et la télévision existent, et que d’ailleurs les soldats russes ne se cachent même pas d’occuper l’Ukraine et d’entourer les bases de l’armée ukrainienne .
Troisièmement, une habitude, qui remonte d’ailleurs assez loin, consiste à toujours traiter son opposant de nazi avant de s’en débarrasser. C’est quelque chose que les soviétiques savaient faire. Non, tous les manifestants qui ont manifesté à Kiev ne sont pas des nazis. Dans leur immense majorité, ils ne sont pas d’extrême droite, ils ne sont pas des radicaux nationalistes. D’ailleurs, si on veut en avoir la preuve, c’est simple : des élections peuvent avoir lieu le 25 mai. Elles peuvent avoir lieu sous supervision internationale, sous supervision de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Faisons alors voter les Ukrainiens, ils décideront, sous supervision de l’OSCE, quel avenir ils veulent.
Enfin, je dois avouer que je suis très ému par l’attachement de la Fédération de Russie à l’accord du 21 février, accord que la Fédération de Russie, en son temps, avait refusé. Je le répète, c’est un accord que la Fédération de Russie avait refusé d’endosser et que, maintenant, elle invoque à tout moment. Il vaut mieux tard que jamais trouver le chemin de la sagesse.
La Présidente : Le représentant de la Fédération de Russie a demandé à prendre une nouvelle fois la parole .
M. Churkin (Fédération de Russie) (parle en russe) : Je ne devrais pas commenter des détails aussi insignifiants, mais ma collègue Mme Power a laissé entendre dans sa déclaration que nous nous opposions à quelque chose auquel nous ne nous opposons pas. Nous n’excluons pas le rôle de certaines structures internationales. J’ai expliqué pourquoi cela pourrait ne pas être suffisant .
Surtout, je demanderai à mon collègue français de s’abstenir d’utiliser des hyperboles. Nous n’en avons pas besoin. En outre, je n’ai pas dit que la majorité des personnes qui manifestent dans la rue à Kiev étaient des nationalistes radicaux. Bien sûr que c’est une minorité, mais le problème c’est que ce sont eux qui ont non seulement donné le ton mais également joué la partition. Ils ont maintenant pris le contrôle de certaines fonctions du pouvoir à Kiev et, avec leurs provocations, ils rendent nerveuses les personnes de l’est et du sud de l’Ukraine et en Crimée. Je crois que ces propos suffisent.
La Présidente : Le représentant du Royaume-Uni a demandé la parole pour faire une autre déclaration. Je la lui donne .
Sir Mark Lyall Grant (Royaume-Uni) (parle en anglais) : Je ne veux pas prolonger le débat d’aujourd’hui mais je dois exprimer mon désaccord avec certains des propos tenus par l’Ambassadeur russe.
Soyons clairs sur ce qui se passe en Crimée. Les forces russes ont pris le contrôle, par la force, des aéroports militaires et civils et des infrastructures. Elles ont dressé des barrages routiers et fait pression sur les responsables militaires ukrainiens pour qu’ils changent de camp. Elles ont lancé des ultimatums à d’autres unités ukrainiennes pour qu’elles se rendent. Elles ont bloqué des ports ukrainiens et considérablement renforcé leurs forces militaires le long de la frontière russo-ukrainienne .
Rien dans le droit international ou dans l’Accord conclu entre l’Ukraine et la Fédération de Russie sur le statut et les conditions de la présence de la flotte de la mer Noire de la Fédération de Russie sur le territoire ukrainien ne justifie cette action militaire. Comme l’établit très clairement l’article 6 de cet accord : « Les formations militaires respecteront la souveraineté de l’Ukraine, se conformeront aux lois ukrainiennes et n’interviendront pas dans les affaires intérieures de l’Ukraine. » Quelle partie de cet accord justifie-t-elle l’action militaire que la Russie mène actuellement en Crimée ?
Mon collègue russe vient de dire que la Fédération de Russie n’est pas opposée à l’idée d’une mission d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe à l’est de l’Ukraine et en Crimée. Peut-il donc maintenant confirmer que la Fédération de Russie accepte le déploiement d’une telle mission dans les prochains jours ?
La Présidente : Le représentant de la Fédération de Russie a demandé à prendre une nouvelle fois la parole .
M. Churkin (Fédération de Russie) (parle en russe) : Nous ne sommes pas à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Je ne peux pas parler de l’OSCE. Nous ne parlons pas de l’OSCE. Elle a ses propres fonctions. Nous avons appuyé la mission de M. Eliasson en Ukraine. S’agissant d’une mission de l’OSCE, cette question doit être examinée. J’approuve ce que M. Sergeyev a dit plus tôt sur le fait qu’il y a beaucoup trop de désinformation et beaucoup trop d’affirmations qui ne sont pas confirmées dans la réalité. Je ne vais pas entrer dans le détail mais une grande partie de ce que mon collègue britannique, Sir Mark Lyall Grant, a dit concernant la situation en Crimée ne correspond pas à la réalité.
La Présidente : Le représentant de l’Ukraine a demandé la parole pour faire une autre déclaration. Je la lui donne .
M. Sergeyev (Ukraine) : Je vais encore parler en russe pour être bien entendu .
(l’orateur poursuit en russe)
J’appuie ce qu’a dit l’Ambassadeur Churkin au sujet de la nécessité de parler ouvertement et d’être totalement honnête. Je voudrais simplement apporter des précisions sur certains points de sa déclaration qui n’étaient pas clairs .
Premièrement, concernant l’occupation ou la menace d’occupation de la laure de Kiev-Petchersk, rattachée canoniquement au patriarcat de Moscou, quand les premiers troubles ont éclaté, le monastère a reçu des informations selon lesquelles il pourrait être la cible de provocations. Le monastère a fait une déclaration ce même jour, qu’il a répétée le jour suivant, indiquant qu’il était protégée de l’extérieur par des gens ordinaires de la place Maïdan afin de prévenir toute provocation. Voilà quelle a été sa réponse : les manifestants protégeaient la laure contre de possibles provocations .
Pour ce qui est de la flotte de la mer Noire, j’ai devant moi une note relative à notre traité, qui prévoit que le nombre des effectifs de la flotte de la mer Noire s’établit à 11 000 hommes, y compris 2 000 membres de la marine et 5 300 autres soldats des forces armées russes. Ce qu’il faut bien retenir c’est qu’en décembre 2013, notre ministère s’est vu notifier par la partie russe que les effectifs de la flotte de la mer Noire seraient maintenus à 11 000 hommes.
Je voudrais maintenant revenir sur ce qu’a dit l’Ambassadeur de la Jordanie. Il a cité l’annexe à la résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale définissant l’agression. L’article 3 de l’annexe contient une liste non exhaustive d’actes réunissant les conditions d’un acte d’agression. Cette liste indique notamment que si des forces armées d’un État – la Russie par exemple, et dans le cas présent, la flotte de la mer Noire – qui sont stationnées sur le territoire d’un autre État – l’Ukraine par exemple – avec l’accord de l’État d’accueil, et que le nombre des effectifs autorisés et leur emplacement sont précisés mais qu’ils ne sont pas respectés, sans l’accord de l’État d’accueil, il s’agit d’une agression. À cet égard, je fais non seulement référence au nombre de forces militaires qui ont violé l’espace aérien de l’Ukraine, à savoir les 14 hélicoptères militaires M-40 qui ne faisaient pas partie de la flotte de la mer Noire, et les nombreux autres avions de transport qui ont violé notre espace aérien. Les effectifs militaires sur notre territoire ont donc été renforcés, contrairement à tous nos accords. Il s’agit bien d’une agression.
Concernant la langue, il y a beaucoup de spéculations. Mon gouvernement et moi avons expliqué à la presse et à un grand nombre de mes collègues qu’en 1992, la première loi adoptée par l’Ukraine indépendante concernait les minorités nationales. Cette loi garantit l’égalité de droits et la protection des intérêts nationaux de tous les groupes ethniques, y compris les minorités linguistiques. La loi fondamentale adoptée en 2012 sous la pression de l’ancien Gouvernement ukrainien n’a tenu aucun compte des plus de 2 000 amendements qui avaient été présentés, et l’opposition a refusé de participer au vote .
Nous n’avions nul besoin de ce texte parce que la loi de 1992 et la Constitution suffisaient. Je voudrais rappeler que lorsque l’Ukraine est entrée au Conseil de l’Europe, elle s’est engagée à signer et ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. La Charte ne parle pas de langues des minorités, mais bien de « langues minoritaires ». Les précédents gouvernements ont réinterprété la Charte, en affirmant qu’elle devait s’appliquer non seulement aux langues telles que le tatar de Crimée, le karaïm et d’autres qui ont besoin d’être protégées, mais également à toutes les langues des minorités nationales protégées par la loi. Nous avons donc abrogé cette loi et le Gouvernement a annoncé que le Parlement allait de nouveau examiner la ratification de la Charte, ce que nous avons entrepris de faire. Cette charte, nous l’avons donc signée et ratifiée. Je signale au passage qu’ à ce jour, la Fédération de Russie n’a toujours pas ratifié la Charte, alors que nous, nous l’avons fait. Pour ce qui est des langues qui ne sont pas associées à un territoire donné et ne sont pas considérées comme officielles, nous les défendrons sous peine de les voir disparaître, car elles comptent peu de locuteurs .
Concernant le Parti des régions, malheureusement, ce qui a été dit est faux. Le Parti des régions, l’ancien parti au pouvoir, est un groupe important du Parlement actuel. De plus, l’un des leaders de ce groupe, M. Tygipko, a annoncé qu’il serait candidat à la présidence. Or, personne ne l’a entendu. Le parti au pouvoir a qualifié son ancien chef, M. Yanukovych, de lâche et de traître, ce qu’il est. Ce commentaire ne concernait pas le Parlement. Le Parlement a été élu il y a longtemps en toute légalité, et non pas de façon révolutionnaire. Il a tous les pouvoirs nécessaires pour nommer le gouvernement. Il jouit de toutes les compétences pour organiser des élections. Aujourd’hui, on a annoncé que l’élection présidentielle aura lieu le 25 mai. Qu’on nous laisse donc une chance de travailler, et d’apprendre à vivre tous ensemble et à gouverner.
Je conviens que nous avons besoin d’aide pour pouvoir sortir de cette crise, qui dure depuis des années, et permettre au pays de construire son avenir de façon à ce que la population n’ait pas honte d’y vivre. Nous avons besoin de cette aide pour bâtir une société civile et, bien entendu, nous invitons tout le monde à nous prêter main forte et à venir voir comment nous nous en sortons, mais en revanche pas à s’ingérer dans nos affaires alors que nous n’avons rien demandé.
La Présidente : Il n’y a pas d’autre orateur inscrit sur ma liste. Le Conseil de sécurité a ainsi achevé la phase actuelle de l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.
La séance est levée à 17 h 35.
Restez en contact
Suivez-nous sur les réseaux sociaux
Subscribe to weekly newsletter